Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : FA c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2025 TSS 432

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Partie appelante : F. A.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Représentante ou représentant : Stephanie Tollefson

Décision portée en appel : Décision rendue par la division générale le 13 janvier 2025 (GE-24-3999)

Membre du Tribunal : Stephen Bergen
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 10 avril 2025
Personnes présentes à l’audience : Appelant
Représentante de l’intimée
Date de la décision : Le 25 avril 2025
Numéro de dossier : AD-25-72

Sur cette page

Décision

[1] Je rejette l’appel.

[2] La division générale a commis une erreur de fait importante. J’ai corrigé l’erreur et remplacé sa décision par la mienne.

[3] Je suis tout de même parvenu à la même conclusion que la division générale. Le prestataire a volontairement quitté son emploi sans justification. Par conséquent, il est exclu du bénéfice des prestations.

Aperçu

[4] F. A. est l’appelant dans la présente affaire. Je l’appellerai le « prestataire » parce que l’appel vise sa demande de prestations d’assurance-emploi. L’intimée est la Commission de l’assurance-emploi du Canada. Je l’appellerai simplement la Commission.

[5] En juillet 2024, le prestataire a quitté son emploi. Il était le gérant d’une succursale appartenant à une entreprise d’installation de toiture. Il avait tenté de négocier la modification de sa rémunération et de ses conditions d’emploi. Il pensait que l’employeuse ne s’occupait pas de ses préoccupations, alors il a proposé de démissionner. Le directeur de l’Ouest canadien a accepté la proposition comme si c’était sa démission.

[6] Quand le prestataire a demandé des prestations d’assurance-emploi, la Commission a refusé de les lui verser. Selon elle, il avait volontairement quitté son emploi sans justification.

[7] Le prestataire n’était pas d’accord. Il disait ne pas avoir quitté son emploi. Il a donc demandé à la Commission de réviser sa décision. Elle n’a pas voulu modifier sa décision.

[8] Par conséquent, le prestataire a fait appel à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale. Celle-ci a rejeté son appel. Il a ensuite porté la décision de la division générale en appel à la division d’appel.

[9] Je rejette l’appel du prestataire. Même si la division générale a commis une erreur de fait importante, j’ai corrigé son erreur et je suis tout de même arrivé à la même conclusion qu’elle. Le prestataire a volontairement quitté son emploi sans justification.

Questions en litige

[10] Voici les questions à trancher dans la présente affaire :

  1. a) La division générale a-t-elle commis une erreur de fait importante parce qu’elle a déformé le témoignage du prestataire?
  2. b) La division générale a-t-elle commis une erreur de fait importante parce qu’elle s’est appuyée sur le message texte du 9 juillet 2024?

Analyse

[11] La division d’appel peut se pencher uniquement sur les erreurs qui correspondent à l’un des moyens d’appel suivants :

  1. a) La procédure de la division générale était inéquitable d’une façon ou d’une autre.
  2. b) La division générale n’a pas tranché une question alors qu’elle aurait dû le faire ou bien elle a tranché une question sans avoir le pouvoir de le faire (erreur de compétence).
  3. c) La division générale a rendu une décision entachée d’une erreur de droit.
  4. d) La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importanteNote de bas de page 1.

Erreurs de fait

Erreur dans l’énoncé du témoignage du prestataire

[12] Selon le prestataire, la division générale a commis une erreur de fait quand elle a écrit qu’il avait répondu « non » lorsqu’on lui demandait s’il avait retiré ses « menaces de démission ». Il affirme que ce n’est pas ce qu’il a dit. Il ajoute qu’il a expliqué à la division générale qu’il avait téléphoné au président de l’entreprise pour préciser qu’il n’avait pas démissionné.

[13] La Commission reconnaît que la division générale a mal énoncé le témoignage du prestataire.

[14] Je suis d’accord. Je conclus que la division générale a déformé le témoignage du prestataire. C’était une erreur de fait importante parce que cette information était peut-être importante pour la décision.

[15] Le prestataire n’a pas dit qu’il n’avait pas retiré ses menaces de démission. Quand la division générale lui a demandé s’il avait parlé à son employeuse pour lui dire qu’il voulait juste négocier et non pas démissionner, il a répondu oui. Durant son témoignage, il a dit avoir téléphoné au président de l’entreprise après avoir reçu le message texte de son directeur (le 15 juillet), celui où l’employeuse accepte le préavis de deux semaines du prestataireNote de bas de page 2.

