[TRADUCTION]
Citation : Commission de l’assurance-emploi du Canada c EM, 2025 TSS 376
Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel
Décision
Partie appelante : | Commission de l’assurance-emploi du Canada |
Représentant : | Kevin Goodwin |
Partie intimée : | E. M. |
Représentant : | N. L. |
Décision portée en appel : | Décision de la division générale datée du 6 décembre 2024 (GE-24-3663, GE-24-3664) |
Membre du Tribunal : | Pierre Lafontaine |
Mode d’audience : | En personne |
Date de l’audience : | Le 3 avril 2025 |
Personnes présentes à l’audience : | Représentant de l’appelante Intimée Représentant de l’intimée |
Date de la décision : | Le 14 avril 2025 |
Numéro de dossier : | AD-24-861, AD-24-862 |
Sur cette page
Décision
[1] L’appel est accueilli. La somme de 5 000 $ reçue par l’intimée (prestataire) en prestations d’assurance-emploi d’urgence doit être remboursée.
[2] Toutefois, je recommande à l’appelante (Commission) d’envisager la possibilité d’annuler la dette résultant du trop-payé.
Aperçu
[3] La prestataire a cessé de travailler le 23 mars 2020 en raison de la pandémie de COVID-19. Elle a demandé des prestations d’assurance-emploi. Sa demande a été traitée comme une demande de prestations d’assurance-emploi d’urgence en raison des modifications apportées à la loi en vigueur à l’époque.
[4] La Commission a versé à la prestataire 24 semaines de prestations d’assurance-emploi d’urgence du 22 mars au 3 octobre 2020, pour un total de 12 000 $. Elle lui a également versé une avance de 2 000 $ le 6 avril 2020. Au total, la prestataire a reçu 14 000 $ de la Commission.
[5] La Commission a appris que la prestataire avait travaillé et touché une rémunération pendant qu’elle recevait des prestations d’assurance-emploi d’urgence. Elle a réexaminé sa demande et conclu qu’elle n’était pas admissible aux prestations pendant dix semaines de sa demande. Cela a entraîné un trop-payé que la prestataire doit rembourser.
[6] La prestataire n’était pas d’accord et a soutenu qu’elle ne devrait pas avoir à rembourser les prestations d’assurance-emploi d’urgence qu’elle a reçues. Elle dit qu’elle travaillait beaucoup moins pendant la pandémie et qu’elle avait besoin de ces prestations pour subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille. Après révision, la Commission a maintenu sa décision initiale. La prestataire a fait appel à la division générale du Tribunal.
[7] La division générale a conclu que la Commission disposait de 72 mois pour réexaminer la demande de la prestataire. Elle a établi qu’au cours des semaines 1 à 12 de sa demande, la prestataire était admissible aux prestations d’assurance-emploi d’urgence de la première façon pour les périodes de deux semaines du 22 mars au 13 juin 2020.
[8] La division générale a établi qu’au cours des semaines 13 à 20 de sa demande, la prestataire était admissible de la deuxième façon pour les quatre semaines du 14 juin au 11 juillet 2020 (au cours desquelles elle avait un revenu de 890 $) et les quatre semaines du 12 juillet au 8 août 2020 (au cours desquelles elle avait un revenu de 963 $).
[9] La division générale a jugé que la prestataire n’était pas admissible aux prestations du 9 août au 3 octobre 2020. En effet, elle n’avait pas cessé de travailler pendant sept jours consécutifs au cours de l’une des périodes de deux semaines comprises entre ces dates. De plus, elle avait gagné plus de 1 000 $ au cours de toutes les périodes successives de quatre semaines pendant lesquelles des prestations d’assurance-emploi d’urgence lui avaient été versées.
[10] La division générale a conclu que la prestataire devait rembourser 4 000 $ de prestations d’assurance-emploi d’urgence qu’elle n’avait pas le droit de recevoir, moins tout montant retenu pour réduire la dette.
[11] La division d’appel a accordé à la Commission la permission de faire appel de la décision de la division générale. La Commission soutient que la division générale a commis une erreur de droit dans son examen de l’admissibilité de la prestataire aux prestations d’assurance-emploi d’urgence au titre de l’article 153.9(4) de la Loi sur l’assurance-emploi pour la période du 12 au 25 juillet 2020.
Question en litige
[12] La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en examinant l’admissibilité de la prestataire aux prestations d’assurance-emploi d’urgence au titre de l’article 153.9(4) de la Loi sur l’assurance-emploi pour la période du 12 au 25 juillet 2020?
Analyse
[13] La prestataire a rempli des déclarations bimensuelles pour la période du 22 mars au 3 octobre 2020. Elle a reçu 24 semaines de prestations d’assurance-emploi d’urgence totalisant 12 000 $ ainsi qu’une avance de 2 000 $ le 6 avril 2020.
[14] Pour recouvrer l’avance, la Commission a déduit 500 $ de celle-ci des prestations auxquelles elle croyait que la prestataire était admissible pour les semaines du 14 juin, du 21 juin, du 2 août et du 9 août 2020.
[15] Au total, la prestataire a donc reçu 14 000 $.
[16] Par la suite, la Commission a découvert que la prestataire avait travaillé et reçu une rémunération pendant plusieurs semaines de sa demande.
[17] S’appuyant sur les informations obtenues de l’employeur de la prestataire, la Commission a établi que celle-ci n’était pas admissible aux prestations pendant les périodes de deux semaines suivantes :
- du 12 au 25 juillet 2020;
- du 9 au 22 août 2020;
- du 23 août au 5 septembre 2020;
- de septembre 2020 au 19 septembre 2020;
- de septembre 2020 au 3 octobre 2020.
