[TRADUCTION]
Citation : JT c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2025 TSS 315
Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi
Décision
Partie appelante : | J. T. |
Représentante ou représentant : | D. T. |
Partie intimée : | Commission de l’assurance-emploi du Canada |
Décision portée en appel : | Décision de révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (698363) datée du 13 janvier 2025 (communiquée par Service Canada) |
Membre du Tribunal : | Peter Mancini |
Mode d’audience : | Vidéoconférence |
Date d’audience : | Le 18 février 2025 |
Personnes présentes à l’audience : | Appelant Représentant de l’appelant |
Date de la décision : | Le 28 février 2025 |
Numéro de dossier : | GE-25-265 |
Sur cette page
- Décision
- Aperçu
- Questions en litige
- Question en litige no 1 : disponibilité de l’appelant pour travailler
- Question en litige no 2 : article 25 de la Loi sur l’assurance-emploi – participation à une activité d’emploi vers laquelle on a été dirigé par la Commission et approbation rétroactive
- Conclusion
Décision
[1] L’appel est rejeté. La division générale n’est pas d’accord avec l’appelant.
[2] L’appelant n’a pas démontré qu’il est disponible pour travailler pendant qu’il suit une formation. La division générale du Tribunal n’a pas le pouvoir d’examiner l’argument de l’appelant selon lequel il devrait être admissible aux prestations parce que le programme est visé par l’article 25 de la Loi sur l’assurance-emploi. Par conséquent, il ne peut pas recevoir de prestations d’assurance-emploi.
Aperçu
[3] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a décidé que l’appelant est inadmissible au bénéfice des prestations régulières d’assurance-emploi à partir du 2 septembre 2024, parce qu’il n’était pas disponible pour travailler. Pour recevoir des prestations régulières d’assurance-emploi, la partie appelante doit être disponible pour travailler. La disponibilité est une exigence continue. Cela signifie que la partie appelante doit être à la recherche d’un emploi.
[4] Je dois décider si l’appelant a prouvé qu’il est disponible pour travailler. L’appelant doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’il doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’il est disponible pour travailler.
[5] La Commission affirme que l’appelant n’est pas disponible parce qu’il suivait une formation à temps plein.
[6] L’appelant n’est pas d’accord et affirme qu’il est disponible pour travailler. Il soutient également qu’il devrait être admissible aux prestations parce que d’autres personnes inscrites au même programme de formation en reçoivent, ce qui est injuste. Il s’agit du cœur de la question. Il aurait été admissible aux prestations s’il avait eu le temps de faire sa demande pour le programme en vertu de l’article 25 de la Loi sur l’assurance-emploi.
Questions en litige
[7] L’appelant est-il disponible pour travailler pendant qu’il suit une formation? Puis-je ordonner que l’appelant soit admissible aux prestations par l’intermédiaire de l’approbation du programme de formation?
Question en litige no 1 : disponibilité de l’appelant pour travailler
[8] Deux articles de loi différents exigent que la partie appelante démontre qu’elle est disponible pour travailler. La Commission a décidé que l’appelant était inadmissible selon ces deux articles. Ce dernier doit donc répondre aux critères des deux articles pour recevoir des prestations.
[9] Premièrement, la Loi sur l’ assurance-emploi dit qu’une partie appelante doit prouver qu’elle fait des « démarches habituelles et raisonnables » pour trouver un emploi convenableNote de bas de page 1. Le Règlement sur l’assurance-emploi présente des critères qui aident à expliquer ce que signifie « démarches habituelles et raisonnablesNote de bas de page 2 ». Je vais examiner ces critères ci-dessous.
[10] Deuxièmement, la Loi sur l’assurance-emploi prévoit aussi que la partie appelante doit prouver qu’elle est « capable de travailler et disponible à cette fin », mais qu’elle est incapable d’obtenir un emploi convenableNote de bas de page 3. La jurisprudence énonce trois éléments que la partie appelante doit prouver pour démontrer qu’elle est « disponible » en ce sensNote de bas de page 4. Je vais examiner ces éléments plus loin.
[11] La Commission a établi que l’appelant était inadmissible au bénéfice des prestations parce qu’il n’est pas disponible pour travailler selon ces deux articles de loi.
