Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : NZ c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2025 TSS 395

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Partie appelante : N. Z.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Représentante ou représentant : Linda Donovan

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 13 janvier 2025 (GE-24-3951)

Membre du Tribunal : Stephen Bergen
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 3 avril 2025
Personnes présentes à l’audience : Appelant
Représentante de l’intimée
Date de la décision : Le 17 avril 2025
Numéro de dossier : AD-25-32

Sur cette page

Décision

[1] J’accueille l’appel.

[2] La division générale a commis une erreur de droit et une erreur de fait. J’ai corrigé ces erreurs. Le prestataire n’a pas été congédié en raison d’une inconduite. Il n’est pas exclu du bénéfice des prestations pour cette raison.

Aperçu

[3] N. Z. est l’appelant. Je l’appellerai le « prestataire » parce que cet appel porte sur sa demande de prestations d’assurance-emploi. L’intimée est la Commission de l’assurance-emploi du Canada.

[4] Le prestataire a fait l’objet d’une ordonnance de non-communication; il ne devait pas contacter son ex-conjointe. Il a croisé son ex-conjointe dans un [traduction] « endroit » le 9 juin 2024. Son ex-conjointe a appelé la police et le prestataire a été arrêté. Après sa libération, il a été [traduction] « assigné à résidence ». Par conséquent, il ne pouvait pas aller travailler et a perdu son emploi. Il a donc demandé des prestations d’assurance-emploi.

[5] La Commission a décidé que le prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite et qu’elle ne lui verserait donc pas de prestations. Le prestataire lui a demandé de réviser sa décision, mais la Commission n’a pas modifié sa décision. Le prestataire a fait appel à la division générale, mais celle-ci a rejeté son appel. Il a ensuite porté la décision de la division générale en appel à la division d’appel.

[6] J’accueille l’appel du prestataire. La division générale a commis une erreur de fait parce que ses conclusions ne découlent pas de la preuve. Elle a commis une erreur de droit parce qu’elle n’a pas bien expliqué les motifs de sa décision.

Questions en litige

[7] Voici les questions en litige dans le présent appel :

  1. a) La division générale a-t-elle commis une erreur de fait parce qu’elle aurait mal compris ou ignoré la preuve des intentions du prestataire?
  2. b) La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en omettant d’expliquer adéquatement les motifs de sa décision?

Analyse

Principes juridiques généraux qui s’appliquent aux appels à la division d’appel

[8] La division d’appel ne peut examiner que les erreurs qui correspondent à l’un des moyens d’appel suivants :

  1. a) Le processus d’audience de la division générale était inéquitable d’une façon ou d’une autre.
  2. b) La division générale n’a pas tranché une question qu’elle aurait dû trancher, ou bien elle a tranché une question sans avoir le pouvoir de le faire (erreur de compétence).
  3. c) La division générale a commis une erreur de droit au moment de rendre sa décision.
  4. d) La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importanteNote de bas de page 1.

La division générale a-t-elle ignoré ou mal compris la preuve du prestataire lorsqu’elle a conclu qu’il avait délibérément enfreint l’ordonnance de non-communication?

[9] L’employeur a congédié le prestataire parce qu’il avait manqué des quarts de travail. Le prestataire n’avait pas l’intention de manquer des quarts de travail; il était confiné à son domicile en [traduction] « assignation à résidence ». S’il n’avait pas été assigné à résidence, il n’aurait pas manqué de travail.

[10] La Commission a soutenu que la conduite qui a mené à l’assignation à résidence était l’« inconduite » pour laquelle le prestataire a été exclu du bénéfice de prestations. La raison de l’assignation à résidence était que le prestataire avait enfreint les conditions d’une ordonnance de non-communication. C’est ce qui l’a empêché de travailler et donc ce qui a nui aux obligations qu’il devait à son employeur.