[16] Le prestataire a expliqué qu’il avait clarifié la situation en parlant au président. Ce dernier croyait que le prestataire avait annoncé sa démission. Le prestataire a précisé qu’il avait dit au président que ce n’était pas le cas, mais qu’il le ferait si l’employeuse continuait d’ignorer ses préoccupationsNote de bas de page 3.

[17] Il a fait une suggestion au président : l’employeuse pouvait lui donner un poste de chef de chantier, ce qui répondrait à ses besoins. Il a dit que le président était ouvert à l’idéeNote de bas de page 4. Le président a dit que l’employeuse le mettrait à pied si cela ne fonctionnait pasNote de bas de page 5. Le prestataire a ajouté qu’il avait échangé des messages textes avec son directeur pour discuter du salaire auquel il s’attendait comme chef de chantierNote de bas de page 6.

[18] Selon le témoignage du prestataire, il semble qu’il ait fait de véritables efforts pour confirmer qu’il n’avait pas eu l’intention d’annoncer sa démission. Il semble aussi que son employeuse ait accepté son explication. Dans les jours qui ont suivi, l’employeuse a négocié avec le prestataire pour modifier ses conditions d’emploi. Apparemment, l’employeuse a conclu à un moment donné qu’elle ne pouvait pas satisfaire le prestataire. Elle est donc revenue au point de départ : elle a considéré que le prestataire avait annoncé sa démission et elle a accepté le préavis du prestataire.

[19] Selon la Commission, l’erreur de fait de la division générale n’aurait rien pu changer à la décision. Je ne suis pas d’accord.

[20] La décision de la division générale, c’est-à-dire que le prestataire était exclu du bénéfice des prestations pour avoir volontairement quitté son emploi sans justification, s’appuyait sur la conclusion qu’elle avait tirée, soit qu’il avait démissionné. Son erreur de fait se rapportait à cette conclusion.

[21] Si la division générale avait vraiment compris le témoignage du prestataire et qu’elle l’avait jugé crédible et généralement fiable, le témoignage aurait pu avoir assez de poids aux yeux de la division générale pour la convaincre que le prestataire n’avait pas quitté son emploi de façon volontaire.

Mauvaise compréhension du message texte envoyé le 9 juillet

[22] Le prestataire soutient aussi que la division générale a commis une erreur de fait parce qu’elle s’est appuyée sur un élément de preuve en particulier : le message texte du 9 juilletNote de bas de page 7. C’est l’un des messages textes que l’employeuse a fournis à la Commission. Elle les décrivait comme des échanges entre le prestataire et son directeur.

[23] La personne qui a écrit le message texte n’est pas identifiée. Elle parle de demandes salariales, plus précisément d’une augmentation annuelle de 23 000 $, et elle menace de retourner travailler à son compte si ses exigences ne sont pas satisfaites. C’est une sorte d’ultimatum.

[24] Le prestataire dit qu’il n’a pas vu cet élément de preuve et que la division générale ne lui a posé aucune question à ce sujet. Il affirme que le message n’avait rien à voir avec lui, car quelqu’un d’autre l’a envoyé à son directeur.

[25] La Commission a répondu que le message texte se trouvait dans les documents présentés à la division généraleNote de bas de page 8. Elle a fait valoir que le prestataire avait eu toutes les chances de discuter des éléments de preuve qui, selon lui, comportaient une erreur, mais qu’il avait choisi d’accepter cet élément-là. Elle a aussi souligné que le prestataire a confirmé avoir reçu tous les documents d’appel et qu’il a dit qu’il savait que l’employeuse avait fourni des documents et qu’il les avait lus.

[26] La Commission ajoute que la membre de la division générale a lu le message texte du 9 juillet devant le prestataire et qu’il a confirmé l’avoir envoyéNote de bas de page 9.

