Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : LS c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2024 TSS 1710

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : L. S.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (657746) datée du 25 avril 2024 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Gary Conrad
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 5 décembre 2024
Personne présente à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 10 décembre 2024
Numéro de dossier : GE-24-3517

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli en partie.

[2] L’appelante ne peut pas recevoir de prestations régulières d’assurance-emploi du 20 juin 2022 au 19 octobre 2022 parce qu’elle était toujours malade et incapable de travailler. Si une personne ne peut pas travailler du tout, elle n’est pas disponible à cette fin.

[3] De plus, elle ne peut pas recevoir de prestations régulières d’assurance-emploi du 20 octobre 2022 au 6 novembre 2022, car elle était capable de retourner travailler à ce moment-là, mais elle a choisi de retarder son retour afin de terminer tous ses rendez-vous médicaux. Il s’agit d’une condition personnelle qui limitait indûment ses chances de retourner sur le marché du travail.

[4] Toutefois, elle a prouvé qu’elle était à la fois capable d’occuper un emploi convenable et disponible à cette fin à partir du 7 novembre 2022. Par conséquent, l’appelante ne devrait pas être inadmissible au bénéfice des prestations à partir du 7 novembre 2022.

Aperçu

[5] L’appelante travaillait comme préposée aux services de soutien à la personne lorsqu’elle a subi d’une crise cardiaque catastrophique, si grave qu’elle a été déclarée morte à un moment donné. Elle a également souffert de complications à la suite de sa crise cardiaque. L’une d’entre elles a nécessité l’amputation de trois doigts.

[6] Par la suite, l’appelante a demandé et reçu des prestations de maladie de l’assurance-emploi.

[7] Après avoir reçu le montant maximal de prestations de maladie autorisé par la loi, elle a demandé que ses prestations soient converties en prestations régulières, car elle avait entrepris un retour progressif au travail.

[8] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a décidé que l’appelante n’était pas admissible au bénéfice des prestations régulières d’assurance-emploi à partir du 20 juin 2022 parce qu’elle n’a pas prouvé qu’elle était disponible pour travailler.

[9] La Commission soutient que l’appelante était limitée à travailler des journées partielles pendant une certaine période, ce qui démontre qu’elle n’était pas capable de travailler.

[10] De plus, la Commission affirme que l’appelante n’est pas immédiatement retournée au travail lorsqu’elle a reçu l’autorisation de le faire et qu’elle n’a également pas immédiatement commencé à travailler à temps plein lorsqu’elle a reçu l’autorisation de le faire, ce qui démontre qu’elle ne désirait pas travailler et qu’elle s’est imposé des conditions qui ont limité sa capacité travailler.

[11] L’appelante déclare qu’elle a travaillé dans la mesure où son état de santé et son médecin le lui permettaient. 

[12] Je dois décider si l’appelante a prouvé qu’elle est disponible pour travailler. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. En d’autres termes, elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’elle est disponible pour travailler.

Questions que je dois examiner en premier

Inadmissibilité au titre de l’article 50(8)

[13] Dans ses observations, la Commission affirme avoir déclaré l’appelante inadmissible au titre de l’article 50(8) de la Loi sur l’assurance-emploi. Cet article concerne les personnes incapables de démontrer à la Commission qu’elles ont fait des démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi convenable.

[14] Lorsque j’examine la preuve, je ne vois pas que la Commission a demandé à l’appelante de démontrer qu’elle avait fait des démarches habituelles et raisonnables ni qu’elle a expliqué à l’appelante le type de preuve à fournir pour démontrer qu’elle avait fait de telles démarches.

[15] Je ne suis pas lié par la décision TM c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2021 TSS 11, mais je trouve que le raisonnement qui en ressort est convaincant. La Commission doit demander expressément une preuve à l’appelante et lui expliquer quel type de renseignement nécessaire satisfait à la notion de « démarches habituelles et raisonnables ».

[16] Je ne vois pas non plus de discussion sur les démarches habituelles et raisonnables au cours du processus de révision, ni de mention explicite sur l’inadmissibilité au titre de l’article 50(8) ou sur l’absence de démarches habituelles et raisonnables dans la décision de révisionNote de bas de page 1.

