Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : DR c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2024 TSS 1729

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : D. R.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (663216) datée du 13 juin 2024 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Ambrosia Varaschin
Mode d’audience : Vidéoconférence et par écrit
Date de l’audience : Le 4 septembre 2024
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 20 novembre 2024
Numéro de dossier : GE-24-2472

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté, mais je modifie la décision.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada (la Commission) n’a pas démontré que l’appelant avait quitté son emploi de son plein gré.

[3] L’appelant a été licencié le 16 novembre 2023 pour ne pas être demeuré actif sur la liste des remplaçants de son employeur. Le motif du licenciement est une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi (LAE ).

[4] De ce fait, il est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi (AE).

Aperçu

[5] L’appelant a été informé le 29 mai 2023 que le client de son employeur fermait son site de travail ou réduisait ses effectifs, et que son poste était supprimé à compter du 5 juin 2023. Son employeur l’a informé qu’il serait inscrit sur la liste des remplaçants jusqu’à ce qu’une nouvelle affectation puisse lui être trouvée.

[6] Le 16 novembre 2023, l’employeur a envoyé à l’appelant une lettre indiquant qu’il avait traité sa démission pour abandon d’emploi. L’employeur a déclaré que l’appelant n’avait pas effectué au moins deux quarts de travail par mois et n’avait pas communiqué avec le conseiller en ressources humaines à l’intérieur du délai indiqué dans une lettre d’avertissement émise le 8 novembre 2023.

[7] L’appelant a déposé une plainte auprès du ministère du Travail de l’Ontario, qui lui a donné gain de cause.

[8] La Commission s’est penchée sur la situation de l’appelant. Elle a conclu qu’il avait quitté son emploi de son plein gré (ou choisi de démissionner) sans justification valable, et qu’elle ne pouvait donc pas lui verser de prestations.

[9] Je dois statuer sur la question de savoir si l’appelant a fait l’objet d’une mesure de compression du personnel et, dans la négative, s’il a quitté son emploi de son plein gré ou s’il a été licencié. Si je conclus qu’il a quitté son emploi de son plein gré, je dois déterminer s’il a prouvé qu’il n’avait pas d’autre solution raisonnable. D’autre part, si je conclus qu’il a été licencié, je dois déterminer si la raison pour laquelle il a perdu son emploi était liée à une inconduite.

Questions en litige

[10] L’appelant a-t-il fait l’objet d’une mesure de compression du personnel?

[11] L’appelant a-t-il quitté son emploi de son plein gré? Si oui, l’a-t-il fait sans justification?

[12] L’appelant a-t-il perdu son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

L’appelant a-t-il fait l’objet d’une mesure de compression du personnel?

[13] Un prestataire qui quitte volontairement son emploi dans le cadre d’un processus de compression du personnel conserve son droit aux prestations d’assurance-emploi.

[14] Pour être considéré comme un processus de compression du personnel au sens de la Loi, le processus doit être initié et documenté par l’employeur, son objectif principal doit être une réduction permanente du personnel et les employés doivent avoir la possibilité de quitter leur emploi de leur propre gré. Pour que les prestataires visés par un processus de compression du personnel puissent toucher des prestations, ils doivent accepter l’offre de départ volontaire de leur employeur, et ce dernier doit confirmer que cette décision a effectivement permis de protéger l’emploi d’un autre employé, lequel emploi aurait autrement cessé dans le cadre de la compression du personnelNote de bas de page 1.

[15] Toutes ces conditions doivent être remplies pour que les prestataires puissent se prévaloir des dispositions relatives à la compression du personnel prévues dans le Règlement sur l’assurance-emploiNote de bas de page 2.

Le processus a-t-il été initié par l’employeur?

[16] Je suis convaincue que le processus a été initié par l’employeur.

[17] L’employeur a publié un avis indiquant que le client propriétaire du site où travaillait l’appelant [traduction] « fermait et/ou réduisait ses effectifs » le 29 mai 2023. L’avis précisait que l’appelant n’était plus [traduction] « requis sur ce site à compter du lundi 5 juin 2023 » et que son [traduction] « dernier jour sur le site serait le vendredi 2 juin 2023 »Note de bas de page 3.