[11] La Commission a également soutenu que le prestataire savait ou aurait dû savoir qu’un contact avec son ex-conjointe pouvait entraîner des conséquences qui l’empêcheraient de travailler et qu’il était réellement possible qu’il soit congédié s’il ne pouvait pas se présenter au travailNote de bas de page 2.

[12] Le prestataire n’a pas contesté qu’il était au courant des conséquences possibles du non-respect de l’ordonnance de non-communication. Il a soutenu qu’il ne s’agit pas d’une inconduite parce qu’il a enfreint l’ordonnance par accident et n’avait pas l’intention de la croiser.

[13] La division générale était d’accord avec la Commission et a conclu que le prestataire avait été congédié pour inconduite. Elle a admis qu’il avait contacté son ex-conjointe et qu’il avait été assigné à résidence en conséquence. Elle a conclu que sa conduite était consciente, délibérée et insouciante.

[14] Pour appuyer la décision de la division générale, la Commission a axé son argument sur l’insouciance de la conduite du prestataire. Elle a soutenu qu’il a agi de façon insouciante parce qu’il ne s’est pas éloigné de son ex-conjointe immédiatement après l’avoir croisée. En se fondant sur la jurisprudence, la Commission a également soutenu que l’on pouvait se prononcer sur le caractère délibéré de la conduite du prestataire dans les circonstances en question.

[15] Lorsque la division générale a déclaré que la conduite du prestataire était délibérée, consciente et insouciante, elle a souligné qu’il n’avait pas fourni de preuve médicale montrant qu’il ignorait les conséquences de ses gestesNote de bas de page 3. La division générale a également énuméré ce qui semble être les conclusions de fait sur lesquelles elle s’est fondée pour conclure que la Commission avait prouvé qu’il y avait eu inconduiteNote de bas de page 4.

[16] La division générale a commis une erreur de fait importanteNote de bas de page 5.

[17] La question de savoir si le prestataire était au courant des conséquences de ses actes est pertinente pour d’autres aspects du critère de l’inconduite, mais pas particulièrement pour savoir si ses actes étaient eux-mêmes délibérés.

[18] De plus, la division générale a mal compris l’importance de la preuve sur laquelle elle s’est fondée. La division générale a déclaré qu’il [traduction] « a décidé d’essayer de se réconcilier avec son ex-conjointe sans obtenir de modification de ses conditions de mise en liberté sous caution ». C’est la seule conclusion, parmi celles énumérées par la division générale, qui pourrait être pertinente pour décider si la conduite du prestataire était délibérée.

[19] Toutefois, le prestataire a perdu son emploi parce qu’il a croisé son ex-conjointe le 9 juin 2024. Rien ne laisse croire que par ce contact le prestataire tentait de se réconcilier avec elle.

[20] Le prestataire a déclaré que son ex-conjointe et lui avaient discuté de la possibilité de se réconcilier et qu’ils avaient l’intention d’obtenir une modification de ses conditions de mise en liberté sous cautionNote de bas de page 6. Aucun élément de preuve n’indique à quel moment cela a eu lieu, mais le prestataire a déclaré que son ex-conjointe en avait parlé à son agent de surveillance, alors il est peu probable que cela se soit produit lorsqu’ils se sont croisés le 9 juin 2024.

[21] De plus, la division générale n’a pas analysé ce que le prestataire avait dit au sujet de ses intentions ce jour-là (le 9 juin) ni examiné les conclusions qui pourraient être tirées au sujet de sa conduite du 9 juin.

[22] Le prestataire a insisté sur le fait qu’il n’avait pas l’intention de rencontrer son ex-conjointe le 9 juin. Il a déclaré qu’il se trouvait [traduction] « au mauvais endroit, au mauvais momentNote de bas de page 7 ». Il a dit qu’il « a fini par croiser [son ex-conjointe et son compagnon] » à « un endroit où il allait souvent seul » et il a répété qu’il « les avait simplement croisés par hasardNote de bas de page 8 ». Il a souligné qu’il « vivait plus près de cet endroit de la ville que [son ex-conjointe]Note de bas de page 9 ».

