Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : BB c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2024 TSS 1721

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : B. B.
Représentante ou représentant : R. B.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (659484) datée du 25 avril 2024 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Susan Stapleton
Mode d’audience : En personne
Date de l’audience : Le 19 juin 2024
Participant à l’audience : Appelante
Représentant de l’appelante
Date de la décision : Le 22 juillet 2024
Numéro de dossier : GE-24-1758

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli.

[2] L’appelante a démontré qu’elle était fondée (c’est-à-dire qu’elle avait une raison acceptable selon la loi) à quitter son emploi quand elle l’a fait. Elle était fondée à quitter son emploi parce que son départ était la seule solution raisonnable dans son cas. Par conséquent, elle n’est pas exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Aperçu

[3] L’appelante a quitté son emploi en Ontario le 5 janvier 2024. Elle a déménagé en Nouvelle-Écosse avec ses parents le 16 janvier 2024. Elle a demandé des prestations d’assurance-emploi le 5 février 2024.

[4] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a examiné les raisons du départ de l’appelante. Elle a décidé qu’elle avait quitté volontairement son emploi (c’est-à-dire qu’elle avait choisi de quitter son emploi) sans justification. Par conséquent, elle ne pouvait pas lui verser de prestations.

[5] Je dois décider si l’appelante a prouvé que quitter son emploi était la seule solution raisonnable dans son cas.

[6] La Commission affirme que l’appelante n’avait pas à déménager avec ses parents pour prendre soin d’eux. Elle dit qu’elle a fait un choix personnel de déménager. Elle affirme qu’au lieu de quitter son emploi au moment où elle l’a fait, l’appelante aurait pu louer un logement en Ontario, ne serait-ce que temporairement, jusqu’à ce qu’elle trouve un emploi en Nouvelle-Écosse. Elle dit qu’elle aurait pu commencer à chercher du travail en Nouvelle-Écosse plus tôt qu’en octobre 2023, parce qu’elle savait depuis deux ans que ses parents déménageraientNote de bas de page 1.

[7] L’appelante n’est pas d’accord. Elle dit qu’il n’était pas financièrement possible pour elle de rester en Ontario. Ses parents ont des problèmes de mobilité mineurs à graves, et il serait préférable qu’elle soit avec eux en Nouvelle-Écosse. Elle dit que son père a décidé qu’il était préférable qu’elle déménage en Nouvelle-ÉcosseNote de bas de page 2.

Question en litige

[8] L’appelante est-elle exclue du bénéfice des prestations parce qu’elle a quitté volontairement son emploi sans justification?

[9] Pour répondre à cette question, je dois d’abord examiner la question du départ volontaire de l’appelante. Je dois ensuite décider si l’appelante était fondée à quitter son emploi.

Analyse

Les parties conviennent que l’appelante a quitté volontairement son emploi

[10] J’admets que l’appelante a quitté volontairement son emploi. Elle convient qu’elle a démissionné le 5 janvier 2024. Je ne vois aucune preuve qui contredise cela.

Les parties ne sont pas d’accord sur le fait que l’appelante était fondée à quitter volontairement son emploi

[11] Les parties ne sont pas d’accord sur le fait que l’appelante était fondée à quitter volontairement son emploi au moment où elle l’a fait.

[12] La loi prévoit qu’une personne est exclue du bénéfice des prestations si elle quitte volontairement son emploi sans justificationNote de bas de page 3. Il ne suffit pas d’avoir une bonne raison de quitter un emploi pour prouver que l’on était fondé à le faire.

[13] La loi explique ce que signifie « être fondé à ». Selon la loi, une personne est fondée à quitter son emploi si son départ était la seule solution raisonnable dans son cas. Elle dit qu’il faut tenir compte de toutes les circonstancesNote de bas de page 4.

[14] C’est à l’appelante de prouver qu’elle était fondée à quitter volontairement son emploi. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que quitter son emploi était la seule solution raisonnable qui s’offrait à elleNote de bas de page 5.

