Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : Commission de l’assurance-emploi du Canada c SW, 2025 TSS 309

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Partie appelante : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Représentante ou représentant : Adam Forsyth
Partie intimée : S. W.

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 8 octobre 2024 (GE-24-2617)

Membre du Tribunal : Glenn Betteridge
Mode d’audience : Hybride (en personne et par téléconférence)
Date de l’audience : Le 12 mars 2025
Personnes présentes à l’audience : Représentant de l’appelante (par téléconférence)
Intimée (en personne)
Date de la décision : Le 28 mars 2025
Numéro de dossier : AD-24-724

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Décision

[1] J’accueille l’appel de la Commission de l’assurance-emploi.

[2] La division générale a commis deux erreurs. Je les ai corrigées en rendant la décision que la division générale aurait dû rendre.

[3] J’ai décidé que la Commission avait versé à S. W. un trop-payé de 848 $ de prestations auxquelles elle n’était pas admissible.

[4] L’Agence du revenu du Canada (ARC) a recouvré des fonds au nom de la Commission. Celle-ci a indiqué qu’elle collaborerait avec l’ARC pour établir si cette dernière a récupéré le montant exact (848 $).

Aperçu

[5] S. W. est la prestataire. Elle a présenté une demande de prestations de compassion. Malheureusement, pour un certain nombre de raisons, sa demande s’est compliquée.

[6] La Commission a fait appel d’une décision de la division générale. La division générale a réparti la rémunération de la prestataire sur des semaines comprises dans sa période de prestations. La division générale a calculé le montant que la Commission a versé en trop à la prestataire. Elle a conclu que l’ARC avait récupéré un montant supérieur à ce trop-payé. En fin de compte, la division générale a décidé que la Commission devait 1 196,56 $ à la prestataire.

[7] La Commission soutient que la division générale a commis des erreurs. La division générale n’a pas déterminé les semaines au cours desquelles la prestataire était admissible aux prestations, ce qui était la question en litige dans l’appel. La division générale n’aurait pas dû répartir la rémunération de la prestataire, car ce n’était pas une question en litige dans l’appel. De plus, la division générale n’avait pas le pouvoir de décider que la Commission devait de l’argent à la prestataire.

[8] La prestataire soutient qu’elle a essayé de tout faire correctement. Elle a dit à la Commission qu’elle n’avait plus besoin des prestations et qu’elle était retournée travailler. Elle a renvoyé deux chèques de prestations papier à Service Canada, mais en a conservé un autre et l’a encaissé. Elle soutient que l’ARC a récupéré trop d’argent. Elle dit que la Commission (ou l’ARC) lui doit 2 000 $.

Questions préliminaires : J’accepte de nouveaux éléments de preuve avec l’accord des parties

[9] Règle générale, la division d’appel ne peut pas tenir compte de nouveaux éléments de preuve qui n’ont pas été présentés à la division générale. Selon une décision d’un tribunal, il peut y avoir une exception lorsque les deux parties acceptent de présenter un document important à la division d’appelNote de bas de page 1.

[10] Les parties ont convenu que si je concluais que la division générale avait commis une erreur, je devais rendre la décision qu’elle aurait dû rendre. Pour rendre cette décision, je dois établir si la Commission a versé des prestations en trop à la prestataireNote de bas de page 2.

[11] Pour calculer le trop-payé de la prestataire, je dois savoir si elle a effectivement reçu des prestations pour les 14 et 21 mai 2023Note de bas de page 3. La Commission affirme avoir envoyé un chèque de 653 $ papier à la prestataire, et ce après avoir rendu sa décision de révision en mai 2024Note de bas de page 4. Cependant, la division générale n’avait aucune preuve à cet égard.

[12] J’ai demandé à la prestataire et à la Commission si elles consentaient à ce que j’accepte et examine deux documents :

  • des renseignements tirés du système de registres des paiements de la Commission;
  • les relevés de compte bancaire de la prestataire.

[13] Les parties se sont mises d’accord. Et après l’audience, elles ont déposé ces nouveaux éléments de preuve, que j’examinerai au moment de rendre la décision que la division générale aurait dû rendreNote de bas de page 5.

