Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : AB c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2025 TSS 269

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Partie appelante : A. B.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Représentante ou représentant : Claude Germain

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 17 décembre 2024
(GE-24-3698)

Membre du Tribunal : Solange Losier
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 6 mars 2025
Personnes présentes à l’audience : Appelant
Représentant de l’intimée
Date de la décision : Le 24 mars 2025
Numéro de dossier : AD-25-11

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Décision

[1] L’appel est accueilli. L’affaire sera renvoyée à la division générale pour réexamen.

[2] La division générale est priée de demander à la Commission d’obtenir une décision de l’Agence du revenu du Canada sur le nombre d’heures d’emploi assurable que le prestataire a accumulé au cours de sa période de référence, soit du 20 mars 2022 au 9 mars 2024.

Aperçu

[3] A. B. est le prestataire dans la présente affaire. Il a demandé des prestations de maladie de l’assurance-emploi.

[4] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a décidé qu’il ne pouvait pas recevoir de prestations parce qu’il n’avait pas accumulé assez d’heures d’emploi assurable pendant sa période de référenceNote de bas de page 1.

[5] La division générale a tiré la même conclusion. Elle a rejeté l’appel du prestataire, concluant qu’il n’avait pas assez d’heuresNote de bas de page 2.

[6] Le prestataire soutient que la division générale a commis plusieurs erreurs révisables dans sa décisionNote de bas de page 3.

[7] J’ai conclu que la division générale avait commis une erreur de droitNote de bas de page 4. La division générale devait demander à la Commission d’obtenir une décision de l’Agence du revenu du Canada pour établir le nombre d’heures d’emploi assurable que le prestataire avait accumulé pendant la période de référence.

Questions préliminaires

Le prestataire a été autorisé à déposer deux affaires du Tribunal après l’audience

[8] Le prestataire a mentionné deux affaires du Tribunal dans ses arguments écrits. Cependant, je n’ai pas pu les retrouver avec les renseignements qu’il a fournis, alors je lui ai donné l’occasion de les soumettre après l’audience de la division d’appelNote de bas de page 5.

[9] Le prestataire a répondu au Tribunal en disant qu’il n’arrivait pas à trouver une des affaires. Il a également présenté un résumé d’une affaire différenteNote de bas de page 6. L’observation a été communiquée à la Commission. J’ai demandé à celle-ci de fournir une réponse dans le délai prévu.

[10] La Commission a répondu qu’elle ne pouvait pas trouver l’affaire à laquelle le prestataire faisait référence, mais qu’il semble s’appuyer sur une affaire où il y avait eu une « violation »Note de bas de page 7. Elle soutient que la violation est une question distincte qui n’a pas été portée adéquatement devant le Tribunal.

La violation au dossier du prestataire n’est pas portée en appel

[11] À l’audience de la division d’appel, le prestataire a dit que la Commission ne l’avait pas avisé d’une violation antérieure dans son dossier datant de 2022.

[12] Dans le dossier, il y a une copie de la décision de la Commission concernant la violation rendue en 2022 (mais seulement pour établir que le prestataire en avait une et qu’il avait besoin d’un plus grand nombre d’heures pour être admissible aux prestationsNote de bas de page 8). Toutefois, le prestataire n’a pas demandé à la Commission de réviser cette décisionNote de bas de page 9.

[13] Par conséquent, je ne peux rendre aucune décision au sujet de l’avis de violation antérieure au dossier émis par la Commission en 2022.

[14] La seule question que je peux examiner est la décision de révision rendue par la Commission le 19 septembre 2024, qui précise que la « période de prestations n’a pas été établie » [en raison d’un nombre d’heures insuffisantNote de bas de page 10]. C’est la décision que le prestataire a portée en appel à la division générale le 6 novembre 2024Note de bas de page 11.

[15] Nous avons discuté de la violation à l’audience de la division d’appel. J’ai expliqué au prestataire qu’il doit demander à la Commission de réviser sa décision précédente concernant la violation (c’est ce qu’on appelle une « demande de révision »). Pour ce faire, il peut se rendre dans un centre de Service Canada, présenter une demande en ligne ou téléphoner. Étant donné que l’avis de violation a été émis en 2022, le prestataire pourrait aussi devoir discuter du retard de sa demande avec la Commission.

[16] Pour être claire, je ne peux rendre aucune décision concernant la violation précédente dans son dossier depuis mars 2022. Il doit faire un suivi directement auprès de Service Canada à ce sujetNote de bas de page 12.

Questions en litige

[17] Voici les questions à trancher dans la présente affaire :

  1. a) La division générale a-t-elle omis de suivre une procédure équitable?
  2. b) La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en omettant d’appliquer la « disposition sur le bénéfice du doute » prévue à l’article 49(2) de la Loi sur l’assurance-emploi?
  3. c) La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en omettant de demander une décision de l’Agence du revenu du Canada, comme le précise l’article 90(1)(d) de la Loi sur l’assurance-emploi?
  4. d) Dans l’affirmative, comment les erreurs devraient-elles être corrigées?

Analyse

La division générale a-t-elle omis de suivre une procédure équitable?