[15] Pour décider si l’appelante était fondée à quitter son emploi, je dois examiner toutes les circonstances entourant son départ. La loi énonce certaines des circonstances que je dois examinerNote de bas de page 6.

[16] Après avoir établi quelles circonstances s’appliquent à l’appelante, celle-ci doit démontrer que son départ était la seule solution raisonnable qui s’offrait à elle à ce moment-làNote de bas de page 7.

Les circonstances entourant la démission de l’appelante

[17] L’appelante affirme que deux des circonstances prévues par la loi s’appliquent dans son cas. Plus précisément, elle affirme que l’une des raisons pour lesquelles elle a quitté son emploi était de déménager en Nouvelle-Écosse avec ses parents, qui ont des problèmes de mobilitéNote de bas de page 8. Elle affirme également qu’elle avait l’assurance raisonnable d’un emploi en Nouvelle-ÉcosseNote de bas de page 9.

Obligation de prendre soin d’un membre de la famille immédiate

[18] La loi prévoit qu’une partie prestataire qui a l’obligation de s’occuper d’un membre de sa famille immédiate est fondée à quitter son emploi si elle n’a pas d’autre solution raisonnableNote de bas de page 10.

[19] Je conclus que l’appelante n’avait pas l’obligation de s’occuper de ses parents au moment où elle a démissionné.

[20] La Commission affirme que la décision de l’appelante de déménager avec ses parents était une décision personnelle. Elle dit que même si l’appelante a affirmé que ses parents avaient des problèmes de mobilité et qu’ils avaient besoin d’elle, elle a avoué plus tard qu’elle ne se sentait pas à l’aise qu’ils vivent seuls dans une région aussi rurale. Cela me porte à croire que la décision d’accompagner ses parents découlait plutôt d’un choix personnel que d’une nécessité. L’appelante a déclaré qu’elle avait cherché un logement à louer en Ontario après que ses parents aient déménagé. Selon la Commission, cela démontre qu’elle n’avait pas à déménager avec ses parents pour s’occuper d’eux. Elle affirme que même s’il est possible que l’appelante estimait que suivre ses parents était la meilleure décision financière et morale qu’elle devait prendre à ce moment-là, cela ne constitue pas une justification pour quitter son emploiNote de bas de page 11.

[21] L’appelante affirme que ses parents avaient besoin qu’elle habite avec eux dans leur nouvelle maison en Nouvelle-Écosse. Ses parents ont tous deux des problèmes de mobilité mineurs à graves, et il est préférable qu’elle demeure avec eux. Son père a décidé qu’il valait mieux qu’elle déménage avec euxNote de bas de page 12.

[22] Dans sa demande de prestations, l’appelante a déclaré avoir quitté son emploi pour suivre ses parents dans une nouvelle résidence. Elle a dit que ses parents ont tous deux des problèmes de mobilité et de la difficulté à monter les escaliers et à soulever des objets lourds. Elle a dit que sa mère a des tremblements et de l’asthme, et que son père n’a pas de cartilage aux genoux, ce qui fait en sorte qu’il a beaucoup de difficulté à marcher. Elle a dit qu’elle ne se sentait pas à l’aise que ses parents vivent seuls dans une région rurale, loin de la famille, si jamais il y avait une urgenceNote de bas de page 13.

[23] L’appelante a dit à la Commission que lorsque ses parents vivaient en Ontario, d’autres membres de la famille leur fournissaient de l’aide. Cependant, lorsqu’ils ont pris leur retraite et déménagé en Nouvelle-Écosse, il fallait qu’une personne les accompagne. Aucun des membres de sa famille ne pouvait déménager avec ses parents, en raison de leur emploi et de leur famille. Ses parents n’avaient pas les moyens d’obtenir de l’aide professionnelleNote de bas de page 14.

[24] Au cours du processus de révision, l’appelante a déclaré à la Commission que ses parents avaient acheté leur nouvelle maison en Nouvelle-Écosse en 2022. Ils devaient emménager en janvier 2024, autrement ils allaient devoir payer beaucoup d’impôts. Elle a cherché un endroit où vivre en Ontario avant que ses parents déménagent, mais elle n’avait pas les moyens de vivre seule en Ontario. Elle n’avait donc d’autre choix que de déménager avec ses parents. L’appelante a dit que ses parents étaient capables de prendre soin d’eux-mêmes, mais qu’elle ne voulait pas qu’ils soient seulsNote de bas de page 15.

