Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : ES c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2025 TSS 332

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de
permission de faire appel

Partie demanderesse : E. S.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 19 mars 2025
(GE-25-472)

Membre du Tribunal : Glenn Betteridge
Date de la décision : Le 7 avril 2025
Numéro de dossier : AD-25-225

Sur cette page

Décision

[1] La permission d’en appeler est refusée. L’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] E. S. est la prestataire. Elle a demandé la permission de faire appel d’une décision de la division générale.

[3] La Loi sur l’assurance-emploi prévoit qu’une personne ne peut pas recevoir de prestations d’assurance-emploi lorsqu’elle est à l’étrangerNote de bas de page 1. Le Règlement sur l’assurance-emploi prévoit des exemptions limitées. Deux d’entre elles s’appliquent lorsqu’une personne se trouve à l’étranger pour un entretien d’emploi ou pour effectuer une recherche d’emploiNote de bas de page 2.

[4] La division générale a décidé que la prestataire n’a satisfait à aucune des deux exemptions du 29 mars au 4 juin 2021. Par conséquent, elle n’était pas admissible au bénéfice des prestationsNote de bas de page 3. De plus, elle doit rembourser le trop-payé.

[5] La prestataire soutient que la division générale a commis des erreurs de droit et de fait. Elle a fondé sa décision sur une loi désuète. De plus, elle ne tenait pas compte des circonstances exceptionnelles de la pandémie de COVID-19.

[6] Je peux lui donner la permission de faire appel de la décision de la division générale si son appel a une chance raisonnable de succès. Malheureusement, ce n’est pas le cas.

Question en litige

[7] L’appel de la prestataire a-t-il une chance raisonnable de succès?

Je ne donne pas à la prestataire la permission de faire appel

[8] J’ai lu la demande d’appel de la prestataireNote de bas de page 4. J’ai lu la décision de la division générale. J’ai examiné les documents au dossier de la division généraleNote de bas de page 5. J’ai ensuite rendu ma décision.

[9] La prestataire a envoyé de nouveaux éléments de preuve concernant sa recherche d’emploiNote de bas de page 6. Je ne peux tenir compte de nouveaux éléments de preuve que s’ils relèvent d’une exceptionNote de bas de page 7. Ce n’est pas le cas pour les éléments de preuve de la prestataire. Je dois examiner si la division générale a commis une erreur avec les éléments de preuve dont elle disposait.

[10] La prestataire n’est pas d’accord avec la loi sur le fait d’être à l’étranger. Elle est aussi en désaccord avec la décision de la division générale parce qu’elle applique cette loi. La prestataire pense que la loi devrait être différente en raison de la pandémie de COVID-19. Elle ajoute que la recherche d’emploi ne dépend plus [traduction] « de l’endroit où on se trouve ».

[11] Malheureusement pour elle, le droit relatif à l’assurance-emploi est ce que la législature et le cabinet disent qu’il est, et non ce qu’elle veut qu’il soit.

[12] Pendant la pandémie de COVID-19, la législature et le cabinet n’ont modifié ni la loi sur le fait d’être à l’étranger du Canada ni les exemptions. La division générale devait appliquer la loi telle qu’elle existait. C’est ce qu’elle a fait. De plus, il n’est pas possible de soutenir qu’elle a commis une erreur.

[13] Pour cette raison et les motifs qui suivent, je n’accorde pas à la prestataire la permission de faire appel.

Le critère de la permission de faire appel permet d’écarter les appels qui n’ont aucune chance raisonnable de succèsNote de bas de page 8

[14] Je peux donner à la prestataire la permission de faire appel si son appel a une chance raisonnable de succèsNote de bas de page 9. Cela signifie qu’elle doit disposer d’un motif défendable grâce auquel son appel pourrait avoir gain de causeNote de bas de page 10.

[15] Je peux examiner quatre moyens d’appel, que j’appelle des erreursNote de bas de page 11. La division générale a fait l’une des choses suivantes :

  • elle a agi de façon inéquitable ou a fait preuve de partialité (erreur d’équité procédurale);
  • elle a incorrectement exercé son pouvoir décisionnel (erreur de compétence);
  • elle a commis une erreur de droit;
  • elle a commis une erreur de fait importante.

[16] Les motifs d’appel de la prestataire exposent les principales questions et les arguments centraux que je dois examinerNote de bas de page 12. La prestataire n’est pas représentée. Cela signifie que j’irai également au-delà de ses arguments lorsque j’appliquerai le critère de la permission de faire appelNote de bas de page 13.

[17] Les motifs de la prestataire indiquent qu’elle fait appel de la décision de la division générale selon laquelle elle n’était pas admissible au bénéfice des prestations du 29 mars au 4 juin 2021 (paragraphe 3). Il y a aussi son refus d’annuler le trop-payé de la prestataire (paragraphe 4).

[18] La prestataire a résumé brièvement et précisément les motifs de son appel.

