[TRADUCTION]
Citation : CM c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2025 TSS 525
Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi
Décision
Partie appelante : | C. M. |
Partie intimée : | Commission de l’assurance-emploi du Canada |
Décision portée en appel : | Décision de révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (712106) datée du 19 février 2025 (communiquée par Service Canada) |
Membre du Tribunal : | Audrey Mitchell |
Mode d’audience : | Téléconférence |
Date de l’audience : | Le 2 avril 2025 |
Personne présente à l’audience : | Appelante |
Date de la décision : | Le 8 avril 2025 |
Numéro de dossier : | GE-25-893 |
Sur cette page
Décision
[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec l’appelante.
[2] L’appelante n’a pas démontré qu’elle avait un motif valable justifiant le retard de sa demande de prestations. Un motif valable est une raison acceptable selon la loi pour expliquer le retard. Par conséquent, sa demande initiale ne peut être traitée comme si elle avait été présentée plus tôt Note de bas de page 1.
Aperçu
[3] L’appelante a demandé des prestations d’assurance-emploi le 22 avril 2024. Elle demande maintenant que sa demande soit traitée comme si elle l’avait présentée plus tôt, soit le 30 avril 2023. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a déjà rejeté cette demande.
[4] Je dois décider si l’appelante a prouvé qu’elle avait un motif valable de ne pas demander des prestations plus tôt.
[5] La Commission affirme que l’appelante n’avait pas de motif valable, car, même si elle a eu un accident de voiture qui, selon elle, a affecté ses capacités cognitives, elle est retournée au travail après l’accident et a suivi des cours universitaires de juin à août 2023. Autrement dit, elle n’a pas agi comme une personne raisonnable l’aurait fait dans la même situation pour s’informer sur ses droits et ses obligations aux termes de la loi.
[6] L’appelante n’est pas d’accord. Elle soutient qu’elle a eu un accident de voiture et que son rétablissement a pris plusieurs mois. De plus, son rétablissement a été retardé en raison d’une situation qui perdurait au travail. Elle dit avoir fourni tous les renseignements nécessaires pour recevoir des prestations d’assurance-emploi.
Question en litige
[7] La demande de prestations de l’appelante peut-elle être traitée comme si elle avait été présentée le 30 avril 2023? C’est ce qu’on appelle « antidater » la demande.
Analyse
[8] Pour que sa demande initiale de prestations soit antidatée, une personne doit prouver les deux choses suivantes Note de bas de page 2 :
- a) qu’elle avait un motif valable justifiant son retard durant toute la période écoulée. Autrement dit, qu’elle avait une explication acceptable selon la loi;
- b) qu’à la date antérieure (c’est-à-dire la date à laquelle elle veut que sa demande initiale soit antidatée), elle remplissait les conditions requises pour recevoir des prestations.
[9] Les arguments principaux dans cette affaire servent à décider si l’appelante avait un motif valable. C’est donc par cela que je commencerai.
[10] Pour démontrer qu’elle avait un motif valable, l’appelante doit prouver qu’elle a agi comme une personne raisonnable et prudente l’aurait fait dans des circonstances semblablesNote de bas de page 3. Autrement dit, elle doit démontrer qu’elle a agi comme une personne raisonnable et réfléchie aurait agi dans une situation semblable.
[11] L’appelante doit le prouver pour toute la période du retard Note de bas de page 4. Cette période s’étend du jour où elle veut que sa demande soit antidatée au jour où elle a présenté sa demande. Par conséquent, la période de retard de l’appelante est du 30 avril 2023 au 22 avril 2024.
[12] L’appelante doit aussi démontrer qu’elle a vérifié assez rapidement si elle avait droit à des prestations et quelles obligations la loi lui imposait Note de bas de page 5. Cela signifie que l’appelante doit démontrer qu’elle a fait de son mieux pour essayer de s’informer sur ses droits et ses responsabilités dès que possible. Si l’appelante ne l’a pas fait, elle doit alors démontrer les circonstances exceptionnelles qui l’en ont empêchée Note de bas de page 6.
[13] L’appelante doit le démontrer selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit prouver qu’il est plus probable qu’improbable qu’elle avait un motif valable justifiant son retard.
[14] L’appelante affirme qu’elle avait un motif valable justifiant son retard parce qu’elle a fourni à la Commission tous les renseignements nécessaires pour prouver qu’elle a eu un accident de voiture et des problèmes médicaux, et qu’elle a consulté un médecin. Elle ajoute que le médecin lui a dit que son rétablissement prendrait plusieurs mois, surtout en raison de la situation au travail.
