Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : FM c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2025 TSS 345

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Partie appelante : F. M.
Représentante ou représentant : Emma Lodge
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Représentante ou représentant : Linda Donovan

Décision portée en appel : Décision rendue par la division générale le 23 septembre 2024 (GE-24-1849)

Membre du Tribunal : Stephen Bergen
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 25 mars 2025
Personnes présentes à l’audience : Appelante
Représentante de l’appelante
Représentante de l’intimée
Date de la décision : Le 9 avril 2025
Numéro de dossier : AD-24-715

Sur cette page

Décision

[1] Je rejette l’appel.

[2] La division générale a commis une erreur de fait. J’ai corrigé l’erreur et remplacé la décision de la division générale par la mienne.

[3] J’ai décidé qu’aucun « motif valable » ne justifiait le retard de la prestataire jusqu’au 23 août 2023.

Aperçu

[4] F. M. est l’appelante. Je l’appellerai la « prestataire » parce que la présente demande vise sa demande de prestations de maternité et de prestations parentales de l’assurance-emploi. L’intimée est la Commission de l’assurance-emploi du Canada. Je l’appellerai simplement la Commission.

[5] La prestataire a eu un bébé en mai 2022. Elle travaillait pour le gouvernement fédéral. Parmi les avantages sociaux offerts aux membres du personnel qui prenaient un congé de maternité ou un congé parental, il y avait un supplément à l’assurance-emploi. La prestataire a demandé le supplément avec l’aide d’un conseiller en rémunération qui travaillait pour son employeur. Elle croyait que l’employeur s’assurait ainsi qu’elle remplissait toutes les exigences pour obtenir le supplément, y compris les conditions pour recevoir les prestations de maternité et les prestations parentales de l’assurance-emploi.

[6] L’employeur a versé le supplément à la prestataire pendant son congé de maternité et son congé parental. Après avoir fini de verser le supplément, l’employeur a demandé à la prestataire de prouver qu’elle avait demandé des prestations de maternité et des prestations parentales de l’assurance-emploi. La prestataire n’avait pas demandé ces prestations parce qu’elle ne s’était pas rendu compte qu’elle devait le faire.

[7] La requête de l’employeur a poussé la prestataire à demander des prestations d’assurance-emploi en septembre 2023. Elle a demandé à la Commission d’avancer la date de sa demande jusqu’au début de son congé.

[8] La Commission a refusé parce qu’elle a rejeté l’idée qu’un motif valable justifiait le retard de la prestataire. Celle-ci lui a demandé de réviser sa décision. La Commission n’a pas voulu modifier sa décision. La prestataire a donc fait appel à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale, sans succès. Elle fait maintenant appel à la division d’appel.

[9] Je rejette l’appel. La division générale a commis une erreur de fait. J’ai donc rendu la décision qu’elle aurait dû rendre. J’ai décidé qu’aucun motif valable ne justifiait le retard de la prestataire pendant toute la durée du retard.

[10] J’ai conclu qu’elle avait un motif valable depuis le 23 août 2023, mais je crains que cela ne lui permette pas de toucher des prestations pour son congé.

Question en litige

[11] Dans le présent appel, les questions en litige se rapportent à des erreurs de fait. Voici les questions à trancher :

  1. a) La division générale a-t-elle négligé des éléments de preuve pertinents quand elle a examiné les erreurs figurant dans les lettres de décision de la Commission?
  2. b) La division générale a-t-elle mal compris la preuve qui l’a amenée à conclure que la prestataire avait agi de façon insouciante ou négligente?
  3. c) La division générale a-t-elle ignoré le rôle joué par l’employeur dans la mauvaise compréhension chez la prestataire du lien entre les prestations d’assurance-emploi et le supplément demandé à l’employeur?
  4. d) La division générale a-t-elle conclu que la situation de la prestataire n’était pas exceptionnelle parce qu’elle n’a pas tenu compte de l’effet cumulatif des divers facteurs de stress que subissait la prestataire?
  5. e) La division générale a-t-elle fait une erreur de droit quand elle a vérifié si un motif valable justifiait le retard de la prestataire alors qu’aucune règle ou politique applicable ne justifiait une telle chose?

Analyse

Grands principes de droit qui s’appliquent aux appels à la division d’appel

[12] La division d’appel peut se pencher uniquement sur les erreurs qui correspondent à l’un des moyens d’appel suivants :

  1. a) La procédure de la division générale était inéquitable d’une façon ou d’une autre.
  2. b) La division générale n’a pas tranché une question alors qu’elle aurait dû le faire ou bien elle a tranché une question sans avoir le pouvoir de le faire (erreur de compétence).
  3. c) La division générale a rendu une décision entachée d’une erreur de droit.
  4. d) La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importanteNote de bas de page 1.

Erreurs dans la décision de la Commission

[13] La décision initiale de la Commission était datée du 4 janvier 2024. La Commission rejetait la demande de prestations parce que la prestataire n’avait accumulé aucune heure d’emploi assurable au cours de la période de référence qui précédait sa demande de septembre 2023. La Commission n’a toutefois pas répondu à la requête de la prestataire sur l’antidatation de sa demande de prestations : la prestataire voulait faire avancer la date de sa demande pour pouvoir toucher des prestations de maternité et des prestations parentales. Lorsque la Commission a abordé la question de l’antidatation dans sa décision de révision, elle a fait une autre erreur : elle a écrit que la décision initiale était datée du 20 novembre 2023.

[14] Selon la prestataire, la division générale n’a pas tenu compte de la preuve qui montrait comment ces erreurs lui ont causé du tort parce qu’elles ont entraîné des retards et l’ont mêlée encore davantage.

