Assurance-emploi (AE)
Informations sur la décision
La prestataire était en arrêt de travail parce qu’elle avait eu une crise cardiaque. Elle a reçu 15 semaines de prestations de maladie de l’assurance-emploi dont le versement a pris fin le 18 juin 2022.
La prestataire a ensuite voulu faire convertir ses prestations de maladie en prestations régulières de l’assurance-emploi. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a refusé de convertir les prestations. Selon elle, la prestataire ne pouvait pas travailler en raison d’un problème de santé. Par conséquent, elle n’était pas disponible pour travailler.
La prestataire a porté la décision de la Commission en appel devant la division générale. Celle-ci a conclu que la prestataire n’avait pas prouvé qu’elle était disponible du 20 juin 2022 au 6 novembre 2022. La division générale a décidé qu’à compter du 7 novembre 2022, la prestataire était disponible et qu’elle n’était donc pas exclue du bénéfice des prestations pour cette raison. La Commission a fait appel de la décision de la division générale à la division d’appel. Celle-ci a accueilli l’appel.
Le bon critère juridique à appliquer pour établir si une partie prestataire peut recevoir des prestations régulières de l’assurance-emploi consiste à établir si elle était capable de travailler et disponible pour le faire, mais incapable de trouver un emploi convenable. Il s’agit d’une exigence continue qui est prévue à l’article 18(1)(a) de la Loi sur l’assurance-emploi. La division générale a conclu que la prestataire n’était pas capable de travailler du 20 juin 2022 au 19 octobre 2022. La division d’appel n’a pas vu d’erreur dans cette conclusion.
La division générale a signalé que la prestataire a été autorisée par son médecin à effectuer des tâches professionnelles modifiées le 20 octobre 2022. La division générale a considéré que la prestataire était capable de travailler à compter de cette date. Elle a également conclu que, puisque la prestataire avait été autorisée à travailler, mais qu’elle avait choisi de ne pas reprendre le travail, il s’agissait de son choix. Comme la prestataire a fait ce choix, elle n’était pas admissible au bénéfice des prestations du 20 octobre 2022 au 7 novembre 2022. De plus, la division générale a décidé qu’à partir du 7 novembre 2022, la prestataire devait seulement trouver un emploi convenable dans les limites de ce que sa santé et ses capacités physiques lui permettaient.
La division d’appel a établi que la division générale a correctement énoncé la disposition réglementaire qui traite de l’emploi convenable. Cependant, elle n’a pas analysé ce que pourrait être un emploi convenable pour la prestataire, ce qui représente une erreur de droit. En effet, la division générale devait tirer une conclusion à cet égard. De plus, la division d’appel a conclu que la division générale n’avait pas examiné la preuve de la prestataire au sujet de sa capacité à effectuer du travail supplémentaire. Après le 7 novembre 2022, la prestataire travaillait à sa pleine capacité. Il s’agit d’un fait important qui n’a pas été pris en compte par la division générale, ce qui constitue également une erreur.
La division d’appel a ensuite rendu la décision que la division générale aurait dû rendre.
La division d’appel a conclu que la prestataire n’était pas admissible au bénéfice des prestations, car elle occupait un emploi convenable et travaillait à sa pleine capacité.
Contenu de la décision
[TRADUCTION]
Citation : Commission de l’assurance-emploi du Canada c LS, 2025 TSS 294
Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel
Décision
Partie appelante : | Commission de l’assurance-emploi du Canada |
Représentante ou représentant : | Daniel McRoberts |
Partie intimée : | L. S. |
Décision portée en appel : | Décision de la division générale datée du 10 décembre 2024 (GE-24-3517) |
Membre du Tribunal : | Elizabeth Usprich |
Mode d’audience : | Vidéoconférence |
Date de l’audience : | Le 4 mars 2025 |
Personnes présentes à l’audience : | Représentant de l’appelante |
Date de la décision : | Le 28 mars 2025 |
Numéro de dossier : | AD-24-867 |
Sur cette page
Décision
[1] L’appel est accueilli.