[15] La Commission affirme que l’appelante n’a pas démontré qu’elle avait un motif valable justifiant son retard parce qu’elle n’a pas agi comme une personne raisonnable l’aurait fait dans la même situation pour s’informer sur ses droits et ses obligations aux termes de la loi.
[16] J’estime que l’appelante n’a pas prouvé qu’elle avait un motif valable justifiant son retard à demander des prestations parce qu’elle ne s’est pas informée rapidement sur ce qu’elle devait faire pour recevoir des prestations.
[17] L’appelante a eu un accident de voiture le 13 mars 2023. Elle a déclaré avoir perdu le contrôle de sa voiture sur l’autoroute. En conséquence, elle a souffert d’une commotion cérébrale et d’autres blessures. Bien que l’appelante soit retournée au travail peu de temps après l’accident, elle a quitté son emploi le 28 avril 2023.
[18] L’appelante a demandé des prestations régulières d’assurance-emploi le 22 avril 2024. Cependant, dans sa demande d’antidatation, elle a indiqué qu’elle voulait recevoir des prestations de maladie.
[19] La Commission a demandé à l’appelante pourquoi elle avait tardé à demander des prestations. Ses notes indiquent que l’appelante a dit qu’elle espérait obtenir un autre emploi et qu’elle ne savait pas qu’elle pouvait demander des prestations. J’ai interrogé l’appelante à ce sujet. Elle a répondu qu’elle n’avait pas dit cela. Elle a répété qu’elle avait tardé à demander des prestations parce qu’elle avait une commotion cérébrale et qu’elle ne savait pas si elle pourrait retourner au travail.
[20] L’appelante a témoigné au sujet de l’accident de voiture. Elle a dit que son ex-époux était venu la chercher à Gatineau (Québec) et l’avait emmenée à Ottawa (Ontario) où il estimait qu’elle recevrait de meilleurs soins et qu’on répondrait à ses besoins en anglais. L’appelante a dit que le médecin lui avait dit qu’elle aurait besoin de six mois pour se remettre de l’accident. Elle a obtenu une ordonnance pour un an de physiothérapie pour des douleurs au cou et une blessure aux tissus mous.
[21] L’appelante a dit qu’elle n’avait pas suivi les traitements de physiothérapie qui lui avaient été prescrits. En effet, elle ne pouvait pas utiliser l’ordonnance au Québec puisqu’elle avait été émise en Ontario. Elle a ajouté qu’elle ne pouvait pas continuer à suivre un traitement chiropratique en raison du coût. Elle a envoyé au Tribunal un reçu confirmant le traitement chiropratique qu’elle a reçu.
[22] J’ai demandé à l’appelante quand elle s’était remise de son accident. Elle a répondu qu’elle n’avait pas suivi les séances de physiothérapie qu’elle aurait dû suivre. Elle a ajouté que le stress mental continu qu’elle subissait en raison de son retour au travail et du trajet de deux heures à l’aller et au retour qu’elle devait effectuer pour s’y rendre, en plus l’environnement toxique sur place, ont retardé son rétablissement. L’appelante a déclaré qu’elle s’était pratiquement rétablie.
[23] L’appelante a déclaré à la Commission qu’elle a suivi certains cours universitaires de juin à août 2023. Elle a déclaré qu’il s’agissait de cours de base dont elle avait besoin pour obtenir son diplôme. Elle a ajouté que son ex-époux l’a aidée à suivre ses cours en s’asseyant avec elle et en écoutant les cours avec elle pour s’assurer qu’elle les entendait bien, et en révisant son travail pour s’assurer qu’il était cohérent.
[24] L’appelante a expliqué qu’elle avait seulement besoin de quelques cours pour obtenir son diplôme et qu’elle ne pouvait pas tarder à les suivre. Elle a ajouté qu’elle n’avait pas obtenu de très bons résultats dans tous ses cours, mais qu’elle avait suffisamment bien réussi pour obtenir son diplôme.
[25] J’accepte le fait que l’appelante a eu un accident de voiture dont elle a mis plusieurs mois à se remettre complètement. J’accepte également le fait que son retour au travail dans un environnement toxique, que le long trajet qu’elle devait faire pour se rendre au travail et le fait qu’elle n’ait pas suivi ses traitements de physiothérapie et de chiropractie ont retardé sa convalescence.
