Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : MB c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2025 TSS 467

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de permission d’en appeler

Demanderesse : M. B.
Représentant ou représentante : P. Z.
Défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 20 mars 2025
(GE-24-4148)

Membre du Tribunal : Glenn Betteridge
Date de la décision : Le 6 mai 2025
Numéro de dossier : AD-25-299

Sur cette page

Décision

[1] Je n’accorde pas à M. B. l’autorisation (la permission) d’interjeter appel de la décision de la division générale.

[2] Par conséquent, son appel n’ira pas de l’avant, et la décision de la division générale demeure inchangée.

Aperçu

[3] M. B. est la prestataire. Elle souhaite obtenir la permission d’interjeter appel de la décision de la division générale. Je peux lui accorder cette permission si son appel a une chance raisonnable de succès.

[4] La division générale a conclu que la prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 1. Elle a conclu que la conduite de la prestataire avait été intentionnelle et insouciante. En effet, la prestataire n’a pas avisé les Ressources humaines (RH) d’une erreur qui s’est glissée dans un courriel daté du 17 juin. Les RH ont fini par s’apercevoir de l’erreur et ont demandé à la prestataire de retourner au travail à la fin du mois de juillet, mais celle-ci a manqué trois quarts de travail consécutifs. La division générale a conclu qu’il s’agissait de la raison pour laquelle l’employeur l’avait congédiée et que la prestataire aurait dû s’y attendre. Par conséquent, la division générale a conclu qu’elle ne pouvait pas obtenir de prestations.

[5] La prestataire n’est pas du même avis. Elle affirme que la division générale a commis d’importantes erreurs de fait. Selon elle, la division générale a fait fi des erreurs de son employeur et de son congédiement injustifié. Elle affirme que la division générale a utilisé la preuve d’une manière qui lui cause préjudice.

[6] J’ai conclu qu’il était possible de soutenir que la division générale avait commis une erreur de fait lorsqu’elle a fait fi de la preuve selon laquelle la prestataire et son mari ne s’étaient rendu compte de l’erreur contenue dans le courriel daté du 17 juin que le 18 juillet. Malheureusement pour la plaignante, cette erreur ne donne pas à son appel une chance raisonnable de succès. Par conséquent, je ne peux pas lui accorder la permission d’interjeter appel.

Questions en litige

[7] Je dois décider si la division générale a rendu sa décision en faisant fi de la preuve pertinente ou en l’interprétant de façon erronée en ce qui a trait :

  • à la raison pour laquelle la prestataire a été congédiée;
  • au moment auquel la prestataire a pris connaissance de l’erreur contenue dans le courriel daté du 17 juin;
  • à son état de santé à partir du 18 juillet, y compris la date déterminée par son employeur pour son retour au travail (le 26 juillet).

Je n’accorde pas à la prestataire la permission d’interjeter appel

[8] J’ai lu la demande d’appel de la prestataireNote de bas de page 2. J’ai lu la décision de la division générale. J’ai examiné les documents au dossier de la division généraleNote de bas de page 3. J’ai écouté l’enregistrement de l’audience et j’ai examiné la transcription de l’enregistrementNote de bas de page 4. J’ai ensuite rendu ma décision.

[9] Pour les motifs ci-dessous, je ne peux pas accorder à la prestataire la permission d’interjeter appel.

Le critère relatif à la permission d’interjeter appel a pour objet d’écarter les appels dépourvus de chance raisonnable de succèsNote de bas de page 5

[10] Je peux permettre à la prestataire d’interjeter appel si son appel a une chance raisonnable de succèsNote de bas de page 6. Autrement dit, elle doit démontrer qu’il y a un motif défendable de croire que son appel pourrait être accueilli du fait que la division générale a commis une erreurNote de bas de page 7.

[11] Je peux tenir compte de quatre types d’erreursNote de bas de page 8. La division générale :

  • a eu recours à une procédure inéquitable ou a fait preuve de partialité (erreur d’équité procédurale);
  • a utilisé son pouvoir décisionnel de façon inappropriée (erreur de compétence);
  • a commis une erreur de droit;
  • a commis une erreur de fait importante.