[27] J’ai écouté l’enregistrement audio de l’audience de la division générale. J’ai constaté que la membre de la division générale a bel et bien lu le message texte du 9 juillet dans son intégralité au prestataire. Il a interrompu la membre juste après la lecture du premier ultimatum qui figurait dans le message. Il a dit : [traduction] « C’était avantNote de bas de page 10. » La membre lui a dit que le message texte a été envoyé le 9 juillet. Le prestataire lui a alors dit de continuer. Il est intervenu simplement par un [traduction] « oui ». Quand la membre lui a lu le message texte que l’employeuse avait envoyé en réponse au message texte du 9 juillet, le prestataire a semblé le reconnaître de la même façon. Le prestataire ne s’est jamais opposé au message texte et n’a pas dit qu’il ne provenait pas de lui ou qu’il n’en avait aucune connaissance.

[28] La division générale ne s’est pas trompée quand elle a tenu compte du message texte envoyé le 9 juillet et qu’elle l’a attribué au prestataire. L’employeuse a présenté le message texte comme étant une preuve de ses échanges avec le prestataire. Et lui n’a pas contesté cet élément de preuve avant d’arriver devant la division d’appel.

Équité

[29] Le prestataire n’a pas fait valoir explicitement que la division générale avait fait une erreur d’équité procédurale. Malgré cela, je vais vérifier rapidement s’il y a eu une telle erreur parce que les observations du prestataire laissent entendre que c’était injuste que la division générale ne l’ait pas interrogé au sujet du message texte du 9 juillet et qu’elle ne lui ait pas demandé s’il l’avait envoyé.

[30] La division générale n’a pas agi de façon inéquitable sur le plan procédural.

[31] Le prestataire a reconnu avoir reçu les éléments de preuve, y compris les documents provenant de l’employeuse, et avoir lu les documents divulgués. Par conséquent, il était au courant des éléments qu’il devait réfuter et il a eu assez de temps pour se préparer.

[32] De plus, il a eu l’occasion de présenter ses arguments à l’audience de la division générale. Le dossier montre clairement que l’employeuse lui attribue le message texte. Le prestataire devrait manifestement voir que, s’il ne conteste pas la preuve, la division générale peut l’accepter telle quelle.

[33] La division générale n’a pas l’obligation de présenter chaque élément de preuve au prestataire, puis de lui demander s’il est d’accord ou non avec chacun. Cela dit, dans la présente affaire, la division générale a tout de même souligné les messages textes. Elle les a lus à voix haute devant le prestataire et l’a averti que [traduction] « les mots ont de l’importance ». Le prestataire a eu toutes les chances de dire que ce n’était pas son message texte. Il ne l’a pas fait.

Résumé

[34] J’ai conclu que la division générale a commis une erreur de fait importante : elle a déformé le témoignage du prestataire en disant qu’il n’avait rien fait pour préciser qu’il n’avait pas démissionné ni l’intention de démissionner.

[35] En conséquence, je dois décider quoi faire pour corriger cette erreur.

Réparation

[36] Je peux rendre la décision que la division générale aurait dû rendre ou je peux lui renvoyer l’affaire pour réexamenNote de bas de page 11. Selon la Commission, j’ai tous les renseignements dont j’ai besoin pour rendre la décision. Elle soutient que je dois rejeter l’appel. Elle dit que, même si je corrige l’erreur de fait, la décision devrait être la même. Elle fait valoir que la division générale n’a commis aucune autre erreur.

[37] Le prestataire convient que je devrais rendre la décision. Il maintient que je devrais conclure qu’il n’a pas quitté son emploi. C’est son argument principal. Toutefois, il reconnaît que je pourrais tirer une autre conclusion. Si c’est ce que je fais, il me demande de conclure que quitter son emploi était la seule solution raisonnable dans son cas.

[38] Je suis d’accord avec les deux parties : j’ai tous les renseignements dont j’ai besoin pour rendre la décision. Je vais remplacer la décision de la division générale par ma propre décision.

Ma décision

Départ volontaire

[39] Je conclus que le prestataire a quitté son emploi de façon volontaire.

[40] Le critère du départ volontaire est simple : le prestataire avait-il le choix de partir ou de resterNote de bas de page 12?