[12] De plus, la Cour d’appel fédérale a déclaré que les parties appelantes qui suivent une formation à temps plein sont présumées ne pas être disponibles pour travaillerNote de bas de page 5. C’est ce qu’on appelle la « présomption de non-disponibilité ». Cela signifie que l’on considère que les personnes qui suivent une formation ne sont probablement pas disponibles pour travailler quand la preuve montre qu’elles suivent une formation à temps plein.
[13] Je vais d’abord voir si je peux présumer que l’appelant n’était pas disponible pour travailler. J’examinerai ensuite les deux articles de loi portant sur la disponibilité.
Présumer que les personnes qui étudient à temps plein ne sont pas disponibles pour travailler
[14] La présomption de non-disponibilité s’applique uniquement aux personnes qui étudient à temps plein.
[15] L’appelant est un jeune homme intelligent et ambitieux. Il a travaillé jusqu’à la fin du mois d’août 2024, où il a été mis à pied de façon inattendue. Dix-sept mois plus tôt, il avait présenté une demande pour suivre un programme de formation qui porte sur les secours et la lutte contre les incendies. Deux jours après sa mise à pied, il a été informé qu’une place s’était libérée dans le programme. Il a décidé de profiter de cette occasion.
[16] L’appelant a considéré que cette occasion lui permettrait d’obtenir un emploi intéressant et il souhaitait s’améliorer. J’ai été impressionné par son éthique du travail et par son désir d’améliorer sa situation.
[17] Le programme comprend une formation sur le terrain ainsi qu’une partie en ligne. En classe, il y a seulement 16 étudiantes et étudiants. La description du programme indique que les heures de formation sont de 9 h à 16 h. Toutefois, l’appelant a déclaré à l’audience que l’horaire est généralement de 9 h à 15 h, du lundi au vendredi.
[18] Le coût du programme se situe de 12 000 $ à 15 000 $, sans compter les frais de subsistance. L’appelant a également d’autres dépenses, comme un paiement de voiture.
[19] L’appelant convient qu’il s’est inscrit à un programme considéré comme étant à temps plein, alors il est étudiant à temps plein, et je ne vois aucune preuve du contraire. J’accepte donc le fait que l’appelant suit une formation à temps plein.
[20] La présomption s’applique à l’appelant.
L’appelant est étudiant à temps plein
[21] L’appelant étudie à temps plein. Par contre, la présomption selon laquelle les personnes qui étudient à temps plein ne sont pas disponibles pour travailler peut être réfutée (c’est-à-dire qu’on peut montrer qu’elle ne s’applique pas). La Cour d’appel fédérale affirme que je dois effectuer une analyse contextuelle pour décider si l’appelant a réfuté la présomption de non-disponibilitéNote de bas de page 6.
[22] L’appelant a dit qu’il quitterait le programme s’il trouvait un emploi à temps plein. Il a également mentionné avoir travaillé pendant ses études à l’Université Memorial de 2018 à 2021. L’appelant a ajouté qu’il cherchait du travail pendant qu’il suivait la formation.
[23] La Commission affirme que l’appelant a d’abord dit qu’il voulait terminer son programme, et que c’était sa priorité. Elle soutient également que l’appelant n’a pas fait les démarches habituelles pour se trouver du travail.
[24] J’estime que même si l’appelant a dit qu’il travaillait pendant ses études à l’Université Memorial, je ne dispose aucune preuve à cet égard. L’appelant a mentionné avoir travaillé pour trois employeurs, mais ces emplois datent de 2022 ou 2023. L’appelant a fréquenté l’Université Memorial à partir de 2018 pendant quelques années. Je ne pense pas que l’appelant essayait d’induire le Tribunal en erreur, mais je crois qu’il ne se rappelait peut-être pas où il avait travaillé. Par conséquent, je n’ai aucun élément de preuve sur lequel me fonder pour trancher cette question, à l’exception des relevés d’emploi. Ces documents n’appuient pas l’affirmation de l’appelant.