[23] La division générale peut choisir d’accorder peu ou pas d’importance à la preuve du prestataire ou d’accorder plus d’importance à d’autres éléments de preuve, mais elle ne peut pas simplement les ignorer.

[24] La Commission a soutenu que le prestataire a agi de façon insouciante parce qu’il ne s’est pas immédiatement éloigné de son ex-conjointe. Toujours est-il que l’argument de la Commission met de l’avant une théorie qui n’a pas été exprimée dans la décision. La Commission cherche à substituer son raisonnement à celui de la division générale.

[25] La division générale n’a pas cherché à savoir si la conduite du prestataire pouvait être considérée comme [traduction] « d’une insouciance presque délibérée ». Elle n’a pas établi de lien entre sa conclusion et une preuve d’insouciance, sans parler de ce que le prestataire aurait dû faire pour éviter d’enfreindre l’ordonnance après avoir croisé son ex-conjointe par hasard.

[26] La division générale ne disposait peut-être pas d’assez d’éléments de preuve concernant ce qui s’est passé ce jour-là. La Commission n’a pas fourni de preuve précise de ce que le prestataire a fait après avoir croisé son ex-conjointe. D’ailleurs, le prestataire n’en a pas fourni davantage. Si le prestataire n’avait pas l’intention de rencontrer son ex-conjointe, rien ne laisse croire non plus qu’il a fait preuve d’insouciance lorsqu’il s’est rendu à cet endroit particulier ce soir-là.

[27] La Commission a présenté un autre argument. Elle a dit que le prestataire pouvait être « réputé » avoir agi de façon délibérée parce qu’il a été déclaré coupable d’avoir contrevenu à l’ordonnance et assigné à résidence. La Commission semble soutenir que la division générale était tenue par la loi de présumer que le prestataire avait agi délibérément ou de lui demander de prouver qu’il n’avait pas agi de façon délibérée. Elle s’appuie sur la décision de la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Canada (Procureur général) c BordenNote de bas de page 10.

[28] Je ne pense pas que la décision Borden indique que je peux considérer que le prestataire avait l’intention de violer son ordonnance ou que ses actions étaient délibérées.

[29] Le juge-arbitre qui a rendu la décision faisant l’objet de la révision dans l’affaire Borden a conclu que le défendeur n’avait pas [traduction] « quitté volontairement » son emploi. Il s’est appuyé sur des éléments de preuve montrant que le prestataire ne s’attendait pas à être condamné à une peine d’emprisonnement de cette durée. La Cour a conclu que le juge-arbitre avait commis une erreur, car il avait été indûment influencé par des considérations non pertinentesNote de bas de page 11.

[30] L’affaire Borden ne portait pas sur la question de savoir si le prestataire (dans ce cas-là) avait l’intention de commettre les gestes qui ont mené à sa condamnation. Cette décision a cité une affaire intitulée Procureur général du Canada c Easson. Elle signale que Easson a établi le lien entre les concepts de « départ volontaire sans justification » et de « perte d’emploi pour inconduite ». En effet, les deux portent sur la question de savoir si la perte d’emploi résultait d’un acte délibéré de l’employéNote de bas de page 12. Toutefois, la décision Borden n’a pas analysé ni abordé la question de savoir si les actes du prestataire dans cette affaire étaient délibérés ou en quoi ils pouvaient être considérés comme délibérés.

[31] Même si la Cour avait déclaré dans Borden qu’elle était convaincue que la condamnation du prestataire signifiait que sa conduite avait été délibérée, cette affaire est quand même différente. Le prestataire dans la décision Borden a été emprisonné à la suite d’une condamnation prononcée en vertu du Code criminel. Si la condamnation d’une infraction entraîne une peine d’emprisonnement, c’est que l’intention coupable (mens rea) a probablement été prouvée. Cela signifie que la Cour était convaincue que le prestataire avait l’intention de commettre l’infraction.