[18] L’employeur a donc lancé un processus pour faire face à la réduction des besoins en personnel après avoir perdu un contrat de services.

L’objectif était-il une réduction permanente du nombre total d’employés?

[19] Je constate que l’objectif de ce processus était de redistribuer les effectifs excédentaires, et non de réduire le nombre total d’employés.

[20] Selon l’avis du 29 mai 2023, l’employeur ne supprimait pas de postes. Il prévoyait plutôt de réaffecter les employés du lieu de travail de l’appelant. Au lieu d’être licenciés, les employés du lieu de travail seraient inscrits sur une liste de remplaçants jusqu’à ce qu’un nouveau poste leur soit attribué :

[traduction] Nous mettons tout en œuvre pour vous trouver un autre poste. Au cours de la semaine prochaine, notre équipe opérationnelle et/ou notre équipe de recrutement vous contactera pour discuter des nouvelles possibilités qui s’offrent à vous ou qui pourraient se présenter. Nous vous demandons de bien vouloir vous assurer que vos coordonnées sont à jour et de répondre lorsque vous serez appelé.

Jusqu’à ce qu’un autre poste soit disponible, vous serez inscrit sur la liste des remplaçants. Veuillez noter que tant que vous figurez sur cette liste, il est de votre responsabilité de vous assurer de prendre au moins deux quarts de travail par mois afin de demeurer actif dans le systèmeNote de bas de page 4.

[21] Ainsi, l’objectif premier du processus n’était pas de réduire de façon permanente les effectifs de l’employeur. Étant donné que tous les critères énoncés dans le Règlement sur l’AE doivent être remplis pour qu’un processus soit considéré comme une compression de personnel, je n’ai pas besoin de poursuivre cette partie de l’analyse.

L’appelant a-t-il cessé de travailler en raison d’un processus de compression de personnel?

[22] Je suis d’avis que l’appelant n’a pas fait l’objet d’une compression de personnel au sens de la Loi, car le processus ne remplit pas toutes les conditions requises.

[23] Par conséquent, les dispositions du Règlement sur l’AE qui protègent le droit aux prestations des prestataires qui quittent leur emploi dans le cadre d’un processus de compression du personnel ne s’appliquent pas à l’appel de l’appelant.

Les parties ne s’accordent pas sur le fait que l’appelant ait quitté volontairement

[24] La Commission affirme que l’appelant a démissionné. Elle a le fardeau de prouver que l’appelant a quitté son emploi de son plein gréNote de bas de page 5.

[25] Le terme « fardeau » est utilisé pour décrire la partie qui doit fournir une preuve suffisante de sa position pour remplir le critère juridique. Dans le cas présent, le critère juridique est la prépondérance des probabilités, ce qui signifie qu’il est « plus probable qu’improbable » qu’un événement se soit produitNote de bas de page 6.

[26] Selon la Commission, l’appelant a abandonné son emploi parce qu’il n’a pas suivi les instructions que son employeur lui a données dans la note du 29 mai 2023. Elle renvoie précisément à la section qui stipule : [traduction] « Il est de votre responsabilité de vous assurer que vous prenez au moins deux quarts de travail par mois afin de demeurer actif dans le système. Il est de votre responsabilité de vérifier souvent Track Tik afin de prendre des quarts de travail et, si votre disponibilité change pour quelque raison que ce soit, de le signaler immédiatement à votre superviseur »Note de bas de page 7.

[27] La Commission fait valoir qu’il incombait à l’appelant de contacter l’employeur pour confirmer sa disponibilité et accepter au moins deux quarts de travail par mois. Le fait de ne pas avoir accepté de quarts de travail signifie que c’est l’appelant qui a mis fin à la relation de travail, et qu’il a donc quitté son emploi de son plein gré.

[28] L’appelant conteste cette affirmation et soutient qu’il a été mis à pied puis licencié. Il fait valoir que son contrat de travail stipule les modalités de licenciement et de démission et que, selon son contrat, il n’a pas démissionné, mais a été licencié.