[18] La Commission a également décidé que la déduction pour la semaine du 9 août 2020 devait être annulée parce que la prestataire n’avait pas le droit de recevoir des prestations cette semaine-là. Cela signifie que 500 $ de l’avance de 2 000 $ devaient être remboursés.
[19] La seule question dont je suis saisi est de savoir si la division générale a commis une erreur de droit lorsqu’elle a décidé que la prestataire était admissible aux prestations d’assurance-emploi d’urgence pour la période de deux semaines du 12 au 25 juillet 2020Note de bas de page 1.
[20] La Commission soutient que la division générale a commis une erreur de droit en appliquant de manière erronée la décision HM dans son examen de l’admissibilité de la prestataire aux prestations d’assurance-emploi d’urgence au titre de l’article 153.9(4) de la Loi sur l’assurance-emploi pour la période du 12 au 25 juillet 2020.
[21] La Commission soutient que la division générale a évalué l’admissibilité de la prestataire du 12 au 25 juillet 2020 en examinant sa rémunération au cours de semaines successives, mais qu’elle a omis de tenir compte de sa rémunération au cours des semaines précédant la période de deux semaines examinée. La division générale a plutôt décidé que la prestataire était admissible aux prestations pour les quatre semaines du 12 juillet au 8 août 2020 au cours desquelles elle avait une rémunération totale de 963 $.
[22] La division d’appel a décidé dans l’affaire HM qu’une personne est rétrospectivement admissible aux prestations d’assurance-emploi d’urgence au titre de l’article 153.9(4) si elle a un revenu maximal de 1 000 $ au cours de la période de quatre semaines précédant la période de demande de deux semaines pour laquelle l’admissibilité est déterminée, sans tenir compte des semaines pendant lesquelles des prestations d’assurance-emploi d’urgence n’ont pas été versées. Une période de quatre semaines au sens de l’article 153.9(4) comprend la période de deux semaines pour laquelle l’admissibilité est vérifiéeNote de bas de page 2.
[23] La division générale a décidé que la prestataire était admissible aux prestations d’assurance-emploi d’urgence pour les quatre semaines du 12 juillet au 8 août 2020, au cours desquelles elle avait un revenu de 963 $. Elle semble avoir examiné si la prestataire avait gagné plus de 1 000 $ au cours de la période de quatre semaines suivant et incluant la période de demande de deux semaines pour laquelle l’admissibilité est déterminée.
[24] Cela constitue une erreur de droit.
[25] Je suis donc en droit d’intervenir.
Réparation
Il y a deux façons de corriger les erreurs de la division générale
[26] Lorsque la division générale fait une erreur, la division d’appel peut la corriger de l’une des deux façons suivantes : 1) elle peut renvoyer l’affaire à la division générale pour une nouvelle audience ou 2) elle peut rendre la décision que la division générale aurait dû rendreNote de bas de page 3.
Le dossier est complet et je peux rendre une décision sur le fond de l’affaire
[27] J’estime que le dossier est complet. Les parties ont eu l’occasion de présenter leurs arguments à la division générale. Je vais donc rendre la décision que la division générale aurait dû rendre.
La prestataire était-elle admissible aux prestations d’assurance-emploi d’urgence pour la période de deux semaines du 12 au 25 juillet 2020?
[28] Pour trancher cette question, conformément à la décision HM, il faut examiner la période de quatre semaines précédant et incluant la période de demande de deux semaines examinée, c’est-à-dire du 28 juin au 25 juillet 2020. Au cours de cette période, la prestataire a touché une rémunération de 1 291 $. Par conséquent, elle n’était pas admissible aux prestations d’assurance-emploi d’urgence pour la période de deux semaines du 12 au 25 juillet 2020.
[29] Je conclus qu’entre le 12 et le 25 juillet 2020, la prestataire n’a pas eu au moins sept jours consécutifs sans revenu conformément aux conditions d’admissibilité prévues à l’article 153.9(1) de la Loi sur l’assurance-emploi. De plus, je conclus qu’elle a gagné plus de 1 000 $ au cours de la période de quatre semaines précédant et incluant la période de demande de deux semaines examinée conformément à l’article 153.9(4) de la Loi sur l’assurance-emploi.
[30] Par conséquent, je n’ai pas le choix de conclure que la prestataire a reçu un total de 5 000 $ en prestations d’assurance-emploi d’urgence auxquelles elle n’était pas admissible.
Conclusion
[31] L’appel de la Commission est accueilli.
[32] La prestataire a reçu 5 000 $ de prestations d’assurance-emploi d’urgence auxquelles elle n’était pas admissible. Ce montant, moins tout montant retenu pour réduire la dette, doit être remboursé.
[33] Lors de l’audience d’appel, la prestataire a répété que sa demande de prestations d’assurance-emploi d’urgence avait été remplie par son employeur. Elle ne parle pas français et son anglais est faible. Elle a dit que le remboursement de la dette lui causerait un préjudice abusif.
[34] La prestataire a déclaré qu’elle n’est plus capable de travailler en raison de son âge et que ses revenus sont minimes. Elle dit qu’elle doit tout de même subvenir aux besoins d’un de ses enfants adultes, qui souffre de problèmes de santé mentale en tant que mère célibataire.
[35] Compte tenu de ces circonstances, je recommande à la Commission d’envisager la possibilité d’annuler la dette résultant du trop-payéNote de bas de page 4.