[17] Comme rien ne montre que la Commission a demandé à l’appelante de démontrer qu’elle avait fait des démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi convenable au titre de l’article 50(8), on ne peut pas dire que la Commission a déclaré l’appelante inadmissible par application de cet article. Ce n’est donc pas quelque chose dont je dois tenir compte.

Question en litige

[18] L’appelante est-elle disponible pour travailler?

Analyse

Capable de travailler et disponible pour le faire

Capable de travailler

[19] Pour être considérée comme étant disponible pour travailler au sens de la loi, l’appelante doit démontrer qu’elle est capable de travaillerNote de bas de page 2.

[20] Je conclus que l’appelante est capable de travailler, mais seulement à partir du 20 octobre 2022.

[21] Je conclus que l’appelante est incapable de travailler pour la période allant du 20 juin 2022 au 19 octobre 2022. Voici pourquoi.

[22] L’appelante a déclaré avoir subi une crise cardiaque catastrophique, si grave qu’elle a été déclarée morte pendant un certain temps. Elle a également souffert de complications à la suite de sa crise cardiaque, nécessitant l’implantation d’un stimulateur cardiaque et l’amputation de trois doigts.

[23] L’appelante a déclaré qu’elle n’était pas capable de travailler du 20 juin 2022 au 19 octobre 2022. Elle ne s’était pas encore remise de l’amputation de ses doigts ni de l’implantation du stimulateur cardiaque.

[24] Elle dit qu’à ce moment-là, elle pensait qu’elle ne travaillerait plus jamais.

[25] Elle a également dit à la Commission qu’elle n’était pas autorisée à retourner au travail avant le 20 octobre 2022Note de bas de page 3.

[26] Je juge que le témoignage de l’appelante est appuyé par les renseignements fournis par son médecin. En effet, un premier formulaire d’aptitude au travail daté du 20 octobre 2022 confirme qu’elle est capable de travailler. Il indique qu’elle peut retourner au travail avec des tâches modifiées et des heures modifiées, soit 5 heures par jour, 3 jours par semaineNote de bas de page 4.

[27] Un deuxième formulaire d’aptitude daté du 29 novembre 2022 rempli par son médecin indique que l’appelante doit conserver des tâches modifiées, mais qu’elle peut reprendre ses heures de travail habituelles.

[28] Selon son témoignage et l’avis de son médecin, j’estime donc qu’à partir du 20 octobre 2022, l’appelante est capable de travailler.

[29] Toutefois, comme elle n’était pas capable de travailler avant le 20 octobre 2022, cela signifie que du 20 juin 2022 au 19 octobre 2022, elle n’était pas disponible pour travailler, car pour satisfaire au critère de disponibilité, l’appelante doit également être capable de travaillerNote de bas de page 5.

[30] Il est vrai qu’elle était incapable de travailler pour des raisons indépendantes de sa volonté (une crise cardiaque grave), mais la Cour d’appel fédérale a déclaré que si une personne est aux prises avec un empêchement ayant pour effet d’entraver sa capacité de travailler, la justification de cette incapacité n’a pas d’importanceNote de bas de page 6.

[31] L’appelante devrait donc être exclue du bénéfice des prestations pour la période du 20 juin au 19 octobre 2022.

Disponible pour travailler

[32] La jurisprudence établit trois éléments que je dois examiner pour décider si une personne est disponible pour travailler, mais incapable de trouver un emploi convenable. La personne doit prouver les trois éléments suivantsNote de bas de page 7 :

  1. a) elle veut retourner travailler aussitôt qu’un emploi convenable lui est offert;
  2. b) elle fait des démarches pour trouver un emploi convenable;
  3. c) elle évite d’établir des conditions personnelles qui limiteraient indûment (c’est‑à‑dire limiteraient trop) ses chances de retourner travailler.

[33] Lorsque j’examine chacun de ces éléments, je dois regarder l’attitude et la conduite de l’appelante pendant toute la période d’inadmissibilité (à partir du 20 juin 2022)Note de bas de page 8.

