[TRADUCTION]
Citation : JC c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2024 TSS 1725
Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi
Décision
Partie appelante : | J. C. |
Partie intimée : | Commission de l’assurance-emploi du Canada |
Décision portée en appel : | Décision de révision de la Commission de l’assurance‑emploi du Canada (632487) datée du 9 janvier 2024 (communiquée par Service Canada) |
Membre du Tribunal : | Susan Stapleton |
Mode d’audience : | Vidéoconférence |
Date d’audience : | Le 7 mars 2024 |
Personne présente à l’audience : | Appelante |
Date de la décision : | Le 27 mars 2024 |
Numéro de dossier : | GE-24-357 |
Sur cette page
Décision
[1] L’appel est accueilli. Le Tribunal de la sécurité sociale est d’accord avec l’appelante.
[2] L’appelante a démontré qu’elle était fondée à quitter son emploi au moment de sa démission (c’est-à-dire qu’elle avait une raison acceptable selon la loi). Elle était fondée à quitter son emploi parce que son départ était la seule solution raisonnable dans son cas. Par conséquent, elle n’est pas exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.
Aperçu
[3] L’appelante a quitté son emploi de préposée aux bénéficiaires le 23 avril 2023 et a demandé des prestations d’assurance-emploi. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a examiné les raisons de son départ. Elle a conclu que l’appelante avait quitté volontairement son emploi (c’est-à-dire qu’elle avait choisi de le quitter) sans justification. Par conséquent, la Commission ne pouvait pas lui verser de prestations.
[4] Je dois décider si l’appelante a prouvé que quitter son emploi était la seule solution raisonnable dans son cas.
[5] La Commission affirme qu’au lieu de démissionner et de chercher un autre emploi par la suite, l’appelante aurait pu continuer à travailler tout en cherchant un autre emploi. La Commission ajoute que l’appelante aurait pu essayer d’obtenir un certificat médical acceptable lui recommandant de quitter son emploi s’il était à la source de sa maladie, ou qu’elle aurait pu demander une autre période de congé à son employeurNote de bas de page 1.
[6] L’appelante n’est pas d’accord. Elle affirme qu’elle a été victime d’intimidation au travail et qu’elle a dû suivre une thérapie en raison du stress causé par son emploiNote de bas de page 2. Son mari travaillait dans une autre province, et elle s’occupait seule de leur fille adulte, qui a une déficience mentaleNote de bas de page 3. Elle affirme qu’après être allée chercher des conseils d’une intervenante en santé mentale, elle a réalisé qu’elle n’avait d’autre choix que de démissionnerNote de bas de page 4.
Question en litige
[7] L’appelante est-elle exclue du bénéfice des prestations parce qu’elle a quitté volontairement son emploi sans justification?
[8] Pour répondre à cette question, je dois d’abord aborder la question du départ volontaire. Ensuite, je dois décider si l’appelante était fondée à quitter son emploi.
Analyse
Les parties sont d’accord sur le fait que l’appelante a quitté volontairement son emploi
[9] Je reconnais que l’appelante a quitté volontairement son emploi. Elle-même convient qu’elle a quitté son emploi le 15 avril 2023. Je n’ai aucune preuve du contraire.
Les parties ne sont pas d’accord sur le fait que l’appelante était fondée à quitter volontairement son emploi
[10] Les parties ne sont pas d’accord sur le fait que l’appelante était fondée à quitter volontairement son emploi au moment de son départ.
[11] La loi prévoit qu’une personne est exclue du bénéfice des prestations si elle quitte volontairement son emploi sans justificationNote de bas de page 5. Il ne suffit pas d’avoir une bonne raison de quitter un emploi pour prouver que le départ était fondé.
[12] La loi explique ce que signifie « être fondé à ». Elle prévoit qu’une personne est fondée à quitter son emploi si son départ à ce moment-là était la seule solution raisonnable compte tenu de toutes les circonstancesNote de bas de page 6.
[13] L’appelante est responsable de prouver qu’elle était fondée à quitter volontairement son emploi. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités, c’est-à-dire qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que quitter son emploi était la seule solution raisonnableNote de bas de page 7.
[14] Pour trancher la question, je dois examiner toutes les circonstances présentes lorsque l’appelante a quitté son emploi. La loi énonce des circonstances que je dois prendre en considérationNote de bas de page 8.
