Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : BF c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 2118

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : B. F.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (598229) datée du 13 juillet 2023 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Susan Stapleton
Mode d’audience : En personne
Date de l’audience : Le 8 novembre 2023
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 12 décembre 2023
Numéro de dossier : GE-23-2233

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec l’appelant.

[2] L’appelant n’a pas démontré qu’il était fondé (c’est-à-dire qu’il avait une raison acceptable selon la loi) à quitter son emploi quand il l’a fait. L’appelant n’était pas fondé à quitter son emploi parce qu’il disposait d’autres solutions raisonnables. Par conséquent, il est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Aperçu

[3] L’appelant a travaillé pour l’employeur en tant que capitaine de bateau d’alimentation dans une ferme piscicole à partir du 26 avril 2021. Il a quitté son emploi le 11 avril 2023 et a demandé des prestations d’assurance-emploi.

[4] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a examiné les raisons du départ de l’appelant. Elle a décidé qu’il avait quitté volontairement son emploi sans justification et qu’elle ne pouvait donc pas lui verser de prestations.

[5] La Commission affirme que l’appelant aurait pu discuter de ses préoccupations concernant la violence verbale qu’il subissait de la part d’un collègue, discuter avec l’employeur des possibilités de travail supplémentaire qui s’offraient à lui ou trouver un autre emploi avant de démissionnerNote de bas de page 1.

[6] L’appelant n’est pas d’accord et affirme que ses heures ont été considérablement réduites, qu’il a été agressé verbalement par un collègue quelques jours avant de démissionner et qu’il ne pouvait plus tolérer son travailNote de bas de page 2.

Question en litige

[7] Je dois décider si l’appelant est exclu du bénéfice des prestations parce qu’il a quitté volontairement son emploi sans justification.

[8] Pour répondre à cette question, je dois d’abord examiner si l’appelant a quitté volontairement son emploi. Dans l’affirmative, je dois ensuite évaluer s’il était fondé à le faire.

Analyse

Les parties conviennent que l’appelant a quitté volontairement son emploi

[9] Les parties conviennent que l’appelant a quitté volontairement son emploi. Je reconnais que l’appelant a déclaré dans sa demande de prestations que la raison de sa cessation d’emploi était un manque de travailNote de bas de page 3. Cependant, il a dit à la CommissionNote de bas de page 4 et a confirmé dans son témoignage qu’il avait démissionné le 11 avril 2023. L’employeur a indiqué dans son relevé d’emploiNote de bas de page 5 et a dit à la Commission que l’appelant avait démissionnéNote de bas de page 6. J’admets donc que l’appelant a quitté volontairement son emploi.

Les parties ne sont pas d’accord sur le fait que l’appelant était fondé à quitter volontairement son emploi

[10] Les parties ne sont pas d’accord sur le fait que l’appelant était fondé à quitter volontairement son emploi quand il l’a fait.

[11] La Loi sur l’assurance-emploi prévoit qu’une personne est exclue du bénéfice des prestations si elle quitte volontairement son emploi sans justificationNote de bas de page 7. Il ne suffit pas d’avoir une bonne raison de quitter un emploi pour prouver qu’on est fondé à le faire.

[12] La loi explique ce que veut dire « être fondé à ». Elle dit qu’une personne est fondée à quitter son emploi si son départ était la seule solution raisonnable dans son cas. Elle dit qu’il faut tenir compte de toutes les circonstancesNote de bas de page 8.

[13] L’appelant est responsable de prouver qu’il était fondé à quitter volontairement son emploiNote de bas de page 9. Il doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’il doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que quitter son emploi était la seule solution raisonnable dans son cas.

[14] Pour décider si l’appelant était fondé à quitter son emploi, je dois examiner toutes les circonstances entourant son départ. La Loi sur l’assurance-emploi énonce des circonstances que je dois prendre en compteNote de bas de page 10.

[15] Une fois que j’aurai établi les circonstances qui s’appliquent à l’appelant, celui-ci devra démontrer qu’il n’avait pas d’autre solution raisonnable que de quitter son emploi quand il l’a faitNote de bas de page 11.