Vouloir retourner travailler

[34] Je conclus que l’appelante a démontré qu’elle veut retourner travailler aussitôt qu’un emploi convenable lui est offert. J’estime que le fait qu’elle soit retournée au travail, même après avoir souffert d’une maladie aussi grave, et avec autant de restrictions, démontre son désir de travailler. 

Faire des démarches pour trouver un emploi convenable

[35] L’appelante doit seulement occuper un emploi convenable. Un emploi convenable est un emploi où l’état de santé et les capacités physiques de la personne lui permettent d’effectuer le travailNote de bas de page 9. 

[36] Je juge que l’appelante a fait des efforts pour trouver un emploi convenable, car une fois que son médecin l’a autorisée à reprendre le travail, elle est retournée chez le même employeur que celui pour lequel elle travaillait avant sa crise cardiaque, avec les mesures d’adaptation nécessaires pour tenir compte de ses restrictions physiques.

[37] Le fait que l’appelante ait obtenu un emploi et qu’elle ait continué à travailler à ce poste jusqu’à ce jour montre clairement que ses efforts pour obtenir un emploi étaient suffisants.

Limiter indûment ses chances de retourner travailler

[38] J’estime que l’appelante a établi une condition personnelle qui limiterait indûment ses chances de retourner travailler, mais seulement du 20 octobre 2022 au 7 novembre 2022.

[39] Même si je ne suis pas lié par la décision de la division d’appel Commission de l’assurance-emploi du Canada c KJ, 2022 TSS 339, je trouve son raisonnement convaincant, de sorte que certaines restrictions à la disponibilité d’une personne sont causées par des facteurs indépendants de sa volonté. Je dois donc examiner si une personne a imposé elle-même des restrictions à sa disponibilité.

[40] J’estime que même si l’appelante a des restrictions quant au type de travail qu’elle peut effectuer, elle n’a pas établi de condition personnelle limitant son travail. Elle n’a pas choisi de faire une crise cardiaque grave ou de se faire amputer de trois doigtsNote de bas de page 10, et elle n’a pas choisi les restrictions dont elle souffre à la suite de sa crise cardiaque ni les complications qui en découlent.

[41] Elle ne peut pas contrôler les restrictions qu’elle a quant au type de travail qu’elle peut effectuer.

[42] De plus, l’appelante n’est pas totalement incapable de travailler malgré ses restrictions, puisque son médecin affirme qu’elle est capable de travailler avec des tâches modifiéesNote de bas de page 11. Elle est également retournée au travail, ce qui démontre qu’elle est capable de travailler malgré ses restrictions.

[43] De plus, la loi permet à l’appelante d’avoir des restrictions en raison de sa maladie, car elle est seulement tenue de chercher et d’accepter un emploi convenable, c’est-à-dire un emploi que sa santé et ses capacités physiques lui permettent d’exercerNote de bas de page 12. Cela signifie qu’elle ne peut pas être punie pour une restriction autorisée par la loi.

[44] Par conséquent, toute restriction à sa capacité de travailler, comme le fait de ne pouvoir travailler qu’avec des tâches modifiées ou des heures de travail réduites, n’est pas une condition personnelle, puisque cela découle de quelque chose sur lequel elle n’a absolument aucun contrôle (sa maladie et les complications qui en résultent). Il s’agit également d’une restriction autorisée par la loi.

[45] Cependant, même en tenant compte de cela, quelques points litigieux doivent être abordés.

[46] Premièrement, même si l’appelante a reçu l’autorisation de retourner au travail à temps partiel le 20 octobre 2022, elle affirme qu’elle n’a pas recommencé à travailler avant le 7 novembre 2022Note de bas de page 13.

[47] Je lui ai demandé pourquoi elle ne l’avait pas fait immédiatement si elle avait reçu l’autorisation de retourner au travail. Elle a répondu qu’elle avait encore des rendez-vous médicaux et qu’elle a donc attendu qu’ils soient terminés avant de reprendre le travail.

[48] Je juge qu’il s’agissait d’une condition personnelle qui a indûment limité ses chances de retourner travailler. Elle avait l’autorisation de reprendre le travail, mais elle a choisi de ne pas le faire avant la fin de ses rendez-vous médicaux. De toute évidence, choisir de ne pas travailler a indûment limité ses chances de retourner travailler.