[32] Il n’en va pas toujours de même pour les ordonnances de non-communication. Ces ordonnances peuvent prendre différentes formes, mais j’admets d’office que certaines d’entre elles imposent des conditions strictes. Cela voudrait dire qu’une personne pourrait être déclarée coupable d’avoir enfreint les conditions par la seule preuve du contact, sans aucune preuve d’intention. Il ne serait pas approprié de présumer qu’une partie prestataire dont les actes violaient une ordonnance avait eu l’intention de le faire. La conclusion de violation n’aurait pas été nécessaire pour examiner l’intention du prestataire.

[33] Le témoignage du prestataire laisse entendre que l’ordonnance de non-communication dans son cas était une conséquence d’autres accusations d’avant avrilNote de bas de page 13. La division générale a compris de la preuve que l’ordonnance était une condition de sa mise en liberté sous cautionNote de bas de page 14. Toutefois, le prestataire n’a pas bien expliqué la nature de l’ordonnance ni comment elle a été mise en place. Il a affirmé avoir essayé d’obtenir une « modification de ses conditions de mise en liberté sous caution », ce qui laisse entendre que l’ordonnance était une condition de la mise en liberté sous caution. Cependant, il a aussi dit qu’il avait essayé de modifier ses conditions par l’entremise de son agent de surveillance, ce qui laisse entendre qu’il s’agissait d’une condition de sa probationNote de bas de page 15.

[34] Il est également possible que l’ordonnance de non-communication ait été associée à la libération sous caution ou à la probation du prestataire, mais qu’il s’agisse en fait d’un engagement écrit de ne pas troubler l’ordre public. Je prends note qu’un manquement aux conditions de mise en liberté sous caution, aux conditions de probation ou à un engagement écrit aurait probablement constitué une infraction qui nécessiterait une preuve d’intention (mens rea). Si le prestataire avait été déclaré coupable d’avoir enfreint une condition de mise en liberté sous caution ou de probation, cela constituerait une preuve solide (ou du moins un élément de preuve) qu’il avait l’intention de commettre les actes qui ont mené à la condamnation.

[35] La division générale a compris de la preuve que l’ordonnance de non-communication était une condition de mise en liberté sous cautionNote de bas de page 16. Le prestataire a déclaré qu’il avait été libéré après avoir été assigné à résidence, après une enquête sur la remise en libertéNote de bas de page 17. Il semble donc que la division générale ait probablement raison de dire que l’assignation à résidence était une condition de la mise en liberté sous caution.

[36] Toutefois, rien ne prouve que le prestataire a été reconnu coupable d’avoir enfreint ses conditions. Au contraire, il n’aurait pas pu être libéré sous caution s’il avait été déclaré coupable, sauf peut-être s’il avait été déclaré coupable et avait fait appel. Le prestataire a discuté d’événements survenus après le 9 juin, y compris un autre incident survenu en août au cours duquel il a communiqué avec son ex-conjointe et a été condamné. Il n’a rien dit au sujet d’un appel concernant son assignation à résidence.

[37] Autrement dit, le fait que le prestataire a été arrêté pour avoir enfreint l’ordonnance de non-communication ou ses conditions de mise en liberté sous caution, selon le cas, ne signifie pas qu’il y a eu une conclusion judiciaire selon laquelle il avait l’intention d’enfreindre l’ordonnance ou les conditions.

[38] Je ne prétends pas que la Commission n’aurait pu prouver que la conduite du prestataire était délibérée seulement s’il avait été déclaré coupableNote de bas de page 18. Je souligne plutôt qu’en l’absence de preuve d’une conclusion judiciaire d’intention, le fardeau de la preuve incombait toujours à la Commission.

[39] La division générale n’aurait pas pu s’appuyer sur les circonstances liées à l’assignation à résidence du prestataire pour conclure que sa conduite était délibérée.

