Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : NC c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2024 TSS 1718

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : N. C.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (665119) datée du 17 mai 2024 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Katherine Parker
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 16 juillet 2024
Personnes présentes à l’audience : Aucune partie n’a assisté à l’audience
Date de la décision : Le 16 juillet 2024
Numéro de dossier : GE-24-2177

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli. La division générale est d’accord avec l’appelante.

[2] L’appelante a démontré qu’elle était fondée à quitter son emploi (c’est-à-dire qu’elle avait une raison acceptable selon la loi pour le faire) quand elle l’a fait. L’appelante était fondée à quitter son emploi parce que son départ était la seule solution raisonnable dans son cas. Par conséquent, elle n’est pas exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Aperçu

[3] L’appelante a quitté son emploi le 11 juillet 2023 et a demandé des prestations d’assurance-emploi. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a examiné les raisons du départ de l’appelante. Elle a conclu que cette dernière avait quitté volontairement son emploi (c’est-à-dire qu’elle a choisi de quitter son emploi) sans justification. Par conséquent, la Commission ne pouvait pas lui verser de prestations.

[4] Je dois décider si l’appelante a prouvé que quitter son emploi était la seule solution raisonnable dans son cas.

[5] La Commission affirme qu’au lieu de partir quand elle l’a fait, l’appelante aurait pu prendre un congé prolongé. La Commission n’a pas analysé les affirmations de l’appelante au sujet du harcèlement et de l’intimidation, ou le fait de travailler dans des conditions dangereusesNote de bas de page 1.

[6] L’appelante n’est pas d’accord et affirme qu’elle a été victime d’intimidation, de harcèlement et qu’elle a été forcée de travailler dans un environnement toxique. Elle a déclaré avoir été exposée d’une agression sexuelle de la part d’un client, avoir été exposée à des commentaires racistes et anti-LGBTQ2S+ de la part de la direction et avoir été forcée d’effectuer des tâches dangereuses.

Question que je dois examiner en premier

L’appelante n’était pas présente à l’audience

[7] L’appelante n’était pas à l’audience. L’audience peut avoir lieu en l’absence de la partie appelante si cette dernière a reçu l’avis d’audienceNote de bas de page 2. Je pense que l’appelante a reçu cet avis parce qu’un colis de messagerie, qui contenait les renseignements concernant l’audience, a été reçu le 3 juillet 2024. Un message vocal lui a été laissé au numéro de téléphone figurant dans le dossier le 9 juillet 2024. Le service d’assistance a tenté de l’appeler pendant l’audience et lui a laissé un message vocal détaillé. J’ai attendu une demi-heure, et la partie ne s’est pas présentée. L’audience a donc eu lieu à la date prévue, mais sans l’appelante.

Question en litige

[8] L’appelante est-elle exclue du bénéfice des prestations pour avoir quitté volontairement son emploi sans justification?

[9] Pour répondre à cette question, je dois d’abord traiter de la question du départ volontaire de l’appelante. Je dois ensuite décider si elle était fondée à quitter son emploi.

Analyse

Les parties sont d’accord sur le fait que l’appelante a quitté volontairement son emploi

[10] J’accepte le fait que l’appelante a quitté volontairement son emploi. L’appelante reconnaît qu’elle a quitté son emploi le 11 juillet 2023. Je ne vois aucune preuve du contraire.

Les parties ne sont pas d’accord sur le fait que l’appelante était fondée à quitter volontairement son emploi

[11] Les parties ne sont pas d’accord sur le fait que l’appelante était fondée à quitter volontairement son emploi quand elle l’a fait.

[12] La loi prévoit qu’une personne est exclue du bénéfice des prestations si elle quitte volontairement son emploi sans justificationNote de bas de page 3. Il ne suffit pas d’avoir une bonne raison de quitter un emploi pour prouver que le départ était fondé.

[13] La loi explique ce que veut dire « être fondée à ». Elle dit qu’une personne est fondée à quitter son emploi si son départ est la seule solution raisonnable pour elle, compte tenu de toutes les circonstancesNote de bas de page 4.

