[TRADUCTION]
Citation : KS c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2025 TSS 391
Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel
Décision relative à une demande de
permission de faire appel
Partie demanderesse : | K. S. |
Partie défenderesse : | Commission de l’assurance-emploi du Canada |
Décision portée en appel : | Décision de la division générale datée du 25 mars 2025 (GE-25-493) |
Membre du Tribunal : | Glenn Betteridge |
Date de la décision : | Le 15 avril 2025 |
Numéro de dossier : | AD-25-234 |
Sur cette page
- Décision
- Aperçu
- Question en litige
- Je ne peux pas accorder au prestataire la permission de faire appel
- Conclusion
Décision
[1] La permission de faire appel est refusée. L’appel n’ira pas de l’avant.
Aperçu
[2] K. S. est le prestataire dans cet appel. Il souhaite faire appel d’une décision de la division générale. Je peux lui accorder la permission si son appel a une chance raisonnable de succès.
[3] La division générale a conclu qu’il avait quitté volontairement son emploi dans une entreprise pharmaceutique. Elle a aussi conclu qu’il avait d’autres solutions raisonnables que de quitter son emploi dans les circonstances. Elle a donc décidé qu’il ne pouvait pas recevoir de prestations d’assurance-emploi parce qu’il n’était pas fondé à quitter son emploi.
[4] Le prestataire soutient que la division générale a commis des erreurs de compétence, de droit et de fait importantes. Il affirme qu’il n’a pas quitté volontairement son emploi, mais que son employeur l’a congédié de manière déguisée. Il dit qu’il était fondé à démissionner. Les autres solutions que la division générale juge raisonnables étaient soit peu pratiques ou inexistantes dans sa situation.
[5] Je peux accorder au prestataire la permission de faire appel de la décision de la division générale si son appel a une chance raisonnable de succès. Malheureusement, ce n’est pas le cas.
Question en litige
[6] L’appel du prestataire a-t-il une chance raisonnable de succès?
Je ne peux pas accorder au prestataire la permission de faire appel
[7] J’ai lu la demande d’appel du prestataireNote de bas de page 1. J’ai aussi lu la décision de la division générale et examiné les documents de son dossierNote de bas de page 2. Enfin, j’ai écouté l’enregistrement audio de l’audienceNote de bas de page 3, puis j’ai rendu ma décision.
[8] La Loi sur l’assurance-emploi prévoit le versement de prestations aux personnes qui sont involontairement sans emploiNote de bas de page 4.
[9] La division générale a reconnu que le prestataire avait une bonne raison de quitter son emploi (paragraphe 52). Cependant, il devait démontrer qu’il était fondé à le faire au titre de l’article 29(c) de la Loi sur l’assurance-emploi. La division générale a décidé qu’il n’avait pas démontré cela parce qu’il disposait d’autres solutions raisonnables qu’il n’avait pas envisagées avant de démissionner. Ces solutions raisonnables signifiaient qu’il n’était pas involontairement sans emploi.
[10] Le prestataire n’a pas démontré qu’il était possible de soutenir que la division générale a commis une erreur et je n’ai trouvé aucune cause défendable.
[11] Pour ces raisons et celles qui suivent, je ne peux pas accorder au prestataire la permission de faire appel.
Le critère de la permission de faire appel exclut les appels qui n’ont aucune chance raisonnable de succèsNote de bas de page 5
[12] Je peux accorder au prestataire la permission de faire appel si son appel a une chance raisonnable de succèsNote de bas de page 6. Cela signifie qu’il doit démontrer qu’il existe un moyen d’appel défendable qui pourrait permettre à l’appel d’être accueilliNote de bas de page 7.
[13] Je peux examiner quatre moyens d’appel, que j’appellerai des erreursNote de bas de page 8. Le prestataire doit démontrer que la division générale :
- n’a pas assuré l’équité du processus ou n’a pas été impartiale (erreur d’équité procédurale);
- n’a pas exercé correctement son pouvoir décisionnel (erreur de compétence);
- a commis une erreur de droit;
- a commis une erreur de fait importante.