[25] Le père de l’appelante, qui est également son représentant, a déposé une lettre à l’appui de son appel. Il a écrit qu’il aurait été trop coûteux pour l’appelante de rester en Ontario et d’y louer un logement. Il a dit que lui et son épouse bénéficiaient du confort d’avoir un certain niveau de soins à domicile et de soutien de leur fille, et qu’en réfléchissant à l’avenir, ils ont décidé qu’il était préférable que l’appelante déménage avec eux. Il a dit que financièrement et moralement, l’appelante n’avait d’autre choix que de déménager avec eux. Il a ajouté que peu de temps après son déménagement, il a eu une crise cardiaque et que son épouse avait besoin du soutien de l’appelante. Il a dit que l’appelante et lui avaient cotisé à l’assurance-emploi pendant de nombreuses années, mais que ses demandes et celles de sa fille avaient toutes deux été rejetées en raison d’un choix qu’il avait fait en son nomNote de bas de page 16.

[26] L’appelante a déclaré qu’elle a toujours vécu avec ses parents et qu’elle les aidait, alors ils n’ont jamais eu à embaucher quelqu’un pour les aider à la maison. Elle ne voulait pas que ses parents aient à payer quelqu’un pour faire un travail qu’elle pouvait faire pour eux. Ses parents n’ont pas besoin de soins personnels, mais ils ont besoin d’aide pour les tâches ménagères plus exigeantes. Son père a des limitations physiques, et il ne peut pas se coucher sur le sol ou monter dans une échelle, et il ne peut pas soulever des objets lourds. Sa mère a de la difficulté à marcher sur de longues distances et à se tenir debout pendant de longues périodes et elle a commencé à développer des tremblements. Elle n’était pas à l’aise qu’ils déménagent à l’autre bout du pays dans une région rurale. Elle craignait que l’un d’eux tombe ou se blesse, et qu’il n’y ait personne pour les aider, parce que les membres de leur famille vivent tous dans d’autres provinces. Si quelque chose se produisait, elle n’aurait pas les moyens de laisser tomber sa vie en Ontario et d’aller en Nouvelle-Écosse pour les aider. Comme elle n’avait pas les moyens de rester seule en Ontario et que ses parents avaient besoin de son aide, il était préférable qu’elle déménage avec eux.

[27] Je juge que l’appelante n’a pas quitté son emploi parce qu’elle avait l’obligation de s’occuper de ses parents. Elle a dit à la Commission que ses parents pouvaient prendre soin d’eux-mêmes, mais qu’elle ne voulait pas qu’ils soient seuls. Elle a déclaré que ses parents n’ont pas besoin de soins personnels, mais qu’ils ont besoin d’aide pour les tâches ménagères plus exigeantes, et qu’elle ne voulait pas qu’ils aient à payer quelqu’un pour faire un travail qu’elle pouvait faire pour eux. Le père de l’appelante a dit qu’il avait décidé que l’appelante déménagerait en Nouvelle-Écosse. Il a dit que son épouse et lui bénéficiaient d’un certain niveau de soins et de soutien à domicile et que l’appelante avait l’obligation morale de vivre avec eux et de les aider au besoin. Il a dit que moralement et financièrement, l’appelante n’avait d’autre choix que de déménager avec eux.

[28] Je reconnais que l’appelante voulait être là pour soutenir et aider ses parents dans leur nouvelle demeure en Nouvelle-Écosse, mais ses sentiments ne sont pas la même chose qu’une obligation. De plus, l’appelante a cherché à louer un logement en Ontario après que ses parents ont déménagé en Nouvelle-Écosse, ce qui ne permet pas de conclure qu’elle avait l’obligation de s’occuper de ses parents. Si elle avait une telle obligation, je juge qu’il est peu probable qu’elle aurait envisagé de rester en Ontario après que ses parents ont déménagé en Nouvelle-Écosse.