[18] Non. Les arguments du prestataire au sujet de l’« équité » ont tous trait à la façon dont il a été traité par la Commission. Il n’a pas souligné comment la division générale avait omis de suivre une procédure équitable.

[19] À l’audience de la division d’appel, le représentant de la Commission a présenté ses excuses au prestataire en reconnaissant qu’il y avait eu une certaine confusion parce qu’on lui avait envoyé une lettre qui disait qu’il avait droit à des prestations, mais qu’elle avait été envoyée par erreur.

[20] Les arguments du prestataire au sujet de l’équité portent en fait sur la conduite présumée de la Commission et non sur la procédure de la division générale.

[21] J’estime que la division générale a suivi une procédure équitableNote de bas de page 13. J’ai examiné le dossier et écouté l’enregistrement audio de l’audience de la division générale. Le prestataire a assisté à l’audience et a témoigné. La division générale lui a posé des questions pertinentes tout au long de l’audience. Il a eu une occasion pleine et équitable de présenter ses arguments. Rien ne me porte à croire qu’elle n’a pas suivi une procédure équitable dans la présente affaire.

La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en omettant d’appliquer la « disposition sur le bénéfice du doute » prévue à l’article 49(2) de la Loi sur l’assurance-emploi?

[22] Non. La division générale (ou la division d’appel) n’applique pas la disposition relative au doute prévue à l’article 49(2) de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 14.

[23] Le prestataire affirme que la division générale aurait dû lui accorder le bénéfice du doute. La Commission soutient que l’article 49(2) ne s’applique pas dans la présente affaire.

[24] L’article 49(2) de la Loi sur l’assurance-emploi permet à la Commission de donner le bénéfice du doute à une partie prestataire qui est exclue du bénéfice des prestations en raison d’une inconduite ou du départ volontaire d’un emploi.

[25] Je conclus que la division générale n’a pas commis d’erreur de droit parce que l’article 49(2) de la Loi sur l’assurance-emploi est seulement appliqué par la CommissionNote de bas de page 15. Dans la présente affaire, il est question du nombre d’heures que le prestataire a accumulées. Il ne s’agit pas d’une inconduite ou d’un départ volontaire, alors la disposition sur le bénéfice du doute ne s’applique pas de toute façon.

La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en omettant de demander une décision de l’Agence du revenu du Canada fondée sur l’article 90(1) de la Loi sur l’assurance-emploi?

[26] Oui. La division générale devait demander à la Commission d’obtenir une décision de l’Agence du revenu du Canada pour établir le nombre d’heures d’emploi assurable que le prestataire avait accumulé pendant sa période de référence.

[27] L’article 90(1)(d) de la Loi sur l’assurance-emploi précise que l’Agence du revenu du Canada a la compétence exclusive de décider du nombre d’heures d’emploi assurable d’une personne.

[28] La division générale a décidé que la période de référence du prestataire allait du 20 mars 2022 au 9 mars 2024Note de bas de page 16. Elle a conclu que le prestataire avait accumulé 812 heures d’emploi assurable au cours de la période de référence. Elle a expliqué que le prestataire n’avait pas contesté ce fait et a souligné qu’aucun élément de preuve ne permettait d’en douterNote de bas de page 17.

[29] Le prestataire soutient que la division générale a commis une erreur de droit parce qu’elle n’a pas obtenu une décision de l’Agence du revenu du Canada et qu’elle aurait dû le faire. Il a expliqué qu’il ne savait pas à ce moment-là que l’Agence du revenu du Canada pouvait [traduction] « vérifier » ses heures. À son avis, il a accumulé plus d’heures d’emploi assurable que ce qui figurait sur ses relevés d’emploi. Il pense également que la Commission n’a pas calculé correctement le nombre d’heures qu’il avait accumulées au cours de sa période de référence.

[30] La Commission convient que la division générale a commis une erreur parce que le prestataire a dit à l’audience de la division générale qu’il n’était pas certain de ses heures et qu’il devait vérifier.

[31] J’ai écouté l’enregistrement audio de l’audience de la division générale pour confirmer ce dont il a été question. La division générale a demandé au prestataire s’il était d’accord pour dire qu’il avait 812 heures. Le prestataire a répondu qu’il ne se souvenait pas du nombre exact et qu’il allait devoir le confirmer. Il a dit à la division générale qu’il avait plus d’heures, mais qu’elles n’avaient pas toutes été utiliséesNote de bas de page 18.

[32] Je conclus que la division générale a commis une erreur de droit en omettant d’obtenir une décision de l’Agence du revenu du Canada sur le nombre d’heures d’emploi assurable que le prestataire a accumulé du 20 mars 2022 au 9 mars 2024Note de bas de page 19. Certains éléments de preuve laissaient douter du nombre d’heures qu’il avait accumulées parce qu’il a déclaré qu’il devait [traduction] « vérifier » ses heures. Par conséquent, une décision de l’Agence du revenu du Canada était nécessaire avant de conclure que le prestataire n’avait pas accumulé assez d’heures pour être admissible aux prestations.

