Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : SF c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2025 TSS 316

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une prolongation de délai et à
une demande de permission de faire appel

Partie demanderesse : S. F.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision rendue par la division générale le 16 décembre 2024 (GE-24-3561)

Membre du Tribunal : Solange Losier
Date de la décision : Le 2 avril 2025
Numéro de dossier : AD-25-157

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Décision

[1] Une prolongation du délai pour présenter une demande à la division d’appel est accordée. La permission de faire appel est refusée. L’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] S. F. est la prestataire. Elle a demandé des prestations d’assurance-emploi. Une première période de prestations a été établie en 2022 et une deuxième en 2023.

[3] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a recalculé sa demande parce qu’elle s’est aperçue qu’elle avait commis une erreur de calcul en tenant compte du mauvais nombre d’heures et de la mauvaise rémunération. Elle avait utilisé par mégarde un relevé d’emploi qui appartenait à une autre personne pour établir la période de prestations de l’appelante.

[4] Après avoir effectué un second calcul, la Commission a décidé que le taux hebdomadaire de prestations de la prestataire passerait de 650 $ à 367 $Note de bas de page 1. Elle a également réduit le nombre de semaines de prestations auxquelles elle avait droit. Cela a entraîné un trop-payé de 7 358 $Note de bas de page 2. La prestataire a porté la décision de la Commission en appel à la division générale.

[5] La division générale n’a pas modifié la décision de la Commission et a rejeté l’appel de la prestataireNote de bas de page 3. Elle a conclu que le taux hebdomadaire de prestations avait été correctement recalculé par la Commission et que la prestataire devait rembourser le trop-payé.

[6] La prestataire demande maintenant la permission de faire appelNote de bas de page 4. Je rejette sa demande parce que son appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

Questions préliminaires

[7] J’ai communiqué par écrit avec la prestataire pour lui demander de préciser son moyen d’appel parce qu’elle n’en avait pas souligné un dans son formulaire de demandeNote de bas de page 5. La prestataire a répondu en expliquant que la division générale n’avait pas assuré l’équité de la procédure. Elle a aussi fourni des renseignements supplémentaires au sujet de son appelNote de bas de page 6.

Questions en litige

[8] Voici les questions en litige dans le présent appel :

  1. a) La demande à la division d’appel était-elle en retard?
  2. b) Si c’est le cas, devrais-je prolonger le délai de présentation de la demande?
  3. c) Est-il possible de soutenir que la division générale n’a pas assuré l’équité de la procédure?

La demande à la division d’appel était en retard

[9] Le délai pour déposer une demande à la division d’appel en bonne et due forme est de 30 jours après la date à laquelle la décision de la division générale a été communiquée par écrit à la prestataireNote de bas de page 7.

[10] Dans sa demande à la division d’appel, la prestataire n’a pas indiqué la date à laquelle elle a reçu la décision de la division généraleNote de bas de page 8.

[11] La décision de la division générale a été rendue le 16 décembre 2024. Selon le dossier, la décision a été envoyée par courriel à la prestataire le même jour. Le 27 décembre 2024, le Tribunal a reçu un courriel de la prestataire accusant réception de la décision et lui demandant quelles étaient les prochaines étapes.

[12] Je conclus que la décision de la division générale a été communiquée à la prestataire au plus tard le 17 décembre 2024. Il s’agit du jour ouvrable suivant la date où la décision de la division générale lui a été envoyée par courrielNote de bas de page 9.

[13] Je conclus que la demande de la prestataire à la division d’appel a été déposée en retard. La date limite pour déposer sa demande était le 16 janvier 2025. Le Tribunal a reçu sa demande par courriel le 3 mars 2025Note de bas de page 10.

Je prolonge le délai pour le dépôt de la demande

[14] Pour décider s’il y a lieu d’accorder une prolongation du délai, je dois vérifier si la prestataire a une explication raisonnable justifiant son retardNote de bas de page 11.

[15] La prestataire a expliqué que sa demande était en retard parce qu’elle composait avec plusieurs problèmes, notamment des problèmes de santé mentale, une invalidité, et des problèmes financiers. De plus, elle devait s’occuper de membres de sa famille qui avaient des problèmes de santéNote de bas de page 12.

[16] Je conclus que la prestataire a fourni une explication raisonnable pour son appel tardif. Je lui accorde donc une prolongation du délai pour présenter sa demande.

Analyse

[17] Un appel peut aller de l’avant seulement si la division d’appel accorde la permission de faire appelNote de bas de page 13. Je dois être convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succèsNote de bas de page 14. Cela signifie qu’il doit y avoir un motif défendable qui permettrait à l’appel d’être accueilliNote de bas de page 15.

[18] Je peux seulement tenir compte de certains types d’erreurs. Je dois vérifier si la division générale a commis au moins une des erreurs pertinentes (c’est ce qu’on appelle les « moyens d’appel »).

