Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : AB c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2025 TSS 413

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de
permission de faire appel

Partie demanderesse : A. B.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 18 mars 2025
(GE-25-385)

Membre du Tribunal : Elizabeth Usprich
Date de la décision : Le 24 avril 2025
Numéro de dossier : AD-25-244

Sur cette page

Décision

[1] La permission de faire appel est refusée. L’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] A. B. est le demandeur dans la présente affaire. Il a demandé des prestations d’assurance-emploi le 13 novembre 2024. Son dernier emploi au Canada a pris fin le 27 décembre 2023. Le demandeur a donc attendu plus de 10 mois avant de demander des prestations d’assurance-emploi.

[3] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a d’abord rejeté sa demande parce qu’il n’avait pas accumulé assez d’heures au cours de sa période de référenceNote de bas de page 1. Le demandeur a demandé à la Commission de réviser sa décision et de voir s’il serait admissible à une date antérieure. C’est ce qu’on appelle « antidater » une demande.

[4] La Commission a décidé que le demandeur aurait eu assez d’heures pour être admissible à une date antérieure. Cependant, la Commission a affirmé que le demandeur n’avait pas de motif valable justifiant son retard à présenter sa demande de prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 2. Le demandeur a porté cette décision en appel à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale. La division générale a également décidé que le demandeur n’avait pas démontré l’existence d’un motif valable pour toute la période de son retard.

[5] Le demandeur a demandé la permission de faire appel à la division d’appel. Je rejette la demande de permission de faire appel parce qu’il n’y a aucune chance raisonnable de succès.

Questions préliminaires

[6] Le demandeur a présenté sa demande à la division d’appel le 2 avril 2025. Le 10 avril 2025, il a envoyé des renseignements supplémentaires. Ces deux éléments ont été pris en considération.

Questions en litige

[7] Voici les questions à trancher dans la présente affaire :

  1. a) Est-il possible de soutenir que la division générale n’a pas offert au demandeur une procédure équitable?
  2. b) Est-il possible de soutenir que la division générale a commis une erreur révisable?

Je n’accorde pas au demandeur la permission de faire appel

[8] Un appel peut seulement aller de l’avant si la division d’appel donne à une partie demanderesse la permission de faire appelNote de bas de page 3. Je dois être convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succèsNote de bas de page 4. Il doit y avoir un motif défendable qui pourrait donner à l’appel une chance d’être accueilliNote de bas de page 5.

[9] La division d’appel peut seulement examiner certains moyens d’appelNote de bas de page 6. En bref, le demandeur doit démontrer que la division générale a fait l’une des choses suivantes :

  • Elle a agi injustement d’une façon ou d’une autre.
  • Elle a décidé d’une question qu’elle n’aurait pas dû trancher, ou n’a pas décidé d’une question qu’elle aurait dû trancher. (C’est aussi ce qu’on appelle une erreur de compétence.)
  • Elle a commis une erreur de droit.
  • Elle a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.

[10] Par conséquent, pour que l’appel du demandeur aille de l’avant, je dois conclure qu’il y a une chance raisonnable de succès pour l’un ou l’autre de ces motifs. Le demandeur affirme que la division générale a commis plusieurs erreurs d’équité procédurale. De plus, il affirme que sa demande devrait être prise en considération pour des motifs de compassion.

La procédure de la division générale était équitable

[11] Un processus équitable est aussi appelé « justice naturelle ». Parmi les principes de justice naturelle, il y a celui de s’assurer que les parties ont une occasion équitable de présenter leurs arguments et de faire en sorte que la décision soit rendue par un décideur impartial. Je peux seulement examiner une erreur que la division générale a commise ou qu’elle n’a pas commise.