[15] Une fois que j’ai déterminé les circonstances qui s’appliquent à l’appelante, celle-ci doit démontrer qu’elle n’avait pas d’autre solution raisonnable que de quitter son emploi à ce moment-làNote de bas de page 9.
Les circonstances présentes quand l’appelante a quitté son emploi
[16] L’appelante affirme que deux des circonstances énoncées dans la loi s’appliquent à sa situation. Plus précisément, elle soutient que ses conditions de travail étaient dangereuses pour sa santé et sa sécurité et qu’elle a été victime d’intimidation de la part de sa gestionnaire.
Conditions de travail dangereuses pour la santé ou la sécurité
[17] La loi prévoit qu’une personne qui a des conditions de travail dangereuses pour sa santé ou sa sécurité est fondée à quitter son emploi si son départ est la seule solution raisonnableNote de bas de page 10.
[18] Lorsqu’une personne dit avoir quitté son emploi en raison de conditions de travail dangereuses pour sa santé ou sa sécurité, elle doit habituellement avoir pris toutes les mesures suivantes :
- a) fournir une preuve médicaleNote de bas de page 11;
- b) tenter de régler le problème avec l’employeurNote de bas de page 12;
- c) tenter de trouver un autre emploi avant de partirNote de bas de page 13.
[19] La Commission affirme que l’appelante a d’abord déclaré qu’elle n’avait pas reçu de conseils médicaux avant de décider de quitter son emploi. Plus tard, l’appelante a dit qu’une intervenante lui avait expliqué qu’elle devrait peut-être chercher du travail dans un autre domaine. Et l’appelante a fini par dire que son intervenante lui avait conseillé de quitter son emploi et de trouver une autre profession. Selon la Commission, je devrais accorder plus d’importance à la première déclaration de l’appelante, puisqu’elle l’a faite avant de réaliser les conséquences potentielles sur son admissibilité aux prestations. La Commission affirme que la déclaration initiale de l’appelante indique clairement qu’elle a quitté son emploi parce qu’elle ne voulait plus travailler en soins de santé et que sa décision n’était pas fondée sur l’avis de son intervenante ou du personnel médicalNote de bas de page 14.
[20] Dans sa demande de prestations, l’appelante a déclaré qu’elle avait suivi une thérapie et qu’en raison du stress causé par son travail, du genre de tâches qu’elle avait et de l’intimidation, elle avait dû démissionner avant de s’effondrer complètement. Elle a dit qu’elle allait chercher un nouveau travailNote de bas de page 15.
[21] Lors de son premier appel téléphonique avec la Commission, le 31 mai 2023, l’appelante a déclaré qu’elle ne pouvait plus continuer de travailler à l’établissement de soins de longue durée auprès de personnes vivant avec la démence. Elle a expliqué qu’elle a une fille adulte atteinte d’autisme et qu’elle avait beaucoup de stress dans sa vie. Elle a déclaré avoir pris un congé de maladie de 15 semaines en raison du stress, de janvier à mars 2023. Elle a dit qu’elle ne voulait plus travailler dans le domaine des soins de santé et que son intervenante lui avait expliqué en mars qu’elle devrait peut-être chercher du travail dans un autre domaine. L’appelante vit à Terre-Neuve et a dit que son mari travaillait en Alberta. Elle a affirmé avoir postulé à des emplois de camionneuse en Alberta au début d’avril 2023Note de bas de page 16.
[22] Le 5 juin 2023, l’appelante a déclaré à la Commission que les raisons de sa démission étaient, en ordre d’importance, le stress en dehors du travail, le stress au travail, le fait de devoir suivre un membre de sa famille pour travailler dans un autre milieu et le changement de carrièreNote de bas de page 17.
[23] Le 30 juin 2023, l’appelante a déclaré à la Commission qu’elle avait quitté son emploi pour des problèmes de santé mentaleNote de bas de page 18.
[24] Dans son formulaire de demande de révision, l’appelante a déclaré que son emploi nuisait à sa santé mentale. Elle a mentionné que lorsqu’elle a consulté son intervenante et le personnel médical, elle s’est fait recommander de chercher un emploi ailleurs et de changer de carrière. Elle a dit qu’à son travail, il était fréquent de devoir gérer des crises, de recevoir des coups et de se faire insulter. Elle a ajouté que les problèmes de santé mentale faisaient partie de son quotidien, tant au travail que chez elle. Elle a donc décidé d’aller rejoindre son mari et de chercher un emploi en AlbertaNote de bas de page 19.