[14] Les motifs d’appel du prestataire exposent les questions clés et les principaux arguments que je dois examinerNote de bas de page 9. Comme il se représente lui-même, je vais aussi regarder au-delà de ses arguments lorsque j’appliquerai le critère de la permission de faire appelNote de bas de page 10.
[15] Le prestataire soutient que la division générale a commis des erreurs de compétence, des erreurs de droit et des erreurs de fait importantes.
[16] Le prestataire n’a pas expliqué en quoi la division générale avait commis une erreur de compétence. Je n’ai pas non plus trouvé de cause défendable selon laquelle la division générale aurait commis une telle erreur. La division générale a bien cerné les questions qu’elle devait trancher (paragraphes 8 et 9) et a tranché uniquement ces questions.
[17] Dans la suite de ma décision, je vais examiner si la division générale a commis une erreur de droit ou une erreur de fait importante.
Ce qui constitue une erreur de droit et une erreur de fait importante
[18] La division générale commet une erreur de droit lorsqu’elle ignore un argument qu’elle doit prendre en compte, ne donne pas de raisons suffisantes pour justifier sa décision, interprète mal une loi ou applique le mauvais critère juridique.
[19] La division générale commet une erreur de fait importante si elle fonde sa décision sur une conclusion de fait qu’elle a tirée en ignorant ou en interprétant mal des éléments de preuve pertinentsNote de bas de page 11. Le terme « pertinent » signifie ici pertinent au regard du critère juridique. Il incombe à la division générale d’examiner et de soupeser la preuveNote de bas de page 12. Je ne peux pas réévaluer la preuve ni substituer mon opinion aux faits.
Il est impossible de soutenir que la division générale a commis une erreur lorsqu’elle a décidé que le prestataire avait quitté volontairement son emploi
[20] Le prestataire soutient que la division générale a commis une erreur en concluant qu’il avait quitté volontairement son emploiNote de bas de page 13. Il affirme que sa démission n’était pas volontaire, mais qu’il a démissionné sous la contrainte. La division générale aurait dû reconnaître qu’il s’agissait d’un congédiement déguisé.
[21] Il n’est pas possible de soutenir que la division générale a commis une erreur lorsqu’elle a décidé que le prestataire avait quitté volontairement son emploi (paragraphes 10 à 16).
Erreur de droit
[22] La division générale a énoncé le bon critère juridique, tiré de la décision Peace (paragraphe 11), puis l’a appliqué (paragraphes 14 et 15).
[23] La division générale n’a pas ignoré l’argument du prestataire selon lequel il avait quitté son emploi sous la contrainte en raison de conditions de travail intolérables (paragraphe 12). Cependant, la décision Peace dit que le congédiement déguisé est une notion de common law qui diffère de la notion de départ volontaire au sens de la Loi sur l’assurance-emploi Note de bas de page 14. Autrement dit, la division générale ne pouvait pas fonder sa décision sur la notion de congédiement déguisé.
[24] La division générale a expliqué cette différence au prestataire lors de l’audienceNote de bas de page 15. Elle a ensuite expliqué que le critère de la justification prévu à l’article 29(c) de la Loi sur l’assurance-emploi tenait compte de « toutes les circonstances ». Dans sa décision, la division générale a écrit à juste titre qu’elle devait examiner « les points qu’il a soulevés concernant son départ sous la contrainte » pour évaluer s’il était fondé à quitter son emploi ou s’il avait une autre solution raisonnable que de démissionner (paragraphe 16)Note de bas de page 16.
Erreur de fait importante
[25] La division générale n’a pas commis d’erreur de fait importante lorsqu’elle a décidé que le prestataire aurait pu rester et qu’il avait choisi de partir.