La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en omettant d’expliquer adéquatement les motifs de sa décision?

[40] Même si la division générale aurait pu décider que le prestataire avait agi délibérément sur la base de la preuve dont elle disposait, elle a commis une erreur de droit parce qu’elle n’a pas bien expliqué ses motifs. La division générale doit obligatoirement expliquer les motifs qui ont mené à sa décisionNote de bas de page 19.

[41] La division générale a conclu que la preuve démontrait que la conduite du prestataire était délibérée, consciente et insouciante, mais elle n’a pas analysé la preuve dont elle disposait. Sa seule justification était que le prestataire n’avait pas fourni de preuve médicale montrant le contraire. La division générale n’a pas cerné les éléments de preuve qu’elle a utilisés pour conclure qu’il avait délibérément contacté son ex-conjointe. Elle n’a pas expliqué non plus pourquoi elle croyait que cela avait quelque chose à voir avec le fait qu’il [traduction] « voulait se réconcilier ». La division générale n’a pas expliqué comment elle a évalué la preuve.

[42] Les raisons pour lesquelles la division générale a conclu que la conduite du prestataire était délibérée ou insouciante ne sont ni transparentes ni cohérentes. Il s’agit d’une erreur de droit.

Réparation

[43] Je peux soit renvoyer l’affaire à la division générale pour réexamen, soit rendre la décision qu’elle aurait dû rendreNote de bas de page 20. Les deux parties me demandent de rendre la décision que la division générale aurait dû rendre.

[44] Je suis d’accord.

[45] J’aimerais bien fonder ma décision sur un plus grand nombre d’éléments de preuve, mais il y a au moins quelques éléments liés à chaque conclusion que je vais tirer. Je vais donc substituer ma décision à celle de la division générale.

[46] Je conclus que la Commission n’a pas satisfait à tous les éléments du critère d’inconduite.

[47] Pour qu’une partie prestataire soit exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi en raison d’une inconduite, la Commission doit prouver tous les éléments suivants :

  • L’inconduite présumée était l’une des raisons pour lesquelles l’employeur a congédié le prestataire, et non un simple prétexteNote de bas de page 21.
  • Le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait nuire à l’exercice de ses fonctionsNote de bas de page 22.
  • Le prestataire savait ou aurait dû savoir qu’il était réellement possible qu’il soit congédié en raison de la conduiteNote de bas de page 23.
  • La conduite était délibérée, c’est-à-dire consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 24. Cela peut aussi inclure une conduite qui est « à ce point insouciante qu’elle frôle le caractère délibéréNote de bas de page 25 ».

[48] Je conviens que l’employeur a congédié le prestataire parce qu’il ne se présentait pas au travail. Personne ne conteste cela.

[49] Je conviens également que le prestataire ne se présentait pas au travail parce qu’on lui avait ordonné de rester à la maison à moins qu’il ne soit accompagné à temps plein par un accompagnateur choisi. Le prestataire admet qu’il a fait l’objet d’une ordonnance de non-communication, qu’il a contacté son ex-conjointe et qu’il a été « assigné à résidence » parce qu’il a enfreint l’ordonnance.

[50] J’admets que le prestataire savait ou aurait dû savoir qu’un manquement à son ordonnance de non-communication pourrait le rendre incapable de se présenter au travail, et que cela nuirait à sa capacité d’accomplir ses tâches.

[51] J’admets également qu’il savait ou aurait dû savoir qu’il y avait une réelle possibilité qu’il soit congédié en conséquence. Le prestataire savait qu’il devait travailler pour conserver son emploi. Il a dit à la Commission qu’il croyait que l’employeur avait une politique lui permettant de congédier les employés qui manquaient plus de trois quarts de travail. Il a manqué plus de trois quarts de travailNote de bas de page 26.