[29] La section 5.2 du contrat de travail stipule que [traduction] « la démission survient lorsqu’un employé décide de quitter volontairement son emploi ou prend sa retraite ». La section 5.3 stipule que [traduction] « le licenciement survient lorsqu’il devient nécessaire de se départir d’un employé en raison de la perte d’un emploi rémunéré, telle que la perte d’un contrat ou une réduction des effectifs; une absence non autorisée; le non-maintien des qualifications requises; l’indisponibilité pour une affectation; ou pour des raisons liées à des performances et un comportement insuffisants »Note de bas de page 8. La section 4.26 stipule que [traduction] « le fait de refuser trois (3) offres d’emploi ou de ne pas rester en contact peut être considéré comme une indisponibilité au travail et entraîner des mesures disciplinaires pouvant aller jusqu’au licenciement »Note de bas de page 9.

[30] La lettre de licenciement indique qu’elle confirme la [traduction] « démission pour abandon d’emploi de l’appelant auprès de Commissionaires (Great Lakes) à compter du 16 novembre 2023 »Note de bas de page 10. La lettre d’avertissement stipule que [traduction] « si vous ne prenez pas contact comme indiqué ci-dessus et/ou si vous ne vous présentez pas à au moins deux quarts de travail par mois après avoir reçu les instructions nécessaires, nous considérerons que vous avez abandonné votre emploi auprès de commissaires X et nous enregistrerons votre démission pour abandon d’emploi dans notre système d’exploitation »Note de bas de page 11.

[31] La Loi énonce que c’est la raison réelle de la cessation de la relation de travail qui importe, et non le motif invoqué par l’employeurNote de bas de page 12. Le tribunal requiert que je procède à ma propre appréciation objective des faits et que je ne me contente pas de reprendre la conclusion de l’employeurNote de bas de page 13.

[32] Je conclus, selon la prépondérance des probabilités, que l’appelant a été licencié. Bien que les lettres d’avertissement et de licenciement indiquent que l’employeur considère l’inaction de l’appelant comme une démission, le document qui fait autorité est le manuel des politiques et procédures de l’employeur. Ce manuel stipule clairement que le fait de ne pas demeurer en contact peut être considéré comme une indisponibilité, et que l’indisponibilité pour une affectation peut entraîner un licenciement. Ainsi, même si l’employeur a déclaré que l’appelant avait démissionné, selon ses politiques, l’appelant a été licencié.

[33] Les articles 29 et 30 de la Loi sur l’AE visent à pénaliser les prestataires lorsque la perte de leur emploi est due à leurs propres actions délibéréesNote de bas de page 14. En conséquence, la Cour fédérale a conclu que lorsque les mesures prises par l’employeur contribuent à la perte d’emploi, le tribunal doit examiner adéquatement si le prestataire était ou non la partie qui a intentionnellement provoqué la fin de la relation de travailNote de bas de page 15.

[34] Il est facile de déterminer si un employé a quitté volontairement son emploi : l’employé avait-il le choix de rester ou de partir?Note de bas de page 16 L’employeur n’a pas donné le choix à l’appelant lorsqu’il lui a remis la lettre de fin d’emploi. Il a donc été licencié.

[35] Lorsque les éléments de preuve attestant que le prestataire a démissionné ou a été licencié sont à peu près équivalents, le bénéfice du doute doit être accordé au prestataire, car le fardeau de la preuve incombe à la Commission.

L’appelant a-t-il quitté son emploi ou a-t-il été licencié?

[36] Je conclus, selon la prépondérance des probabilités, que l’appelant a été licencié pour ne pas avoir effectué deux quarts de travail par mois et pour ne pas avoir communiqué avec son employeur avant la fin de la journée du 15 novembre 2023.

Inconduite et départ volontaire sont liés

[37] Même si la Commission a commis une erreur en concluant que le congé de l’appelant était volontaire, j’ai toujours le pouvoir d’examiner si ce congé était causé par une inconduiteNote de bas de page 17.