[29] Comme il n’y a aucune preuve devant moi que l’appelante était obligée de prendre soin d’un membre de sa famille immédiate, je conclus que l’article 29(c)(v) de la Loi sur l’assurance-emploi ne s’applique pas dans la présente affaire.

Assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiat

[30] La loi prévoit qu’une partie prestataire qui a l’assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiat est fondée à quitter son emploi si son départ était la seule solution raisonnable dans son casNote de bas de page 17.

[31] Le représentant de l’appelante a déclaré que son épouse et lui s’étaient rendus en Nouvelle-Écosse à quelques reprises et qu’ils avaient examiné la situation de l’emploi dans cette région. Ils ont vu des annonces pour travailler chez Tim’s, Subway, un entrepôt de pêche et des stations-service dans la collectivité où ils déménageaient, et ils étaient convaincus qu’il y avait du travail que l’appelante pouvait faire. Ils étaient certains que l’appelante trouverait un emploi dès son arrivée en Nouvelle-Écosse.

[32] L’appelante a déclaré qu’elle avait demandé à son employeur si elle pouvait être transférée à un poste en Nouvelle-Écosse, mais qu’il n’y avait aucun poste en Nouvelle-Écosse où elle pourrait être transférée. Elle a dit qu’elle ne s’était pas rendue en Nouvelle-Écosse avec ses parents pour évaluer les possibilités d’emploi, mais qu’elle se sentait assurée, grâce aux recherches de ses parents et à ses propres recherches, qu’elle serait en mesure d’obtenir un emploi tout de suite.

[33] Pour démontrer qu’elle avait l’assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiat, au sens de la Loi sur l’assurance-emploi, l’appelante doit démontrer trois choses :

  1. lorsqu’elle a démissionné, elle devait savoir qu’elle aurait un autre emploi;
  2. elle devait savoir quel serait cet emploi;
  3. elle devait savoir quand cet emploi commenceraitNote de bas de page 18.

[34] Au moment où elle a démissionné, l’appelante ne savait pas qu’elle aurait un autre emploi, quel serait l’emploi et quand il commencerait. Ses parents et elle croyaient qu’elle trouverait un emploi dès leur arrivée en Nouvelle-Écosse. Toutefois, cela ne suffit pas à démontrer que l’appelante avait l’assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiat.

[35] Par conséquent, je conclus que l’article 29(c)(vi) de la Loi sur l’assurance-emploi ne s’applique pas dans la présente affaire.

[36] Ainsi, les circonstances qui existaient lorsque l’appelante a quitté son emploi étaient qu’elle vivait avec ses parents et que ceux-ci allaient déménager en Nouvelle-Écosse. Même si ses parents n’avaient pas besoin de soins personnels, ils avaient des problèmes de santé et elle ne voulait pas qu’ils aient à payer quelqu’un pour aider à faire les tâches ménagères plus exigeantes. Elle n’arrivait pas à trouver de logement abordable, alors elle ne pouvait pas rester en Ontario lorsque ses parents ont déménagé. Moralement et financièrement, elle estimait qu’elle n’avait d’autre choix que de déménager en Nouvelle-Écosse avec ses parents.

L’appelante n’avait aucune autre solution raisonnable

[37] Je dois maintenant vérifier si la seule solution raisonnable dans le cas de l’appelante était de quitter son emploi au moment où elle l’a fait.

[38] L’appelante affirme qu’elle n’avait pas d’autre solution raisonnable parce que ses parents déménageaient en Nouvelle-Écosse. Ils ont des problèmes de santé et ils avaient besoin de son aide pour les tâches ménagères plus exigeantes et pour les soutenir au besoin. Elle n’avait pas les moyens de rester en Ontario et de louer son propre logement.