[14] En acceptant ces nouveaux éléments de preuve, je n’interfère pas avec le rôle de la division générale en tant que principale juge des faits dans les appels en matière d’assurance-emploi. Les captures d’écran des systèmes informatiques gouvernementaux et les relevés bancaires sont des sources de preuve très fiables. D’après mon expérience, les membres du Tribunal n’ont généralement pas à décider si ces types de documents sont fiables. Enfin, la loi donne à la Commission le pouvoir de certifier la véracité à titre d’élément de preuve d’une inscription, d’un registre, d’un dossier ou d’un compte qu’elle détientNote de bas de page 6.

[15] Le Tribunal n’est pas lié par les règles formelles de la preuve. En acceptant ces nouveaux éléments de preuve, je respecte les règles du Tribunal. Je veille à ce que le processus d’appel soit aussi simple et rapide que le permet l’équitéNote de bas de page 7. J’utilise une approche souple qui est appropriée à une question que je dois trancher pour mettre fin à l’appel. Les parties m’ont demandé de le faire. De plus, renvoyer l’appel à la division générale pour le calcul du trop-payé n’est pas une bonne utilisation des ressources du Tribunal ni du temps des parties.

[16] Je tiens à souligner que j’ai exercé mon pouvoir discrétionnaire pour accepter ces nouveaux éléments de preuve « avec l’accord des parties », compte tenu des circonstances inhabituelles et exceptionnelles de la présente affaire.

Questions en litige

[17] Je dois trancher quatre questions.

  • La division générale a-t-elle commis une erreur de droit lorsqu’elle a réparti la rémunération de la prestataire sur des semaines de sa demande?
  • La division générale a-t-elle commis une erreur de compétence lorsqu’elle a décidé que la Commission devait de l’argent à la prestataire, en se fondant sur le montant que l’ARC a recouvré auprès de cette dernière?
  • Si la division générale a commis une erreur, dois-je corriger l’erreur en rendant la décision?
  • Dans l’affirmative, la Commission a-t-elle versé à la prestataire plus de prestations que ce à quoi elle était admissible?

Analyse

Le droit que j’ai utilisé pour trancher le présent appel

[18] La loi donne à la division d’appel le pouvoir de corriger les erreurs de la division généraleNote de bas de page 8. Selon la loi, la division d’appel peut intervenir lorsque la division générale a agi de façon inéquitable, qu’elle a commis une erreur de droit, qu’elle a commis une erreur de compétence ou qu’elle a commis une erreur de fait importanteNote de bas de page 9.

[19] La prestation de compassion est une prestation spéciale destinée aux personnes qui prennent congé pour prendre soin d’un membre de leur famille dont le risque de décès est important au cours des 26 semaines suivantesNote de bas de page 10.

[20] Si une personne travaille et gagne un revenu pendant les mêmes semaines que celles où elle reçoit des prestations d’assurance-emploi, la Commission doit répartir puis déduire un pourcentage de sa rémunération pour cette semaineNote de bas de page 11. Cela signifie que la Commission a dû déduire la moitié de la rémunération de la prestataire au cours d’une semaine des prestations auxquelles elle était admissible cette semaine-là.

Devant la division générale, la prestataire et la Commission se sont mises d’accord sur les éléments ci-dessous

[21] Devant la division générale, la prestataire et la Commission se sont mises d’accord, ou les éléments de preuve non contredits acceptés par la division générale ont montré ce qui suit :

  • la prestataire a demandé 26 semaines de prestations pour prendre soin de sa mère mourante;
  • la Commission lui a versé des prestations à compter de la semaine du 14 mai 2024Note de bas de page 12;
  • la prestataire a cessé de prendre soin de sa mère et est retournée au travail le 26 mai 2023, ce qu’elle a dit à la Commission;
  • cela signifie qu’elle n’était plus admissible au bénéfice des prestations à compter du 29 mai 2023.