La division générale peut poser des questions à la Commission au sujet des questions soulevées pendant l’audience

[12] Le demandeur soutient que la division générale a été inéquitable sur le plan procédural parce qu’elle a demandé à la Commission de clarifier certaines questionsNote de bas de page 7. Premièrement, comme la division générale l’a déclaré à l’audienceNote de bas de page 8, et dans sa décisionNote de bas de page 9, elle essayait simplement d’expliquer le processus au demandeur. Autrement dit, elle a reconnu qu’elle n’avait pas la compétence nécessaire pour trancher ces questions. Deuxièmement, les renseignements supplémentaires n’auraient eu aucune incidence sur l’issue de l’affaire. La seule question dont la division générale était saisie était d’établir si la demande de prestations d’assurance-emploi pouvait être antidatée.

[13] Aucune partie n’est tenue d’assister à une audience. Le Tribunal ne peut pas contrôler quelles parties assistent à une audience, et il ne le fait pas. Dans la présente affaire, la Commission a choisi de participer au processus en présentant des observations écrites.

[14] Le demandeur dit qu’il estime que le membre de l’audience agissait pour la Commission. Les allégations de partialité sont très graves. Les membres sont présumés impartiaux. Le critère de la partialité est de savoir si une personne raisonnablement bien informée penserait, dans les circonstances, que le membre ne trancherait pas l’affaire équitablementNote de bas de page 10. Il ne suffit pas de démontrer un soupçon de partialité. Il doit y avoir une preuve réelle de partialité. Cela signifie que le critère juridique permettant de démontrer qu’une personne qui rend une décision est partiale est rigoureuxNote de bas de page 11. J’ai écouté l’enregistrement. La membre de l’audience posait les questions appropriées pour essayer de comprendre la position du demandeur. Il est impossible de soutenir que la membre de l’audience a fait preuve de partialité.

[15] La justice naturelle s’applique à toutes les parties. Si quelque chose de nouveau est soulevé lors d’une audience, la division générale peut quand même demander des observations à ce sujetNote de bas de page 12. Encore une fois, la division générale n’avait pas à poser ces questions pour trancher l’appel. Elle demandait des précisions à la Commission pour que le demandeur puisse en obtenir. Il est impossible de soutenir qu’il y a eu une erreur à cet égard.

[16] Le demandeur soutient que la division générale a commis une autre erreur de procédure. Il dit que la division générale a supposé qu’il soutenait que les raisons pour lesquelles il avait quitté son emploi avaient été acceptées par la Commission. Encore une fois, cela n’a aucune importance. La division générale n’a rendu aucune décision à ce sujet, à juste titre. Pourtant, il est important de souligner que c’est exactement ce que le demandeur a dit à la division générale. Il a dit : [traduction] « Cela signifie que les raisons pour lesquelles j’ai quitté mon emploi avaient déjà été acceptées comme valablesNote de bas de page 13. » Le demandeur a également déposé un courriel après l’audience dans lequel on peut lire ceci : [traduction] « Les raisons pour lesquelles j’ai quitté mon emploi ont déjà été établiesNote de bas de page 14. »

[17] Il est facile de voir pourquoi la division générale pensait que le demandeur n’avait peut-être pas bien compris ce que la Commission avait décidé. Cependant, il est impossible de soutenir qu’il s’agit d’une erreur de procédure.

Évaluation incomplète du dossier par la Commission

[18] Le demandeur affirme que la Commission n’a pas évalué sa demande de façon exhaustiveNote de bas de page 15. Il ne s’agit pas d’une erreur de la division générale. Par conséquent, la division d’appel ne peut pas la réviser. Rien dans la Loi sur l’assurance-emploi n’oblige la Commission à évaluer soigneusement la demande de prestations d’assurance-emploi d’une partie prestataire et à trouver toutes les raisons de la rejeter. En fait, la pratique habituelle est qu’une fois qu’une erreur est constatée, la Commission cesse généralement d’évaluer la demande à ce moment-là. Il est impossible de soutenir que la division générale a commis une erreur à ce sujet.

[19] Le demandeur ne semble pas comprendre que la raison pour laquelle il a quitté son emploi n’a pas encore été examinée. Il a de nouveau demandé que la raison de son départ soit prise en considérationNote de bas de page 16. Le choix de démissionner n’a pas été pris en considération, car il n’est pas pertinent pour le moment. La seule chose que la division générale examinait était la question de savoir si la demande de prestations pouvait être antidatée.