[15] La division générale n’a pas fait d’erreur en concluant que les erreurs de la Commission n’avaient pas porté préjudice à la prestataire. La division générale peut seulement se pencher sur les erreurs qui pourraient empêcher la prestataire d’obtenir des prestations. La division générale a confirmé que, malgré la lettre de décision initiale, la Commission avait communiqué à la prestataire sa décision sur l’antidatation, de sorte que cette dernière avait pu en demander la révision. La division générale a précisé que l’erreur dans la décision de révision était une erreur d’écriture qui n’avait pas non plus d’incidence sur son droit de faire appel.

[16] La question que la division générale devait trancher était si la prestataire avait le droit de changer la date de sa demande de prestations. La décision de la Commission sur la possibilité d’antidater la demande dépendait de la preuve de la prestataire, qui devait démontrer qu’un motif valable justifiait son retard. Les erreurs de la Commission sont survenues après la période du retard. Elles ne peuvent donc pas avoir contribué au retard de la demande de prestations ni en être la cause.

[17] Les erreurs de la Commission n’ont pas non plus brimé les droits d’appel de la prestataire. Elles ne l’ont pas empêchée de présenter ses arguments à la division générale. Elles l’ont peut-être déroutée pendant un certain temps, mais la prestataire a tout de même cerné le point avec lequel elle n’était pas d’accord et elle a demandé une révision dans le délai prévu. Quand elle a reçu la décision de révision et vu que le résultat lui était défavorable, elle a dûment présenté une demande de permission de faire appel à la division générale.

Erreur dans la conclusion d’insouciance ou de négligence

[18] La division générale a commis une erreur de fait importante quand elle a conclu que les gestes de la prestataire relevaient de l’insouciance ou de la négligence.

[19] Elle a tiré cette conclusion parce qu’elle a compris que la prestataire savait à partir du 26 juillet 2023 qu’elle devait demander des prestations. C’est le jour où le conseiller en rémunération de son employeur lui a demandé son relevé d’assurance-emploi pour faire les comparaisons d’usage avec les versements du supplémentNote de bas de page 2.

[20] Toutefois, la division générale a soit mal compris ce que la prestataire a fait après avoir reçu le courriel du 26 juillet 2023, soit ignoré les éléments de preuve montrant ce qu’elle avait fait. La prestataire n’a jamais dit qu’elle savait qu’elle devait présenter une demande d’assurance-emploi après avoir reçu le courriel du 26 juillet. Dans ses observations à la division générale, elle a précisé qu’elle ne savait pas trop ce que le conseiller lui demandait le 26 juillet au sujet du relevé d’assurance-emploi. Elle a précisé qu’elle a dû avoir [traduction] « plusieurs échanges » avec lui avant de comprendre ce qu’il voulait avoirNote de bas de page 3.

[21] Durant son témoignage, elle a ajouté qu’elle n’avait pas eu l’occasion de clarifier la demande qu’elle avait reçue par courriel le 26 juillet au sujet du relevé d’assurance-emploi avant qu’une vraie personne communique avec elle le 22 août 2023Note de bas de page 4. Au départ, elle pensait que son employeur lui demandait ses bulletins de paie et qu’elle pourrait trouver les relevés d’assurance-emploi exigés en créant un compte Mon dossier Service CanadaNote de bas de page 5. Elle a donc créé son compte, mais n’a trouvé aucune trace de sa demande de prestations. C’est seulement le 20 septembre 2023 qu’elle a parlé à une personne de son ministère et qu’elle a appris qu’on s’attendait à ce qu’elle fasse sa demande d’assurance-emploi par elle-mêmeNote de bas de page 6.

[22] Cette version des faits est en partie confirmée par ses échanges de courriels avec son conseiller. Ils démontrent qu’après avoir reçu la requête de juillet 2023, elle a cherché à clarifier la marche à suivreNote de bas de page 7. Dans le premier courriel, elle a souligné que les messages précédents du conseiller provenaient d’une adresse de courriel n’acceptant pas les réponses et qu’ils n’expliquaient pas comment elle pouvait lui fournir le relevé d’assurance-emploi qu’il demandaitNote de bas de page 8. Du 22 août au 19 septembre 2023, le conseiller et elle ont échangé quelques courriels pour clarifier les prochaines étapes. Elle a finalement demandé des prestations d’assurance-emploi le 23 septembre 2023.

[23] La preuve indique que la prestataire n’a pas tout de suite compris que la communication du 23 juillet 2023 voulait dire qu’elle devait demander elle-même des prestations d’assurance-emploi. De plus, ses gestes ne laissent pas croire qu’elle a été insouciante ou négligente par rapport à sa demande de prestations du 23 juillet jusqu’au jour où elle a présenté sa demande.

[24] Cette erreur a des répercussions importantes sur les conclusions de la division générale. Même si l’on ne peut pas faire avancer la date de sa demande de prestations aussi loin qu’on le souhaiterait, on peut quand même remonter jusqu’au jour où l’on peut démontrer qu’un motif valable justifiait le retard. En concluant que la prestataire n’avait pas de motif valable pour la dernière partie du retard (depuis le 23 juillet 2023), la division générale a exclu la possibilité qu’elle ait eu un motif valable plus tôt.