[38] En fin de compte, le principe fondamental de la Loi sur l’AE est de garantir aux prestataires une protection contre la perte involontaire ou accidentelle de leur emploiNote de bas de page 18. Si un prestataire demande un congé ou se comporte d’une manière qui l’empêche de travailler, il est considéré comme responsable de la perte de son emploi. Le Parlement a établi un lien entre le départ volontaire et l’inconduite, car il peut être difficile de déterminer qui est responsable de la fin de la relation de travail (ou, dans ce cas, qui a imposé le congé). C’est également la raison pour laquelle les conséquences du départ volontaire et de l’inconduite sont les mêmesNote de bas de page 19.

[39] Je vais donc déterminer si le licenciement de l’appelant est lié à une inconduite au sens de la Loi sur l’AE.

Qu’est-ce qu’une inconduite au sens de la Loi?

[40] Pour constituer une inconduite au sens de la Loi, la conduite doit être délibérée. C’est-à-dire qu’elle doit être consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 20. Il peut également y avoir inconduite si le comportement était tellement imprudent qu’il s’apparente presque à un acte délibéréNote de bas de page 21. Cela signifie que même s’il n’y a pas d’intention coupable (en d’autres termes, vous n’avez pas l’intention de faire quelque chose de mal), un comportement peut tout de même constituer une inconduite au sens de la LoiNote de bas de page 22.

[41] Pour qu’il y ait inconduite, la Loi exige que l’appelant savait ou aurait dû savoir qu’il existait une possibilité réelle qu’il perde son emploi en raison de sa conduite ou que celle-ci pouvait l’empêcher de s’acquitter de ses obligations envers son employeurNote de bas de page 23.

[42] La Commission doit prouver selon la prépondérance des probabilités que l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable que l’appelant ait perdu son emploi en raison d’une inconduiteNote de bas de page 24.

[43] Étant donné que l’inconduite constitue une exception à la règle générale selon laquelle les personnes admissibles ont droit à des prestations, elle doit être interprétée de manière stricte. La disqualification en vertu de la Loi est une sanction infligée aux prestataires qui perdent leur emploi à la suite d’actes répréhensiblesNote de bas de page 25. Une conclusion d’inconduite entraîne la perte de toutes les heures assurables du prestataire pour l’emploi dont il a été licencié. Il s’agit d’une conséquence très grave, de sorte que le fardeau de la preuve incombe à la Commission.

[44] La Commission doit prouver l’existence d’une inconduite à l’aide de preuves claires et de faits qui la démontrent directement. Elle ne peut pas émettre d’hypothèses, faire des suppositions ou se fier à l’opinion de l’employeur pour prouver l’existence d’une inconduiteNote de bas de page 26.

La raison du licenciement de l’appelant est-elle une inconduite au sens de la Loi?

[45] La Commission affirme qu’il y a eu inconduite parce que l’appelant savait qu’il était tenu de communiquer avec son employeur toutes les deux semaines pour que son statut demeure actif, et qu’il devait travailler au moins deux quarts de travail par mois, et qu’en ne le faisant pas, il mettait de manière imprudente, voire intentionnelle, son emploi en péril.

[46] L’appelant affirme qu’il n’y a pas eu d’inconduite, car il avait été embauché comme agent de sécurité à temps plein, et qu’il a été licencié en raison d’un manque de travail. Son employeur ne l’a pas contacté après la suppression de son poste, et il a dû se rendre au ministère du Travail de l’Ontario pour déposer une plainte. L’appelant soutient que son employeur a tenté d’utiliser des failles juridiques pour éviter de lui verser une indemnité de préavis et une indemnité de départ. Le ministère du Travail de l’Ontario a reconnu qu’il avait été licencié et qu’il avait droit à un préavis et à une indemnité de départNote de bas de page 27.

[47] Je suis d’avis que le contrat de travail et les politiques permettent à l’employeur de muter l’appelant selon les besoins, de l’inscrire à tout moment sur la liste des remplaçants, et exigent de l’appelant qu’il accepte toute affectation qui lui est assignée sous peine de licenciement. Ils permettent également à l’employeur de modifier les horaires de travail entre temps plein, temps partiel et occasionnel, en fonction des besoins opérationnels.