Le fait que le type d’audience a été mal énuméré n’est pas une erreur d’équité procédurale ou un autre type d’erreur

[20] Le demandeur soutient que le fait que la décision dit à tort que l’audience a eu lieu sous forme de vidéoconférence est une erreur. Cela n’a aucune importance. Le demandeur affirme qu’il a été informé qu’il y avait des difficultés techniques et qu’il a accepté de procéder par téléconférenceNote de bas de page 17.

[21] Le demandeur affirme que c’était injuste sur le plan procédural. Il affirme qu’il s’est senti obligé de procéder en raison de l’urgence de son dossier. Il reconnaît qu’on lui a offert la possibilité d’ajourner l’audienceNote de bas de page 18.

[22] Le demandeur a présenté une demande à la division générale le 6 février 2025. L’audience a eu lieu à peine 19 jours après la date à laquelle il a fait sa demande à la division générale. S’il y avait urgence, elle a été créée parce qu’il a attendu si longtemps avant de demander des prestations d’assurance-emploi. Cela ne signifie pas que la procédure de la division générale était inéquitable.

[23] Deuxièmement, le demandeur n’avait pas à procéder par téléconférence. Il a fait le choix de le faire. La division générale a confirmé que c’était le choix du demandeur au début de l’audienceNote de bas de page 19. S’il avait changé d’avis durant l’audience, il aurait aussi pu dire quelque chose. Il est impossible de soutenir que la division générale a commis une erreur révisable à cet égard.

La division générale n’a commis aucune autre erreur révisable

[24] Comme le demandeur se représente lui-même, j’ai examiné le dossier, écouté l’enregistrement de l’audience et examiné la décision que le demandeur porte en appel. Je n’ai trouvé aucune erreur révisable que la division générale aurait commiseNote de bas de page 20.

La division générale a appliqué le droit établi aux faits de l’affaire

[25] La division générale a correctement énoncé le critère juridiqueNote de bas de page 21. Le demandeur devait démontrer qu’il avait un motif valable justifiant le retard de sa demande de prestations d’assurance-emploi. Pour ce faire, le demandeur devait démontrer qu’il a agi comme une personne raisonnable et prudente l’aurait fait dans des circonstances semblables. Il devait aussi démontrer qu’il s’est informé assez rapidement de ses droits et de ses obligations au titre de la loi. S’il ne l’a pas fait, il doit démontrer que des circonstances exceptionnelles l’ont empêché de le faire.

[26] Le demandeur estime que sa santé physique et mentale et que leur incidence sur sa capacité à prendre des décisions n’ont pas été prises en compte adéquatement. Pourtant, la division générale a mentionné ces mêmes questions à plusieurs reprises dans sa décisionNote de bas de page 22. La division générale a reconnu les questions en litige et les a examinées dans la décision.

[27] La division générale a ensuite dû appliquer le critère juridique. Elle a examiné en profondeur tous les témoignages du demandeur ainsi que toutes les observations écrites. Le critère juridique était correct, et le demandeur n’a pas dit que la division générale avait mal compris des faits importants.

[28] Une erreur de fait importante survient lorsque la division générale rend sa décision en se fondant sur une conclusion de fait erronée (incorrecte) qui a été « tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissanceNote de bas de page 23 ». Cela signifie que la division générale doit avoir ignoré, mal compris ou négligé la preuve d’une façon ou d’une autre.

[29] La division générale n’a pas à mentionner chaque élément de preuveNote de bas de page 24. Si elle a tiré une conclusion qui va « délibérément à l’encontre de la preuve » ou si des éléments de preuve essentiels ont été ignorés, je pourrais alors intervenirNote de bas de page 25.

[30] La division générale a examiné les arguments du demandeur. On ne peut donc pas dire qu’elle a négligé, mal compris ou ignoré les arguments du demandeur. Il semble que le demandeur tente de plaider de nouveau sa cause à la division d’appel, dans l’espoir d’obtenir un résultat différent. Ce n’est pas le rôle de la division d’appel de soupeser à nouveau la preuve dont disposait la division générale. Il est impossible de soutenir que la division générale a commis une erreur de fait importante.

