Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : RL c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2025 TSS 388

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : R. L.
Représentante : T. S.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (696348) datée du 14 janvier 2025 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Anne S. Clark
Mode d’audience : Téléconférence
Date d’audience : Le 18 février 2025
Personnes présentes à l’audience : Appelant
Représentante de l’appelant
Date de la décision : Le 5 mars 2025
Numéro de dossier : GE-25-333

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Je ne suis pas d’accord avec l’appelant.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduite (c’est-à-dire parce qu’il a fait quelque chose qui lui a fait perdre son emploi). Par conséquent, l’appelant est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 1.

Aperçu

[3] L’appelant a perdu son emploi. Son employeur a déclaré qu’il avait été congédié parce qu’il avait de l’alcool en sa possession au travail. La Commission a affirmé que ce comportement contrevenait à la politique de l’employeur. L’appelant a déclaré avoir mis une bouteille d’alcool dans son sac à lunch la veille. Il avait oublié qu’elle était là et l’avait apportée par erreur au travail le lendemain. Il n’avait pas l’intention de consommer de l’alcool au travail. L’appelant a ajouté que l’employeur avait réglé avec lui une poursuite pour congédiement injustifié qu’il avait engagée et avait modifié son relevé d’emploi pour dire qu’il avait été congédié sans motifNote de bas de page 2.

[4] L’appelant ne conteste pas qu’il avait de l’alcool en sa possession au travail. Cependant, il affirme que cela ne constitue pas une inconduite. Il dit qu’il ne se souvient pas avoir mis la bouteille dans son sac à lunch la veille. Il affirme que son comportement n’était pas intentionnel et qu’il ne s’agit donc pas d’une inconduite. Sa représentante a fait valoir qu’il ignorait qu’il pouvait être congédié pour avoir apporté de l’alcool au travail. L’appelant affirme également que son employeur a par la suite reconnu l’avoir congédié sans motif pour qu’il puisse être admissible aux prestations d’assurance-emploi.

[5] La Commission a accepté que l’employeur avait congédié l’appelant parce qu’il avait de l’alcool en sa possession au travail. Elle a conclu que l’appelant avait perdu son emploi en raison d’une inconduite. Elle l’a donc exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi. La Commission a affirmé que ce comportement contrevenait à la politique de l’employeur et que l’appelant savait ou aurait dû savoir que celui-ci pouvait entraîner son congédiement. La Commission a également souligné que la modification apportée par l’employeur au relevé d’emploi n’empêchait pas de conclure à une inconduite.

[6] La représentante de l’appelant a déclaré que la Commission avait fait trois citations erronées dans ses observations. Elle a ajouté qu’elle ne pouvait pas trouver les décisions que la Commission y avait mentionnées dans ses observations. Je n’ai pas non plus été en mesure de les trouver. Cependant, le fait que les citations n’étaient pas exactes ne signifie pas nécessairement que la Commission ait mal interprété le droit. Cela signifie toutefois que je ne peux pas me fier à ces décisions comme faisant autorité. J’ai estimé qu’il ne serait pas équitable de retarder l’appel et de demander à la Commission de corriger ses citations. En effet, je peux toujours prendre en considération les positions et les arguments des deux parties au moment de trancher les questions en litige.

Question que je dois examiner en premier

J’ai accepté les documents déposés après l’audience

[7] La représentante de l’appelant a demandé un délai pour examiner les observations de la Commission et présenter des arguments écrits après l’audience. Elle a indiqué qu’elle ne pouvait pas présenter d’observations orales parce qu’elle estimait qu’elle n’avait pas eu assez de temps pour se préparer. Elle a demandé une semaine pour déposer des observations après l’audience.

[8] J’ai accédé à cette demande. Elle était raisonnable, équitable et ne risquait pas de retarder l’appelNote de bas de page 3.