[48] En outre, j’estime que le contrat de travail et les politiques exigeaient que l’appelant confirme sa disponibilité au moins toutes les deux semaines, car il avait été inscrit sur la liste des remplaçants et se trouvait entre deux affectations. Ils n’exigeaient pas que l’appelant travaille au moins deux quarts de travail par mois.

[49] J’estime que l’employeur a clairement indiqué à l’appelant que son statut professionnel passait à celui d’employé occasionnel jusqu’à sa réaffectation, et qu’il était tenu de tenir à jour ses coordonnées et de travailler au moins deux quarts de travail par mois pendant qu’il figurait sur la liste des remplaçants.

[50] Je conclus que l’employeur a fourni à l’appelant plusieurs points de contact pour régler tout problème qu’il aurait pu rencontrer pour accéder à Track Tik ou mettre à jour sa disponibilité, mais que l’appelant a choisi de ne pas suivre les instructions de son employeur.

Ce que stipule le contrat de travail

[51] Dans la section intitulée [traduction] « Modalités » du contrat de travail, il est stipulé que l’appelant [traduction] « accepte un emploi en tant que commissionnaire chez Commissionaires Great Lakes (également désignée ci-après comme la “société”) et s’engage à respecter les politiques et procédures de la société ainsi que toute autre politique qui pourrait être établie de temps à autre par la direction de la société ». Il stipule également : [traduction] « J’accepte de m’engager en tant que commissionnaire au mieux de mes capacités, d’assumer toutes les tâches habituelles d’un commissionnaire et d’accepter toute affectation qui pourrait m’être assignée. » [Je souligne.] L’appelant a paraphé chacun de ces paragraphesNote de bas de page 28.

[52] Dans la section intitulée [traduction] « Détails de l’affectation et horaires », le contrat de travail stipule : [traduction] « Je comprends que les employés engagés à temps partiel ou occasionnellement doivent rester en contact avec l’opérateur de service ou l’assistant des opérations au moins toutes les deux semaines afin de confirmer leur disponibilité. Le fait de ne pas demeurer en contact peut être considéré comme une indisponibilité au travail et peut entraîner des mesures disciplinaires pouvant aller jusqu’au licenciement. » [Je souligne.]

[53] La section poursuit en précisant : [traduction] « Je comprends que je peux être affecté initialement par le service des opérations à une liste de personnel occasionnel à temps partiel (la “liste des remplaçants”) en attendant une affectation à temps plein. Je peux être muté à différents postes de temps à autre, et mon salaire sera déterminé en fonction du poste et de la fonction qui me seront attribués. Je comprends que tout refus de mutation ou d’affectation peut entraîner la cessation de mon emploi. Je comprends en outre que même après avoir été affecté à un poste à temps plein, je peux être remis sur la liste des remplaçants à tout moment, à la seule discrétion de Commissionaires Great Lakes. » [Je souligne.] L’appelant a paraphé ces deux paragraphesNote de bas de page 29.

[54] Dans la section intitulée [traduction] « Politiques et procédures », le contrat de travail stipule que [traduction] « par leur acceptation écrite de l’emploi, tous les employés de X acceptent d’être employés conformément aux politiques documentées. J’accepte en outre de les examiner chaque mois ou lorsqu’un avis de modification est publié et de respecter toutes les politiques et procédures de Commissionaires ». L’appelant a paraphé ce paragrapheNote de bas de page 30.

Ce que stipulent les politiques et procédures de Commissionaires Great Lakes

[55] Dans la section intitulée [traduction] « Conditions d’emploi », l’article 4.24 « Acceptation d’un emploi » stipule que [traduction] « tout employé est tenu d’accepter toute tâche pour laquelle il reçoit une rémunération raisonnable et qu’il est capable d’accomplir. Les motifs raisonnables et légitimes pour refuser une affectation seront dûment pris en considération. » [Je souligne.]