[41] Le prestataire ne conteste pas le fait qu’il essayait de négocier une augmentation de salaire et peut-être d’obtenir d’autres concessions. Il a dit que l’employeuse devait lui donner ce qu’il voulait, sinon il partirait. La division générale a reconnu que c’était une tactique de négociation qui s’est retournée contre lui quand l’employeuse a accepté sa démission. La division générale a dit que c’est lui qui a amorcé la cessation d’emploi en lançant un ultimatum à l’employeuse. Celle-ci ne voulait pas accepter ses conditions, alors elle a compris et accepté qu’il démissionnait.

[42] Lorsque le prestataire a texté l’employeuse pour lui dire quel était le salaire minimum qu’il accepterait, « sinon je retourne travailler à mon compte », il lui donnait un ultimatum, qu’il veuille ou non appeler cela un ultimatum.

[43] Je suis d’accord avec la division générale : le prestataire a lancé l’ultimatum du 9 juillet comme tactique de négociation. Par contre, je ne pense pas qu’il employait une tactique le 10 juillet quand il a demandé à l’employeuse combien de temps d’avance elle voulait qu’il annonce son départ avant de lui écrire qu’il démissionnait le lendemain. J’accepte le témoignage du prestataire quand il dit que la réticence de l’employeuse à s’engager dans des négociations salariales l’avait frustré. J’admets qu’il a annoncé sa démission pour attirer l’attention de l’employeuse.

[44] En même temps, la preuve appuie la conclusion de la division générale, c’est-à-dire que l’employeuse a compris que le premier message texte était une menace de démission et que le message suivant constituait sa démission. Je reconnais que le deuxième message texte est un peu ambigu, car le prestataire ne dit pas que son message texte constitue sa démission. Il précise que le prestataire enverra son courriel de démission le lendemain matin.

[45] Le prestataire semble toutefois avoir pris l’engagement de démissionner. Il avait menacé de démissionner dans son message texte du 9 juillet, mais celui du 10 juillet n’est pas une simple menace. Il ne dit pas qu’il va envoyer un courriel de démission dans telle ou telle éventualité, ni qu’il l’enverra si l’employeuse ne lui donne pas une certaine réponse. Il lui demande combien de temps de préavis elle souhaite avoir et il déclare qu’il va lui envoyer sa démission. Je suis d’accord avec ce que la division générale a dit à l’audience : cela ressemble à une démission.

[46] Malgré cela, je n’aurais pas conclu qu’il avait démissionné si j’avais accepté son témoignage au sujet de ce qui s’est passé après qu’il s’est rendu compte que l’employeuse prenait sa démission au sérieux. Le prestataire a expliqué qu’il s’était adressé au président et il a laissé entendre que ce dernier avait compris que sa démission était un malentendu. Il a dit que le président était prêt à le garder au sein de l’entreprise et négociait activement pour répondre à ses demandes.

[47] Je refuse cependant d’accepter que son témoignage soit exact du début à la fin.

[48] La preuve produite par l’employeuse montre que le prestataire a donné un préavis de deux semainesNote de bas de page 13. L’employeuse a aussi dit qu’elle ne pouvait pas lui verser le salaire qu’il voulait, qu’il avait amorcé la cessation d’emploi dans ses messages textes et qu’elle avait accepté sa décision de retourner travailler à son compteNote de bas de page 14. Elle a affirmé ne pas avoir congédié le prestataire.

[49] Le prestataire a d’abord dit à la Commission qu’il avait été congédié. Il a expliqué qu’il avait dit à son directeur qu’il allait peut-être devoir annoncer sa démission si l’espace de travail qu’il voulait avoir ne lui était pas fourniNote de bas de page 15. Par la suite, il a précisé qu’il n’avait pas démissionné, mais que son employeuse [traduction] « continuait de lui recommander » de chercher un autre emploi quand il lui demandait de répondre à ses besoins. Il a dit : [traduction] « Un jour, sans préavis, ils ont mis fin à mon emploiNote de bas de page 16. »

[50] Après avoir demandé à la Commission de réviser sa décision sur le refus de lui verser des prestations, le prestataire a déclaré qu’il avait discuté de vive voix et par messages textes avec son employeuse pour lui dire qu’il voulait une augmentation de salaire, mais que ses demandes ont été ignorées. À ce moment-là, il était d’accord pour dire qu’il n’avait pas été [traduction] « congédié », mais il a répété que son employeuse lui avait suggéré de démissionner s’il n’était pas satisfaitNote de bas de page 17.