[39] La Commission n’est pas d’accord et affirme que l’appelante aurait pu chercher son propre logement en Ontario, ne serait-ce que temporairement, jusqu’à ce qu’elle puisse trouver un emploi en Nouvelle-Écosse. Les parents de l’appelante ont acheté leur maison en Nouvelle-Écosse en 2022 et avaient l’intention de déménager lorsqu’ils ont pris leur retraite, mais l’appelante a seulement commencé à chercher un logement en Ontario et des possibilités d’emploi en Nouvelle-Écosse en octobre 2023. La Commission affirme que l’appelante aurait pu commencer sa recherche plus tôt.

Séjourner en Ontario

[40] La Commission affirme avoir effectué des recherches pour trouver des propriétés locatives à X, en Ontario, et dans les environs, où l’appelante avait vécu avec ses parents. Elle dit que la recherche a retourné huit propriétés dont les frais de location étaient inférieurs à 1 100 $ par mois, et 18 propriétés dont les frais de location étaient inférieurs à 1 200 $ par moisNote de bas de page 19.

[41] Le représentant de l’appelante a déposé les descriptions de la liste des propriétés locatives soumises par la Commission, démontrant qu’il s’agissait uniquement de logements partagés pour étudiants et situés à XNote de bas de page 20. Il a fait valoir lors de l’audience que même si la carte au dossier de la Commission montrait X, il a vérifié les 18 propriétés locatives fournies par la Commission et chacune d’entre elles se trouvait en fait à X, soit à environ 72 kilomètres du lieu de travail de l’appelanteNote de bas de page 21. Il lui fallait une heure pour se rendre de X à son emploi, alors qu’elle n’était qu’à 21 kilomètres de l’endroit où elle vivait avec ses parentsNote de bas de page 22. Il lui faudrait trois heures pour se rendre au travail en utilisant le transport en commun.

[42] L’appelante a déclaré qu’elle avait cherché un appartement près de son travail, mais qu’il n’y avait rien qu’elle pouvait se permettre. Elle a dit que les prix de loyer avaient grimpé en flèche depuis qu’elle avait commencé à travailler pour l’employeur. La seule façon dont elle aurait pu se permettre de louer son propre appartement aurait été de se trouver une colocataire. Elle a essayé de trouver une colocataire, mais elle n’a pas eu de succès. Elle a dit que tout ce qu’elle pouvait voir comme logements abordables pour elle était des logements pour étudiants, où elle devrait déménager à la fin de l’année scolaire. De plus, elle n’est pas étudiante. Elle a dit que les loyers auxquels la Commission faisait référence étaient tous des logements partagés pour les étudiants. Elle affirme que si la Commission avait fait son travail, elle aurait réalisé que les annonces étaient pour des logements pour étudiants et qu’ils étaient situés à X.

[43] Le représentant de l’appelante a soutenu que la Commission n’avait pas fait ses recherches. Il a dit que tout le monde est touché par la montée en flèche des prix des loyers et par le fait que les gens sont expulsés des logements locatifs existants. Il a dit que son épouse et lui ont déménagé en Nouvelle-Écosse parce que vivre en Ontario était trop cher et il s’est demandé comment on pouvait s’attendre à ce que l’appelante ait les moyens d’y vivre seule.

[44] Le représentant de l’appelante a soutenu que dans la région de Burlington où l’appelante travaillait, le coût de location moyen d’un appartement avec une chambre à coucher aurait en fait été d’environ 2 200 $ par mois. Cela représenterait 26 400 $ par année. Son revenu brut s’élève seulement à 45 214 $, alors le logement lui coûterait 58 % de son revenu. Si l’on tient compte de l’impôt sur le revenu, etc., l’appelante aurait moins de 4 000 $ par année (330 $ par mois) pour l’épicerie et le transportNote de bas de page 23, etc.