[52] Le prestataire a déclaré qu’il n’avait pas pu se présenter au travail il y a quelques mois pendant environ un mois. Il s’était alors entendu avec le service des ressources humaines de l’employeur pour garder son poste entretemps. Pourtant, il semble avoir compris que l’employeur a fait une exception cette fois-là. Le prestataire a peut-être espéré obtenir un résultat semblable cette fois-ci, mais je juge, en usant de mon bon sens, qu’il aurait dû savoir qu’il était réellement possible qu’il perde son emploi s’il s’absentait de nouveau pendant une longue période.

[53] Toutefois, je n’accepte pas que le prestataire a agi délibérément.

[54] Comme je l’ai mentionné, la loi ne me permet pas de considérer que le prestataire a agi de façon délibérée ou insouciante simplement parce qu’il a été arrêté, libéré sous caution ou parce qu’il y a fait l’objet d’une ordonnance de non-communication. Aucune preuve ne démontre qu’il a délibérément enfreint une des conditions [traduction] « au-delà de tout doute raisonnable », selon la « prépondérance des probabilités », ou selon toute autre norme de ce genre. Par conséquent, la Commission doit tout de même prouver qu’il est plus probable qu’improbable qu’il a agi délibérément.

[55] La Commission n’a pas établi qu’il est plus probable qu’improbable que la conduite du prestataire le 9 juin 2024 était intentionnelle ou d’une telle insouciance qu’elle était presque délibérée.

[56] Le prestataire a déclaré qu’il est sorti après le travail. L’endroit où il est allé était près de chez lui et il y allait souvent. Il a dit qu’il [traduction] « a croisé » son ex-conjointe, ce qui laisse entendre qu’il n’y est pas allé pour la rencontrer ou parce qu’il la cherchait. Aucune preuve ne contredit ses déclarations et son récit est vraisemblable.

[57] Il y a peu d’éléments de preuve au sujet de qui s’est passé après qu’il a croisé son ex-conjointe. Il a seulement déclaré que l’amie de son ex-conjointe lui a dit qu’elle avait un couteau (il s’est alors senti menacé) et qu’elle a appelé la police. Par la suite, la police est venue l’arrêterNote de bas de page 27.

[58] Aucune preuve ne démontre combien de temps le prestataire était à proximité de son ex-conjointe. L’amie lui a parlé, mais rien ne prouve que son ex-conjointe lui a parlé ou qu’il lui a parlé. Rien ne prouve qu’il cherchait à communiquer avec son ex-conjointe ou bien à l’éviter.

[59] Aucune preuve ne précisait de quel type d’« endroit » il s’agissait, de sorte qu’on ne sait pas s’il s’agissait du genre d’endroit que l’on peut facilement éviter. Le lieu aurait pu être une grande discothèque bondée ou un petit bar intimiste. Il n’y avait aucune preuve du temps qu’il a fallu à la police pour arriver ou de la raison pour laquelle il est resté après avoir compris que la police avait été appelée. On pourrait soutenir que le prestataire mettait les chances de son côté en attendant l’arrivée de la police pour lui expliquer sa version des faits. Mais, on n’a pas tenu compte de cette possibilité.

[60] La preuve n’établit pas que le prestataire a délibérément communiqué avec son ex-conjointe malgré l’ordonnance de non-communication. De même, la preuve n’établit pas selon la prépondérance des probabilités que sa conduite était si insouciante qu’elle était presque délibérée parce qu’il ne s’est pas éloigné immédiatement de son ex-conjointe après l’avoir croisée.

[61] La conduite du prestataire ne constitue pas une inconduite parce qu’elle n’était pas délibérée.

Conclusion

[62] L’appel est accueilli.

[63] La division générale a commis des erreurs de droit et de fait. J’ai rendu la décision qu’elle aurait dû rendre. J’ai conclu que la Commission n’a pas prouvé que la conduite du prestataire constituait une inconduite. Par conséquent, j’ai décidé que le prestataire n’a pas été congédié pour inconduite.

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