[26] Malgré ce qui précède, je juge que l’appelante ne s’est pas informée rapidement sur ce qu’elle devait faire pour recevoir des prestations. Et je ne considère pas qu’il y ait des circonstances exceptionnelles, à savoir les séquelles de son accident de voiture, qui l’en ont empêchée.
[27] L’appelante a mentionné les répercussions de l’accident sur ses capacités cognitives. Cependant, elle a pu terminer ses cours universitaires, avec de l’aide. Elle a dit qu’elle ne pouvait pas obtenir une prolongation pour terminer ses cours.
[28] J’estime que, de la même façon que l’appelante l’a fait pour les cours universitaires, elle aurait pu demander de l’aide, si elle en avait besoin, pour demander des prestations. Elle aurait pu communiquer avec Service Canada pour obtenir cette aide ou demander à son ex-époux de l’aider. J’estime que c’est ce qu’une personne raisonnable et réfléchie aurait agi dans une situation semblable.
[29] Je reconnais que l’appelante a dit qu’elle n’avait suivi que des cours de base. Cependant, je ne crois pas qu’il soit plus difficile de remplir une demande de prestations que de suivre un cours universitaire qui peut impliquer d’écouter et d’absorber le contenu du cours, de rédiger des travaux ou de passer des examens. Toutefois, comme je l’ai mentionné plus haut, l’appelante aurait pu communiquer avec Service Canada si elle avait de la difficulté à remplir certaines parties de sa demande de prestations dans les circonstances.
[30] De plus, l’appelante a envoyé au Tribunal un échange de courriels qu’elle a eu avec sa compagnie d’assurance et une compagnie de vitres automobiles. L’appelante a déclaré qu’elle a dû présenter une autre demande en raison du bris du pare-brise d’un véhicule de location. L’échange de courriels a eu lieu juste avant que l’appelante quitte son emploi, mais après l’accident de voiture. Cependant, il n’appuie pas la suggestion de l’appelante selon laquelle ses capacités cognitives étaient tellement diminuées qu’elle ne pouvait pas demander des prestations.
[31] J’ai interrogé l’appelante au sujet de l’observation de la Commission selon laquelle elle n’a pas communiqué avec Service Canada avant que son représentant syndical lui dise qu’elle devait demander des prestations en avril 2024. L’appelante a convenu que c’était vrai. Elle a ajouté qu’elle n’aurait pas été en mesure de gérer mentalement, émotionnellement ou psychologiquement le fait de communiquer avec quelqu’un au sujet de ses finances ou de son emploi. Elle a dit qu’elle éprouvait de la détresse mentale.
[32] Il est compréhensible que l’appelante ait été bouleversée par le fait d’avoir dû travailler dans un environnement qui, selon elle, était toxique. Cependant, je ne suis pas convaincue, d’après sa preuve, que son expérience au travail l’ont empêchée de demander des prestations pendant près de 12 mois. Par exemple, l’appelante a fourni la preuve qu’elle avait besoin d’un traitement à la suite de l’accident. Cependant, ni l’ordonnance de physiothérapie ni la preuve de son traitement chiropratique ne traitent des problèmes qui, selon l’appelante, découlent de son environnement de travail.
[33] L’appelante a témoigné que lors de sa deuxième visite à l’hôpital après l’accident et après un bref retour au travail, le médecin lui a dit que le long trajet qu’elle devait faire pour se rendre au travail et ce qu’elle vivait au travail retarderaient son rétablissement. Cependant, je ne suis pas convaincue que cela signifie que l’appelante n’avait pas la capacité de demander des prestations pendant toute la période du retard.
[34] Compte tenu de ce qui précède, je juge que l’appelante n’a pas démontré qu’elle avait un motif valable justifiant son retard à présenter sa demande de prestations d’assurance-emploi pendant toute la période écoulée.
[35] Je n’ai pas besoin de vérifier si l’appelante remplissait les conditions requises à la date antérieure pour recevoir des prestations. Si l’appelante n’a pas de motif valable, sa demande initiale ne peut pas être traitée comme si elle avait été présentée plus tôt.
Conclusion
[36] L’appelante n’a pas prouvé qu’elle avait un motif valable justifiant le retard de sa demande de prestations pendant toute la période écoulée.
[37] L’appel est rejeté.