[45] La Commission a fourni des observations supplémentaires. Elle affirme avoir effectué une recherche d’appartements à louer dans un rayon de 50 kilomètres de l’endroit où l’appelante vivait avec ses parents, dont X. Elle dit que la Commission s’attend à ce que les parties prestataires soient disposées à faire un trajet raisonnable pour se rendre au travail, et que même si ce qui est « raisonnable » n’est pas explicitement défini, la Commission tente de tenir compte de ce qui serait considéré comme un trajet normal pour n’importe quelle région. Elle affirme que la durée habituelle du trajet aller-retour de l’appelante était de 34 minutes et que si elle avait loué un logement à X, son trajet aurait été de 59 minutes. Elle soutient que même si ce n’est « certainement pas idéal », la Commission ne considérerait pas ce trajet comme déraisonnableNote de bas de page 24. La Commission a également fourni des listes de propriétés locatives dans la région de X, en OntarioNote de bas de page 25. Elle affirme que même si presque toutes les propriétés étaient des stationnements ou des logements qui coûtent 1 $ le pied carré, les résultats de la recherche donnent à penser qu’il y avait, et qu’il y a toujours, des options disponibles si on en chercheNote de bas de page 26.

[46] Le représentant de l’appelante a affirmé que les propriétés mentionnées par la Commission dans ses observations supplémentaires semblaient également être des logements partagés pour les étudiants. Il a soutenu que le coût moyen d’un appartement avec une chambre à coucher, selon une mise à jour du marché effectuée par rentals.ca, était de 1 881 $ à X et de 1 901 $ à X. Il dit que la Commission n’a pas examiné la situation dans son ensemble. Il affirme qu’un logement partagé avec une chambre à coucher n’est pas la même chose qu’un appartement et que, même s’il est convenable à court terme pour une étudiante, il n’est pas convenable pour une adulteNote de bas de page 27.

[47] À l’audience, j’ai demandé à l’appelante si elle avait de la famille ou des amis avec qui elle aurait pu rester en Ontario, ne serait-ce que temporairement, jusqu’à ce qu’elle trouve un emploi en Nouvelle-Écosse. Elle a dit qu’elle avait demandé à des amis et à la famille, mais que son frère vit trop loin et qu’il a beaucoup d’enfants à sa charge. Les autres membres de sa famille vivaient trop loin, et ses amis ne pouvaient pas l’aider, même à court terme. Elle a dit qu’elle n’avait nulle part où rester, même temporairement, ajoutant que certains de ses amis ont dû retourner vivre chez leurs parents parce que le coût de la vie en Ontario [traduction] « est devenu fou ».

[48] Je juge que louer un logement en Ontario jusqu’à ce qu’elle puisse trouver un emploi en Nouvelle-Écosse n’était pas une solution raisonnable pour l’appelante. Mon examen des renseignements sur le loyer en ce qui concerne les régions où l’appelante vivait et travaillait m’amène à conclure que la plupart, sinon la totalité, des annonces étaient pour des logements partagés pour étudiants ou des logements partagés avec des hommes. Je conviens qu’il ne s’agissait pas d’options de location acceptables pour l’appelante. Celle-ci a déclaré qu’elle est dans la trentaine et qu’elle n’est pas étudiante. Bien que la Commission soutienne que des options étaient disponibles si on les cherchait, aucune preuve ne démontre que l’appelante aurait pu se permettre de rester en Ontario et de louer un logement le temps qu’elle se trouve un emploi en Nouvelle-Écosse. J’ai également jugé crédible le témoignage de l’appelante selon lequel elle a cherché une colocataire et demandé à sa famille et à ses amis si elle pouvait rester avec eux jusqu’à ce qu’elle trouve un emploi en Nouvelle-Écosse. En effet, elle m’a témoigné directement sous affirmation solennelle, de façon franche et cohérente, et son témoignage concordait avec ce qu’elle avait dit à la Commission.

Chercher du travail en Nouvelle-Écosse

[49] Il y a de nombreuses affaires où la Cour impose aux parties prestataires de l’assurance-emploi l’obligation de chercher un autre emploi avant de prendre la décision unilatérale de quitter un emploiNote de bas de page 28.

[50] La Commission soutient que les parents de l’appelante avaient acheté une maison en Nouvelle-Écosse deux ans avant de déménager et qu’il était clair qu’ils planifiaient déménager lorsqu’ils prendraient leur retraite. Elle affirme que cela a donné à l’appelante de nombreuses occasions de chercher des possibilités d’emploi en Nouvelle-Écosse, et pourtant, selon l’appelante, elle a seulement commencé sa recherche en octobre 2023Note de bas de page 29.