[25] Au cours du processus de révision, l’appelante a déclaré à la Commission qu’elle avait été en congé de maladie du 6 avril au 24 mai 2022, puis de janvier à mars 2023. Elle a dit avoir démissionné parce qu’elle travaillait auprès de personnes vivant avec la démence et qu’elle sentait qu’elle avait de la difficulté à déployer les efforts physiques et mentaux nécessaires. Elle a ajouté qu’elle était stressée, car sa fille vivait une période de sérieuses perturbations mentales à ce moment-là. Elle a dit que son employeur était au courant des problèmes de sa fille, mais qu’il n’en tenait pas compte. Son employeur a refusé qu’elle prenne des congés personnels ou des vacances, alors qu’elle avait déjà utilisé tous ses congés de maladie. Elle a dit que son intervenante lui avait conseillé de quitter son emploi et de trouver une autre profession, sinon son état mental allait beaucoup se dégrader. L’appelante a donc décidé qu’il était temps de démissionner et de changer de carrièreNote de bas de page 20.
[26] Dans le dossier, on trouve deux rapports rédigés par l’intervenante de l’appelante. Le 13 juin 2023, l’intervenante a déclaré avoir vu l’appelante quatre fois à partir du 27 février 2023. Elle a mentionné que ses séances avec l’appelante avaient surtout porté sur l’intimidation et le harcèlement au travail. Elle a souligné que l’appelante s’occupait de sa fille adulte qui avait des particularités. Elle a ajouté qu’au moment où l’appelante a quitté son emploi, elle avait de la difficulté à gérer le stress dans sa vie personnelle, ainsi que la pression et le stress qu’elle subissait au travail. Elle a suggéré que l’appelante prenne une période de congé étant donné son niveau de stress et d’anxiété lors des séancesNote de bas de page 21.
[27] Dans un deuxième rapport daté du 13 juin 2023, l’intervenante a ajouté qu’à la première séance, elle avait proposé à l’appelante de chercher une autre profession pour sortir du domaine des soins. Elle a dit qu’elle appuyait le plan de l’appelante de chercher d’autres types de travail en dehors de son domaineNote de bas de page 22.
[28] Dans une lettre datée du 13 juin 2023, la médecin de l’appelante a déclaré que celle-ci avait de la difficulté à composer avec des facteurs de stress familiaux et professionnels depuis février 2023. Elle a noté que l’appelante avait vu une intervenante quelques fois de février à juin et qu’elle semblait avoir beaucoup de difficulté à gérer le stress dans sa vie au moment où elle a quitté son emploi. Elle a souligné que la recherche d’emploi de l’appelante pourrait prendre plus de temps que prévuNote de bas de page 23.
[29] L’appelante a dit ce qui suit :
- Au bout de quelque temps à travailler pour son employeur comme préposée aux bénéficiaires, elle a remarqué que sa santé mentale se détériorait. Elle pleurait beaucoup, était très perturbée, faisait énormément d’anxiété et avait des coups de déprime.
- Elle a été blessée par des personnes dont elle s’occupait, qui faisaient de la démence. Un résident lui a disloqué le pouce. Elle reçoit encore des injections de cortisone tous les trois mois pour traiter sa blessure. Elle a déjà reçu des coups à la tête. Cette fois-là, elle avait dû retourner chez elle. Elle a reçu des coups de pied et des coups de poing. Aucune mesure n’a été prise, car les personnes étaient atteintes de démence.
- Son travail était très physique. Elle devait soulever et tirer de nombreuses charges. Et souvent, elle devait le faire seule parce qu’il manquait de personnel. L’appelante mesure seulement 5 pieds et pèse 104 livres.
- On lui avait accordé une mesure d’adaptation pour lui permettre de travailler de nuit sans devoir rester plus tard le matin, en raison de ses difficultés à trouver un service de garde fiable pour sa fille. Celle-ci avait besoin de soins 24 heures sur 24. L’appelante ne pouvait pas laisser sa fille seule parce qu’elle avait tendance à courir et à s’enfuir. Elle ne pouvait pas rester après ses quarts de nuit parce qu’elle n’avait pas de service de garde régulier pour sa fille. Sa gestionnaire voulait l’obliger à rester après ses quarts de nuit et elle essayait de la faire travailler plus longtemps.