[56] L’article 4.25 [traduction] « Statut d’emploi » stipule que [traduction] « l’emploi peut être offert à temps plein, à temps partiel régulier, en partage d’emploi ou à titre occasionnel, selon les besoins et la disponibilité du travail. »

[57] L’article 4.25 [traduction] « Maintenir le contact » stipule que [traduction] « les employés occasionnels ou entre deux affectations doivent demeurer en contact avec le centre des opérations ou l’adjoint aux opérations local au moins une fois toutes les deux semaines afin de confirmer leur disponibilité. Le fait de refuser trois (3) fois un travail proposé ou de ne pas rester en contact peut être considéré comme une indisponibilité au travail et peut entraîner des mesures disciplinaires pouvant aller jusqu’au licenciement. »Note de bas de page 31 [Je souligne.]

[58] L’article 4.28, [traduction] « Réaffectation », stipule que [traduction] « Commissionaires Great Lakes se réserve le droit de réaffecter des employés à d’autres postes afin de répondre aux besoins opérationnels. »Note de bas de page 32 [Je souligne.]

Ce que l’employeur a dit à l’appelant

[59] Dans l’avis envoyé à l’appelant le 29 mai 2023, après l’explication selon laquelle le lieu de travail de l’appelant fermait, il est précisé que l’employeur [traduction] « s’efforçait de trouver un autre poste pour [l’appelant]. Au cours de la semaine prochaine, notre équipe opérationnelle et/ou notre équipe de recrutement prendront contact [avec l’appelant] pour discuter des nouvelles opportunités disponibles et/ou à venir. Nous vous demandons de bien vouloir vous assurer que vos coordonnées sont à jour et de répondre lorsque vous serez appelé. »

[60] L’avis précise ensuite que [traduction] « jusqu’à ce qu’un autre poste soit disponible, vous serez inscrit sur la liste des remplaçants. Veuillez noter que tant que vous figurez sur cette liste, il est de votre responsabilité de vous assurer de prendre au moins deux quarts de travail par mois afin de rester actif dans le système. Il vous appartient de consulter régulièrement Track Tik afin de choisir des quarts de travail et, si votre disponibilité venait à changer pour quelque raison que ce soit, veuillez contacter le service des opérations […]. Si vous avez des questions, n’hésitez pas à me contacter […]. Vous pouvez également contacter votre responsable régional pour lui faire part de vos préoccupations ou questions. »Note de bas de page 33 [Je souligne.]

[61] En réponse au courriel de l’appelant demandant une indemnité tenant lieu de préavis, l’employeur a répondu : [traduction] « Veuillez noter que vous n’avez pas été licencié, que le contrat avec le client a pris fin et/ou qu’il y a eu une réduction des effectifs, mais que vous êtes toujours employé par Commissionaires Great Lakes […]. La lettre indique que nous nous efforçons de vous trouver un autre poste. Dans l’intervalle, veuillez consulter Track Tik pour connaître les postes vacants auxquels vous pouvez postuler. Veuillez indiquer vos disponibilités et la zone dans laquelle vous pouvez travailler, car le service des opérations est en copie de ce courriel. »Note de bas de page 34

[62] En réponse au courriel de l’appelant affirmant qu’il avait signé un contrat de travail à temps plein et réclamant une indemnité de préavis, l’employeur a rappelé à l’appelant que le contrat de travail stipulait qu’il pouvait être transféré à tout moment sur la liste des remplaçants et qu’il demeurait employé. L’employeur a déclaré : [traduction] « Vous avez la possibilité de choisir des horaires dans Track Tik, et notre équipe opérationnelle et notre équipe de recrutement s’efforcent de contacter tout le monde pour proposer des placements alternatifs. »Note de bas de page 35

[63] Toutes les communications électroniques qui me sont présentées semblent avoir été envoyées à partir de l’adresse électronique professionnelle de l’appelant et ont été transmises en copie à son adresse électronique personnelle.

[64] L’appelant a déclaré n’avoir jamais eu accès à Track Tik en raison d’un problème avec son téléphone, dont son employeur a été avisé. Il a déclaré avoir contourné ce problème en appelant un numéro pour pointer à l’arrivée et au départ du travail. L’appelant a initialement déclaré avoir informé l’opérateur de service de sa disponibilité, mais a ensuite précisé que l’opérateur de service avait été mis en copie de ses courriels. Ainsi, je ne dispose d’aucune preuve indiquant que l’appelant a informé l’opérateur de service de sa disponibilité. L’appelant a confirmé dans son témoignage qu’il n’avait pas contacté l’employeur pour l’informer de son incapacité à accéder à Track Tik après l’échange de courriels.

