Assurance-emploi (AE)

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Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : BF c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2025 TSS 287

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Partie appelante : B. F.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Représentante ou représentant : Dionisios Kopitas

Décision portée en appel : Décision rendue par la division générale le 18 novembre 2024 (GE-24-2419)

Membre du Tribunal : Stephen Bergen
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 13 mars 2025
Personnes présentes à l’audience : Appelant
Personne représentant l’intimée
Date de la décision : Le 25 mars 2025
Numéro de dossier : AD-24-835

Sur cette page

Décision

[1] Je rejette l’appel. La division générale n’a pas commis d’erreur de fait importante.

Aperçu

[2] B. F. est l’appelant, mais je l’appellerai le « prestataire » parce que la présente demande vise sa demande de prestations d’assurance-emploi. L’intimée est la Commission de l’assurance-emploi du Canada. Je l’appellerai simplement la « Commission ».

[3] Le prestataire est apprenti dans un corps de métier. Après avoir été mis à pied par son employeur le 20 octobre 2023, il a trouvé un autre emploi. Il a quitté le deuxième emploi le 24 octobre 2023, après seulement deux jours en poste. Il a ensuite demandé le renouvellement de sa demande de prestations d’assurance-emploi. C’était le 2 janvier 2024. Il pensait pouvoir compter sur l’assurance-emploi pour la suite de sa formation d’apprenti, qui se déroulait en classe.

[4] La Commission a décidé que le prestataire n’était pas fondé à quitter son deuxième emploi et qu’il ne pouvait donc pas recevoir de prestations d’assurance-emploi. Le prestataire a demandé à la Commission de réviser son dossier. Elle a décidé de maintenir sa décision.

[5] Le prestataire a donc fait appel à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale. Celle-ci a rejeté son appel. Le prestataire a ensuite porté la décision de la division générale en appel à la division d’appel.

[6] Je rejette l’appel. La division générale n’a pas commis d’erreur de fait importante.

Questions préliminaires

Nouveaux éléments de preuve

[7] Quand le prestataire a présenté sa demande à la division d’appel, il a aussi déposé des documents en preuve. Parmi ces documents, il y avait une sorte de plan d’apprentissage, une ordonnance pour des soins d’audiologie, la lettre d’une pédiatre qui confirmait les diagnostics du prestataire en référence au DSM [Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux] et un rapport détaillé de l’Autism Spectrum Disorder ClinicNote de bas de page 1 [clinique du trouble du spectre de l’autisme].

[8] Ce sont là de nouveaux éléments de preuve dont la division générale n’avait pas connaissance. Le prestataire semble les avoir présentés à la division d’appel pour établir les circonstances qui, selon lui, devraient aider à comprendre pourquoi il a décidé de quitter son emploi. Autrement dit, ces éléments de preuve visent à aider le prestataire à prouver que, compte tenu de toutes les circonstances, quitter son emploi était la seule solution raisonnable dans son cas.

[9] Les cours ont confirmé que la division d’appel ne peut pas prendre en compte les nouveaux éléments de preuve qui sont déposés dans le but d’appuyer la contestation d’une question. Je ne tiendrai donc pas compte des documents du prestataireNote de bas de page 2.

Question en litige

[10] La division générale a-t-elle commis une erreur de fait importante :

  1. a) en se trompant au sujet de la preuve sur la nature du travail du prestataire après qu’il a quitté son emploi;
  2. b) en se trompant au sujet de la preuve concernant la nature de sa déficience?

Analyse

Principes généraux

[11] La division d’appel peut se pencher uniquement sur les erreurs qui correspondent à l’un des moyens d’appel suivants :

  1. a) La procédure de la division générale était inéquitable d’une façon ou d’une autre.
  2. b) La division générale n’a pas tranché une question alors qu’elle aurait dû le faire ou bien elle a tranché une question sans avoir le pouvoir de le faire (erreur de compétence).
  3. c) La division générale a rendu une décision entachée d’une erreur de droit.
  4. d) La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importanteNote de bas de page 3.