[25] Deux autres choses ont peut-être aussi eu une incidence sur la façon dont la division générale a évalué l’attitude globale de la prestataire : le fait que la division générale a compris que la prestataire savait dès le 23 juillet qu’elle devait présenter une demande sans toutefois le faire et la façon dont la division générale a associé son retard à de l’insouciance et à de la négligence. Cette conclusion peut avoir réduit ses chances de croire qu’avant le 23 juillet, la prestataire avait agi assez rapidement pour vérifier qu’elle remplissait les conditions requises par la Commission pour le versement des prestations de maternité et des prestations parentales de l’assurance-emploi.

[26] Autrement dit, j’admets que l’erreur de fait de la division générale a peut-être altéré une conclusion sur laquelle elle a fondé sa décision.

Défaut de prendre en compte le rôle de l’employeur dans le retard

[27] La prestataire avance que la Commission a commis une erreur de fait parce qu’elle n’a pas tenu compte des éléments de preuve sur le rôle que l’employeur a joué dans sa mauvaise compréhension des choses et dans son retard. Elle affirme avoir agi de façon raisonnable en se fiant aux renseignements qu’elle a reçus de son employeur.

[28] Elle a parlé du temps que l’employeur a mis pour traiter les documents. Ces longs délais l’ont obligée à remplir tous les documents juste après un accouchement difficile. Elle a expliqué que l’information provenant de son employeur était dure à suivre, qu’elle était exprimée de façon peu cohérente et qu’elle ne faisait pas la distinction entre le processus de demande des prestations supplémentaires de chômage (supplément) et celui des prestations d’assurance-emploi. Elle a souligné qu’elle a déposé à la division générale une copie de la nouvelle trousse d’information de l’employeur pour montrer comment il a clarifié ses marches à suivre et son guide sur le processus de demande.

[29] Elle a ajouté que, comme son employeur continuait de lui verser le supplément, elle croyait que tout était en règle de son côté. Elle précise que, d’après la preuve, l’employeur aurait dû cesser de lui verser le supplément, car il n’avait pas reçu tous les documents requis.

[30] La division générale a jugé qu’aucune preuve ne montrait que l’employeur avait effectivement donné à la prestataire les mauvais renseignementsNote de bas de page 9. Au contraire, elle a mentionné les éléments de preuve qui montraient que l’employeur avait bien renseigné la prestataire sur le fait que la demande de prestations d’assurance-emploi était la responsabilité de la prestataire.

[31] La division générale a souligné que l’employeur avait informé la prestataire qu’elle devait fournir une preuve d’admissibilité aux prestations de maternité et aux prestations parentales de l’assurance-emploi et qu’il lui avait dit qu’elle obtiendrait la preuve en question après avoir présenté sa demande de prestations de maternité et de prestations parentales. Elle a aussi souligné le témoignage de la prestataire voulant qu’elle n’ait rien fait pour obtenir la preuve exigée.

[32] Durant son témoignage, la prestataire a dit qu’elle croyait que l’employeur lui demandait ses [traduction] « bulletins de paieNote de bas de page 10 ». Cependant, rien dans les documents de l’employeur ne pouvait expliquer pourquoi il voudrait avoir ses bulletins de paie, car cela obligerait la prestataire à prouver à l’employeur ce qu’il savait déjà.

[33] La division générale a aussi mentionné la façon dont la convention collective parlait du supplément. Le document décrivait le régime de prestations supplémentaires de chômage pour les congés de maternité et les congés parentaux comme un supplément aux prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 11. La convention énonce aussi les conditions d’admissibilité aux prestations supplémentaires de chômage. L’une d’elles était que la personne fournisse à son employeur la preuve, d’une part, qu’elle avait demandé des prestations de maternité ou des prestations parentales de l’assurance-emploi et, d’autre part, qu’elle recevait ces prestations.

[34] Je rejette l’argument voulant que la division générale ait ignoré des éléments de preuve montrant comment les renseignements provenant de son employeur ou les gestes qu’il a posés ont contribué à son retard ou en étaient la cause. Selon la prestataire, la division générale n’a pas tenu compte de la façon dont l’employeur l’avait induite en erreur. Elle n’a toutefois relevé aucune communication ni aucun document où l’employeur présentait de faux renseignements.

[35] La division générale a reconnu le fait que la prestataire avait eu de la difficulté à communiquer avec son employeur et les ressources humaines ainsi qu’à suivre leurs processus. Cette reconnaissance englobe sans doute la difficulté à comprendre les renseignements mêlants et le fait que les longs délais de traitement de l’employeur l’ont obligée à s’occuper des documents requis pour faire sa demande en même temps qu’elle s’adaptait à l’arrivée du bébé. La décision de la division générale ne mentionne pas ces éléments de preuve en particulier, mais on peut quand même présumer qu’elle les a pris en considération. Les cours ont confirmé que la division générale n’est pas obligée de mentionner chacun des éléments de preuve au dossierNote de bas de page 12.

[36] La prestataire affirme que l’employeur a révisé sa marche à suivre pour demander le supplément ou ses communications à ce sujet depuis qu’elle a fait sa demande. Elle explique que les changements sont évidents dans le formulaire de demande de congé de maternité ou de congé parental que l’employeur utilise depuis juin 2023. Elle laisse entendre que les modifications apportées au formulaire constituent une admission implicite que l’ancienne marche à suivre de l’employeur n’était pas claire ni adéquateNote de bas de page 13.

[37] La prestataire a peut-être raison de dire que son employeur a révisé son formulaire de demande du supplément parce qu’il reconnaissait que la version originale ou la marche à suivre précédente était dure à comprendre. Mais le nouveau formulaire ne mène pas nécessairement à cette conclusion. Surtout, l’existence d’un nouveau formulaire ou d’un nouveau processus de demande pour obtenir le supplément ne permet pas à la prestataire d’établir qu’elle ne savait pas ou ne pouvait pas savoir qu’elle devait demander des prestations d’assurance-emploi comme l’indiquait l’ancienne marche à suivre.