[12] Les motifs d’appel de la prestataire énoncent les questions clés et les arguments principaux que je dois examinerNote de bas de page 9. Comme la personne qui représente la prestataire n’a pas reçu de formation juridique, je regarderai également au-delà de ses arguments au moment d’appliquer le critère relatif à la permission d’interjeter appelNote de bas de page 10.

La prestataire soutient que la division générale a commis trois importantes erreurs de faitNote de bas de page 11

[13] De nombreux motifs d’appel présentés par la prestataire démontrent qu’elle n’est pas d’accord avec le poids accordé par la division générale à sa preuve par rapport à celle de son employeur. Néanmoins, je ne peux pas remettre en question le poids accordé par la division générale à la preuve ni l’apprécier de nouveauNote de bas de page 12, car il ne s’agit pas d’un moyen d’appel (d’une erreur) que la loi me permet d’examiner.

[14] La division générale commet une erreur de fait importante lorsqu’elle rend une décision en faisant fi de la preuve pertinente ou en l’interprétant de façon erronée. « Pertinente » désigne la preuve nécessaire pour appliquer le critère juridique. Lorsque la division générale commet cette erreur, sa décision n’est pas étayée par la preuve.

[15] La prestataire présente trois argumentsNote de bas de page 13. La division générale a fait fi des éléments suivants ou les a interprétés de façon erronée :

  • la preuve selon laquelle son employeur l’a congédiée en raison d’une plainte qu’elle avait formulée à l’encontre d’un gestionnaire;
  • la preuve concernant le moment auquel elle a pris connaissance de l’erreur contenue dans le courriel du 17 juin, sa date de retour au travail et l’incidence des erreurs de son employeur;
  • la preuve médicale selon laquelle elle était trop malade pour retourner au travail le 26 juillet.

[16] J’examinerai chaque argument.

Il n’est pas possible de soutenir que la division générale a commis une erreur de fait importante quant à la raison pour laquelle elle a été congédiée

[17] La division générale devait examiner et apprécier la preuve et les arguments des parties, puis tirer une conclusion quant à la raison pour laquelle l’employeur de la prestataire l’avait congédiée.

[18] C’est ce qu’a fait la division générale. Elle n’a pas fait fi de la preuve de la prestataire et ne l’a pas l’interprétée de façon erronée.

[19] La division générale a examiné la preuve de façon approfondie (aux para 15 à 20). Elle a examiné les arguments et la preuve de la prestataire selon lesquels elle avait été congédiée en représailles à une plainte qu’elle avait formulée (aux para 21 à 24). Elle a ensuite apprécié la preuve et conclu que [traduction] « la preuve, crédible et non contestée, [démontrait] que l’appelante [avait] perdu son emploi parce qu’elle n’[était] pas retournée au travail en date du 26 juillet 2024 » (aux para 24 à 33).

[20] Par conséquent, cette partie de la décision de la division générale est étayée par la preuve pertinente.

La division générale semble avoir fait fi de la preuve selon laquelle la prestataire n’avait pas connaissance de l’erreur contenue dans le courriel du 17 juin avant le 18 juillet

[21] La prestataire n’est pas d’accord avec la façon dont la division générale a compris et utilisé le courriel que son employeur lui avait envoyé le 17 juin 2024. Elle soutient que la division générale a utilisé ce courriel contre elle malgré le fait que son employeur avait fait une erreur quant à la date de son retour au travail et qu’elle s’était fiée à cette date. Elle affirme que l’erreur commise par les RH avait causé la situation et qu’elle n’y était pour rien.

[22] Il y avait une erreur dans le courriel que les RH ont envoyé à la prestataire le 17 juin. La durée de son congé annuel et de ses congés (premier paragraphe) ne correspondait pas à sa date de retour au travail (deuxième paragraphe). La prestataire a soutenu qu’elle s’était fiée à la date de retour au travail, soit le 9 août.