La division générale a commis une erreur de droit lorsqu’elle a réparti la rémunération sur des semaines pendant lesquelles la prestataire n’était pas admissible au bénéfice des prestations

[22] La Commission a soutenu que la division générale n’avait pas le pouvoir décisionnel de répartir la rémunération de la prestataire sur des semaines de sa demande de prestations. En droit, le pouvoir juridique d’un tribunal de trancher une question s’appelle la compétence. La Commission affirme que la division générale n’avait compétence que pour décider de l’admissibilité de la prestataire aux prestations.

[23] Je suis en désaccord avec la Commission.

[24] La division générale obtient le pouvoir de trancher une question à partir de la décision de révision de la Commission combinée à l’appel d’une partie prestataire de la décision de révision. La Commission a réparti la rémunération de la prestataire dans sa décision de révisionNote de bas de page 13. La prestataire a fait appel de cette décision.

[25] La division générale avait donc le pouvoir d’examiner la répartition par la Commission de la rémunération de la prestataire sur les semaines comprises dans sa période de prestations et durant lesquelles elle était admissible aux prestations.

[26] Cependant, je juge que la division générale a commis une erreur de droit lorsqu’elle a réparti la rémunération sur des semaines pendant lesquelles la prestataire n’était pas admissible aux prestations.

[27] Devant la division générale, les parties ont convenu que la prestataire n’était pas admissible aux prestations à compter du 29 mai 2023 parce qu’elle a repris le travail le 26 mai 2023. Par conséquent, la division générale n’avait pas le pouvoir légal de répartir et de déduire la rémunération de la prestataire pour chaque semaine allant du 28 mai au 25 juin 2024 (paragraphe 17).

[28] Comme la division générale a réparti la rémunération pour ces semaines, son calcul du trop-payé de la prestataire était erroné (paragraphes 17 et 18).

La division générale n’avait pas le pouvoir d’examiner la perception de l’Agence du revenu du Canada et de décider que la Commission devait de l’argent à la prestataire

[29] La loi ne donne pas à la division générale (ou à la division d’appel) le pouvoir de rendre des décisions sur la perception ou le recouvrement des trop-payésNote de bas de page 14.

[30] En d’autres termes, la division générale a commis une erreur de compétence lorsqu’elle a examiné les sommes que l’ARC a retenues à la prestataire pour rembourser son trop-payé. De plus, la division générale a commis une erreur de compétence lorsqu’elle a décidé que la Commission devait 1 196,56 $ à la prestataire.

[31] Puisque la division générale a commis des erreurs, la loi me donne le pouvoir d’intervenir et de les corriger.

Corriger les erreurs en rendant la décision

[32] La Commission et la prestataire m’ont demandé de rendre la décision que la division générale aurait dû rendre. J’ai accepté de le faire parce que c’est simple, rapide et équitable pour les deux parties.

[33] Je dois décider si la Commission a versé un trop-payé à la prestataire. Et si c’est le cas, le montant qu’elle lui a versé en trop.

[34] Pour les motifs ci-dessous, je conclus que la Commission a versé des prestations en trop à la prestataire, soit 848 $.

Les prestations auxquelles la prestataire était admissible

[35] La Commission a inclus un tableau utile dans ses observations écrites à la division d’appelNote de bas de page 15. Le tableau indique l’admissibilité de la prestataire aux prestations, sa rémunération et les déductions, et rend compte des chèques qu’elle a renvoyés à Service Canada. D’après le tableau, j’ai posé de nombreuses questions aux parties au sujet des faits et de la preuve présentée à la division générale. Ensuite, j’ai écouté leurs positions sur le montant du trop-payé de la prestataire.

[36] La Commission affirme qu’après son nouvel examen, la prestataire était admissible à des prestations comme suitNote de bas de page 16 :

  • semaine du 7 mai 2023 (0 $; délai de carence obligatoire pendant lequel une personne ne peut pas recevoir de prestations);
  • semaine du 14 mai 2023 (424 $);
  • semaine du 21 mai 2023 (253 $, après la répartition et la déduction de la rémunération de la prestataire par la Commission)
  • semaine du 28 mai 2023 et semaines suivantes (0 $; les parties conviennent que la prestataire n’avait pas droit à des prestations).