[38] Selon la prestataire, la division générale n’a pas non plus tenu compte de la façon dont le versement continu du supplément lui a fait croire que tout allait bien.

[39] De toute évidence, la division générale a compris que la prestataire savait qu’elle recevait le supplément pendant son congé de maternité et son congé parental. La division générale a compris que le supplément dépendait des prestations d’assurance-emploi qu’elle était censée toucher. La division générale a compris que la prestataire était censée recevoir 93 % de son salaire (supplément plus assurance-emploi). Elle a aussi compris les éléments de preuve de la prestataire qui montraient qu’elle n’avait pas remarqué qu’elle ne recevait pas tout l’argent qu’elle était censée recevoirNote de bas de page 14. Ce n’est pas la faute de l’employeur si la prestataire a été induite en erreur au sujet de l’un ou l’autre de ces faits.

[40] La prestataire souligne que le courriel du 25 mai 2022 prouve que son employeur avait adopté la pratique ou la politique de cesser de verser le supplément après huit semaines s’il ne recevait pas le formulaire d’assurance-emploi mentionné dans le même courriel. La division générale n’a pas mentionné que cet avertissement figurait dans le courriel.

[41] Encore une fois, on peut présumer que la division générale a pris en compte ces éléments de preuve même si elle ne les aborde pas. Il n’était pas nécessaire de mentionner cet élément en particulier.

[42] Je dis cela parce que l’avertissement contenu dans le courriel aurait eu peu de valeur probante. Il n’aurait pas aidé la prestataire à prouver que, par ses gestes, l’employeur avait contribué au retard de sa demande de prestations d’assurance-emploi.

[43] Le courriel disait seulement que l’employeur cesserait de verser les suppléments s’il ne recevait pas le formulaire [traduction] Relevé de l’employé – Prestations d’assurance-emploi (le « formulaire d’assurance-emploi »). Il ne précisait pas que l’employeur cesserait de verser les suppléments s’il n’était pas convaincu que toutes les conditions d’admissibilité au supplément étaient remplies.

[44] Durant son témoignage, la prestataire a dit qu’elle ne savait pas ce que le courriel voulait dire par le formulaire d’assurance-emploiNote de bas de page 15. Elle n’a toutefois pas cherché à savoir ce que cela voulait dire. L’employeur lui a posé une question à ce sujet en août 2023. La prestataire a expliqué qu’elle croyait que l’employeur voulait avoir ses bulletins de paie (même s’il demandait en fait qu’elle lui envoie ses [traduction] « bulletins de paie de l’assurance-emploiNote de bas de page 16 »). Le courriel du 25 mai disait à la prestataire ce qu’elle devait faire pour répondre aux exigences de l’employeur. En conséquence, c’était alors à elle de faire parvenir à l’employeur les renseignements qu’il exigeait.

[45] Après les huit jours, elle aurait pu supposer que l’employeur ne s’était pas rendu compte du fait qu’elle n’avait pas respecté l’une des exigences énoncées dans le courriel ou qu’il avait décidé que le formulaire d’assurance-emploi n’était pas important. Elle ne pouvait toutefois pas raisonnablement penser que le courriel du 25 mai confirmait qu’elle avait rempli toutes les conditions pour recevoir le supplément de l’employeur, même si elle continuait de le recevoir. Elle savait qu’elle n’avait pas envoyé le formulaire d’assurance-emploi à l’employeur.

[46] J’admets que la prestataire a supposé que tout allait bien parce qu’elle continuait de toucher le supplément. Cependant, rien dans le courriel du 25 mai n’appuie cette idée. Au contraire, le courriel du 25 mai contient d’autres renseignements importants. Juste au-dessus de l’avertissement sur la possible suspension du supplément, et à la même page, le courriel précise que c’est la responsabilité de la prestataire de transmettre la preuve de son admissibilité aux prestations d’assurance-emploi et qu’elle obtiendrait cette preuve après avoir présenté sa demande de prestations d’assurance-emploi.

Défaut de prendre en compte des circonstances exceptionnelles

[47] La prestataire soutient que la division générale a commis une erreur de fait quand elle a conclu qu’il n’y avait pas de « circonstances exceptionnelles » dans son cas. Elle dit ne pas avoir compris à quel point elle dépendait du gouvernement du Canada en raison de son travail de diplomate affectée au service extérieur à l’étranger, des complications liées à sa grossesse et à l’accouchement ou de l’effet cumulatif de ses nombreux facteurs de stress.

[48] La division générale a examiné la situation de la prestataire et ses nombreux facteurs de stress. Elle a tenu compte du fait qu’elle vivait et travaillait à l’étranger et qu’elle devait remplir les exigences là-bas dans une langue étrangère. Elle a reconnu que le décalage horaire compliquait les communications avec le Canada et que le lieu de travail de la prestataire était aussi soumis à des mesures de sécurité encore plus grandes. Elle a souligné que la prestataire n’avait pas le soutien de sa famille, de ses camarades ou de ses collègues.

[49] La division générale a reconnu que la prestataire avait eu un accouchement difficile nécessitant une intervention chirurgicale, que c’était son premier enfant et que son époux et elle étaient des parents d’un certain âge. Elle a compris que les problèmes causés par l’arrivée d’un premier enfant pouvaient être plus importants à l’étranger. Elle a aussi noté que la prestataire avait dit qu’elle était occupée et qu’elle n’avait pas le temps de voir à ses affaires personnelles.