[traduction]

Je ne suis pas d’accord avec la décision selon laquelle je n’étais pas admissible aux prestations d’assurance-emploi du 28 mars 2021 au 6 juin 2021, alors que j’étais à l’étranger. La division générale a commis des erreurs de droit et n’a pas appliqué correctement les principes de la Loi sur l’assurance-emploi et de son règlement d’application compte tenu des circonstances exceptionnelles de la pandémie de COVID-19Note de bas de page 14.

[19] Elle décrit ensuite les erreurs de droit et de fait commises, selon elle, par la division générale. Chaque argument porte sur la manière dont la division générale n’a pas pris en compte la pandémie de COVID-19 ou les changements dans la recherche d’emploi.

[20] Tout d’abord, j’examinerai ses arguments concernant les erreurs de droit. Ensuite, j’examinerai les erreurs de fait importantes.

La prestataire n’a pas démontré qu’il était possible de soutenir que la division générale a commis une erreur de droit et je n’ai pas trouvé de cause défendable

[21] La prestataire soutient que la décision est injuste parce qu’elle est fondée sur une interprétation désuète des règles de l’assurance-emploi au lieu de tenir compte des réalités du marché de l’emploi par suite de la COVID-19Note de bas de page 15. Elle affirme que la division générale a commis des erreurs de droit lorsqu’elle a fait ce qui suit :

  • Elle a mal interprété la notion de « disponibilité pour le travail », car les méthodes de recherche d’emploi et d’embauche ont fondamentalement changé en raison de la pandémie de COVID-19Note de bas de page 16.
  • Elle a utilisé une interprétation dépassée, injuste et inégale de la restriction des déplacements de l’assurance-emploi, qui signifiait qu’elle ne pouvait pas recevoir de prestations d’assurance-emploi lorsqu’elle se trouvait à l’étrangerNote de bas de page 17.
  • Elle n’a pas tenu compte des dispositions relatives aux difficultés financières et aux difficultés excessives (défalcation) prévues à l’article 56 du Règlement sur l’assurance-emploi et ne les a pas appliquées à son trop-payé.

[22] La loi ne me permet pas de donner la permission de faire appel sur la foi de l’équité de la décision de la division générale ou de l’issue de l’appel pour la prestataire.

[23] La disponibilité pour le travail n’était pas en cause dans l’appel de la prestataire concernant l’inadmissibilité pour la période allant du 29 mars au 4 juin 2021. La division générale ne devait tenir compte de la disponibilité de la prestataire que si elle démontrait qu’elle satisfaisait aux exemptions qui ont trait à l’entrevue d’emploi ou à la recherche d’emploi prévues par le Règlement sur l’assurance-emploi. Cela découle du libellé de l’article 55(1) du Règlement sur l’assurance-emploi, qui prévoit les exemptions « sous réserve de l’article 18 de la LoiNote de bas de page 18 ».

[24] La législature et le cabinet n’ont modifié ni la loi sur le fait d’être à l’étranger ni l’exemption relative à la recherche d’emploi pendant la pandémie de COVID-19.

[25] La division générale a interprété l’exemption relative à une recherche d’emploi sérieuse comme signifiant que la prestataire devait prouver qu’elle était en Floride pour chercher du travail en Floride (paragraphes 45 et 46). La division générale n’a pas étayé cette affirmation par des affaires jugées, mais elle n’était pas obligée de le faire.

[26] L’interprétation de la division générale suit la règle moderne d’interprétation des mots d’une loi. Son interprétation est correcte compte tenu du texte, du contexte et l’objet de l’article 55(1)(f) du Règlement sur l’assurance-emploi.

  • Selon cette exemption, la partie prestataire n’est pas inadmissible « du fait qu’[elle] est à l’étranger pour faire une recherche d’emploi sérieuse ».
  • Le sens ordinaire et ordinaire des mots associe la recherche d’emploi à la localisation à l’étranger. De plus, la recherche d’emploi doit être la raison principale pour laquelle la personne se trouve à l’étrangerNote de bas de page 19.
  • Les exemptions doivent être interprétées de manière restrictive. De plus, le Règlement sur l’assurance-emploi ne peut pas miner la Loi sur l’assurance-emploi.
  • L’inadmissibilité du fait d’être à l’étranger prévue par la Loi sur l’assurance-emploi n’aurait aucun sens si l’exemption prévue par le Règlement sur l’assurance-emploi permettait aux gens de rechercher un emploi afin de prouver qu’elles sont disponibles lorsqu’elles sont à l’étranger, et ce aussi longtemps qu’elles le souhaitaient.
  • Cependant, si une personne pense pouvoir trouver un emploi à l’étranger, pour retourner au travail dès que possible, l’exemption lui donne jusqu’à 14 jours pour chercher un emploi à cet endroit.