Les circonstances entourant le départ de l’appelant

[16] L’appelant affirme que quatre des circonstances prévues par la Loi sur l’assurance-emploi s’appliquent. Plus précisément, il dit que ses fonctions ont été modifiées de façon importanteNote de bas de page 12, que ses heures de travail ont été considérablement réduites et que son salaire a été réduit en conséquenceNote de bas de page 13, que ses conditions de travail étaient dangereuses pour sa sécuritéNote de bas de page 14 et qu’il a été agressé verbalement par un collègueNote de bas de page 15. L’appelant soutient que son environnement de travail était hostile et toxique.

Modifications importantes des fonctions

[17] La Loi sur l’assurance-emploi prévoit qu’une personne est fondée à quitter son emploi si, compte tenu de toutes les circonstances, son départ constitue la seule solution raisonnable dans son cas. Cela peut inclure des modifications importantes des fonctionsNote de bas de page 16.

[18] L’appelant déclare avoir été embauché pour travailler dans la ferme salmonicole de l’employeur en tant que capitaine de bateau d’alimentation. Il a affirmé que le jour où il a démissionné, on l’a envoyé faire du travail d’inventaire dans les bois, à un endroit différent de celui où il dirigeait habituellement le bateau d’alimentation. Il a déclaré qu’il avait toujours travaillé comme capitaine de bateau d’alimentation depuis son embauche, et que c’était la première fois qu’on lui demandait d’effectuer d’autres tâches.

[19] Je conclus que les fonctions de l’appelant ont été modifiées de façon importante. Il a été embauché et a travaillé comme capitaine de bateau d’alimentation sur l’océan. Le jour où il a démissionné, il a été envoyé à un autre endroit dans les bois pour effectuer du travail d’inventaire. Il s’agit d’une modification importante de ses fonctions.

Modification importante des heures de travail et du salaire

[20] La Loi sur l’assurance-emploi prévoit qu’une personne est fondée à quitter son emploi si, compte tenu de toutes les circonstances, son départ constitue la seule solution raisonnable dans son cas. Cela inclut une modification importante des conditions de rémunérationNote de bas de page 17.

[21] L’appelant a déclaré à la Commission qu’il travaillait normalement de 40 à 50 heures par semaine. Ses heures ont été réduites quelques semaines avant qu’il ne démissionne, et il ne travaillait plus qu’environ 12 heures par semaine. Il a ajouté que l’employeur lui avait dit que ses heures reviendraient à la normale, mais cela ne s’est pas produitNote de bas de page 18. L’employeur lui a expliqué dans un courriel qu’il n’y avait aucune garantie d’heures de travailNote de bas de page 19, mais il ne pouvait pas subvenir aux besoins de sa famille en ne travaillant que quelques heures par jour. Il ne gagnait pas assez d’argent pour payer ses facturesNote de bas de page 20 et a expliqué qu’il s’endettait et qu’il utilisait toutes ses économies.

[22] L’appelant a déclaré à la Commission que lorsqu’il avait été envoyé faire du travail d’inventaire, on lui avait dit que le travail durerait deux semaines, à raison de quatre heures par jour. Toutefois, la personne chargée de l’inventaire lui avait dit que le travail ne durerait que quelques jours et que personne ne savait ce qui se passerait ensuite. L’appelant affirme avoir entendu dire qu’après avoir fait l’inventaire, il serait envoyé sur un autre site qui se trouvait à une heure ou une heure et demie de route. Il dit avoir demandé à l’employeur de le mettre à pied en raison de la réduction de ses heures de travail, mais que celui-ci avait refusé et lui avait dit que s’il n’était pas satisfait de ses heures de travail, il pouvait se trouver un autre emploiNote de bas de page 21.

[23] L’agent de la Commission a souligné que le relevé d’emploi de l’appelant n’indiquait pas que ses heures de travail avaient été réduites au cours des deux semaines précédant sa démission. L’appelant a expliqué que 1 700 $ de sa dernière paie correspondaient à son indemnité de vacancesNote de bas de page 22.

[24] Le gestionnaire de l’appelant a déclaré à la Commission que ses heures de travail avaient été réduites au cours de ses dernières semaines de travail. Il a affirmé que l’employeur avait dit à l’appelant qu’il pouvait travailler à son site X, où il aurait 40 heures de travail ou plus par semaine. Il a déclaré que l’appelant avait refusé cette offre et qu’il avait dit qu’il resterait là où il était et qu’il accepterait la réduction de ses heures de travailNote de bas de page 23.