[2] La division générale a commis une erreur de droit. Par conséquent, j’ai rendu la décision qu’elle aurait dû rendre. En effet, la prestataire n’est pas admissible aux prestations parce qu’elle travaillait à sa pleine capacité dans un emploi convenable.
Aperçu
[3] L’intimée, L. S., a demandé des prestations d’assurance-emploi. Je vais l’appeler la prestataire.
[4] La prestataire était en arrêt de travail en raison d’une crise cardiaque. Elle a reçu 15 semaines de prestations de maladie de l’assurance-emploiNote de bas de page 1. Ces prestations ont pris fin le 18 juin 2022.
[5] La prestataire voulait ensuite que sa demande soit convertie en prestations régulières d’assurance-emploi. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a refusé la conversion. Elle a dit que la prestataire ne pouvait pas travailler en raison d’un problème de santé. La prestataire n’était donc pas « disponible » pour travaillerNote de bas de page 2.
[6] La prestataire a fait appel à la division générale du Tribunal de la sécurité socialeNote de bas de page 3. La division générale a examiné différentes périodes. Elle a conclu que la prestataire n’avait pas démontré qu’elle était disponible du 20 juin 2022 au 6 novembre 2022. Elle a cependant décidé que la prestataire était disponible à partir du 7 novembre 2022 et qu’elle n’était donc pas inadmissible aux prestations régulières d’assurance-emploi à partir de cette date pour cette raison.
[7] La Commission a fait appel. Elle soutient que la division générale a commis des erreurs de droit et de fait. J’accueille l’appel. J’ai rendu la décision que la division générale aurait dû rendre. La division générale n’a pas examiné si la prestataire avait un emploi convenable et si elle travaillait à sa pleine capacité. La prestataire n’a pas droit aux prestations régulières d’assurance-emploi du 20 juin 2022 à mars 2023.
Question préliminaire
La prestataire n’était pas présente à l’audience
[8] L’audience était prévue pour le 4 mars 2025. La prestataire n’a pas assisté à l’audience.
[9] Une audience peut avoir lieu sans la prestataire si celle-ci a reçu l’avis d’audienceNote de bas de page 4. Je suis convaincue que la prestataire a reçu l’avis d’audience. Le Tribunal a parlé à la prestataire le 27 janvier 2025. La prestataire a reconnu que l’audience se tiendrait le 4 mars 2025, mais elle a demandé un changement d’heure. Elle désirait que l’audience se tienne en matinée plutôt qu’à 13 h. Au cours de ce même appel téléphonique, la prestataire a également demandé qu’on lui envoie tout document par courriel ainsi que par la poste.
[10] Le 28 janvier 2025, un courriel a été envoyé aux deux parties avec le nouvel avis d’audience. Celui-ci reflétait le changement d’heure demandé par la prestataire. Le 29 janvier 2025, l’avis d’audience a également été envoyé par la poste à la prestataire.
[11] Le 29 janvier 2025, la prestataire a envoyé un courriel indiquant qu’elle ne souhaitait plus continuer à se répéter lors des audiences. Par la suite, le Tribunal a tenté de la rejoindre à multiples reprises pour lui expliquer la différence entre une audience devant la division générale et une audience devant la division d’appel.
[12] Je suis convaincue que la prestataire était au courant de l’audience et qu’elle a pris la décision de ne pas y participer.
Questions en litige
[13] Voici les questions en litige dans le présent appel :
- a) La division générale a-t-elle commis une erreur de droit ou une erreur de fait importante au sujet de la disponibilité de la prestataire pour travailler au titre de l’article 18(1)(a) de la Loi sur l’assurance-emploi à partir du 7 novembre 2022?
- b) Dans l’affirmative, comment l’erreur devrait-elle être corrigée?
Analyse
[14] Je ne peux intervenir que si la division générale a commis une erreur. Il n’y a que certaines erreurs que je peux prendre en considération. Brièvement, je peux intervenir si la division générale a commis au moins une des erreurs suivantesNote de bas de page 5 :
- Elle a agi injustement d’une façon ou d’une autre.