[51] Parmi les diverses déclarations faites à la Commission, tant celles de l’employeuse que celles du prestataire, aucune n’indique que l’employeuse ou son président ont discuté avec le prestataire du fait qu’il n’avait pas l’intention de démissionner. Rien n’indique que l’employeuse a admis, à quelque moment que ce soit, que le prestataire n’avait pas vraiment démissionné. L’employeuse n’a produit aucune preuve montrant qu’elle avait dit qu’il pouvait continuer de travailler pour elle comme employé. Le prestataire n’a jamais dit non plus à la Commission que l’une ou l’autre de ces choses s’était produite.

[52] Quand la Commission a reçu les messages textes que lui a fournis l’employeuse, elle les a passés en revue avec le prestataire. Elle lui a demandé ce qu’il en pensait. Tout ce qu’il a dit en guise de réponse, c’est qu’il n’avait pas démissionné. Mais si le président avait reconnu que le prestataire n’avait pas vraiment démissionné et si l’employeuse avait agi comme si elle s’attendait à ce que le prestataire continue de travailler pour elle, je pense que cela aurait été des informations importantes qui auraient permis de mieux comprendre les messages textes. Ces informations auraient aussi été très pertinentes compte tenu de la décision de la Commission sur le départ volontaire du prestataire. Celui-ci n’a rien mentionné de tout cela avant son audience devant la division générale.

[53] Après avoir dit qu’il retournerait travailler à son compte à moins que l’employeuse lui donne ce qu’il demandait, le prestataire a envoyé un message texte. C’était le 10 juillet. Il demandait à l’employeuse combien de temps d’avance elle voulait qu’il annonce son départ et il l’a informée qu’il enverrait un courriel de démission le lendemain matin.

[54] Je juge que le message envoyé par le prestataire le 10 juillet, qui était un suivi de l’ultimatum lancé le 9 juillet, constituait sa démission. J’admets qu’il aurait pu continuer à travailler même si ses exigences salariales n’étaient pas remplies, mais il a fait le choix conscient de s’engager à démissionner. Il a quitté son emploi de façon volontaire.

[55] L’employeuse a accepté sa démission le 15 juillet 2024 au plus tard, quand son directeur a écrit : « J’accepte ton préavis de deux semaines. » Je rejette l’idée que le prestataire a retiré sa démission avant le 15 juillet 2024.

[56] J’accorde peu d’importance au témoignage du prestataire concernant ses conversations avec le président ou le directeur après l’acceptation de sa démission par ce dernier. Pour les raisons que j’ai mentionnées plus tôt, il est peu probable que le prestataire ait oublié de parler de tout cela avant de faire appel à la division générale.

[57] Il est possible qu’après avoir accepté la démission du prestataire, l’employeuse ait envisagé de le réembaucher et de le payer à un taux horaire comme chef de chantier. Mais je crois qu’il est très peu probable qu’elle ait changé d’avis au sujet de la démission par message texte ou qu’elle ait décidé de ne plus accepter la démission du prestataire. Le prestataire semblait surpris quand l’employeuse a accepté sa démission, mais c’est tout de même ce qu’elle a fait.

[58] Même si le prestataire avait retiré sa démission sans poser de conditions, l’employeuse n’était pas obligée de le réembaucher. Elle avait déjà accepté sa démission. Je crois comprendre qu’il a eu des doutes après avoir envoyé le message texte du 10 juillet. Il a peut-être essayé de se rétracter ou d’expliquer que ce n’était pas ce qu’il voulait dire. Il n’en demeure pas moins qu’il a bel et bien envoyé le message texte, que ce message informait l’employeuse qu’il démissionnait et que l’employeuse a accepté le message comme étant sa démission.

[59] Je ne suis pas obligé de suivre les décisions du juge-arbitre, mais je peux les trouver convaincantesNote de bas de page 18. Dans certaines décisions, le juge-arbitre a conclu que les prestataires avaient démissionné après la remise et l’acceptation de leur démissionNote de bas de page 19. Dans d’autres décisions, le juge-arbitre a conclu qu’il y avait eu démission même si, après son acceptation, les prestataires avaient tenté de la retirerNote de bas de page 20. Il y a même une décision où l’on a considéré la démission comme ayant pris effet même si l’employeur ne l’avait pas explicitement acceptée ni refuséeNote de bas de page 21.