[14] L’appelante est responsable de prouver que son départ était fondé. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que quitter son emploi était la seule solution raisonnable dans son casNote de bas de page 5.

[15] Pour décider si l’appelante était fondée à quitter son emploi, je dois examiner toutes les circonstances entourant son départ. La loi énonce certaines des circonstances que je dois examinerNote de bas de page 6.

[16] Après avoir établi les circonstances qui s’appliquent à l’appelante, elle doit démontrer que son départ était la seule solution raisonnable dans son cas à ce moment-làNote de bas de page 7.

Les circonstances entourant la démission de l’appelante

[17] L’appelante affirme que deux des circonstances prévues par la loi s’appliquent. Plus précisément, elle soutient qu’elle a été victime de harcèlementNote de bas de page 8 et contrainte de travailler dans des conditions dangereusesNote de bas de page 9. L’appelante a présenté des observations détaillées, dont une observation qu’elle a présentée au ministère du Travail. Ces observations figurent dans les documents GD2 et GD3. Il s’agit notamment des affirmations qui suivent.

  • Le 14 janvier 2023, un client lui a fait des remarques déplacées. Il est revenu une heure plus tard et s’est exhibé devant elle. Elle s’est plainte à son gérant, B., et a rédigé un rapport d’incident. L’employeur n’a pas fait d’enquête. Le client n’a pas été exclu et son gérant a pris l’incident à la légère en déclarant : [traduction] « Tu n’as pas encore surmonté ça?Note de bas de page 10 »
  • Une collègue a dit à l’appelante que B. lui avait dit d’essayer de la pousser à démissionner. Selon cette collègue, B. lui avait dit : [traduction] « Pousse-la dans ses derniers retranchements et j’interviendrai pour terminer le travailNote de bas de page 11. »
  • B. a commencé à retenir une heure par jour sur le salaire de l’appelante. Elle travaillait neuf heures par jour, pauses payées comprises. B. a décidé d’arrêter de lui payer une heure, mais a continué à payer d’autres personnes. Lorsque l’appelante a confronté B., il a dit qu’il n’avait pas besoin d’elle, mais qu’il avait besoin des autres. Ces propos ont été tenus devant des collègues, ce qui l’a mise dans l’embarras et l’a humiliée. Elle s’est sentie dégradée.
  • L’appelante a été contrainte d’utiliser et de nettoyer des toilettes qui ne fermaient pas à clé. Elle a déclaré qu’elle avait dû mettre sa main dans les toilettes avec des substances inconnues qui étaient visibles. Elle a dit qu’elle se sentait menacée et qu’elle ne se sentait pas en sécurité dans les toilettes.
  • L’appelante a déclaré que B. avait fait des commentaires désobligeants sur les personnes transgenres. Elle a dit que cette insulte lui avait été adressée en raison de certains membres de sa famille et de ses amis qui s’identifiaient comme transgenres. Elle a déclaré que B. avait également tenu des propos honteux à l’égard d’une ou d’un collègue en situation de handicap physique, ce qu’elle a trouvé offensant.

[18] Les circonstances qui existaient au moment où l’appelante a démissionné constituaient un motif valable de départ. J’estime qu’elle a été harcelée. Il s’agit d’un motif valable au sens de l’article 29(c)(i) de la Loi sur l’assurance-emploi. Voici les raisons pour lesquelles je conclus qu’il y a eu harcèlement.