[26] La division générale n’a pas ignoré ou mal interprété des éléments de preuve pertinents. Elle a cité le témoignage du prestataire selon lequel il aurait pu rester et avait choisi de partir (paragraphe 15)Note de bas de page 17. Ce témoignage est corroboré par son avis d’appel, dans lequel il écrit « ma démission » et répète le mot « démission »Note de bas de page 18. Cela me montre que les éléments de preuve pertinents appuient la conclusion de la division générale selon laquelle le prestataire a quitté volontairement son emploi.
Il est impossible de soutenir que la division générale a commis une erreur lorsqu’elle a décidé que le prestataire n’était pas fondé à quitter son emploi
[27] Le prestataire affirme que la division générale a commis les erreurs suivantes lorsqu’elle a décidé qu’il n’était pas fondé à quitter son emploi parce que d’autres solutions raisonnables s’offraient à luiNote de bas de page 19 :
- elle n’a pas pris en compte la suppression des données sur les bonnes pratiques de fabrication et la culture du travail toxique;
- elle a ignoré ou a mal interprété le fait qu’il avait postulé à plus de 40 emplois avant de démissionner et qu’il avait déménagé à 1 400 km pour trouver un nouvel emploi, ce qui démontrait sa situation financière désespérée;
- elle n’a pas reconnu qu’il avait démontré que des infractions réglementaires avaient été commises, qu’il avait subi un préjudice moral et qu’il y avait eu une modification importante de ses fonctions;
- elle n’a pas reconnu que les autres solutions que la division générale jugeait raisonnables étaient soit impossibles à mettre en œuvre ou inexistantes;
- elle a ignoré la jurisprudence contraignante selon laquelle les inconduites répétées de l’employeur, les violations réglementaires et les préjudices psychologiques constituent des conditions de travail intolérables;
- elle a confondu les notions de bonne raison et de justification.
[28] Je vais d’abord examiner l’argument du prestataire concernant les erreurs de fait importantes, à savoir les quatre premières puces. Ensuite, je vais examiner ses arguments relatifs aux erreurs de droit, soit les deux dernières puces.
Erreur de fait importante
[29] Il est impossible de soutenir que la division générale a fondé sa décision sur une erreur concernant les faits pertinents.
[30] La division générale a admis que le prestataire s’était senti contraint de démissionner en raison de conditions de travail intolérables (paragraphe 15). Elle a ensuite examiné et soupesé sa preuve et tiré des conclusions au sujet des quatre circonstances prévues à l’article 29(c) qui selon lui s’appliquaient (paragraphes 24 à 37). La division générale n’a pas abordé l’allégation du prestataire selon laquelle la culture de travail était toxique. Elle a cependant examiné et soupesé la preuve quant à savoir si les conditions de travail du prestataire étaient intolérables (paragraphes 43 et 45).
[31] La division générale a soigneusement étudié les pratiques prétendument illégales de son employeur (traitement des données sur les bonnes pratiques de fabrication), sans ignorer ni mal interpréter aucun élément de preuve pertinent (paragraphes 33 à 35). Elle a conclu qu’étant donné le cadre réglementaire complexe, le prestataire n’avait pas présenté assez d’éléments de preuve pour démontrer que les pratiques de l’employeur étaient illégales (paragraphes 37 et 38).
[32] La division générale a pris en compte le témoignage du prestataire selon lequel il n’avait pas réussi à obtenir un autre poste au sein de l’entreprise (paragraphe 41, 4e puce)Note de bas de page 20. Elle a aussi tenu compte de son témoignage selon lequel il était difficile de trouver un autre emploi tout en travaillant, et qu’il n’y était pas parvenu (paragraphe 41, 5e et 6e puces).
[33] La division générale n’a pas commis d’erreur en omettant de préciser que le prestataire avait fait 40 demandes d’emploi. Je suppose qu’elle était au courant de ce nombre, mais qu’elle n’y a pas accordé d’importance parce qu’elle ne considérait pas que la recherche d’un autre emploi constituait une autre solution raisonnable. Autrement dit, le nombre de demandes d’emploi présentées par le prestataire n’était pas pertinent pour la décision de la division générale.