[23] La division générale a examiné la preuve et a tiré des conclusions de fait quant au moment auquel la prestataire avait pris connaissance de l’erreur, à ce qu’elle avait ou n’avait pas fait, et aux raisons pour lesquelles elle avait agi ainsi :

  • Lorsque la prestataire a reçu le courriel daté du 17 juin, elle a lu le premier paragraphe (dans lequel il était question de deux semaines de congé annuel et de 15 jours de congé) et a jugé qu’il contenait une erreur parce qu’elle avait vu les dates du 8 et du 9 août dans le deuxième paragraphe et que ce deuxième paragraphe était celui qui décrivait ce qui se produirait si elle ne retournait pas au travailNote de bas de page 14;
  • Les RH n’avaient pas connaissance de l’erreur contenue dans le courriel du 17 juin avant que la prestataire communique avec eux le 18 juilletNote de bas de page 15;
  • Avant que la prestataire ne communique avec les RH le 18 juillet, personne n’était au courant de l’erreur contenue dans le courriel du 7 juin [sic]Note de bas de page 16;
  • Elle n’a pas porté l’erreur à l’attention des RH. Elle n’a pas demandé de précisions quant aux contradictions entre les deux paragraphes. Elle n’a fait que les remercier pour le courrielNote de bas de page 17;
  • Elle avait remarqué qu’il y avait une incohérence manifeste dans ce courriel; elle l’a admis dans son témoignage. Elle a dit que lorsqu’elle l’a lu, elle a pensé qu’il y avait une erreur dans le premier paragraphe et que le deuxième paragraphe était correctNote de bas de page 18;
  • Cependant, plutôt que de demander des précisions aux RH à l’égard de cette incohérence, elle a consciemment et délibérément décidé de ne pas le faire. Elle a décidé d’agir ainsi parce qu’elle voulait profiter du fait que le deuxième paragraphe semblait être en sa faveurNote de bas de page 19.

[24] J’ai écouté l’enregistrement audio de l’audience devant la division générale. La prestataire et son mari ont tous deux affirmé dans leurs témoignages qu’ils n’avaient pas connaissance de l’erreur avant le 18 juilletNote de bas de page 20. La prestataire a également affirmé qu’étant donné que sa langue maternelle n’est pas l’anglais, elle s’était fiée à la date de retour au travail qui figurait au deuxième paragraphe parce que celle-ci était clairement indiquée. Selon elle, quelque chose avait été omis ou une erreur avait été commise dans le premier paragrapheNote de bas de page 21.

[25] Cela dit, la preuve ne permet pas de déterminer clairement à quel moment la prestataire a pris connaissance de l’erreur contenue dans le courriel du 17 juin, et la division générale ne lui a pas demandé à quel moment elle avait constaté cette erreur.

[26] La division générale semble avoir fait fi des témoignages de la prestataire et de son mari selon lesquels elle avait pris connaissance de l’erreur le 18 juillet. Du moins, la division générale ne s’est pas penchée sur les témoignages contradictoires à cet effet, ce qu’elle était tenue de faire.

[27] Malgré tout, la division générale a conclu que la prestataire avait délibérément fait fi des indications contradictoires figurant dans le courriel du 17 juin pour pouvoir prendre le congé de 30 jours qu’elle désirait (au para 52). Cette conduite satisfaisait au critère juridique relatif au caractère délibéré parce qu’elle était si négligente et insouciante qu’elle était intentionnelle (aux para 49 et 50).

[28] Par conséquent, il est possible de soutenir que la division générale a fondé cette conclusion d’inconduite sur une erreur de fait.

[29] Cependant, même si la division générale avait commis cette importante erreur de fait, cela ne changerait rien à l’issue de l’appel de la prestataire. Elle serait quand même exclue du bénéfice des prestations parce que la division générale a tiré une seconde conclusion d’inconduite sans commettre d’erreur. Je me pencherai sur cette conclusion dans la prochaine section.

Il n’est pas possible de soutenir que la division générale a commis une erreur de fait importante lorsqu’elle a conclu que la prestataire avait agi de façon insouciante après le 18 juillet

[30] La division générale a tiré une seconde conclusion d’inconduite. Elle a conclu qu’en date du 18 juillet, il était certain que la prestataire savait que son employeur s’attendait à ce qu’elle retourne au travail le 26 juillet. Malgré cela, elle a décidé, consciemment et intentionnellement, de ne pas revenir au Canada avant le 8 août. Elle savait que son employeur pouvait la congédier si elle manquait trois quarts de travail consécutifs (aux para 53 à 66); c’est ce qui s’est produit.

[31] Cette conclusion d’inconduite n’est pas liée au courriel du 17 juin.