[19] Voici les moyens d’appel possibles à la division d’appelNote de bas de page 16 :

  • la division générale a agi de façon inéquitable;
  • elle a agi au-delà de ses pouvoirs ou a refusé de les exercer;
  • elle a commis une erreur de droit;
  • elle a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.

[20] La prestataire soutient que la division générale n’a pas assuré l’équité de la procédure, mais bon nombre de ses arguments se recoupent avec d’autres moyens d’appelNote de bas de page 17. Étant donné cela, je vais aussi examiner si la division générale a commis une erreur de compétence, une erreur de droit et une erreur de fait.

Les arguments principaux de la prestataire à la division d’appel

[21] Voici un résumé des arguments principaux de la prestataireNote de bas de page 18 :

  • La division générale n’a pas entendu la tristesse dans sa voix ni la détresse qui traversait ses paroles lorsqu’elle a expliqué qu’elle n’avait pas d’argent pendant qu’elle touchait des prestations d’invalidité.
  • La division générale n’a pas raisonné et n’a pas fait preuve d’empathie.
  • La division générale n’a pas expliqué comment elle a rendu sa décision et a cité à répétition des articles de la « Loi sur les normes d’emploi de Service Canada ».
  • Étant donné les effets néfastes qu’elle a connus, elle aimerait simplement que son trop-payé de 7 358 $ soit annulé.
  • Service Canada a commis une erreur, mais c’est elle qui est pénalisée.
  • La division générale ne disposait pas d’un document important, soit le relevé d’emploi de son ancien employeur « X ».

Je ne donne pas à la prestataire la permission de faire appel

On ne peut pas soutenir que la division générale n’a pas assuré l’équité de la procédure

[22] L’« équité procédurale » concerne le caractère équitable de la procédure comme telle. Elle comprend certaines protections procédurales pour les parties, comme le droit d’obtenir une décision rendue par une personne impartiale, le droit d’être entendues, le droit de connaître les arguments avancés contre elles et le droit d’avoir la possibilité de répondre.

[23] Autrement dit, je peux intervenir si la division générale n’a pas assuré l’« équité de la procédureNote de bas de page 19 ».

[24] J’ai écouté l’enregistrement audio de l’audience de la division générale qui a révélé ce qui suit.

[25] L’enregistrement audio montre que l’audience a duré environ 30 minutes. La division générale a expliqué le critère juridique qu’elle devait appliquer, le processus et la loi applicable.

[26] Au début de l’audience, la prestataire a dit à la division générale qu’elle se sentait anxieuse, nerveuse, effrayée et prête à pleurer. On lui a promis que l’audience serait simple et amicale et qu’on minimiserait les situations stressantes tout au long. La membre de la division générale a affirmé que si la prestataire avait besoin d’une pause ou voulait poser une question, elle pouvait le faire à tout moment. La prestataire a remercié la membre de la division générale de sa compréhensionNote de bas de page 20.

[27] L’enregistrement audio prouve que la membre de la division générale a été respectueuse et empathique envers la prestataire tout au long de l’audience.

[28] On ne peut pas soutenir que la division générale n’a pas assuré l’équité de la procédureNote de bas de page 21.

On ne peut pas soutenir que la division générale a commis une erreur de droit ou une erreur de compétence

[29] Une erreur de droit survient lorsque la division générale n’applique pas la bonne loi ou qu’elle utilise la bonne loi, mais comprend mal ce qu’elle signifie ou comment l’appliquerNote de bas de page 22.

[30] Une erreur de compétence signifie que la division générale n’a pas tranché une question qu’elle devait trancher ou a tranché une question qu’elle n’avait pas le pouvoir de trancherNote de bas de page 23.

[31] La question en litige portait sur le [traduction] « taux hebdomadaire de prestations » de la prestataire.

[32] La loi prévoit que le taux hebdomadaire de prestations est de 55 % de la rémunération hebdomadaire assurable (jusqu’à concurrence d’un montant maximal)Note de bas de page 24. La rémunération hebdomadaire assurable est calculée en divisant le total de la rémunération assurable pendant la période de calcul au moyen d’un [traduction] « dénominateur » entre 14 et 22 semaines, selon le taux de chômageNote de bas de page 25.

[33] La division générale a correctement énoncé le droit dans sa décisionNote de bas de page 26. Elle a conclu que la prestataire avait reçu plus de prestations qu’elle n’y avait droit, ce qui a entraîné un trop-payé de 7 358 $. Elle a expliqué les raisons pour lesquelles elle a rendu cette décisionNote de bas de page 27.

[34] Le principal argument de la prestataire est que le trop-payé devrait être annulé parce que Service Canada a commis une erreur de calcul. Elle répète essentiellement le même argument qu’elle a présenté à la division générale.