[25] L’appelant a confirmé à la Commission qu’il refusait d’être transféré au site X où il pourrait travailler à temps plein parce qu’il se trouvait à environ une heure de distanceNote de bas de page 24.

[26] À l’audience, j’ai demandé à l’appelant si l’employeur lui avait proposé un autre poste à temps plein à X. Il a déclaré que l’employeur ne lui avait jamais fait cette proposition. Il a dit que le directeur régional lui avait dit qu’il pouvait aller travailler à Y, qui était beaucoup plus loin de chez lui, et qu’il devait y vivre dans un dortoir. Mais comme il a une femme et un bébé à la maison, il ne voulait pas faire cela. L’appelant a affirmé que la seule autre offre qu’on lui avait faite était de faire du travail d’inventaire pendant quelques heures dans les bois. Il a ajouté qu’on ne lui avait jamais proposé d’autre poste à temps plein.

[27] Je considère que l’appelant a vu ses heures de travail et donc son salaire réduits au cours des quelques semaines qui ont précédé sa démission. C’est ce qu’il a dit à la Commission et dans son témoignage à l’audience, et l’employeur a confirmé que ses heures de travail avaient été réduites dans les semaines précédant sa démission.

Conditions de travail dangereuses pour la sécurité

[28] La Loi sur l’assurance-emploi prévoit qu’une personne est fondée à quitter son emploi si, compte tenu de toutes les circonstances, son départ constitue la seule solution raisonnable dans son cas. Cela inclut des conditions de travail dangereuses pour la sécuritéNote de bas de page 25.

[29] D’après mon examen du dossier, je ne vois pas que l’appelant a mentionné des problèmes de sécurité à la Commission. Il a déclaré que lorsqu’il a demandé des prestations d’assurance-emploi, il a seulement dit qu’il avait démissionné en raison de la réduction de ses heures de travail et de son salaire. Il a affirmé qu’il pensait que cela devrait suffire pour montrer qu’il était fondé à quitter son emploi.

[30] L’appelant a dit que l’équipage de quatre personnes qui travaillait avec lui buvait parfois de l’alcool et fumait de la marijuana sur le site. Le gestionnaire ne le faisait pas, mais il permettait aux membres de l’équipage de le faire. L’appelant pense que ceux-ci voulaient le faire renvoyer parce qu’il ne les laissait pas vapoter ou fumer de la marijuana sur le bateau.

[31] L’appelant a déclaré avoir fait part de ses préoccupations en matière de sécurité à son gestionnaire et à la personne chargée de la sécurité chez l’employeur à de nombreuses reprises parce qu’il craignait que quelqu’un soit gravement blessé. Cependant, l’employeur n’a rien fait pour répondre à ses préoccupations.

[32] L’appelant a déclaré qu’il sortait souvent seul en mer sans les membres de l’équipage pour [traduction] « ne pas être confronté à leurs bêtises ».

[33] Je conclus que l’appelant n’a pas quitté son emploi parce que ses conditions de travail étaient dangereuses pour sa sécurité. Bien que j’accepte son témoignage selon lequel les membres de l’équipage se comportaient de manière dangereuse en buvant de l’alcool et en fumant de la marijuana au travail, l’appelant a déclaré que son travail consistait à diriger le bateau et qu’il ne permettait pas à l’équipage de se livrer à ces comportements à bord du bateau, de sorte que la sécurité n’était pas compromise.

Harcèlement

[34] La Loi sur l’assurance-emploi prévoit qu’une personne est fondée à quitter son emploi si, compte tenu de toutes les circonstances, son départ constitue la seule solution raisonnable dans son cas. Cela inclut le harcèlementNote de bas de page 26.

[35] La Loi sur l’assurance-emploi ne définit pas le harcèlement. Cependant, on entend généralement par harcèlement au travail des gestes ou des propos qui pourraient blesser mentalement, embarrasser ou isoler une personne en milieu de travail. Il s’agit souvent d’incidents répétés. Il peut aussi s’agir de comportements visant à intimider, à offenser, à dégrader ou à humilier une personne ou un groupe de personnesNote de bas de page 27.