  • L’appelante a présenté des arguments détaillés selon lesquels l’employeur, et en particulier B., a ignoré sa plainte pour agression sexuelle. Il a refusé de lui fournir la vidéo et n’a pas banni le client ni aucune mesure. Il a permis au client de continuer à faire ses achats.
  • L’appelante était une jeune personne de 19 ans. Elle s’est sentie en danger et a éprouvé une forte anxiété après cet incident. Sa mère a dû la conduire au travail lorsqu’elle devait travailler tôt le matin et attendre que d’autres arrivent. Elle craignait d’être seule dans le magasin.
  • B. a dit à ses collègues de la pousser à bout et qu’il finirait le travail. Il s’agit de harcèlement et cela prouve que B. essayait de forcer l’appelante à démissionner.
  • B. a fait des commentaires discriminatoires sur la famille et des amis de l’appelante, et celle-ci s’est sentie en danger et mal accueillie dans cet environnement.
  • B. a retenu une heure par jour sur le salaire de l’appelante, mais n’a pas retenu les salaires des autres. Il la traitait différemment.

[19] Je suis d’accord avec l’appelante lorsqu’elle dit dans ses observations que si ce n’est pas une justification, alors qu’est-ce que c’estNote de bas de page 12? Je ne comprends pas très bien pourquoi la Commission n’a pas considéré qu’il s’agissait de harcèlement parce qu’elle n’a pas fourni d’analyse de l’article 29(c) dans ses observations.

[20] Je considère que la déclaration selon laquelle elle a été contrainte de travailler dans un environnement dangereux, comme indiqué à l’article 29(c)(iv), n’est pas fondée. L’environnement de travail a pu présenter des conditions dangereuses, mais l’appelante aurait pu utiliser un équipement de sécurité et une protection personnelle lorsqu’elle devait nettoyer les toilettes. Elle aurait pu chercher une autre salle de bain à utiliser si celle qui lui était proposée n’était pas sûre.

[21] L’appelante a déposé une plainte auprès du ministère du Travail pour environnement de travail dangereux et paiement inéquitable des salaires. Elle a indiqué qu’elle avait reçu une décision du ministère et que l’employeur était tenu de la rémunérer pour l’heure en question. Cela confirme ce qu’elle a dit à propos du traitement injuste dont elle a fait l’objet.

[22] L’appelante n’a besoin que d’une seule raison pour avoir un motif valable. Elle a un motif valable parce qu’elle a été harcelée par son employeur.

L’appelante n’avait pas d’autre solution raisonnable

[23] Je dois maintenant vérifier si la seule solution raisonnable pour l’appelante était de quitter son emploi au moment où elle l’a fait.

[24] L’appelante affirme qu’elle n’avait pas d’autre solution raisonnable parce qu’elle ne se sentait pas en sécurité et qu’elle subissait du harcèlement au travail. Il s’agissait d’un environnement toxique, et elle était victime d’intimidation.

[25] La Commission n’est pas d’accord et affirme que l’appelante aurait pu prendre un congé prolongé.

[26] Je considère que l’appelante n’avait pas d’autre solution raisonnable que de démissionner quand elle l’a fait.

  • L’appelante s’est plainte auprès du gérant B. Cependant, B. n’a pas tenu compte de ses plaintes et a fait peu de cas de l’agression sexuelle.
  • L’appelante n’a pas pu être mutée parce que le magasin le plus près était à une heure de route.
  • Les commentaires dégradants ont eu des répercussions sur sa santé mentale. Elle a cherché un traitement, mais l’environnement de travail toxique n’a rien arrangé.
  • La Commission a déclaré que l’appelante aurait pu prendre un congé prolongé au lieu de démissionner. Cependant, la Commission n’a fourni aucune preuve que l’employeur avait une politique de congé prolongé ou que la demande de l’appelante aurait été approuvée. Je ne vois pas très bien comment un congé prolongé aurait pu changer la situation de harcèlement en milieu de travail, qui comprenait le sentiment d’insécurité physique et d’exposition à d’éventuelles agressions sexuelles. Il ne s’agit pas d’une solution raisonnable dans ces circonstances.

[27] Compte tenu des circonstances entourant la démission de l’appelante, son départ était la seule solution raisonnable dans son cas, pour les raisons mentionnées ci-dessus.

[28] Cela signifie que l’appelante était fondée à quitter son emploi.

Conclusion

[29] Je conclus que l’appelante n’est pas exclue du bénéfice des prestations.

[30] Par conséquent, l’appel est accueilli.

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