[35] L’enregistrement audio prouve que la division générale a expliqué de vive voix sa compétence au sujet de l’annulation du trop-payé et a invité la prestataire à poser des questions au besoin. La prestataire a exprimé son désaccord et sa frustration au sujet de la loi et de l’incidence que le trop-payé aura sur elleNote de bas de page 28.

[36] La division générale a correctement déclaré dans sa décision écrite qu’elle n’avait pas la compétence ou le pouvoir d’annuler le trop-payé parce que seule la Commission a ce pouvoirNote de bas de page 29. Elle a également souligné que la Commission avait déjà envisagé d’annuler le trop-payé, mais que la demande avait été rejetéeNote de bas de page 30.

[37] Ni la division générale ni la division d’appel n’a le pouvoir légal d’annuler un trop-payé, seule la Commission a le pouvoir de le faireNote de bas de page 31.

[38] La prestataire n’est peut-être pas d’accord avec le texte de la loi, mais cela ne correspond pas à une erreur révisable.

[39] Si la prestataire n’est pas satisfaite de la décision de la Commission concernant l’annulation du trop-payé, elle peut demander un contrôle judiciaire auprès de la Cour fédérale. Elle peut aussi discuter d’un plan de remboursement avec l’Agence du revenu du Canada.

[40] On ne peut pas soutenir que la division générale a commis une erreur de compétence ou une erreur de droitNote de bas de page 32. La division générale n’a pas le pouvoir d’effacer ou d’annuler le trop-payé. Elle a correctement énoncé la loi et fourni les motifs de sa décision.

On ne peut pas soutenir que la division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante

[41] Il y a une erreur de fait lorsque la division générale [traduction] « a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissanceNote de bas de page 33 ».

[42] La prestataire soutient que la division générale ne disposait pas du relevé d’emploi de son ancien employeur « X ».

[43] La division générale a informé la prestataire que le relevé d’emploi de X ne faisait pas partie du dossier. Toutefois, elle a souligné qu’elle demanderait à la Commission d’en fournir une copie parce qu’il s’agissait d’un document important dont elle avait besoin pour rendre une décision sur son taux hebdomadaire de prestationsNote de bas de page 34.

[44] Après l’audience, la division générale a demandé à la Commission de lui fournir le relevé d’emploi en questionNote de bas de page 35. La Commission a envoyé une copie du relevé d’emploiNote de bas de page 36.

[45] Le dossier montre que la division générale disposait de deux relevés d’emploi, le premier de X et le deuxième de « VTNote de bas de page 37 ».

[46] La division générale n’a pas mentionné explicitement l’un ou l’autre des relevés d’emploi dans sa décision. En effet, elle n’a pas besoin de renvoyer à tous les éléments de preuve au dossier dans sa décision. Selon la jurisprudence, un tribunal administratif chargé d’établir les faits est présumé avoir examiné tous les éléments de preuve portés à sa connaissance et n’est pas tenu de mentionner chaque élément de preuve dans ses motifsNote de bas de page 38. Dans la présente affaire, il n’y a pas lieu d’écarter cette présomption. On peut présumer que la division générale a examiné tous les éléments de preuve, y compris le relevé d’emploi de X.

[47] La division générale a conclu que la Commission avait ajouté une rémunération provenant d’un autre relevé d’emploi qui n’appartenait pas à la prestataire (voir la copie caviardée à la page GD9-4). Cette erreur a doublé la rémunération de la prestataire, de sorte qu’elle a eu un taux hebdomadaire de prestations plus élevé, soit de 650 $, alors qu’elle aurait dû recevoir un taux de 367 $ (en fonction de sa rémunérationNote de bas de page 39).

[48] Il y a un tableau du trop-payé au dossier qui présente les sommes hebdomadaires qui ont été corrigées à la suite du nouveau calculNote de bas de page 40.

[49] La prestataire peut ne pas être d’accord avec les conclusions de la division générale, mais il ne s’agit pas d’une erreur révisable. Le rôle de la division d’appel est limité. Je ne peux pas intervenir pour évaluer de nouveau la preuve ou pour régler un désaccord au sujet de l’application de principes juridiques établis aux faits d’une affaireNote de bas de page 41.

[50] On ne peut pas soutenir que la division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importanteNote de bas de page 42. Elle a tenu compte des deux relevés d’emploi de la prestataire. Ses principales conclusions concordaient avec les faits et la preuveNote de bas de page 43

Il n’y a aucune autre raison de donner à la prestataire la permission de faire appel

[51] En plus d’avoir examiné les arguments de la prestataire, j’ai lu le dossier, la décision portée en appel et écouté l’enregistrement audio. Je suis convaincue que la division générale n’a pas mal interprété ni ignoré les éléments de preuve pertinentsNote de bas de page 44.

Conclusion

[52] J’accorde la prolongation du délai, mais la permission de faire appel est refusée. En effet, l’appel de la prestataire n’ira pas de l’avant, car il n’a aucune chance raisonnable de succès.

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