- L’appelante s’est déjà fait attribuer des quarts de jour. Toutefois, si les personnes qui prenaient soin de sa fille ne se présentaient pas, elle devait rentrer chez elle. Et c’est arrivé. Cette fois-là, sa gestionnaire l’a appelée pour lui dire : [traduction] « Dès que tu arrives ici, tu appartiens à Western Health et, tant que tu n’as pas la permission de partir, tu ne pars pas. » L’appelante a dit que sa gestionnaire n’avait aucune compassion ou considération et qu’elle l’avait intimidée à plusieurs reprises. Sa gestionnaire n’a pas aimé qu’elle ait une mesure d’adaptation pour travailler de nuit. Elle a essayé de la faire rester plus tard au travail quatre fois d’affilée.
- L’appelante a déposé une plainte officielle au sujet de sa gestionnaire. Elle a eu une réunion avec les Ressources humaines et son syndicat. L’appelante leur a dit que sa gestionnaire l’intimidait et lui avait posé des ultimatums, parce qu’elle n’était pas d’accord avec sa mesure d’adaptation. La réunion n’a pas amélioré la situation. Par la suite, l’appelante a été suspendue sans solde pendant une journée, parce qu’elle avait manqué de respect à sa gestionnaire. Mais sa gestionnaire n’était pas respectueuse envers elle non plus. Toutefois, il n’y avait aucune conséquence pour elle.
- En janvier 2023, l’appelante a consulté sa médecin. Celle-ci lui a dit qu’elle pouvait voir que sa santé se détériorait et qu’il lui fallait une période de congé. Sa médecin lui a recommandé d’aller chercher des conseils, ce qu’elle a fait. Sa médecin lui a dit : [traduction] « […] vous avez besoin de prendre du temps pour vous et de vous ressourcer, sinon vous allez toucher le fond. » Elle a suggéré à l’appelante de consulter une personne-ressource pour discuter de la recherche d’un autre emploi.
- Pendant son congé de maladie de janvier à mars 2023, l’appelante est allée en Alberta pour être avec son mari et chercher du travail là-bas. L’entreprise pour laquelle travaille son mari souhaitait l’embaucher comme camionneuse, dans le cadre du programme pour chauffeuses et chauffeurs en apprentissage, lorsque les nouveaux contrats seraient conclus. Toutefois, l’appelante n’a pas eu d’offre d’emploi officielle et ne savait pas quand l’emploi commencerait.
- En février 2023, elle a commencé à voir régulièrement son intervenante et a eu des séances virtuelles pendant qu’elle était en Alberta. Son intervenante était d’avis qu’elle devait changer de carrière, parce que son emploi, combiné aux besoins de sa fille, [traduction] « la brisait physiquement, émotionnellement et mentalement ». Son intervenante lui a dit : [traduction] « […] partez maintenant, pendant que vous êtes encore saine d’esprit. » Elle lui a recommandé d’aller rejoindre son mari en Alberta et de trouver une solution pour combler les besoins de leur fille à temps plein.
- Pendant son congé de maladie de janvier à mars 2023, elle a installé sa fille dans son propre appartement avec soins 24 heures sur 24.
- Elle est retournée au travail, mais a été incapable de poursuivre son emploi. Elle était au bout du rouleau et sentait qu’elle allait s’effondrer si elle gardait cet emploi. Elle avait même des pensées suicidaires. Elle avait atteint son point de rupture. Elle sentait qu’elle n’avait d’autre choix que de quitter son emploi avant de sombrer dans une dépression.
- Elle est allée travailler en Alberta en septembre 2023 et a été mise à pied en novembre 2023. Lorsque les nouveaux contrats allaient être offerts, elle reprendrait son emploi en Alberta.
[30] Je considère que les conditions de travail de l’appelante étaient dangereuses pour sa santé et sa sécurité.