[34] La division générale n’avait pas à tenir compte du fait que le prestataire avait déménagé pour travailler après avoir démissionné. Le critère juridique porte sur les circonstances qui existaient au moment où il a démissionné. Par conséquent, le fait qu’il ait accepté un emploi à 1 400 km de chez lui et sa situation financière n’étaient pas pertinents sur le plan juridique.
[35] La division générale n’était pas tenue d’accepter la position du prestataire concernant les violations réglementaires et la modification importante de ses fonctions. Elle devait examiner sa preuve ainsi que celle de la Commission et décider si ces circonstances existaient. C’est ce qu’elle a fait pour ces deux circonstances prévues à l’article 29(c) (paragraphes 29 à 37).
[36] La division générale n’avait pas à examiner le témoignage de l’appelant à propos du préjudice moral qu’il aurait subi parce qu’il n’avait pas soulevé cet argumentNote de bas de page 21. La division générale a pris en considération ses déclarations concernant le sentiment d’humiliation et le stress qu’il a éprouvés (paragraphe 38, 9e puce et paragraphe 41, 8e puce).
[37] La division générale n’était pas tenue d’accepter l’opinion subjective du prestataire selon laquelle les autres solutions étaient peu pratique, inexistantes ou ne lui convenaient pas. La division générale a souligné ce dernier point (paragraphe 44).
[38] Conformément à l’article 29(c), la division générale devait décider si le prestataire avait d’autres solutions objectivement raisonnables dans les circonstances. La division générale a examiné les éléments de preuve et les arguments du prestataire et de la Commission concernant les autres solutions (paragraphes 41 à 43). Ensuite, sans ignorer ni mal interpréter aucun élément de preuve pertinent, elle a conclu que le prestataire disposait d’autres solutions raisonnables parce que sa situation au travail n’était pas intolérable (paragraphes 45 à 50).
[39] Je comprends que la situation ait été insupportable pour le prestataire. Cependant, le critère juridique met l’accent sur les solutions raisonnables dans les circonstances, évaluées sur la base des preuves.
Erreur de droit
[40] Il est impossible de soutenir que la division générale a commis une erreur de droit lorsqu’elle a examiné et tranché la question de la justification.
[41] Le prestataire soutient que la division générale n’a pas suivi la jurisprudence contraignante. Mais il n’en a cité aucune. Et je ne vois pas en quoi la division générale a confondu les notions de justification et de bonne raison. Les motifs de la division générale me montrent qu’elle a bien compris que la loi distingue une justification d’une bonne raison, puis qu’elle a appliqué la loi (paragraphes 18 et 52).
[42] La division générale a énoncé le critère juridique qu’elle devait suivre pour trancher l’appel du prestataire (paragraphes 10 et 11 et 18 à 22). Elle a ensuite appliqué ce critère.
[43] Les motifs de la division générale sont plus qu’adéquatsNote de bas de page 22. Elle s’est penchée sur les bonnes questions. Elle a analysé les éléments de preuve et les arguments des parties qu’elle devait examiner. Et ses motifs sont logiques.
Résumé
[44] Le prestataire n’a pas démontré qu’il était possible de soutenir que la division générale a commis une erreur de droit ou une erreur de fait importante dans la partie de sa décision relative à la justification. Je n’ai pas non plus trouvé d’argument permettant de conclure que la division générale a commis l’une ou l’autre de ces erreurs.
Conclusion
[45] Le prestataire n’a pas démontré que la division générale avait commis une erreur susceptible de modifier l’issue de son appel et je n’ai trouvé aucune cause défendable.
[46] J’en déduis que son appel n’a aucune chance raisonnable de succès. Je ne peux donc pas lui donner la permission de faire appel de la décision de la division générale.