Question en litige

[9] L’appelant a-t-il perdu son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[10] Pour décider si l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduite, je dois décider deux choses. D’abord, je dois décider pour quelle raison il a perdu son emploi. Ensuite, je dois décider si la loi considère cette raison comme une inconduite.

Pourquoi l’appelant a-t-il perdu son emploi?

[11] Je considère que l’appelant a perdu son emploi parce qu’il était en possession d’alcool au travail. Ce comportement contrevenait à la politique de l’employeur.

[12] L’appelant et la Commission conviennent que l’appelant avait de l’alcool en sa possession au travail. La Commission rapporte que l’employeur a déclaré que l’appelant avait de l’alcool dans son sac à lunch. L’employeur a dit à la Commission que l’appelant avait reconnu qu’il avait une bouteille d’alcool dans son sac. L’appelant a convenu qu’il avait de l’alcool en sa possession, mais il conteste que cela constituait une inconduite au sens de la loi.

[13] Je conclus que l’appelant a été congédié parce qu’il avait apporté de l’alcool au travail.

La raison du congédiement de l’appelant est-elle une inconduite selon la loi?

[14] Selon la loi, la raison du congédiement de l’appelant est une inconduite.

[15] Pour être considérée comme une inconduite au sens de la loi, la conduite doit être délibérée. Cela signifie qu’elle était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 4. Une inconduite comprend aussi une conduite qui est si insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 5. Pour qu’il y ait inconduite au sens de la loi, il n’est pas nécessaire que l’appelant ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’il ait voulu faire quelque chose de mal)Note de bas de page 6.

[16] Il y a inconduite si l’appelant savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’il soit congédié pour cette raisonNote de bas de page 7.

[17] La Commission doit prouver que l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que l’appelant a perdu son emploi en raison de son inconduiteNote de bas de page 8.

[18] La Commission affirme qu’il y a eu inconduite parce que l’appelant avait de l’alcool en sa possession au travail. Ce comportement contrevenait à la politique de l’employeurNote de bas de page 9. La Commission affirme que même si le comportement de l’appelant était une erreur, il témoignait d’un mépris imprudent à l’égard la politique. La Commission a également affirmé que le fait que l’appelant soit parvenu à un accord avec l’employeur pour régler son conflit de travail n’empêchait pas de conclure à une inconduite.

[19] L’appelant affirme qu’il n’y a pas eu d’inconduite parce que ses gestes n’étaient pas intentionnels. Sa représentante a fait valoir qu’il ne savait pas qu’il pouvait être congédié s’il enfreignait la politique. Elle a écrit que les actions de l’appelant n’enfreignaient pas l’objectif de la politique. Elle a soutenu que la simple possession d’alcool ne constituait pas une violation des principes fondamentaux de la politique. De plus, elle a dit que l’employeur avait accepté de modifier le relevé d’emploi pour que l’appelant puisse être admissible aux prestations d’assurance-emploi.

[20] Je conclus que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite. Les faits suivants permettent de conclure à une inconduite.

  • La politique de l’employeur interdisait au personnel d’avoir en leur possession de l’alcool dans les lieux de travail.
  • Contrairement à ce qui est indiqué dans les arguments écrits, l’appelant a déclaré qu’il était au courant de la politique et qu’il connaissait une personne qui avait été congédiée pour avoir enfreint la politiqueNote de bas de page 10.
  • L’appelant a déclaré avoir mis la bouteille d’alcool dans son sac à lunch la veille au soir. Il a préparé son repas le lendemain matin. Il n’a pas remarqué que la bouteille se trouvait aussi dans le sac. Il a également déclaré avoir oublié qu’il avait mis la bouteille là.
  • L’appelant pense que la bouteille s’est retrouvée au-dessus du sac dans son camion. C’est pour cette raison qu’une autre personne a pu la voir dans le sac.