[25] La Commission affirme que l’appelant a fourni des déclarations contradictoires sur sa volonté de chercher du travail. L’appelant a expliqué cela et a dit que la Commission l’avait peut-être mal compris. J’admets que si l’appelant trouvait un emploi à temps plein, il quitterait le programme de formation. Il a des dettes qui le préoccupent et aimerait les rembourser. Mais à mon avis, ces circonstances ne sont pas exceptionnelles.
[26] L’appelant n’a pas réfuté la présomption selon laquelle il n’est pas disponible pour travailler.
[27] Je vais maintenant examiner les articles de loi qui portent sur la disponibilité.
Démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi
[28] Le premier article de loi que je vais examiner prévoit qu’une partie appelante doit prouver que les démarches qu’elle a faites pour trouver un emploi sont habituelles et raisonnablesNote de bas de page 7.
[29] Le droit énonce les critères que je dois prendre en considération pour décider si les démarches de l’appelant sont habituelles et raisonnablesNote de bas de page 8. Je dois décider si ces démarches sont soutenues et si elles visent à trouver un emploi convenable. Autrement dit, l’appelant doit avoir continué à chercher un emploi convenable.
[30] Je dois aussi évaluer les démarches de l’appelant pour trouver un emploi. Le Règlement sur l’assurance-emploi présente une liste de neuf activités de recherche d’emploi dont je dois tenir compte, commeNote de bas de page 9 :
- rédiger un curriculum vitae ou une lettre de présentation;
- s’inscrire à des outils de recherche d’emploi, des banques d’emplois en ligne ou auprès de bureaux de placement;
- participer à des ateliers sur la recherche d’emploi ou à des salons de l’emploi;
- communiquer avec des employeurs éventuels;
- présenter des demandes d’emploi;
- participer à des entrevues.
[31] La Commission affirme que les démarches de l’appelant ne sont pas suffisantes pour trouver un emploi. Elle affirme que l’appelant n’avait pas de dossier de recherche d’emploi. Il a bien obtenu une entrevue pour un emploi en octobre 2024, mais il ne s’y est pas présenté, car il a eu un test ce jour-là.
[32] L’appelant n’est pas d’accord. Il affirme être à la recherche d’un emploi et a postulé quelques postes. Il dit s’être renseigné sur un poste de pompier et un poste au gymnase local. Ces deux démarches ont été effectuées à l’automne 2024. L’appelant estime que ses démarches démontrent qu’il est disponible pour travailler.
[33] Je juge que l’appelant a fait quelques démarches pour trouver un emploi à temps partiel, mais ces démarches n’ont pas été soutenues ou ordinaires.
[34] L’appelant n’a pas démontré que les démarches qu’il a faites pour trouver un emploi sont habituelles et raisonnables.
Capable de travailler et disponible pour le faire
[35] La jurisprudence établit trois éléments à examiner quand je dois décider si l’appelant est capable de travailler et disponible pour le faire, mais incapable de trouver un emploi convenableNote de bas de page 10. L’appelant doit prouver les trois éléments suivantsNote de bas de page 11 :
- a) montrer qu’il veut retourner travailler aussitôt qu’un emploi convenable lui est offert;
- b) faire des démarches pour trouver un emploi convenable;
- c) éviter d’établir des conditions personnelles qui limiteraient indûment (c’est-à-dire limiteraient trop) ses chances de retourner travailler.
[36] Au moment d’examiner chacun de ces éléments, je dois prendre en considération l’attitude et la conduite de l’appelantNote de bas de page 12.
Vouloir retourner travailler
[37] L’appelant a montré qu’il voulait retourner travailler aussitôt qu’un emploi convenable lui serait offert. J’accepte sa preuve selon laquelle il a des factures et des dettes qui le préoccupent.
Faire des démarches pour trouver un emploi convenable
[38] L’appelant n’a pas fait des démarches suffisantes pour trouver un emploi convenable.
[39] Pour m’aider à tirer une conclusion sur ce deuxième élément, j’ai examiné les activités de recherche d’emploi mentionnées ci-dessus. Ces activités me servent seulement de points de repère pour rendre une décision sur cet élémentNote de bas de page 13.
[40] Comme je l’ai mentionné plus tôt, les démarches que l’appelant a faites pour trouver un emploi comprenaient entre autres parler au personnel du gymnase local et aux personnes dans son programme qui pourraient lui fournir du travail. J’ai expliqué ces raisons plus haut en examinant si l’appelant avait fait des démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi.