[31] Selon la Commission, je devrais accorder plus d’importance à la première déclaration de l’appelante, puisqu’elle l’a faite avant de réaliser les conséquences potentielles sur son admissibilité aux prestations. La Commission affirme que la déclaration initiale de l’appelante indique clairement qu’elle a quitté son emploi parce qu’elle ne voulait plus travailler en soins de santé et que sa décision n’était pas fondée sur l’avis de son intervenante ou du personnel médicalNote de bas de page 24.
[32] Je reconnais que l’appelante avait des facteurs de stress importants en dehors de son travail, parce qu’elle devait s’occuper de sa fille et que son mari travaillait dans une autre province. Toutefois, l’appelante a déclaré dans sa demande de prestations qu’elle avait suivi une thérapie en raison du stress causé par son travail et qu’elle avait dû démissionner avant de s’effondrer. Dans son formulaire de demande de révision, elle a déclaré que son emploi nuisait à sa santé mentale. Elle a répété à la Commission qu’elle avait quitté son emploi en raison des répercussions sur sa santé mentale. Elle a affirmé que son emploi ruinait sa santé mentale et physique, qu’elle était au bord d’une dépression et qu’elle avait même des pensées suicidaires. Elle a déclaré que sa médecin et son intervenante lui avaient conseillé de changer d’emploi, pendant qu’elle était encore saine d’esprit.
[33] J’ai trouvé l’appelante crédible dans l’ensemble de son témoignage. Elle a livré son témoignage directement sous affirmation solennelle et a répondu à mes questions de façon claire et cohérente tout au long de l’audience. Son témoignage concordait avec ce qu’elle avait dit à la Commission et avec la preuve qu’elle avait présentée et qui se trouve au dossier.
[34] Pour ces raisons, je considère qu’au moment où l’appelante a démissionné, son emploi était dangereux pour sa santé et sa sécurité.
[35] Je conclus donc que cette circonstance était présente.
Relations conflictuelles avec une supérieure ou un supérieur
[36] La loi prévoit que lorsqu’une personne a des relations conflictuelles, dont la cause ne lui est pas essentiellement imputable, avec une supérieure ou un supérieur, elle est fondée à quitter son emploi si son départ est la seule solution raisonnableNote de bas de page 25.
[37] L’appelante a déclaré que sa gestionnaire n’était pas d’accord avec le fait qu’elle avait une mesure d’adaptation pour travailler de nuit sans pouvoir rester plus tard à la fin de ses quarts de travail. Elle a eu cette gestionnaire pendant les six derniers mois de son emploi. Elle a déclaré que sa gestionnaire l’avait intimidée et lui avait posé des ultimatums, en lui disant qu’il y aurait des conséquences si elle ne restait pas plus longtemps au travail. Sa gestionnaire a essayé de la faire rester plus tard au travail quatre fois d’affilée.
[38] Un conflit de personnalités est une forme d’hostilité ou d’attitude qui, dans la plupart des cas, ne peut pas être détectée ou déterminée d’après ce qui s’est produit au cours d’un incident ou d’une querelleNote de bas de page 26. Il doit s’agir de situations indépendantes de la volonté des prestataires ou de situations où les prestataires n’y sont pour rienNote de bas de page 27.
[39] Une personne n’est pas fondée à quitter son emploi simplement parce qu’elle n’est pas d’accord avec les instructions d’une supérieure ou d’un supérieur ou avec le style de gestion du milieu de travailNote de bas de page 28.
[40] J’accepte le témoignage de l’appelante au sujet du comportement de sa gestionnaire. Selon moi, l’appelante avait une relation conflictuelle, dont la cause ne lui était pas imputable, avec sa gestionnaire, puisque celle-ci refusait de respecter sa mesure d’adaptation et la malmenait.
[41] Je conclus donc que cette circonstance était présente.
Autres circonstances
[42] J’ai examiné si d’autres circonstances prévues par la loi étaient présentes dans cette affaire.
[43] J’ai vérifié si l’appelante avait la nécessité de prendre soin d’un enfant ou d’un proche parentNote de bas de page 29. L’appelante n’a pas affirmé avoir quitté son emploi pour cette raison. Elle s’était fait accorder une mesure d’adaptation lui permettant de travailler de nuit, afin de s’occuper de sa fille le jour, ce que sa gestionnaire avait de la difficulté à accepter. Par conséquent, je conclus que cette circonstance n’était pas présente.