[27] La technologie permet de rechercher un emploi au Canada depuis l’étranger. La division générale a reconnu que la prestataire avait soulevé des « éléments judicieux » à ce sujet (paragraphe 57). Cependant, la loi ne permet pas à une personne de faire cela et d’obtenir des prestations. La Cour fédérale a reconnu que « les principes d’interprétation applicables comprennent le principe voulant que les lois soient interprétées en fonction de la technologie contemporaine, y compris des changements à l’environnement technologique dans lequel la loi doit être appliquée ». Cependant, cela ne donne pas au Tribunal le pouvoir d’ajouter de nouvelles exemptions en matière de recherche d’emploi au Règlement sur l’assurance-emploiNote de bas de page 20.

[28] Cela signifie que la division générale ne pouvait pas modifier la loi. Elle devait la respecter. Elle a soulevé cet élément (paragraphes 57 et 58). La division générale a aussi respecté la loi lorsqu’elle a tranché l’appel de la prestataire.

[29] La division générale n’a pas le pouvoir de décider d’annuler un trop-payéNote de bas de page 21. En d’autres termes, elle ne peut pas avoir recours à l’article 56 du Règlement sur l’assurance-emploi. Seule la Commission peut le faire. La division générale a soulevé ces éléments (paragraphes 65 et 66).

[30] Par conséquent, les motifs de la prestataire ne permettent pas de soutenir que la division générale a commis une erreur de droit.

[31] De plus, je n’ai pas trouvé de cause défendable selon laquelle la division générale aurait commis une erreur de droit. La division générale a énoncé les critères juridiques corrects (paragraphes 29, 31 et 46). Elle a ensuite appliqué ces critères. Les motifs de la division générale sont plus que suffisantsNote de bas de page 22. Elle s’est attaquée aux bonnes questions. Elle a examiné les éléments de preuve et les arguments des parties. Et ses motifs sont logiques.

La prestataire n’a pas démontré qu’il était possible de soutenir que la division générale a commis une erreur de fait importante, et je n’ai pas trouvé de cause défendable

[32] Selon la prestataire, la division générale a commis des erreurs de fait importantes lorsqu’elle a fait ce qui suit :

  • Elle a conclu que les démarches de recherche d’emploi de la prestataire auraient pu être effectuées au Canada.
  • Elle a ignoré que la prestataire était disponible pour travailler et déposait des demandes d’emploi au Canada, alors qu’elle se trouvait à l’étranger.
  • Elle a mal compris ce que la prestataire a dit au sujet du fait d’être à l’étranger uniquement pour aider une personne en échange d’un lieu d’hébergement.

[33] La division générale commet une erreur de fait importante si elle fonde sa décision sur une conclusion de fait tirée en ignorant mal les éléments de preuve pertinents, en les comprenant mal ou en les interprétant malNote de bas de page 23. Pertinent signifie pertinent au vu des critères juridiques que la division générale devait appliquer.

[34] La Commission et la prestataire n’ont pas contesté que cette dernière était à l’étranger du 29 mars au 4 juin 2021Note de bas de page 24. La division générale a donc accepté ce fait (paragraphe 38). Il ne s’agit pas d’une erreur de fait.

[35] Ensuite, la division générale devait décider si la prestataire satisfaisait à une exemption pendant cette période. Elle devait examiner les éléments de preuve pertinents pour décider si la prestataire se trouvait à l’étranger pour l’une ou l’autre des raisons :

[36] La division générale a bien expliqué ce que signifient les adjectifs « véritable » et « sérieuse » (paragraphe 46).

[37] Elle a examiné la preuve de la prestataire (paragraphes 39 et 40). Elle a ensuite examiné les éléments de preuve fournis par la prestataire et formulé ses conclusions (paragraphes 41 à 47). J’ajoute qu’au moment où elle a tiré ces conclusions, la division générale n’a ni ignoré ni mal compris les éléments de preuve pertinents.

[38] La division générale n’a pas conclu que la prestataire était à l’étranger uniquement pour aider une personne en échange de son logement (son troisième argument, ci-dessus). Bien que la division générale ait affirmé que la prestataire avait le déplacement pour une raison différente, elle a accepté qu’elle recherchait un emploi alors qu’elle était en Floride (paragraphes 44 et 47). Voici la principale conclusion : la prestataire n’était pas en Floride pour effectuer une recherche d’emploi sérieuse (paragraphe 47). La division générale a fondé sa décision sur cette conclusion.

[39] La prestataire n’a donc pas démontré que la division générale a commis une erreur de fait importante.

[40] J’ai examiné les documents de la division générale et la décision. Je n’ai pas trouvé de cause défendable selon laquelle la division générale aurait ignoré ou mal compris des éléments de preuve pertinents, puis aurait fondé sa décision sur cette erreur.

Conclusion

[41] La prestataire n’a pas démontré qu’il était possible de soutenir que la division générale a commis une erreur qui pourrait changer l’issue de son appel. De plus, je n’ai trouvé aucune cause défendable.

[42] Cela indique que son appel n’a aucune chance raisonnable de succès. Je ne peux donc pas lui donner la permission de faire appel de la décision de la division générale.

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