[50] La division générale savait que la prestataire traversait toutes ces choses en même temps ou durant la même période qu’elle échangeait avec son conseiller et suivait le processus de demande pour obtenir le supplément.

[51] À mon avis, la conclusion de la division générale voulant que la situation de la prestataire n’était pas exceptionnelle prend en compte toutes ces particularités. Aucun élément de preuve précis ne montrait que les diverses circonstances ont culminé par une sorte de synergie. Par conséquent, la division générale ne pouvait pas conclure qu’il y avait quoi que ce soit d’exceptionnel dans « l’effet cumulatif » des circonstances de la prestataire sans faire de suppositions.

[52] La division générale a conclu qu’aucune circonstance exceptionnelle ne pouvait exempter la prestataire de l’obligation de vérifier assez rapidement son admissibilité aux prestations. Elle a appliqué les directives de la Cour d’appel fédérale, qui dit que les personnes qui demandent des prestations doivent vérifier assez rapidement leurs droits et leurs obligations aux termes de la Loi sur l’assurance-emploi, sauf si elles peuvent démontrer qu’elles ne l’ont pas fait en raison de circonstances exceptionnelles. Elle a souligné que les circonstances exceptionnelles sont celles qui empêchent les prestataires de demander des prestations assez tôt ou qui compliquent la démarche de façon exceptionnelleNote de bas de page 17.

[53] Dans un certain nombre de décisions, la Cour d’appel fédérale s’est penchée sur l’exigence que les prestataires vérifient assez rapidement leurs droits et leurs obligations. Aucune de ces décisions ne précise que les démarches impliquent nécessairement de communiquer directement avec la Commission. Dans l’affaire Brace, la Cour a écrit qu’il « aurait été normal de s’adresser […] à la CommissionNote de bas de page 18 ».

[54] Dans la vraie vie, l’affirmation tirée de la décision Brace voulant que ce soit normal de s’adresser à la Commission pour se renseigner veut dire que le point de contact est normalement Service Canada. C’est l’organisation qui agit comme courroie de transmission physique et électronique entre le gouvernement et les prestataires qui veulent recevoir des services. Service Canada est l’agent de la Commission pour ce qui touche aux prestations d’assurance-emploi.

[55] En revanche, la décision Brace n’affirme pas que la Commission est la seule source qui permet de remplir les exigences. Un autre endroit « normal » où la prestataire aurait pu se renseigner était son propre employeur, le gouvernement du Canada. Dans l’affaire Mendoza, la Cour a précisé que « le défendeur avait l’obligation de vérifier avec célérité, auprès de la Commission ou auprès de sources fiables, son [admissibilité] à de telles prestationsNote de bas de page 19 ».

[56] Dans la présente affaire, la prestataire collaborait avec un conseiller en rémunération du gouvernement fédéral pour remplir les exigences du régime de l’employeur qui permet à son personnel d’obtenir le supplément pendant un congé de maternité et un congé parental. Selon la convention collective, l’une des conditions d’admissibilité au supplément est l’approbation de sa demande de prestations de maternité ou de prestations parentales de l’assurance-emploi, car le supplément vient combler l’écart avec les prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 20. Il se peut très bien que la prestataire ait compris que les conseils et le soutien qu’elle recevait visaient à remplir toutes les conditions d’admissibilité au supplément.

[57] La prestataire laisse entendre que la division générale a fait une erreur parce qu’elle n’a pas reconnu le caractère unique de son poste de fonctionnaire fédérale à l’étranger et de sa dépendance sur son employeur pour obtenir de l’information, du soutien et de l’aide. Comme elle travaillait pour le gouvernement fédéral, elle pensait que sa demande de supplément et sa demande de prestations d’assurance-emploi constituaient un processus unique. Elle croyait pouvoir compter sur son conseiller en rémunération pour avoir des renseignements exacts et personnalisés au sujet de sa demande de supplément. Elle croyait également que son employeur pouvait aussi agir au nom de la Commission ou, du moins, veiller à ce qu’elle remplisse les exigences de la Commission.

[58] La division générale a expliqué que la prestataire « [devait] démontrer qu’elle a fait de son mieux pour essayer de se renseigner dès que possible sur ses droits et ses responsabilitésNote de bas de page 21 ». J’en conclus que la division générale a tenu compte du lien entre la prestataire et son employeur et qu’elle ne s’est pas arrêtée à la question de savoir si la prestataire avait agi de façon raisonnable par rapport à Service Canada ou à la CommissionNote de bas de page 22.

[59] Je conviens que les circonstances entourant le retard de la demande de prestations étaient inhabituelles dans le cas de la prestataire. Par contre, je ne suis pas d’accord avec l’argument voulant que la division générale n’ait pas su le reconnaître.

[60] La division générale a reconnu les défis particuliers que posent la vie et le travail à l’étranger. Elle a aussi reconnu que la prestataire travaillait pour le gouvernement du Canada, de qui la Commission relève elle aussi.

[61] La division générale a jugé que la situation de la prestataire n’était pas exceptionnelle parce qu’il n’y avait aucun défi exceptionnel à surmonter pour s’informer de ses droits et de ses responsabilités en matière d’assurance-emploi. La prestataire explique qu’elle croyait que demander des prestations d’assurance-emploi et demander le supplément à ces prestations faisaient partie du même processus. Malgré cela, selon la division générale, la prestataire aurait tout de même pu demander à son employeur si elle comprenait bien les choses. La division générale a souligné que la prestataire n’avait rien fait après que l’employeur lui a demandé le formulaire d’assurance-emploi la première fois dans le courriel du 25 mai. La division générale a ajouté que la prestataire aurait pu consulter le site Web de Service Canada et téléphoner au numéro sans frais, et ce, même si elle habitait à l’étranger dans un autre fuseau horaire.