[44] J’ai aussi vérifié si l’appelante avait l’assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiatNote de bas de page 30. L’appelante n’a pas affirmé avoir quitté son emploi pour cette raison. Une personne peut affirmer qu’elle avait l’assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiat, au sens de la Loi sur l’assurance-emploi, si elle démontre les trois choses suivantes :
- au moment de son départ, elle savait qu’elle aurait un autre emploi;
- elle savait de quel emploi il s’agirait;
- elle connaissait la date de début de son futur emploiNote de bas de page 31.
[45] L’appelante a déclaré qu’elle n’avait pas eu d’offre d’emploi officielle avant sa démission. À ce moment-là, elle ne savait donc pas si un autre emploi l’attendait. Elle a dit que l’entreprise pour laquelle travaille son mari souhaitait l’embaucher comme camionneuse, dans le cadre du programme pour chauffeuses et chauffeurs en apprentissage, lorsque les nouveaux contrats seraient conclus. Elle ne savait pas quand les nouveaux contrats seraient offerts, alors elle n’avait aucune date de début d’un emploi éventuel.
[46] Par conséquent, je conclus que l’appelante n’avait pas l’assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiat. Cette circonstance n’était pas présente.
[47] Bref, voici les circonstances présentes quand l’appelante a quitté son emploi : elle avait une relation conflictuelle, dont la cause ne lui était pas imputable, avec sa supérieure, et ses conditions d’emploi étaient dangereuses pour sa santé et sa sécurité.
L’appelante n’avait pas d’autre solution raisonnable
[48] Je dois maintenant vérifier si la démission de l’appelante était la seule solution raisonnable à ce moment-là.
[49] La Commission affirme que l’appelante aurait pu continuer à travailler tout en cherchant un autre emploi, au lieu de quitter son emploi, puis d’en chercher un autre. Elle ajoute que l’appelante aurait pu essayer d’obtenir un certificat médical acceptable lui recommandant de quitter son emploi s’il était à la source de sa maladie, ou qu’elle aurait pu demander une autre période de congé à son employeur.
[50] L’appelante n’est pas d’accord. Elle affirme qu’elle n’avait pas d’autre solution raisonnable parce qu’elle se faisait intimider par sa gestionnaire et maltraiter par les personnes dont elle s’occupait et qu’elle était au bord d’une dépression.
[51] Je juge que continuer à travailler tout en cherchant un autre emploi n’était pas une solution raisonnable qui aurait évité à l’appelante de démissionner au moment où elle l’a fait. Même si le document fourni par sa médecin ne recommande pas précisément de chercher un autre emploi en raison d’un danger pour sa santé à son travail, j’estime que le témoignage de l’appelante à ce sujet était crédible et convaincant.
[52] Dans son rapport, l’intervenante de l’appelante a confirmé qu’elle lui avait parlé de la recherche d’un autre type d’emploi dès la première séance. Elle a affirmé qu’elle appuyait l’appelante dans sa recherche d’emploi en dehors du domaine des soins. J’accepte le témoignage de l’appelante sur les conseils qu’elle a reçus lors des séances. Son intervenante lui a dit qu’elle devait quitter son emploi avant que sa santé mentale s’effondre et qu’elle était presque rendue à ce stade lorsqu’elle a démissionné. Je remarque aussi que l’appelante a déclaré qu’elle commençait à avoir des pensées suicidaires. Par conséquent, continuer de travailler tout en cherchant un autre emploi n’était pas une solution raisonnable.
[53] J’ai demandé à l’appelante si elle aurait pu prendre une autre période de congé. Elle a répondu que son employeur avait rejeté sa demande de congé personnel et sa demande de vacances, même si elle avait accumulé le temps nécessaire. Toutefois, elle n’avait plus de jours de congé de maladie, alors elle ne pouvait pas prendre un autre congé de ce type. Je conclus donc qu’une autre période de congé n’était pas une solution raisonnable.
[54] Compte tenu des circonstances présentes, je conclus que l’appelante n’avait pas d’autre solution raisonnable que de quitter son emploi au moment où elle l’a fait. Par conséquent, elle était fondée à quitter volontairement son emploi.
Conclusion
[55] Je conclus que l’appelante n’est pas exclue du bénéfice des prestations.
[56] Par conséquent, l’appel est accueilli.