[37] J’ai examiné le calcul et la preuve de la Commission, et je suis d’accord avec ces montants.

Je n’ai pas compté les chèques renvoyés

[38] Je n’ai pas compté les chèques que la prestataire a renvoyés à Service CanadaNote de bas de page 17. Les parties conviennent que la prestataire a renvoyé les chèques papier que la Commission lui avait envoyés à l’origine pour payer les prestations pour les semaines du 14 mai, du 21 mai, du 28 mai, du 18 juin et du 25 juin 2023.

Je n’ai pas compté un chèque de prestations auquel la prestataire était admissible, qu’elle a reçu après la décision de révision de la Commission

[39] Comme la prestataire était admissible à des prestations pour les semaines du 14 et du 21 mai 2023 et qu’elle les a reçues, elles ne sont pas considérées comme un trop-payé. Je n’ai donc pas inclus ces prestations dans le calcul du trop-payé.

[40] Avec l’accord des parties, la Commission a envoyé, après l’audience, des captures d’écran du système de paiement du gouvernementNote de bas de page 18. J’accepte cette preuve parce que je n’ai aucune raison de la mettre en doute.

[41] Les captures d’écran montrent que la Commission a émis un chèque papier de 653 $ au nom de la prestataire le 27 mai 2024. Il s’agit du montant après impôt des prestations auxquelles elle était admissible pour les semaines du 14 et du 21 mai 2023, selon la décision de révision de la Commission. Les captures d’écran montrent que le chèque a été encaissé le 10 juin 2024. J’estime donc que la prestataire a encaissé ou déposé le chèque ce jour-là.

[42] Par voie d’accord, la prestataire a envoyé les relevés de deux comptes bancairesNote de bas de page 19. Malheureusement, ces relevés ne font état que des transactions de mai 2024. Ils ne sont donc pas pertinents pour savoir si la prestataire a reçu le chèque de 653 $ que la Commission lui a envoyé.

La prestataire n’a pas renvoyé un des chèques et elle n’était pas admissible à des prestations pendant ces deux semaines

[43] La Commission a envoyé un chèque de prestations à la prestataire pour les semaines du 4 juin et du 11 juin 2024. La Commission a décidé qu’elle avait droit à 424 $ par semaine (848 $ au total). Le chèque aurait été moins élevé parce que la Commission déduit l’impôt.

[44] Cependant, les parties conviennent maintenant que la prestataire n’était pas admissible aux prestations après le 29 mai 2023 parce qu’elle a repris le travail et ne fournissait pas de soins.

[45] La Commission affirme que la prestataire n’a pas renvoyé le chèque correspondant à ces deux semaines de prestationsNote de bas de page 20. La prestataire a dit qu’elle avait renvoyé deux chèques à Service Canada, mais qu’elle en avait gardé unNote de bas de page 21. J’estime que la preuve de la prestataire appuie ce que dit la Commission.

[46] Puisque la prestataire n’a pas renvoyé le chèque, elle a un trop-payé de 848 $.

Conclusion et prochaines étapes

[47] La division générale a commis une erreur de droit et une erreur de compétence. J’ai corrigé ces erreurs en rendant la décision que la division générale aurait dû rendre.

[48] J’ai décidé que la Commission avait versé un trop-payé de 848 $ à la prestataire. Il s’agit du montant exact du trop-payé et de la dette.

[49] Les parties conviennent que l’ARC a déjà récupéré de l’argent auprès de la prestataire. Je n’ai pas le pouvoir d’examiner le recouvrement de l’ARC.

[50] À l’audience de la division d’appel, le représentant de la Commission a dit que cette dernière allait maintenant décider si l’ARC avait récupéré trop d’argent auprès de la prestataire. Il a expliqué que cela prendra du temps, car la Commission doit travailler avec l’ARC pour trouver une solution.

[51] J’encourage vivement la Commission à communiquer régulièrement avec la prestataire pour l’informer de l’évolution de la situation. De plus, j’encourage vivement la Commission à remettre à la prestataire un relevé de compte final qui explique le recouvrement de la dette par l’ARC dans le cadre de sa demande.

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