[62] La prestataire n’a relevé aucun élément de preuve que la division générale aurait ignoré. Elle n’a pas non plus démontré que la division générale avait mal compris la preuve. Elle semble plutôt en désaccord avec la façon dont la division générale a soupesé les éléments de preuve portant sur sa situation ou bien avec sa conclusion voulant que sa situation n’était pas exceptionnelle.

[63] Toutefois, la division d’appel peut seulement regarder si la division générale a ignoré ou mal interprété les éléments de preuve qui se rapportent à ses principales conclusions ou si ses conclusions avaient ou non un lien rationnel avec la preuve. Même si j’aurais rendu une décision différente au sujet des faits, les cours ont confirmé que ce n’est pas à la division d’appel de réévaluer ou de soupeser à nouveau la preuveNote de bas de page 23.

[64] De plus, quand la division générale conclut que la prestataire n’a pas agi comme une « personne raisonnablement prudente » ou que sa situation n’était pas « exceptionnelle », elle applique aux faits de l’affaire les règles de droit établies. C’est ce qu’on appelle une question mixte de droit et de fait. Les cours ont dit à la division d’appel qu’elle n’a pas le pouvoir d’examiner les questions mixtes de droit et de faitNote de bas de page 24.

Défaut de prendre en compte la raison d’être de la règle

[65] La prestataire a soutenu par ailleurs qu’en droit, elle ne devrait pas avoir à remplir le critère du « motif valable ».

[66] La prestataire a cité la décision Beaudin pour appuyer son argumentNote de bas de page 25. Dans cette affaire, on a conclu que le prestataire ne pouvait pas faire avancer la date de sa demande de prestations régulières. Les motifs de la décision soulignent la politique qui justifie l’exigence du « motif valable » et l’interprétation stricte de celui-ci. La prestataire avance que la justification illustrée dans la décision Beaudin ne s’applique pas aux prestations de maternité ni aux prestations parentales. Elle laisse donc entendre que, selon la décision Beaudin, les prestataires comme elle ne devraient pas avoir à démontrer l’existence d’un « motif valable ».

[67] Je rejette l’argument voulant que la division générale ait commis une erreur de droit en vérifiant si la prestataire remplissait le critère du « motif valable ». La décision Beaudin n’autorise pas la Commission à annuler ou à assouplir l’exigence du « motif valable » dans les situations où la règle ou la politique serait un argument moins convaincant ou même inapplicable.

[68] La condition qui veut que les prestataires démontrent qu’un motif valable justifie leur retard pendant toute la période du retard est inscrite noir sur blanc dans la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 26. La Loi ne prévoit aucune exception à l’exigence du « motif valable » pour l’antidatation des demandes de prestations de maternité et de prestations parentales. Lorsque la Cour d’appel fédérale a conclu qu’en matière de motif valable, le « devoir de prudence [est] sévère et strictNote de bas de page 27 », elle a tout de même créé une exception pour l’antidatation des demandes de prestations de maternité et de prestations parentales.

[69] La division générale doit appliquer la loi telle qu’elle est écrite et telle qu’elle est interprétée par les cours. Elle n’est pas obligée de se pencher sur la règle ou la politique à l’origine de la loi.

Résumé des erreurs

[70] J’ai conclu que la division générale a commis une erreur de fait quand elle a conclu que les gestes de la prestataire reflétaient de l’insouciance ou de la négligence. Elle s’est trompée sur la façon dont la prestataire a compris le courriel du 26 juillet 2023. Elle n’a pas non plus tenu compte des efforts que la prestataire a faits pour mieux comprendre la lettre. Par conséquent, je ne suis pas d’accord avec le fondement qui a mené la division générale à conclure que les gestes de la prestataire relevaient de l’insouciance ou de la négligence.

[71] Je n’ai pas relevé d’autre erreur dans la décision de la division générale.

Réparation

[72] Comme j’ai constaté qu’il y avait une erreur, j’ai le pouvoir de renvoyer l’affaire à la division générale pour réexamen ou de rendre la décision qu’elle aurait dû rendreNote de bas de page 28.

[73] Les deux parties m’ont recommandé de rendre la décision que la division générale aurait dû rendre. J’accepte leur recommandation. Il y a des éléments de preuve pour chaque question en litige et ces éléments peuvent appuyer toutes les conclusions nécessaires. Par conséquent, le dossier est complet.

[74] Je vais remplacer la décision de la division générale par ma propre décision. Je dois corriger l’erreur de la division générale et rendre la décision qu’elle aurait dû rendre si elle n’avait fait aucune erreur.

Ma décision

[75] Comme je l’ai mentionné, la Loi sur l’assurance-emploi prévoit la possibilité d’avancer la date des demandes de prestations à une date qui précède la présentation des demandes si les prestataires peuvent démontrer qu’un motif valable justifiait leur retard pendant toute la durée du retard.

Application du critère du « motif valable »

[76] Dans l’un de ses arguments, la prestataire avance qu’elle ne devrait pas avoir à démontrer qu’elle avait un motif valable parce que les principes de la politique qui l’exige ne s’appliquent pas aux personnes qui demandent des prestations de maternité ou des prestations parentales. Elle affirme que ces personnes n’ont pas besoin de prouver leur disponibilité pour le travail, alors le retard d’une demande ne complique pas les vérifications de leur admissibilité pour la Commission.