[36] La division d’appel du Tribunal a énoncé des « principes clés » pour évaluer s’il y a harcèlement en milieu de travailNote de bas de page 28 :

  1. a) les personnes à l’origine du harcèlement peuvent agir seules ou en groupe et n’occupent pas nécessairement un poste de supervision ou de gestion;
  2. b) le harcèlement peut prendre plusieurs formes, notamment un acte, un comportement, un propos, de l’intimidation et des menaces;
  3. c) parfois, un seul incident suffit pour être considéré comme du harcèlement;
  4. d) il faut se demander si la personne à l’origine du harcèlement savait ou aurait raisonnablement dû savoir que son comportement pourrait offenser, embarrasser ou humilier une autre personne ou lui causer toute autre blessure psychologique ou physique.

[37] Je peux aussi vérifier si l’employeur semble avoir fermé les yeux sur la conduite de la personne à l’origine du harcèlementNote de bas de page 29. Enfin, la loi précise que toute mesure raisonnable prise par un employeur ou une ou un supérieur afin de gérer et d’orienter le personnel ou le milieu de travail ne constitue pas du harcèlementNote de bas de page 30.

[38] Au cours du processus de révision, l’appelant a déclaré à la Commission qu’il avait déposé trois rapports d’incident concernant son collègue D. S. qui l’avait agressé verbalement au travail au cours de la semaine précédant sa démission. Il a dit que le troisième incident s’était produit lorsque D. S. l’avait injurié après qu’il l’avait accidentellement éclaboussé avec de l’eau. Il dit avoir dit à D. S. [traduction] « J’aimerais t’entendre dire cela en dehors du travail ». D. S. lui a répondu : [traduction] « Vas-y, attaque-moi ici tout de suiteNote de bas de page 31. »

[39] L’appelant a déclaré que son gestionnaire lui avait dit qu’il avait envoyé un rapport d’incident à ce sujet et que les ressources humaines s’en occuperaient. L’appelant a affirmé que c’était lui qui avait fini par recevoir un avertissement et qu’il n’avait jamais su si D. S. avait été puni pour sa participation à l’altercation. Il n’a jamais reçu d’excuses de D. S. L’appelant a ajouté qu’il croyait que D. S. et son gestionnaire entretenaient une relation et que c’était la raison pour laquelle rien n’avait été fait contre la violence verbale de D. S. à son égard. L’agent de la Commission a demandé à l’appelant pourquoi il n’avait pas initialement dit à la Commission que D. S. l’avait agressé verbalement. L’appelant a répondu que c’était la raison pour laquelle il avait demandé une révision, pour donner à la Commission des informations sur les violences verbales qu’il avait subiesNote de bas de page 32.

[40] Le gestionnaire de l’appelant a dit à la Commission qu’il y avait eu un incident entre D. S. et l’appelant peu avant que celui-ci ne démissionne. Il a déclaré qu’il ne parlerait pas de violence verbale à l’égard de l’appelant. Il a dit que l’appelant et D. S. avaient beaucoup crié et s’étaient exprimés en termes grossiers. Il a affirmé avoir signalé l’incident aux ressources humaines et ne pas savoir quelles mesures avaient été prises par la suite. L’agent de la Commission a tenté de parler aux ressources humaines, sans succèsNote de bas de page 33.

[41] L’appelant a déclaré qu’il avait eu des confrontations avec D. S., qui était responsable de l’équipage. Il a dit que D. S. l’avait agressé verbalement à plusieurs reprises. Il a indiqué qu’il avait écrit aux ressources humaines et au directeur régional au sujet de la violence verbale de D. S. et qu’ils avaient tous deux reçu un avertissement pour violence verbale. L’appelant a dit que l’employeur avait une politique de tolérance zéro à l’égard du harcèlement. Il a ajouté que l’employeur refusait de lui remettre une copie du rapport d’incident et de lui communiquer l’issue de sa plainte. Il a envoyé un message texte au directeur régional pour lui dire qu’il ne voulait plus travailler avec D. S. L’appelant pensait que D. S. serait suspendu, mais il ne s’est rien passé. Il a dit qu’il avait démissionné principalement en raison de la réduction de ses heures de travail, mais que la violence verbale de D. S. avait contribué à sa décision.