[65] Le 8 novembre 2023, l’employeur a envoyé une [traduction] « lettre d’état » à « l’adresse électronique professionnelle et personnelle » de l’appelant. La lettre soulignait que l’appelant était tenu de travailler au moins deux quarts de travail par mois afin de conserver son emploi chez Commissionaires X, car l’entreprise avait [traduction] « de nombreux postes vacants à pourvoir ». La lettre demande à l’appelant de contacter le responsable des ressources humaines avant la fin de la journée de travail du 15 novembre 2023. La lettre avertit l’appelant que s’il ne contacte pas le responsable des ressources humaines [traduction] « et/ou ne prend pas au moins deux quarts de travail par mois après avoir reçu les instructions nécessaires, nous considérerons que vous avez abandonné votre emploi chez Commissionaires X et nous enregistrerons votre démission pour abandon d’emploi dans notre système d’exploitation. »Note de bas de page 36

[66] L’appelant a déclaré qu’il n’avait pris connaissance de cette lettre d’avertissement qu’après qu’elle ait été divulguée dans le cadre de sa plainte relative aux normes d’emploi. Il affirme qu’il n’avait pas accès à son courrier électronique professionnel et qu’il n’avait pas reçu la lettre à son courrier électronique personnel. Je constate que la lettre ne précise pas à quelle adresse elle a été envoyée, je ne peux donc pas accepter aveuglément qu’elle ait été envoyée à l’appelant.

[67] Je conclus que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite, car l’appelant savait ou aurait dû savoir ce qui suit :

  1. a) son employeur avait le droit de l’inscrire sur la liste des remplaçants à tout moment;
  2. b) lorsqu’il figurait sur la liste des remplaçants, il était tenu de se manifester toutes les deux semaines et d’accepter deux quarts de travail par mois;
  3. c) le fait de ne pas se manifester toutes les deux semaines pouvait entraîner le licenciement.

[68] L’appelant fait valoir que son employeur ne l’a pas contacté pour lui proposer une réaffectation, contrairement à ce qui lui avait été dit à plusieurs reprises. Il estime qu’il ne peut être tenu responsable de ne pas avoir accepté un travail qui ne lui a jamais été proposé. L’appelant fait également valoir qu’en vertu de la législation ontarienne sur l’emploi, si un employeur ne contacte pas un employé pendant 12 semaines, cela est considéré comme un licenciement. Il ne peut donc pas être licencié pour ne pas avoir suivi les instructions données en novembre alors que, selon la loi ontarienne, il était déjà considéré comme licencié depuis août.

[69] Les tribunaux ont maintes fois statué que le rôle du tribunal n’est pas d’évaluer la conduite de l’employeur après qu’un demandeur a commis une inconduiteNote de bas de page 37. Ce n’est pas le forum approprié pour demander réparation lorsqu’un employé s’estime lésé par la politique ou les actions de son employeurNote de bas de page 38. Les litiges en matière d’emploi sont mieux traités par voie d’arbitrage du travail ou de responsabilité civile, et l’appelant a déjà obtenu réparation par cette voie.

[70] Le tribunal doit se concentrer sur le comportement du prestataire, et non sur celui de l’employeur. La question qui se pose ici est de savoir si l’appelant s’est rendu coupable d’une inconduite et si cette inconduite a entraîné la perte de son emploi. Il ne s’agit pas de déterminer si l’employeur s’est rendu coupable d’une faute envers l’appelantNote de bas de page 39. Tout argument concernant la conduite, les activités ou la politique de l’employeur n’est pas pertinent dans le cadre du présent appelNote de bas de page 40.

L’appelant a-t-il perdu son emploi en raison d’une inconduite?

[71] Compte tenu de mes observations ci-dessus, je conclus que l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduite.