[77] Je comprends son argument. Je conviens que la politique justifie plutôt mollement l’adoption d’une approche stricte lorsqu’on applique le critère du motif valable dans une situation comme la sienne.

[78] Malgré cela, j’ai déjà conclu que la division générale n’a pas fait d’erreur quand elle lui a demandé de démontrer qu’un « motif valable » justifiait son retard. Je n’ai pas le pouvoir de refuser d’appliquer la loi même si je pense que la politique est une justification peu satisfaisante.

Correction de l’erreur de la division générale

[79] J’ai décidé que la division générale avait fait une erreur parce qu’elle s’est trompée sur la façon dont la prestataire avait compris le courriel du 26 juillet 2023 et qu’elle n’avait pas tenu compte des efforts que la prestataire avait faits pour comprendre la lettre.

[80] La personne qui veut faire avancer la date de sa demande de prestations doit avoir un motif valable pendant toute la période du retard. Si, au départ, elle retarde sa demande sans motif valable, mais qu’à un moment donné, un changement de situation justifie un délai supplémentaire, elle peut faire avancer la date de sa demande jusqu’au moment où elle peut démontrer l’existence d’un motif valable. On ne peut jamais antidater sa demande à une date qui précède la dernière période pour laquelle la personne peut établir l’existence d’un motif valable.

[81] Cela dit, la Commission peut antidater une demande de prestations seulement si la personne aurait sans cela rempli les conditions requises à une date passéeNote de bas de page 29. Il faudrait alors que la prestataire ait accumulé le nombre d’heures requis pendant sa « période de référence », qui se termine juste avant la date visée par l’antidatationNote de bas de page 30.

Depuis le 23 août 2023

[82] J’admets qu’un motif valable justifiait le retard de la prestataire, mais seulement à partir du 23 août 2023.

[83] J’estime que la prestataire s’est fiée à son employeur, d’une part, pour la guider dans ses démarches pour obtenir le supplément et, d’autre part, pour veiller à ce que les exigences requises soient remplies. Je juge que l’employeur offrait le supplément pour combler le manque à gagner laissé par les prestations d’assurance-emploi. Je juge aussi que demander des prestations d’assurance-emploi était l’une des exigences pour obtenir le supplément. Je fonde ces conclusions sur les modalités de la convention collective, les échanges entre la prestataire et son conseiller ainsi que sur le formulaire Relevé de l’employé – Prestations d’assurance-emploi. Tous ces documents mentionnent les prestations d’assurance-emploi comme une étape à suivre pour obtenir le supplément de l’employeur.

[84] De plus, j’admets qu’il était raisonnable que la prestataire se fie aux informations que lui donnait son conseiller en rémunération, un employé du gouvernement du Canada. J’admets que le conseiller était une source d’information fiable au sujet des prestations d’assurance-emploi.

[85] La prestataire a envoyé un courriel à son conseiller le 23 août 2023 pour mieux comprendre les prochaines étapes et, finalement, présenter sa demande d’assurance-emploi. La preuve permet de conclure qu’à compter du 23 août 2023, la prestataire communiquait avec lui pour cette raison. Je comprends qu’étant donné les paramètres du courriel qu’elle a reçu le 23 juillet 2023, elle ne pouvait pas y répondre directement. En revanche, rien ne prouve qu’elle ait fait la moindre démarche avant que son conseiller lui envoie un courriel le 22 août pour faire le suivi du courriel du 23 juillet.

[86] Malheureusement, le fait que j’ai décidé que la prestataire avait un motif valable à partir du 23 août 2023 ne lui sera d’aucune utilité. La décision rendue le 4 janvier 2024 précise qu’elle n’a accumulé aucune heure d’emploi assurable du 25 septembre 2022 au 23 septembre 2023 (sa période de référence). Comme j’ai établi qu’elle avait un motif valable depuis le 23 août 2023, sa période de référence débuterait environ un mois plus tôt, soit en août 2022. La prestataire était en congé à ce moment-là, mais même si elle avait travaillé à temps plein au cours de ce mois supplémentaire, qui serait venu s’ajouter à sa période de référence, je doute qu’elle ait pu accumuler un nombre d’heures suffisant pour remplir les conditions requises et recevoir des prestations de maternité et des prestations parentales.

Avant le 23 août 2023

[87] J’ai conclu qu’un motif valable justifiait le retard de la prestataire du 23 août 2023 jusqu’au jour où elle a présenté sa demande. Elle n’avait cependant aucun motif valable avant le 23 août 2023.

[88] La prestataire affirme que les documents à présenter pour demander le supplément étaient déroutants et que divers termes étaient utilisés pour parler de la même chose. Elle explique qu’elle croyait que sa demande de supplément et sa demande d’assurance-emploi faisaient partie du seul et même processus. Elle vivait à l’étranger, elle dépendait particulièrement de son employeur pour savoir quoi faire et elle était distraite par l’arrivée du nouveau bébé.

[89] À cause de tout cela, la prestataire affirme qu’elle s’est fiée au conseiller en rémunération et qu’elle a suivi ses instructions comme elle les comprenait.

[90] Comme je l’ai déjà dit, je n’ai aucun doute qu’elle s’est fiée à son conseiller. Mais comme elle s’appuyait uniquement sur lui, il fallait qu’elle soit particulièrement attentive à ce qu’il lui disait.