[42] La Commission affirme que la violence verbale semble avoir été un incident isolé, qui ne constituerait pas du harcèlement continu. Elle dit que les altercations ne se sont produites que pendant la semaine où l’appelant a décidé de démissionner et qu’il n’a pas discuté de cette situation avec son employeur avant de partir, de sorte qu’il n’a pas réussi à prouver qu’il était fondé à quitter son emploiNote de bas de page 34.

[43] J’accepte le témoignage de l’appelant selon lequel D. S. l’a injurié au travail. Son témoignage est cohérent. Il a dit essentiellement la même chose à la Commission, dans son avis d’appel et à l’audience.

[44] Cependant, je conclus que le comportement de D. S. envers l’appelant n’était pas du harcèlement. L’appelant a déclaré avoir eu quelques confrontations avec D. S. au travail. Il a dit que c’était lui qui avait fini par recevoir un avertissement après le troisième incident en une semaine avec D. S. Son gestionnaire a dit à la Commission que lors de cet incident, l’appelant et D. S avaient beaucoup crié et s’étaient exprimés en termes grossiers.

[45] J’admets que l’appelant a eu les confrontations qu’il a décrites avec D. S. au travail. Cependant, il n’a pas prouvé qu’il était harcelé par celui-ci. L’appelant a décrit des altercations et des confrontations l’impliquant lui et D. S. Cependant, il n’a pas démontré que D. S. avait commis des incidents répétés ou avait adopté un comportement visant à l’intimider, à l’offenser, à le dégrader ou à l’humilier. Bien qu’il ait déclaré que D. S. avait utilisé un langage grossier qui l’avait offensé, je ne pense pas que cela suffise pour conclure que D. S. l’a harcelé. Selon le gestionnaire de l’appelant, qui a été témoin de la dernière altercation, il criait et utilisait un langage grossier lui aussi. L’appelant n’a pas prétendu qu’il ne s’était pas également comporté de cette façon.

[46] J’ai examiné si l’employeur semble avoir fermé les yeux sur la conduite de D. S. envers l’appelant. L’appelant dit qu’il pense que rien n’a été fait au sujet du comportement de D. S. parce que leur gestionnaire avait une relation personnelle avec lui. Cependant, il a également reconnu que le gestionnaire avait soumis des rapports d’incident concernant les trois altercations qu’il avait eues avec D. S, ce que le gestionnaire a confirmé lors de sa conversation avec la Commission. L’appelant a dit que l’employeur avait une politique de tolérance zéro à l’égard du harcèlement. La preuve ne permet pas de conclure que l’employeur a fermé les yeux sur le comportement harcelant de D. S. envers l’appelant.

[47] Lorsque j’ai demandé à l’appelant s’il aurait quitté son emploi en raison du comportement de D. S à son égard si ses heures de travail n’avaient pas été réduites, il a répondu [traduction] « je ne suis pas sûr ». Je ne pense pas qu’il l’aurait fait. Jusqu’à ce qu’il démissionne, il a demandé à l’employeur de travailler à temps plein. Il a démissionné trois heures après avoir commencé à faire le travail d’inventaire, après que la personne chargée de l’inventaire lui a dit qu’il n’y aurait que quelques heures de travail pendant quelques jours. Je ne peux pas non plus ignorer que l’appelant a seulement soulevé la question de la violence verbale de D. S après avoir reçu une décision négative de la Commission concernant son admissibilité aux prestations.

Milieu de travail toxique

[48] La Loi sur l’assurance-emploi ne mentionne pas un milieu de travail ou un environnement « toxique » parmi les circonstances dont je dois tenir compte. Les tribunaux ont déclaré qu’une personne qui fait face à des conditions de travail insatisfaisantes est fondée à quitter son emploi si ces conditions sont si manifestement intolérables qu’elle n’a d’autre solution raisonnable que de démissionnerNote de bas de page 35. La personne a également l’obligation élevée de chercher des solutions à ces conditions intolérables avant de démissionnerNote de bas de page 36.