[32] La prestataire soutient que la division générale a rejeté sa preuve médicaleNote de bas de page 22. Elle affirme que la preuve indique qu’elle n’aurait pas pu prendre un vol pour revenir au Canada et retourner au travail entre le 18 et le 26 juillet parce qu’elle était malade. Elle affirme que la division générale a commis une erreur lorsqu’elle a formulé l’avis médical selon lequel son infection aiguë des sinus et de la trachée ne l’empêchait pas de prendre un vol ni de retourner au travail. Elle explique qu’elle aurait envoyé les documents médicaux à son employeur si elle n’avait pas cru que sa date de retour au travail était le 9 août.

[33] La division générale a fait référence à la preuve médicale de la prestataire (documents et témoignage)Note de bas de page 23. La division générale a accordé peu de poids à son témoignageNote de bas de page 24. Elle a conclu que la preuve médicale ne démontrait pas qu’elle ne pouvait pas revenir au Canada entre le 18 et le 25 juillet.

[34] J’ai examiné la preuve médicale de la prestataire. La division générale n’a pas fait fi de sa preuve. Elle ne l’a pas, non plus, interprétée de façon erronée. Il n’y avait pas d’avis médical concernant son aptitude à voyager; l’avis médical selon lequel elle n’était pas apte à travailler couvrait la période du 9 au 16 août, soit deux semaines après sa date de retour au travail (le 26 juillet)Note de bas de page 25. La division générale a expliqué pourquoi elle a accordé peu de poids à la preuve de la prestataire. Par conséquent, je ne peux pas intervenir quant à la façon dont elle a apprécié la preuve.

[35] La preuve pertinente étaye les deux conclusions de fait de la division générale. D’une part, il est certain que la prestataire savait que son employeur s’attendait à ce qu’elle retourne au travail le 26 juillet. D’autre part, elle savait qu’elle serait congédiée si elle manquait trois quarts de travail consécutifs.

[36] La division générale n’a donc pas fondé sa décision selon laquelle la prestataire avait commis une inconduite (elle a agi de façon négligente et insouciante lorsqu’elle n’est pas retournée au travail le 26 juillet) sur une erreur de fait. J’en conclus que la division générale n’a pas commis d’erreur de fait importante; la preuve pertinente étaye cette décision.

Les prestations d’assurance-emploi sont destinées aux personnes qui n’ont pas causé leur congédiement; elles ne servent pas à tenir les employeurs responsables

[37] La Cour suprême du Canada a conclu que les prestations d’assurance-emploi visent à indemniser les travailleurs involontairement sans emploiNote de bas de page 26. Autrement dit, une personne qui fait en sorte de se retrouver sans emploi ne peut pas obtenir de prestations régulières.

[38] Bien que la prestataire ne soit pas de cet avis, la division générale a conclu qu’elle était responsable de la perte de son emploi au motif qu’elle n’est pas retournée au travail le 26 juillet. La prestataire croit que son employeur est responsable de la perte de son emploi. Pendant l’audience et dans sa demande, la prestataire a mis l’accent sur l’erreur commise par les RH dans le courriel du 17 juin ainsi que sur les mauvaises décisions de gestion et la mauvaise conduite de son employeur.

[39] Je comprends pourquoi la prestataire peut penser que son employeur, la Commission et la division générale l’ont traitée injustement. Cependant, sa relation avec son employeur relève du contrat qui la lie à celui-ci. Ce contrat est indépendant de son rapport juridique avec le régime public d’assurance-emploi et de la question de savoir si elle peut obtenir des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 27. La division générale a reconnu ces points (aux para 67 à 70).

[40] Les tribunaux ont reconnu que les employés peuvent invoquer d’autres lois pour tenir leurs employeurs responsables. Dans un courriel envoyé par la prestataire à son employeur, elle affirme qu’elle prévoit communiquer avec la commission des relations de travailNote de bas de page 28. Il pourrait s’agir d’un moyen pour la prestataire de tenir son employeur responsable si elle croit qu’il l’a congédiée injustement.

Conclusion

[41] L’appel de la prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès. Par conséquent, je ne peux pas lui accorder la permission d’interjeter appel de la décision de la division générale.

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