- Elle a tranché une question qu’elle n’aurait pas dû trancher ou n’a pas tranché une question qu’elle aurait dû trancher.
- Elle a commis une erreur de droit.
- Elle a fondé sa décision sur une erreur importante concernant les faits de l’affaire.
[15] La Commission est d’accord avec la division générale, sauf en ce qui concerne son analyse de la question de savoir si la prestataire était disponible pour travailler à partir du 7 novembre 2022. La Commission dit que la division générale a commis une erreur de droit parce qu’elle n’a pas examiné ce qu’aurait été un emploi convenable pour la prestataire à partir du 7 novembre 2022.
[16] La Commission affirme que la division générale a commis une erreur de fait importante parce qu’elle n’a pas tenu compte du fait que la prestataire ne pouvait pas travailler davantage parce qu’elle travaillait déjà au maximum de ses capacités.
La division générale a commis une erreur de fait importante parce qu’elle n’a pas tenu compte du fait que la prestataire travaillait au maximum de ses capacités à partir du 7 novembre 2022
[17] La prestataire était en arrêt de travail parce qu’elle était gravement malade. Elle a épuisé ses prestations de maladie de l’assurance-emploi et voulait les convertir en prestations régulières.
[18] Pour recevoir des prestations régulières d’assurance-emploi, le bon critère juridique à appliquer consiste à établir si la prestataire était capable de travailler et disponible pour le faire, mais incapable de trouver un emploi convenable. Il s’agit d’une exigence continue prévue à l’article 18(1)(a) de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 6.
[19] La division générale a décidé que la prestataire n’était pas capable de travailler du 20 juin 2022 au 19 octobre 2022Note de bas de page 7. Cette conclusion n’est pas contestée et je n’y vois aucune erreur.
[20] La division générale a noté que la prestataire avait été autorisée par son médecin à effectuer des tâches modifiées le 20 octobre 2022Note de bas de page 8. La division générale a conclu que la prestataire était capable de travailler à partir de cette dateNote de bas de page 9. La division générale a également conclu que parce que la prestataire avait été autorisée à travailler, mais qu’elle avait choisi de ne pas retourner au travail, il s’agissait de son propre choix. La division générale a déclaré que parce qu’elle avait fait ce choix, elle n’avait pas droit aux prestations du 20 octobre 2022 au 7 novembre 2022Note de bas de page 10.
[21] La division générale a décidé que la prestataire devait seulement trouver un emploi convenable dans les limites de ce que sa santé et ses capacités physiques lui permettaient de faire à partir du 7 novembre 2022Note de bas de page 11.
[22] La division générale a correctement identifié le règlement qui traite de l’emploi convenable. Cependant, elle n’a pas analysé ce que serait un emploi convenable pour la prestataire, ce qu’elle devait absolument faire. Par conséquent, elle a commis une erreur de droit.
[23] De plus, la division générale n’a pas tenu compte de la preuve de la prestataire concernant sa capacité à travailler davantage. La prestataire travaillait à sa pleine capacité à partir du 7 novembre 2022. Il s’agit d’un fait important que la division générale a négligé. Par conséquent, cela constitue également une erreur.
Réparation
[24] Il y a deux principales façons de corriger l’erreur que j’ai relevée. Je peux rendre la décision que la division générale aurait dû rendre. Je peux aussi renvoyer l’affaire à la division générale si je juge que l’audience n’a pas été équitable ou qu’il n’y a pas assez de renseignements pour rendre une décisionNote de bas de page 12.
[25] La Commission affirme que la prestataire a pleinement eu l’occasion de participer à l’audience de la division générale. De plus, elle avait un interprète à l’audience. Par ailleurs, rien n’indique qu’il y a d’autres éléments de preuve à fournir. Par conséquent, la Commission affirme que je devrais rendre la décision que la division générale aurait dû rendre.
[26] Je suis d’accord. Aucune des parties n’a laissé entendre qu’il y avait des renseignements supplémentaires à fournir. Il reste plutôt à analyser la loi pour voir si elle est applicable. Je vais rendre la décision que la division générale aurait dû rendre.