[49] L’appelant affirme que son milieu de travail était toxique. Il a déclaré que le gestionnaire et les membres de l’équipage avaient entre 18 et 24 ans et qu’ils [traduction] « faisaient ce qu’ils voulaient ». Il a soutenu que les membres de l’équipage buvaient de l’alcool et fumaient de la marijuana sur place, et qu’ils n’aimaient pas qu’on leur dise quoi faire, si bien qu’il sortait souvent seul en mer pour nourrir les poissons [traduction] « pour ne pas être confronté à leurs bêtises ». L’appelant a ajouté que l’environnement de travail était [traduction] « intimidant, immature, hostile et non professionnel ».

[50] L’appelant a déclaré que la veille de son départ, une personne avait été surprise en train de voler du poisson et congédiée. Il a dit qu’il avait appelé le directeur régional quelques jours plus tôt pour signaler cette personne. Selon l’appelant, tout le monde, sauf le directeur, volait et vendait du poisson. Après ces événements, il avait peur que les membres de l’équipage n’exercent des représailles à son encontre. Cependant, il n’a pas dit que c’était la raison pour laquelle il avait quitté son emploi.

[51] Je conclus que l’appelant n’a pas démontré que son lieu de travail était si manifestement intolérable qu’il n’avait d’autre solution raisonnable que de démissionner. Il n’a pas démontré que si ses heures de travail n’avaient pas été réduites, il aurait quitté son emploi parce que son milieu de travail était manifestement intolérable. Et il a déclaré que jusqu’au moment où il a démissionné, il avait communiqué avec l’employeur à plusieurs reprises pour lui dire qu’il voulait travailler à temps plein. Il n’est pas logique qu’il ait souhaité travailler à temps plein dans un milieu de travail « toxique » et manifestement intolérable.

[52] Ainsi, les circonstances entourant le départ de l’appelant le 11 avril 2023 étaient les suivantes. Ses fonctions avaient été modifiées de façon importante et ses heures de travail et donc son salaire avaient été réduits. Il avait eu des confrontations avec D. S et avait dénoncé une autre personne pour avoir volé du poisson, qui avait ensuite été congédiée, mais ces deux derniers problèmes n’étaient pas la raison pour laquelle il avait quitté son emploi.

L’appelant avait d’autres solutions raisonnables

[53] Je dois maintenant vérifier si l’appelant a prouvé qu’il est plus probable qu’improbable que quitter son emploi quand il l’a fait était la seule solution raisonnable dans son cas.

[54] L’appelant affirme qu’il ne pouvait plus demeurer dans son emploi plus longtemps. Il dit qu’il n’avait pas d’autre solution raisonnable parce que la réduction de ses heures de travail lui causait des problèmes financiers et parce qu’il avait été agressé verbalement par son collègue quelques jours avant de démissionnerNote de bas de page 37.

[55] La Commission n’est pas d’accord et affirme que l’appelant avait d’autres solutions raisonnables que de quitter son emploi. Elle affirme qu’il aurait pu chercher un autre emploi avant de démissionner. Elle dit qu’il aurait pu s’adresser aux ressources humaines pour discuter de ses préoccupations concernant la violence verbale de D. S. Elle dit qu’il aurait pu demander à l’employeur des tâches supplémentaires ou accepter d’être transféré au site X pour y travailler à temps pleinNote de bas de page 38.

[56] J’estime que l’appelant avait d’autres solutions raisonnables que de quitter son emploi au moment où il l’a fait. Il avait la possibilité de chercher un autre emploi avant de démissionner et d’accepter le transfert au site X pour y travailler à temps plein.

[57] L’appelant a fait des déclarations contradictoires sur la question de savoir s’il avait cherché un autre emploi avant de démissionner.

[58] L’appelant a déclaré à la Commission qu’il n’avait pas cherché d’autre emploi avant de démissionner. Il a dit qu’il avait envoyé des curriculum vitae immédiatement après avoir démissionné et qu’il avait passé quelques entrevues dans les deux jours qui avaient suivi. L’appelant a déclaré avoir commencé un nouvel emploi quatre jours après avoir démissionné. Il a dit qu’il n’avait pas attendu d’avoir trouvé un nouvel emploi pour démissionner parce qu’il savait qu’il n’aurait aucun problème à en trouver un autre. Il a affirmé qu’il possédait une vaste formation et de nombreuses compétences et qu’il pouvait trouver un emploi partout où il le voudraitNote de bas de page 39.