[60] J’admets que le prestataire ne peut pas « retirer » sa démission une fois que l’employeuse l’a acceptée.

[61] La Commission a établi qu’il est plus probable qu’improbable (il y a plus de chances) que le prestataire a quitté son emploi de façon volontaire.

Départ justifié

[62] La division générale a conclu que le prestataire n’était pas fondé à quitter son emploi. Selon la Commission, la division générale n’a commis aucune erreur quand elle a vérifié si le départ était fondé.

[63] Je conviens que, quand la division générale a conclu que le prestataire n’était « pas fondé » à quitter son emploi, elle n’a pas fait d’erreur.

[64] Elle n’a pas fait d’erreur de droit. Elle a examiné la situation du prestataire, puis elle a regardé si quitter son emploi était la seule solution raisonnable dans son cas. C’est ce que la loi exige. Elle a conclu que le prestataire n’était pas fondé à quitter son emploi parce que ce n’était pas la seule solution raisonnable qui s’offrait à luiNote de bas de page 22.

[65] Elle n’a pas commis d’erreur de fait. Le prestataire a fait valoir qu’il était fondé à quitter son emploi parce qu’il craignait que les façons de faire de son employeuse ne soient pas sécuritaires et parce qu’elle n’avait pas tenu compte de ses préoccupations. Il a fait valoir qu’en fin de compte, il pouvait être tenu responsable de ces manquements aux règles de sécurité. Mais le prestataire n’a relevé aucun élément de preuve que la division générale aurait ignoré ou mal compris en ce qui concerne sa situation ou les solutions raisonnables qui lui auraient permis de rester en poste.

[66] Je remarque que la division générale a tenu compte des préoccupations du prestataire en ce qui concerne la sécurité. Elle a conclu que le signalement de ses préoccupations à ce sujet n’était pas une solution raisonnable, car elle a admis que le prestataire se serait alors dénoncé lui-même. Elle a toutefois conclu que les craintes du prestataire en matière de sécurité portaient sur une « situation ponctuelle » et que l’employeuse avait réglé la situation comme il se doit. Elle a rejeté l’idée que ses préoccupations au sujet de la sécurité constituaient un motif raisonnable de quitter son emploi.

[67] La division générale a aussi vérifié si ses fonctions avaient subi une modification importante. Elle a conclu qu’il n’y avait pas eu de modification importante ou permanente.

[68] L’une des solutions raisonnables relevées par la division générale était que le prestataire aurait pu trouver un nouvel emploi avant de démissionner. Comme les craintes du prestataire en ce qui concerne la sécurité visaient un problème ponctuel que l’employeuse a réglé, le fait de continuer à travailler pendant qu’il cherchait un autre emploi n’était donc pas déraisonnable.

[69] Le principal problème du prestataire, et la principale raison pour laquelle il a offert de démissionner, était qu’il était insatisfait de son salaire. Dans l’affaire Canada (Procureur général) c Tremblay, la Cour d’appel fédérale a confirmé que quitter son emploi parce que le salaire est insuffisant ne veut pas dire qu’on est fondé à quitter son emploiNote de bas de page 23. La division générale n’avait pas besoin de tenir compte de l’insatisfaction du prestataire quant à son salaire.

[70] Enfin, durant son témoignage, le prestataire a dit qu’il n’avait pas l’intention de démissionner et qu’il avait tenté de négocier des conditions d’emploi qui lui aurait permis de conserver son emploi ou de retourner au travail. Un tel élément de preuve ne concorde pas avec ce qu’il avance, soit que quitter son emploi était la seule solution raisonnable dans son cas.

[71] Comme la division générale n’a fait aucune erreur, je reprends ses motifs et conclus que le prestataire n’a pas démontré selon la prépondérance des probabilités que quitter son emploi n’était pas [sic] la seule solution raisonnable dans son cas. Ainsi, il a démissionné sans justification.

Conclusion

[72] Je rejette l’appel. J’ai conclu que la division générale avait commis une erreur de fait importante. J’ai corrigé l’erreur, mais je dois tout de même conclure que le prestataire a volontairement quitté son emploi sans justification. Voilà pourquoi il est exclu du bénéfice des prestations.

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