Le Tribunal n’a pas le pouvoir d’accorder des prestations d’assurance-emploi pour des motifs de compassion

[31] Le demandeur demande que son dossier soit réexaminé pour des motifs de compassionNote de bas de page 26. Malheureusement, il n’y a aucun mécanisme dans la loi qui permet au Tribunal de le faire. Le Tribunal a une tâche très précise. Il doit décider si une personne a droit à des prestations au titre de la Loi sur l’assurance-emploi. Le Tribunal n’a pas le pouvoir de réécrire la loi ou d’élargir les règlements prescrits.

[32] Le demandeur demande également une décision pour des motifs de compassion qui tient compte des difficultés excessives auxquelles il a été confronté tout au long du processus. Encore une fois, la loi ne me permet pas de le faire. Comme la division générale l’a souligné, la Cour suprême du Canada explique que la loi doit être appliquée telle qu’elle est écrite, même si cela semble injusteNote de bas de page 27.

[33] Il est de jurisprudence constante qu’une partie prestataire doit prendre des [traduction] « mesures raisonnablement rapides » pour vérifier si elle a droit à des prestations et que l’ignorance de la loi n’est pas une excuse. La Cour d’appel fédérale a statué que « cette obligation implique un devoir de prudence sévère et strictNote de bas de page 28 ». La Cour d’appel fédérale a également déclaré : « C’est la raison pour laquelle l’exception relative au “motif valable justifiant le retardˮ est appliquée parcimonieusementNote de bas de page 29. »

[34] Dans la décision Smith, la Cour d’appel fédérale dit : M. Smith n’a jamais tenté, au cours de la période de six mois, de formuler une demande, et il ne semble exister aucune circonstance l’ayant empêché de le faire ou lui rendant la tâche extrêmement difficile dès le début plutôt que par la suite. Certes, l’intimé a consciemment choisi de chercher un nouvel emploi, plutôt que s’en remettre au régime d’assurance-chômage, ce qu’il avait parfaitement le droit de faireNote de bas de page 30 ». Il est écrit plus loin que « de tels motifs, aussi purs soient-ils, ne permettent pas, dans l’état actuel du droit, d’antidater sa demande du fait qu’il avait un “motif justifiantˮ son retardNote de bas de page 31 » (soulignement ajouté).

[35] Le demandeur affirme également qu’il faut tenir compte de la dimension humaine de l’assurance-emploi et de l’incidence des problèmes liés à la guerre commerciale dans son secteur d’emploi. Ces arguments n’ont jamais été soulevés devant la division générale. Je ne peux donc pas conclure que la division générale a commis une erreur alors que cela n’a jamais été soulevé. Cependant, même si les arguments avaient été soulevés, il n’y a aucun aspect de la loi établie sur l’antidatation qui permet ces considérations.

[36] La division générale a fait ce qu’elle était censée faire. Elle a appliqué le droit établi aux faits de l’affaire. Elle a examiné en détail tout ce que le demandeur avait soulevé. Elle a soupesé la preuve. Les motifs de la décision de la division générale sont détaillés et complets.

[37] La position du demandeur ne semble pas avoir changé. Le rôle de la division d’appel n’est pas de soupeser à nouveau la preuve dans l’espoir d’arriver à un résultat différent. La division d’appel examine si la division générale a commis une erreur révisableNote de bas de page 32. Je n’ai pas le pouvoir d’intervenir sur la façon dont la division générale a soupesé la preuve.

[38] Le demandeur demande de nouveau à la division d’appel de tenir compte de sa situation personnelle difficile. Cependant, le mandat de la division d’appel est limité. Elle doit conclure qu’il y a eu une erreur dans le processus ou la décision de la division générale. Dans la présente affaire, je n’ai pas conclu qu’il était possible de soutenir que la division générale avait commis une erreur révisable.

Conclusion

[39] La permission de faire appel est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

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