[59] L’appelant a déclaré qu’il n’avait postulé à aucun emploi avant de démissionner. Il a dit qu’il n’avait postulé pour d’autres emplois qu’à partir du jour où il avait démissionné. Il a affirmé avoir eu une entrevue dans une maison de soins infirmiers le 14 avril 2023 et avoir commencé à y travailler le 17 avril 2023.

[60] J’ai demandé à l’appelant pourquoi il n’avait pas attendu d’avoir trouvé un nouvel emploi pour démissionner. Il m’a répondu qu’il allait [traduction] « se lancer à fond dans la recherche d’un autre emploi ».

[61] Plus tard dans son témoignage, l’appelant a déclaré qu’il avait commencé à postuler à d’autres emplois le vendredi précédant sa démission, le jour où la personne qui avait volé du poison avait été congédiée. Il a affirmé qu’il avait déjà une entrevue prévue le jour de sa démission.

[62] En cas de déclarations contradictoires, je dois décider ce qui est le plus probable. Je dois examiner tous les éléments de preuve et rendre une décision selon la prépondérance des probabilitésNote de bas de page 40.

[63] À mon avis, les déclarations initiales de l’appelant ont plus de chances d’être vraies, parce qu’il les a faites spontanément lorsque la Commission lui a demandé s’il avait cherché un autre emploi avant de démissionner. C’est également la réponse qu’il a spontanément donnée lorsque je lui ai posé la question à l’audience. Je n’accepte pas sa déclaration ultérieure selon laquelle il avait cherché un autre emploi avant de démissionner et qu’il avait déjà une entrevue prévue le jour où il a démissionné. Si c’était le cas, je pense qu’il l’aurait dit à la Commission lorsqu’on lui a posé des questions à ce sujet. Cependant, il a dit à la Commission qu’il n’aurait aucun problème à trouver un autre emploi où il voulait, et qu’il n’avait donc pas attendu d’avoir un nouvel emploi pour démissionner.

[64] Il existe de nombreuses affaires dans lesquelles la Cour d’appel fédérale a imposé aux prestataires de l’assurance-emploi l’obligation de chercher un autre emploi avant de prendre la décision unilatérale de démissionnerNote de bas de page 41. Je ne peux pas ignorer cette obligation ni le fait que l’appelant s’est volontairement placé en situation de chômage sans avoir au préalable fait des efforts pour trouver un autre emploi.

[65] L’appelant avait aussi la solution raisonnable d’accepter d’être transféré au site X au lieu de quitter son emploi.

[66] L’appelant a fait des déclarations contradictoires sur la question de savoir si l’employeur lui avait proposé d’être transféré au site X. Il a confirmé à la Commission la déclaration de l’employeur selon laquelle il avait refusé son offre d’être transféré au site X. Cependant, à l’audience, il a déclaré que l’employeur ne lui avait jamais offert un emploi à temps plein à un autre site. Il a dit ce qui suit : [traduction] « Il n’y a rien à X, il n’y a pas d’océan à X ».

[67] J’estime que la preuve appuie le fait que l’appelant s’est vu proposer un transfert vers un poste à temps plein à X et qu’il a refusé cette offre. C’est ce qu’il a dit à la Commission lorsqu’il a été interrogé à ce sujet. Il a dit qu’il avait refusé l’offre parce que le site X se trouvait à près d’une heure de route. Je préfère sa réponse initiale à cette question à sa déclaration ultérieure à l’audience, parce qu’il a fait sa déclaration initiale spontanément lorsque la Commission lui a directement demandé s’il avait refusé l’offre de transfert.

[68] Compte tenu de toutes les circonstances qui existaient au moment où l’appelant a démissionné, j’estime que son départ n’était pas la seule solution raisonnable dans son cas.

[69] Par conséquent, l’appelant n’était pas fondé à quitter son emploi.

Conclusion

[70] L’appelant n’a pas démontré qu’il était fondé à quitter son emploi quand il l’a fait, parce que quitter son emploi n’était pas la seule solution raisonnable dans son cas.

[71] Il est donc exclu du bénéfice des prestations.

[72] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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