[41] Ces démarches ne sont pas suffisantes pour satisfaire aux exigences liées à ce deuxième élément parce qu’elles ne sont pas habituelles ou ordinaires.
Limiter indûment ses chances de retourner travailler
L’appelant a établi des conditions personnelles qui pourraient limiter indûment ses chances de retourner travailler.
[42] L’appelant affirme qu’il n’a pas établi de conditions personnelles parce qu’il a essayé de trouver un emploi au gymnase local et par l’intermédiaire de son programme.
[43] La Commission soutient que l’appelant a écarté les possibilités d’emploi dans la vente au détail ou la restauration rapide.
[44] J’estime que lors de l’audience, l’appelant a déclaré avoir déjà travaillé dans la vente au détail et dans le secteur des services, mais qu’il cherchait maintenant un emploi plus « mature » et en lien avec son domaine. Je conclus donc que l’appelant a établi des conditions personnelles qui pourraient limiter ses chances d’obtenir un emploi convenable.
Alors, l’appelant est-il capable de travailler et disponible pour le faire?
[45] Compte tenu de mes constatations, je conclus que l’appelant n’a pas démontré qu’il est capable de travailler et disponible pour le faire, mais incapable de trouver un emploi convenable.
Question en litige no 2 : article 25 de la Loi sur l’assurance-emploi – participation à une activité d’emploi vers laquelle on a été dirigé par la Commission et approbation rétroactive
[46] Vers la fin de l’audience, il est devenu évident que la question principale de cet appel porte sur l’article 25 de la Loi sur l’assurance-emploi. Cet article vise les personnes qui participent à une activité d’emploi vers laquelle elles ont été dirigées par la Commission ou l’autorité qu’elle peut désigner. Ces personnes sont présumées capables de travailler et disponibles pour le faire. Par conséquent, elles seraient admissibles aux prestations. Certaines personnes inscrites au même programme que l’appelant reçoivent des prestations parce qu’elles ont été dirigées vers ce programme en vertu de l’article 25 de la Loi sur l’assurance-emploi.
[47] Le représentant de l’appelant a déclaré que toutes les autres questions (demande de possibilités d’emploi, etc.) étaient sans objet. En réalité, l’appelant voulait que la question suivante soit tranchée : aurait-il été admissible aux prestations s’il avait fait sa demande par l’intermédiaire de l’autorité désignée et s’il avait eu le temps de remplir les documents requis? Cependant, il a reçu un appel téléphonique deux jours avant le début du programme. Il n’a donc pas pu remplir les documents pour être admissible aux prestations pendant qu’il suivait le programme.
[48] La frustration de l’appelant est compréhensible. Toutefois, dans les circonstances, il ne s’endetterait pas pour terminer le programme; il recevrait des prestations pour le faire.
[49] J’ai examiné les articles 25 et 113 de la Loi sur l’assurance-emploi, qui traitent de la compétence de la division générale lorsqu’elle examine des appels.
[50] Je n’ai pas le pouvoir de permettre à l’appelant d’être admissible au programme par l’intermédiaire de l’autorité désignée. Selon l’article 25(2) de la Loi sur l’assurance-emploi, aucune décision de la Commission de diriger ou de ne pas diriger une partie prestataire vers un programme n’est susceptible de révision. Je peux uniquement réviser les questions soulevées dans le processus de révision d’un appelNote de bas de page 14. Je ne peux donc pas accueillir la demande de l’appelant.
[51] Il ne semble pas que cette question ait été abordée par la Commission, selon les notes dans le document GD3. J’encourage donc l’appelant et son représentant à communiquer avec la Commission pour voir s’il serait possible d’obtenir une approbation rétroactive.
Conclusion
[52] L’appelant n’a pas démontré qu’il est disponible pour travailler au sens de la loi et je ne peux pas examiner la question principale soulevée par l’appelant concernant l’article 25 de la Loi sur l’assurance-emploi (être dirigé vers des programmes approuvés et réputé admissible aux prestations). C’est pourquoi je conclus qu’il ne peut pas recevoir de prestations d’assurance-emploi.
[53] Par conséquent, l’appel est rejeté.