[21] Les actions de l’appelant étaient négligentes au point d’être imprudentes. Il me demande d’excuser le fait qu’il a enfreint la politique de l’employeur parce qu’il a commis une erreur. Il avait des explications pour toutes les questions sur les raisons pour lesquelles il était en possession d’alcool au travail. Je ne trouve pas ses explications raisonnables.

[22] J’ai de la difficulté à accepter comme raisonnable le fait que l’appelant ait mis une bouteille d’alcool dans son sac à lunch, qu’il ait oublié qu’elle s’y trouvait et qu’il n’ait pas remarqué qu’elle était là lorsqu’il a préparé son repas le lendemain matin. Il dit qu’elle était probablement au fond du sac de sorte qu’il ne l’avait pas vu lorsqu’il y avait mis son repas. Il a affirmé qu’elle s’était probablement retrouvée sur le dessus du sac pendant le trajet vers le travail. L’appelant a ajouté que cela expliquait pourquoi une personne avait pu voir la bouteille dans le sac. Si une autre personne pouvait voir la bouteille, il est illogique que l’appelant ne pouvait pas la voir ou ne l’a pas vue. Même si son explication était raisonnable, il a déclaré être au courant de la politique. Sachant cela, il était insouciant de sa part de transporter de l’alcool dans son sac à lunch et de ne pas s’assurer de le retirer avant de se rendre au travail.

[23] La représentante a soutenu que la simple possession d’alcool ne devrait pas être considérée comme une inconduite parce qu’elle ne contrevient pas à l’objectif de la politique de l’employeur. Je ne peux pas évaluer le bien-fondé ou l’objet de la politique de l’employeur. Ma compétence se limite à examiner la conduite de l’appelant et à déterminer si elle constituait une inconduite au sens de la loiNote de bas de page 11. La représentante a également fait valoir qu’il s’agissait d’une « première infraction ». Cela signifiait que l’appelant ne s’attendait pas à ce que cela entraîne son congédiement. Cet argument n’est pas convaincant. Encore une fois, il ne m’appartient pas de décider si la politique de l’employeur est raisonnable. Toutefois, contrairement aux observations de la représentante, la lettre de congédiement fait référence à deux mesures disciplinaires antérieures (différentes). Si l’on suit l’argument de la représentante, cela signifierait que le comportement de l’appelant constituait une « troisième infraction ».

[24] L’appelant a soutenu que le règlement qu’il a conclu avec l’employeur signifie que sa conduite ne devrait pas être considérée comme une inconduite. Je ne peux pas tenir compte d’un règlement entre l’employeur et l’appelant lorsque j’évalue s’il y a eu inconduite. La division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale a récemment discuté des règlements dans les dossiers d’inconduite. Bien que je ne sois pas liée par les décisions du Tribunal, je juge que les décisions récentes sont instructives sur ce point. Je suis tenue de suivre les décisions des tribunaux. La division d’appel a examiné la loi sur ce point, en tenant compte de l’avis de la Cour fédéraleNote de bas de page 12. Je suis d’accord avec les conclusions de la division d’appel et estime qu’elles s’appliquent à cet appel. Les tribunaux ont statué que je ne peux pas ignorer la législation applicable parce que l’employeur et l’appelant ont réglé leur différend dans le cadre d’un règlement. Il est clair qu’un règlement ne peut être invoqué pour réfuter une conclusion d’inconduite à moins qu’il confirme clairement que l’employeur n’a pas eu raison de congédier l’appelant précédemmentNote de bas de page 13.

[25] Dans cet appel, rien ne laisse croire que l’appelant n’a pas enfreint la politique ou que l’employeur ne l’a pas congédié en raison de sa conduite. L’appelant soutient que la modification apportée au relevé d’emploi signifie qu’il devrait être admissible aux prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 14. Il affirme que le règlement ne fait pas référence aux circonstances de son congédiement.

L’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduite

[26] Compte tenu de ce qui précède, je conclus que l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduite.

Conclusion

[27] La Commission a prouvé que l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Il est donc exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[28] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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