Erreur de fait

[12] Dans ma décision précédente au sujet de la « permission de faire appel », j’ai soulevé un possible argument selon lequel la division générale avait peut-être mal interprété deux faits. Je pensais qu’elle avait peut-être fait une erreur parce qu’elle avait considéré que la déficience ou la diminution des facultés du prestataire était « volontaire ». J’ai aussi écrit qu’elle s’était peut-être trompée parce qu’elle semblait admettre que, comme travailleur autonome (après qu’il a quitté son emploi), le prestataire exécutait essentiellement les mêmes tâches que dans son emploi habituel.

[13] À l’audience de la division d’appel, le prestataire a présenté ces deux arguments. Il a dit que la division générale avait mal compris la nature de sa déficience et de ses tâches de travailleur autonome.

[14] La Commission n’a pas contesté le fait que la division générale avait commis des erreurs de fait. Elle a admis que la division générale avait mal expliqué les faits en question.

[15] Je suis d’accord avec le prestataire et la Commission. L’affirmation de la division générale, soit que l’état du prestataire était « volontaire », ne repose sur aucune preuve. Peu d’éléments de preuve portaient sur la nature de la déficience du prestataire, mais le peu de renseignements au dossier laisse seulement croire qu’elle découlait d’un problème de santéNote de bas de page 4.

[16] La preuve présentée à la division générale ne permet pas de conclure que « manifestement, il faisait son travail habituel, comme apprenti électricien ». Le prestataire a dit à la Commission qu’il travaillait [traduction] « un peu », qu’il faisait quelques « travaux légers » selon un horaire réduit et qu’il effectuait des « tâches simples en constructionNote de bas de page 5 ».

[17] J’admets que la division générale a commis des erreurs de fait.

[18] Malgré cela, je peux intervenir seulement quand l’erreur est de telle sorte que le résultat aurait possiblement été différent. Une « erreur de fait importante » survient si la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée après avoir ignoré ou mal interprété la preuve, ou sur une conclusion sans lien rationnel avec la preuveNote de bas de page 6.

[19] Selon la Commission, les erreurs de la division générale n’ont rien changé au résultat. Elle affirme que la question de savoir si le prestataire a effectué des tâches semblables ou travaillé dans des conditions comparables pendant la courte période où il a travaillé à son compte a peu d’importance. De tels faits ne démontreraient pas que le prestataire était incapable d’occuper son emploi habituel ou que quitter son emploi était la seule solution raisonnable dans son cas. De même, la Commission affirme que, même si la division générale a cru que le problème du prestataire ou la diminution de ses facultés était volontaire, cela importe peu. Quelle que soit l’origine de la déficience du prestataire, la division générale n’avait pas assez d’information sur son état de santé pour savoir si le problème permettait au prestataire de quitter son emploi ou pour décider qu’il n’y avait aucune autre solution raisonnable.

Pertinence des tâches de travailleur autonome

[20] J’admets que la façon dont la division générale a décrit le travail autonome du prestataire avait un lien avec la façon dont elle a évalué les solutions raisonnables. Le prestataire avait produit un billet médical, qui disait qu’il était incapable de faire son travail habituel à compter du 24 octobre 2023. La division générale a compris que, comme travailleur autonome, le prestataire faisait essentiellement les mêmes tâches que dans son emploi habituel. Elle en a déduit que l’état de santé du prestataire ne l’empêchait pas d’exercer son emploi habituel et elle a affirmé que cela contredisait le billet médicalNote de bas de page 7. Si le prestataire pouvait encore faire son travail habituel en dépit de son problème de santé, cela aurait sans aucun doute affaibli son argument, c’est-à-dire que la seule solution raisonnable dans son cas était de quitter son emploi habituel.

[21] La Commission souligne que le billet médical daté du 13 mars 2024 lui a été remis longtemps après le départ du prestataire. Elle explique que le prestataire aurait pu présenter le billet plus tôt. Elle semble laisser entendre que le billet était un élément peu utile au moment où la division générale rendait sa décision ou que la division générale aurait pu ou dû ne pas en tenir compte.

[22] Elle cite la décision Hines de la Cour d’appel fédéraleNote de bas de page 8. Avec respect, la question en litige dans l’affaire Hines était si le juge-arbitre avait agi de façon raisonnable durant le réexamen de sa propre décision. Le processus de réexamen, qui était visé par l’appel, était régi par certaines règles. Les règles de réexamen excluent l’analyse des éléments de preuve qui ne présentent aucun fait nouveau.