Le prestataire a présenté une affaire, mais elle ne dit pas ce qu’il prétend

[33] Dans ses arguments écrits à la division d’appel, le prestataire a mentionné que deux affaires du Tribunal appuyaient sa position. Il a fait référence aux affaires suivantes :

  • IA c Commission de l’assurance-emploi du Canada
  • MV c Commission de l’assurance-emploi du Canada

[34] Comme je l’ai mentionné plus haut, j’ai demandé au prestataire de fournir au Tribunal des copies des affaires du Tribunal parce que je n’ai pas pu les trouver compte tenu des renseignements limités qu’il a fournis. Le prestataire a accepté de les fournir après l’audience de la division d’appel, alors je lui ai donné le temps de le faire.

[35] Le prestataire a répondu à ma demande, mais il n’a pas fourni de copies des affaires du Tribunal auxquelles il a fait référence. Il a plutôt fourni son propre résumé d’une autre décision intitulée « Canada (Procureur général) c Bellefleur » datée du « 15 janvier 2021Note de bas de page 20 ».

[36] Il affirme que la décision Bellefleur a annulé le refus de prestations fondé sur le nombre insuffisant d’heures alors qu’une personne n’a pas été avisée d’une violation dans son dossier. Il soutient que l’affaire souligne l’importance d’une bonne notification et de la tenue de dossiers exacts pour établir l’admissibilité aux prestations.

[37] Premièrement, le prestataire n’a pas fourni une copie de l’affaire, mais seulement son résumé de celle-ci. J’ajoute que je ne suis pas saisie de la question de la violation. Malgré cela, j’ai cherché la décision Bellefleur qu’il a mentionnée plus haut, mais je n’ai pas pu la trouver telle qu’elle était citée.

[38] Cependant, j’ai trouvé une décision de la Cour d’appel fédérale portant le même nom de famille. La citation complète est Bellefleur c Canada (Procureur général), 2008 CAF 13, et la décision est datée du 11 janvier 2008. Dans cette affaire, une autre personne s’est vue refuser des prestations d’assurance-emploi parce qu’elle n’avait pas accumulé assez d’heures. Elle a donc obtenu un relevé d’emploi de son beau-frère pour le nombre d’heures qui lui manquait.

[39] Le principe principal de l’affaire Bellefleur était que les décideurs (ancien conseil arbitral) doivent justifier leurs conclusions et, lorsqu’il y a des éléments de preuve contradictoires, ils doivent décider lesquels ils préfèrent et expliquer pourquoi ils préfèrent certains éléments de preuveNote de bas de page 21

[40] Selon mon propre examen, la décision Bellefleur ne dit pas ce que prétend le prestataire et elle n’est pas pertinente de toute façon. Le prestataire n’a pas déposé de copies des deux autres affaires du Tribunal auxquelles il a fait référence, alors je ne les ai pas prises en considération.

[41] Comme j’ai déjà conclu que la division générale a commis une erreur de droit, je dois maintenant décider comment corriger cette erreur.

Correction de l’erreur

[42] Il y a deux options pour corriger une erreur de la division générale. Je peux soit renvoyer le dossier à la division générale pour réexamen ou rendre la décision que la division générale aurait dû rendreNote de bas de page 22.

[43] Le prestataire veut que je substitue ma propre décision à celle de la division générale. Il veut que je décide qu’il a accumulé assez d’heures pour recevoir des prestations. C’est l’option qu’il préfère. Sinon, il dit que le dossier pourrait être renvoyé à la division générale pour réexamen afin de recommencer le processus. Il dit maintenant qu’il n’est pas certain si une décision de l’Agence du revenu du Canada est nécessaire.

[44] La Commission affirme que si une décision de l’Agence du revenu du Canada est nécessaire, le dossier devrait être renvoyé à la division générale pour réexamen. Sinon, si une décision de l’Agence du revenu n’est pas nécessaire, elle dit que je pourrais la remplacer par ma propre décision.

Je renvoie l’affaire à la division générale pour réexamen

[45] Le dossier n’est pas complet dans la présente affaire. Le prestataire conteste clairement le nombre d’heures qu’il a accumulées sur les relevés d’emploi et le calcul de ces heures effectué par la Commission pendant la période de référence. Seule une décision de l’Agence du revenu du Canada peut l’établir.

[46] Le dossier sera renvoyé à la division générale pour réexamen et celle-ci recevra comme instruction d’obtenir une décision de l’Agence du revenu du Canada sur le nombre d’heures d’emploi assurable que le prestataire a accumulé pendant sa période de référence.

[47] J’ai accéléré le processus, comme le prestataire me l’avait expressément demandé pour des raisons financières. Toutefois, je note que les prochaines étapes pourraient prendre un certain temps, surtout parce qu’une décision de l’Agence du revenu du Canada est requise dans la présente affaire.

Conclusion

[48] L’appel du prestataire est accueilli. L’affaire sera renvoyée à la division générale pour réexamen.

[49] La division générale est invitée à demander à la Commission d’obtenir une décision de l’Agence du revenu du Canada sur le nombre d’heures que le prestataire a accumulé au cours de sa période de référence, qui s’étend du 20 mars 2022 au 9 mars 2024.

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