La prestataire occupait un emploi convenable à sa pleine capacité
[27] L’exigence prévue à l’article 18(1)(a) est continue. Il faut donc que la prestataire soit capable de travailler et disponible pour le faire, mais incapable de trouver un emploi convenable. La notion d’emploi convenable est expliquée dans le règlement de l’assurance-emploi. La question en litige dans la présente affaire est de savoir si la santé et les capacités physiques de la prestataire lui permettraient de se rendre à son travail et d’effectuer son travailNote de bas de page 13.
[28] Je vais examiner la disponibilité de la prestataire à différentes périodes. Par conséquent, à mesure que les choses changeaient pour la prestataire, je vais voir si son admissibilité aux prestations d’assurance-emploi a changé.
Après l’épuisement des prestations de maladie de la prestataire, soit du 20 juin 2022 au 19 octobre 2022
[29] Je retiens les conclusions de la division générale selon lesquelles la prestataire n’était pas capable de travailler du 20 juin 2022 au 19 octobre 2022Note de bas de page 14. Son médecin ne l’avait pas autorisée à retourner au travail pendant cette période.
Après que le médecin de la prestataire a dit qu’elle pouvait retourner au travail avec des tâches modifiées, soit du 20 octobre 2022 au 7 novembre 2022
[30] Je retiens également les conclusions de la division générale selon lesquelles la prestataire a choisi de ne pas travailler du 20 octobre 2022 au 7 novembre 2022Note de bas de page 15. Son médecin a jugé qu’elle était capable de travailler pendant cette période. Or, la prestataire a fait le choix personnel de retarder son retour au travail.
Après que la prestataire est retournée au travail avec des tâches modifiées, soit du 7 novembre 2022 à mars 2023
[31] À partir du 7 novembre 2022, la prestataire travaillait. Elle n’a pas travaillé à temps plein avant mars 2023. Son médecin lui a dit qu’elle était apte à travailler avec des tâches modifiées, à raison de cinq heures par jour, trois jours par semaineNote de bas de page 16. À la lumière de cette preuve médicale, je conclus qu’un emploi convenable pour la prestataire était un emploi que sa santé et ses capacités physiques lui permettaient d’exercer. Son médecin a évalué qu’il s’agissait d’un retour progressif au travail.
[32] La prestataire travaillait et son employeur était disposé à modifier ses tâches. La prestataire a déclaré qu’elle travaillait le plus longtemps possible qu’elle se sentait capable de faireNote de bas de page 17. Elle occupait donc un emploi convenable, conformément au plan de retour au travail de son médecin.
[33] Rien dans la loi n’indique qu’une partie prestataire doit travailler à temps plein. Cependant, la loi précise qu’une partie prestataire qui demande des prestations régulières d’assurance-emploi doit être capable de travailler et disponible pour le faire chaque jour où elle demande des prestations.
[34] Dans la présente affaire, la prestataire a déclaré qu’elle travaillait à sa pleine capacité. Cela signifie qu’elle n’était pas capable de travailler davantage et qu’elle n’était pas disponible pour le faire. J’ai également examiné la note du médecin du 29 novembre 2022 qui suggérait qu’elle pouvait effectuer des tâches modifiées avec des heures régulièresNote de bas de page 18. Malgré l’autorisation de son médecin, la prestataire a expressément déclaré qu’elle ne se sentait pas capable de travailler davantage.
[35] Si la prestataire ne se sentait pas capable de travailler, cela signifie nécessairement qu’elle n’était pas capable de travailler des heures supplémentaires et qu’elle n’était pas disponible pour le faire. Malheureusement, cela signifie aussi qu’elle n’est pas admissible aux prestations régulières d’assurance-emploi pour cette période.
Conclusion
[36] L’appel est accueilli.
[37] La division générale a commis une erreur de droit. J’ai rendu la décision que la division générale aurait dû rendre. La prestataire n’est pas admissible aux prestations parce qu’elle travaillait à sa pleine capacité dans un emploi convenable.