[49] Par conséquent, elle devrait être exclue du bénéfice des prestations pour la période du 20 octobre 2022 au 6 novembre 2022.

[50] Le deuxième point litigieux est que l’appelante affirme que son médecin lui a dit qu’elle pouvait retourner travailler à temps plein à partir du 29 novembre 2022, mais qu’elle n’a pas commencé à travailler à temps plein avant mars 2023Note de bas de page 14.

[51] J’ai demandé à l’appelante pourquoi elle n’avait pas immédiatement commencé à travailler à temps plein. Elle m’a répondu qu’en raison de son état de santé, elle ne se sentait pas capable de travailler à temps plein avant mars 2023.

[52] Elle explique qu’elle venait de traverser une période critique (une crise cardiaque si grave qu’elle a été déclarée morte à un moment donné) et qu’elle ne voulait pas que son état de santé se détériore à nouveau. Elle a donc dû y aller doucement, malgré ce que son médecin a dit, afin de ne pas se blesser à nouveau.

[53] J’estime que le fait que l’appelante a retardé à reprendre son travail à temps plein n’est pas une condition personnelle qui a indûment limité ses chances de retourner travailler.

[54] D’abord, elle travaillait déjà, alors il est clair que cela n’a pas indûment limité ses chances de retourner travailler.

[55] Deuxièmement, rien dans la loi n’indique qu’une personne doit travailler à temps plein pour être considérée comme disponible.

[56] Troisièmement, le médecin affirme avoir suggéré à l’appelant de continuer à effectuer des tâches modifiées à des heures régulièresNote de bas de page 15. Le mot « suggère » signifie pour moi que l’appelante a été encouragée à essayer de travailler des heures régulières. En d’autres termes, il n’est pas gravé dans la pierre qu’elle était tout à fait capable de travailler à temps plein à ce moment-là, mais simplement que c’est quelque chose que le médecin croit qu’elle est capable de faire, alors elle devrait l’essayer.

[57] En résumé, l’appelante ne refusait pas de travailler à temps plein, puisqu’elle a repris le travail à temps plein. C’est simplement qu’elle n’était pas suffisamment rétablie pour travailler à temps plein avant mars 2023. La cause de ce retard n’était pas imputable à l’appelante, car sa maladie et les répercussions qu’elle a eues sur elle sont indépendantes de sa volonté.

L’appelante est-elle donc capable de travailler et disponible pour le faire?

[58] Selon mes conclusions sur les trois points litigieux, je conclus ce qui suit.

[59] L’appelant n’était pas du tout capable de travailler du 20 juin 2022 au 19 octobre 2022. Cela signifie qu’elle devrait être inadmissible pour cette période.

[60] Elle n’était pas disponible pour la période du 20 octobre au 6 novembre 2022, car elle était en mesure de retourner au travail à ce moment-là, mais elle a choisi de retarder son retour afin de pouvoir se rendre à tous ses rendez-vous médicaux. Il s’agit d’une condition personnelle (elle a choisi de ne pas travailler à ce moment-là) qui a indûment limité ses chances de retourner travailler. Cela signifie qu’elle devrait être inadmissible pour cette période.

[61] Toutefois, à compter du 7 novembre 2022, je conclus que l’appelant est capable de travailler et qu’elle satisfait à tous les critères de disponibilité. Cela signifie qu’elle ne devrait pas être inadmissible pour cette période et qu’elle peut donc recevoir des prestations.

Conclusion

[62] L’appel est accueilli en partie.

[63] L’appelante ne peut pas recevoir de prestations régulières d’assurance-emploi du 20 juin 2022 au 6 novembre 2022 parce qu’elle n’a pas prouvé qu’elle était capable de travailler et disponible pour le faire pour cette période.

[64] Cependant, elle a prouvé qu’elle était capable d’occuper un emploi convenable et disponible à cette fin à compter du 7 novembre 2022. Par conséquent, l’appelante ne devrait pas être inadmissible au bénéfice des prestations à compter du 7 novembre 2022.

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