[23] La décision Hines n’a rien à voir avec la question de savoir si la division générale pouvait s’appuyer sur un rapport médical obtenu après coup. Peu importe le moment où le billet médical a été produit, on pouvait quand même le prendre en considération. C’était tout de même un élément de preuve montrant quel était l’état de santé du prestataire quand il a quitté son emploi ou juste avant qu’il le quitte (en supposant que le prestataire était conscient de son problème de santé).

Pertinence de la conclusion sur la diminution « volontaire » des facultés

[24] La mauvaise compréhension de la division générale l’a peut-être aussi amenée à croire que la situation d’emploi du prestataire n’avait rien à voir avec son état de santé. En qualifiant son problème ou la diminution de ses facultés de « volontaire », la division générale a laissé entendre que le prestataire pouvait choisir lui-même si son état l’empêchait de continuer à travailler. Cela sous-entend que les tâches du prestataire n’avaient aucune incidence sur son problème de santé, sur l’aggravation de ce problème ou sur toute incapacité. Une telle chose affaiblirait aussi son argument voulant que quitter son emploi était la seule solution raisonnable dans son cas.

[25] La Commission soutient que peu d’éléments de preuve portaient sur la nature du problème du prestataire ou sur l’incidence de ses conditions de travail sur son état de santé. Même si elle s’est trompée sur les faits, la division générale n’aurait pas pu conclure que le prestataire avait exploré toutes les solutions raisonnables qui lui auraient permis de garder son emploi.

[26] La Commission a raison de dire qu’il n’y a presque aucune preuve sur l’état de santé du prestataire ou la façon dont son travail a pu nuire à sa santé. Tant la Commission que la division générale lui ont demandé de fournir plus de détails, mais le prestataire voulait protéger sa vie privée. Il a donc refusé de divulguer quoi que ce soit d’autre. Il était convaincu qu’il avait droit aux prestations d’assurance-emploi parce qu’il suivait un programme d’apprentissage et que le volet en classe était sur le point de reprendre. En conséquence, le prestataire croyait que les raisons pour lesquelles il avait quitté son emploi n’avaient rien à voir avec son admissibilité aux prestations pendant sa formation.

[27] Il semble maintenant mieux comprendre la position qu’il doit défendre. Il a donc déposé d’autres documents, dont un rapport fournissant des précisions sur son problème de santé. Malheureusement, comme je l’ai mentionné plus tôt, je ne peux pas les prendre en considération.

[28] Je comprends que la division générale a tiré des conclusions de fait qui n’étaient pas appuyées par la preuve. Je comprends aussi que de telles conclusions étaient pertinentes. Une bonne compréhension des problèmes de santé, des incapacités ou des déficiences du prestataire et de l’incidence de ses conditions de travail sur son état de santé aurait pu être utile pour savoir si quitter son emploi était la seule solution raisonnable dans son cas.

[29] Malgré tout, je suis d’accord avec la Commission. Le fait est que la division générale n’avait aucun élément de preuve précis sur la nature du problème de santé du prestataire ou sur les répercussions de ce problème sur son travail. Même si la division générale avait admis qu’il ne faisait pas les mêmes tâches après avoir quitté son emploi et que sa déficience n’était pas volontaire, elle n’avait pas les éléments de preuve nécessaires pour conclure que les conditions de travail du prestataire étaient dangereuses pour sa santé ou sa sécurité.

[30] La division générale a suggéré quelques solutions raisonnables. Elle a mentionné que le prestataire aurait pu voir un médecin, signaler ses préoccupations (quelles qu’elles soient) ou même demander des mesures d’adaptation ou une mutation. Le prestataire croit ou sait peut-être que ces solutions n’auraient pas été raisonnables en raison de la nature de son emploi et de son problème de santé, de son incapacité ou de sa déficience, mais la division générale ne pouvait pas les exclure sans s’appuyer sur des éléments de preuve. Ses principales conclusions ne reposent pas sur les erreurs qu’elle a commises.

Conclusion

[31] Je rejette l’appel. La division générale n’a pas commis d’erreur de fait importante.

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