[72] Je comprends que l’appelant soit d’avis que son employeur a agi de manière inappropriée et a tenté de contourner les lois du travail en le plaçant sur la liste des remplaçants au lieu de le licencier, mais ce n’est pas la question qui m’est soumise. Je comprends également que l’appelant estime avoir été licencié, lorsque ses fonctions ont été modifiées et, à tout le moins, 12 semaines après la dernière communication de son employeur. Ma compétence se limite à l’application de la Loi sur l’assurance-emploi. Par conséquent, même si le fait de ne pas avoir communiqué avec l’appelant pendant 12 semaines pourrait déclencher l’application de certaines dispositions de la législation provinciale en matière d’emploi, cela ne s’applique pas à la relation d’emploi dans le contexte de la LAE .

[73] Bien que l’appelant soutienne fermement que son employeur avait l’obligation de le contacter pour lui proposer du travail, car il s’était engagé à le faire, l’appelant n’est pas sans reproche dans cette situation. Immédiatement après avoir déclaré que quelqu’un allait contacter l’appelant pour l’aider dans le processus de réaffectation, l’employeur indique qu’il a été placé sur la liste des remplaçants et qu’il doit mettre à jour sa disponibilité et prendre deux quarts de travail par mois. De son propre aveu, l’appelant n’a pas contacté l’opérateur de service pour mettre à jour sa disponibilité à aucun moment après le 30 mai 2023, ce qui aurait pu lui valoir une réaffectation immédiate, voire deux quarts de travail par mois.

[74] La question que je dois trancher n’est pas de savoir si l’employeur a enfreint la législation en matière d’emploi ou s’il n’a pas tenu ses promesses. Je dois plutôt déterminer si l’appelant a contribué à la perte de son emploi en enfreignant sciemment une politique ou une directive de son employeur, ou en agissant de manière si imprudente que sa négligence doit être considérée comme intentionnelle.

[75] En l’espèce, le contrat de travail et les politiques de l’employeur permettent clairement à ce dernier de placer l’appelant sur la liste des remplaçants. Et, une fois inscrit sur cette liste, il a l’obligation de mettre à jour sa disponibilité toutes les deux semaines afin de conserver son emploi. Le contrat de travail et les politiques stipulent clairement que le fait de ne pas garder le contact peut entraîner le licenciement. Même si l’appelant n’a peut-être pas reçu la lettre d’avertissement, il aurait dû savoir que le fait de ne pas avoir pris contact avec son employeur depuis juin 2023 pouvait entraîner son licenciement, car il connaissait la teneur de son contrat de travail et des politiques.

[76] De plus, étant donné que l’appelant savait qu’il ne pouvait pas satisfaire aux exigences de son employeur concernant l’utilisation de Track Tik et qu’il a choisi de ne contacter aucune des personnes dont les coordonnées lui avaient été fournies par son employeur, il a agi de manière tellement imprudente que son comportement doit être considéré comme délibéré. Il a reçu l’instruction claire d’utiliser Track Tik comme condition d’emploi, il savait qu’il ne pouvait pas y accéder et il a choisi de ne rien faire à ce sujet. Ce choix a sciemment mis son emploi en péril.

[77] Les tribunaux ont souligné que le régime d’AE existe pour assurer les prestataires qui ont perdu leur emploi sans faute de leur part. Les fondements et les principes mêmes de l’assurance s’appliquent à la mise en œuvre de la Loi sur l’assurance-emploi. L’assurance offerte par le régime d’assurance-emploi est fonction du risque encouru par un employé de perdre son emploi. Par conséquent, à quelques exceptions près, il incombe aux prestataires de ne pas créer un risque de chômage, ou de ne pas transformer un simple risque en une certitude de chômageNote de bas de page 41.

[78] En l’espèce, l’appelant s’est vu proposer une autre solution que le chômage, mais il n’a pas apprécié cette option. En conséquence, son comportement et ses choix l’ont conduit à enfreindre les clauses de son contrat de travail, les politiques de son employeur en matière d’emploi, ainsi que les instructions et directives claires de ce dernier.

Conclusion

[79] Je conclus que l’appelant est exclu du bénéfice des prestations.

[80] Cela signifie que l’appel est rejeté, avec modifications.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.