[51] L’appelante a déclaré avoir postulé pour des emplois en Nouvelle-Écosse avant de quitter son emploi, mais elle n’a pas eu de nouvelles des employeurs chez lesquels elle avait postulé. Cependant, elle se sentait tout de même assurée, d’après les recherches de ses parents et les siennes, qu’elle serait en mesure de trouver un emploi dès qu’ils déménageraient en Nouvelle-Écosse. Il s’est avéré qu’il lui a fallu six mois pour trouver du travail à son arrivée en Nouvelle-Écosse, ce à quoi elle ne s’attendait pas.

[52] L’appelante a déclaré avoir cherché un appartement à louer en Ontario pendant des mois parce qu’elle avait un bon emploi chez son employeur. Elle serait restée en Ontario s’il avait été possible pour elle de le faire du point de vue financier, même si elle était très inquiète à l’idée que ses parents vivent seuls en Nouvelle-Écosse. Cependant, le prix des loyers avait grimpé en flèche dans sa région et les seuls logements qu’elle pouvait se permettre étaient des logements partagés pour étudiants. Déménager avec ses parents lui permettrait de ne pas se retrouver dans la rue, et ses parents se sentiraient aussi en sécurité d’avoir quelqu’un pour prendre soin d’eux. Elle a donc pris la décision, en octobre 2023, de déménager en Nouvelle-Écosse avec ses parents.

[53] Compte tenu des circonstances décrites par l’appelante, je juge qu’il était raisonnable qu’elle ait commencé à chercher du travail en Nouvelle-Écosse en octobre 2023. Auparavant, elle envisageait de rester en Ontario lorsque ses parents déménageraient. Lorsqu’elle s’est rendu compte qu’elle ne pouvait pas se permettre de rester en Ontario et de louer un logement, elle a décidé de déménager avec ses parents et elle a commencé à chercher du travail en Nouvelle-Écosse.

[54] Même si une partie prestataire a l’obligation, dans la plupart des cas, de démontrer qu’elle a cherché un autre emploi avant de démissionner, elle n’a pas l’obligation d’obtenir un autre emploi. Je considère que l’appelante a épuisé la solution raisonnable de chercher un autre emploi avant de démissionner, parce que j’accepte son témoignage selon lequel elle a fait des recherches et des demandes d’emploi en Nouvelle-Écosse avant de quitter son emploi.

[55] La Commission affirme avoir écarté la possibilité d’un transfert vers un endroit plus près de la nouvelle résidence de l’appelante comme solution raisonnableNote de bas de page 30. À l’audience, j’ai demandé à l’appelante si elle aurait pu être transférée. Elle a dit qu’elle avait parlé à son employeur de la possibilité d’être transférée, mais qu’il avait dit qu’il n’y avait pas de travail au sein de l’entreprise pour elle en Nouvelle-Écosse. Je conviens que le transfert à un poste chez l’employeur en Nouvelle-Écosse n’était pas une solution raisonnable pour l’appelante.

[56] Compte tenu de toutes les circonstances qui existaient au moment où l’appelante a quitté son emploi, je conclus que quitter son emploi au moment où elle l’a fait était la seule solution raisonnable dans son cas. Elle avait vécu toute sa vie avec ses parents, et ils déménageaient dans une autre province. Elle ne pouvait pas trouver de logement qu’elle pouvait se permettre en Ontario si elle restait. Elle ne pouvait pas trouver de colocataire et elle ne pouvait pas rester avec des membres de sa famille ou des amis. Elle n’avait d’autre choix que de quitter son emploi et de déménager avec ses parents en Nouvelle-Écosse. Cela signifie que l’appelante était fondée à quitter son emploi.

Conclusion

[57] L’appelante a démontré qu’elle était fondée à quitter son emploi au moment où elle l’a fait, parce que quitter son emploi était la seule solution raisonnable dans son cas. Elle n’est donc pas exclue du bénéfice des prestations.

[58] Par conséquent, l’appel est accueilli.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.