[91] Dans son courriel du 25 mai 2022, le conseiller a décrit les [traduction] « étapes à suivre » pour que la prestataire obtienne le supplément. Parmi celles-ci, il y avait l’obligation de transmettre la preuve de son admissibilité aux prestations de maternité ou de paternité de l’assurance-emploi. Il a précisé qu’elle recevrait cette preuve [traduction] « lorsque vous [c’est-à-dire la prestataire] demanderez les prestations de maternité ou les prestations parentales de l’assurance-emploiNote de bas de page 31 ».

[92] Le courriel indiquait aussi à la prestataire qu’elle devait envoyer le formulaire Relevé de l’employé – Prestations d’assurance-emploi (formulaire d’assurance-emploi). Le courriel l’avertissait que son supplément serait suspendu si elle ne faisait pas parvenir ce formulaire à l’employeur. Le courriel précise que la prestataire peut trouver le formulaire en pièce jointeNote de bas de page 32. La prestataire n’a pas clairement dit que le formulaire n’était pas en pièce jointe, mais elle a expliqué durant son témoignage qu’elle ne savait pas ce que c’était. Elle a raconté qu’elle l’a finalement su environ un an plus tard.

[93] Le dossier de la division générale contient une copie non signée du formulaire d’assurance-emploiNote de bas de page 33. Les renseignements personnels de la prestataire sont inscrits dans le formulaire, qui est daté du 1er juin 2022. C’est le formulaire mentionné dans le courriel du 25 mai. Compte tenu du témoignage de la prestataire, qui a dit qu’elle ne savait pas qu’il y avait un formulaire ou qu’elle ne l’avait pas reconnu, je vais présumer qu’il a été soit antidaté ou rempli au nom de la prestataire par une autre personne.

[94] Le formulaire d’assurance-emploi exigeait que la personne qui y appose sa signature atteste ceci : [traduction] « J’accepte de fournir à ma conseillère ou à mon conseiller en rémunération la preuve que j’ai reçu des prestations d’assurance-emploi pour justifier les paiements que me versera mon employeur. »

[95] La prestataire a reconnu qu’elle n’avait pas fait de suivi pour poser des questions au sujet du formulaire d’assurance-emploi ou pour clarifier les exigences décrites dans le courriel du 25 mai. Si elle avait suivi les instructions et rempli le formulaire, elle l’aurait peut-être comparé aux instructions dans le courriel et aurait ainsi compris que c’était à elle de demander des prestations d’assurance-emploi. Si elle n’arrivait pas à trouver ou à comprendre le formulaire d’assurance-emploi, elle aurait pu poser des questions. J’image que son conseiller aurait pu clarifier les choses tout de suite ou la diriger vers Service Canada pour la suite de ses démarches.

[96] En plus des documents que l’employeur lui a donnés pour sa demande de supplément, la prestataire avait aussi accès ou aurait pu avoir accès à sa convention collective. Ce document régit l’admissibilité au supplément. Il précise que les membres du personnel doivent demander des prestations d’assurance-emploi pour obtenir le supplémentNote de bas de page 34.

[97] Je comprends que la prestataire a supposé que tout allait bien parce qu’elle recevait des versements de l’employeur. Mais elle n’a pas demandé les prestations d’assurance-emploi de la manière décrite dans sa convention collective. Selon la convention collective, elle avait droit à 93 % de son salaire grâce à l’addition des prestations d’assurance-emploi et du supplément, si elle présentait une demande d’assurance-emploi. La prestataire recevait des paiements, mais elle n’a pas vérifié si elle recevait la totalité des sommes auxquelles elle avait droit pendant son congé.

[98] La prestataire n’a pas agi comme une personne raisonnable et prudente l’aurait fait dans la même situation. Le processus ou les documents concernant le supplément étaient peut-être déroutants. Par contre, sa convention collective, les courriels de son conseiller en rémunération, les formulaires à remplir pour obtenir le supplément et les autres documents contenaient assez d’information pour indiquer qu’elle devait au moins demander si elle devait faire quoi que ce soit d’autre pour remplir les exigences de la Commission et recevoir des prestations de maternité et de prestations parentales de l’assurance-emploi.

[99] La prestataire n’a pas clarifié les renseignements concernant ses prestations d’assurance-emploi ou elle n’y a pas porté attention. Si elle l’avait fait, elle aurait peut-être compris qu’elle avait l’obligation de présenter une demande. Elle n’a pas fait de suivi auprès de son conseiller même si elle savait qu’elle ne comprenait pas ses instructions. Elle peut difficilement affirmer que sa dépendance sur l’aide de son conseiller est à l’origine de son erreur alors qu’elle a volontairement ignoré ses conseils et ceux de son employeur.

[100] Aucun motif valable ne justifiait le retard de la prestataire jusqu’au 23 août 2023. C’est le jour où elle a consulté son conseiller pour la première fois pour connaître ses droits et ses responsabilités aux termes de la Loi sur l’assurance-emploi.

[101] Comme la prestataire a présenté sa demande de prestations de maternité et de prestations parentales de l’assurance-emploi en retard, elle n’a pas le droit d’en faire avancer la date. Par conséquent, elle ne remplit pas les conditions requises pour recevoir des prestations d’assurance-emploi. Je reconnais qu’elle pourrait aussi devoir rembourser le supplément que son employeur lui a versé. Je suis sensible à sa situation, mais je ne peux pas conclure qu’elle avait un motif valable pendant toute la durée de son retard.

Conclusion

[102] L’appel est rejeté. La division générale a commis une erreur de fait, mais cela ne change rien à sa décision, soit que la prestataire ne peut pas faire avancer la date de sa demande.

[103] J’ai corrigé l’erreur et remplacé la décision de la division générale par la mienne. Aucun motif valable ne justifiait le retard de la prestataire avant le 23 août 2023.

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