Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : X c Commission de l’assurance-emploi du Canada et CW, 2023 TSS 2120

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : X
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Partie mise en cause : C. W.

Décision portée en appel : Décision de révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (569861) datée du 10 mars 2023 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Katherine Parker
Mode d’audience : Téléconférence
Dates de l’audience : Le 23 juin 2023
Personnes présentes à l’audience : Appelant
Témoin de l’appelant
Mis en cause (prestataire)
Témoin du mis en cause
Date de la décision : Le 5 juillet 2023
Numéro de dossier : GE-23-887

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli. Le Tribunal est d’accord avec l’appelant (l’employeur).

[2] Le prestataire n’a pas démontré qu’il était fondé à quitter son emploi (c’est-à-dire qu’il n’avait pas une raison acceptable selon la loi pour le faire) quand il l’a fait. Le prestataire n’était pas fondé à quitter son emploi parce que le départ n’était pas la seule solution raisonnable dans son cas. Par conséquent, il est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Aperçu

[3] Le prestataire a quitté son emploi chez X le 26 juillet 2022. Il a commencé un nouvel emploi chez Y quelques jours plus tard et y a travaillé jusqu’au 23 novembre 2022, date à laquelle il a été mis à pied. Il a demandé des prestations d’assurance-emploi, mais il avait accumulé seulement 581 heures chez Y et il avait besoin de 700 heures pour être admissible aux prestations d’assurance-emploi.

[4] Pour être admissible aux prestations, le prestataire peut utiliser les heures accumulées lors d’un emploi précédent, pourvu qu’il soit admissible. Il doit prouver que la raison de la cessation d’emploi chez X ne l’exclut pas du bénéfice des prestations pour qu’il puisse ajouter ces heures à sa demande de prestationsNote de bas de page 1.

[5] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a examiné les raisons du prestataire pour quitter son emploi chez X. Elle a décidé que ce dernier avait quitté volontairement son emploi (c’est-à-dire qu’il avait choisi de quitter son emploi) pour un motif valable, de sorte qu’il n’était pas exclu du bénéfice des prestations. Elle a dit que quitter son emploi était la seule solution raisonnable dans son cas.

[6] L’appelant (l’employeur) est en désaccord avec la Commission. Il a dit qu’au lieu de quitter son emploi quand il l’a fait, le prestataire aurait pu continuer à travailler ou trouver un autre emploi. Il a dit que le prestataire avait décidé de partir pour un nouvel emploi parce qu’il n’était pas satisfait de son salaire. Selon l’appelant, le prestataire invente maintenant une justification pour être admissible aux prestations.

[7] Le prestataire n’est pas d’accord avec l’appelant et affirme qu’il a été harcelé et maltraité par l’employeur. Il a affirmé qu’il n’avait rien dit à ce moment-là parce qu’il ne voulait pas compromettre leur relation. Il a expliqué avoir dit à son employeur qu’il quittait son emploi pour obtenir un meilleur salaire à titre d’excuse, et qu’il avait gardé la véritable raison pour lui.

[8] Le prestataire affirme que la véritable raison de son départ correspond à la définition de « justification ». Il dit qu’il devrait pouvoir utiliser les heures qu’il a travaillées chez X et être admissible aux prestations d’assurance-emploi.

[9] Je dois décider si le prestataire a prouvé que quitter son emploi était la seule solution raisonnable dans son cas.

Question que je dois examiner en premier

Le prestataire était mis en cause

[10] Le Tribunal a mis le prestataire en cause dans l’appel conformément à l’article 33(1)(b) des Règles de procédure du Tribunal de la sécurité sociale.

[11] L’appelant est l’employeur représenté par le propriétaire. Il a fait appel de la décision de la Commission de rendre le prestataire admissible aux prestations d’assurance-emploi. Il a dit qu’il était offensé par les allégations de harcèlement du prestataire et qu’il voulait défendre son entreprise et sa réputation.

Question en litige

[12] Le prestataire est-il exclu du bénéfice des prestations pour avoir quitté volontairement son emploi sans justification?

[13] Pour répondre à cette question, je dois d’abord aborder la question du départ volontaire du prestataire. Je dois ensuite décider s’il était fondé à quitter son emploi.

Analyse

Les parties sont d’accord sur le fait que le prestataire a quitté volontairement son emploi

[14] J’accepte le fait que le prestataire a quitté volontairement son emploi. Le prestataire reconnaît qu’il a quitté son emploi le 26 juillet 2022 par courriel. Je n’ai aucune preuve du contraire.

Les parties ne sont pas d’accord sur le fait que le prestataire était fondé à quitter volontairement son emploi

[15] Les parties ne sont pas d’accord sur le fait que le prestataire était fondé à quitter volontairement son emploi quand il l’a fait. La Commission est d’accord avec le prestataire pour dire qu’il était fondé à quitter volontairement son emploi. Cependant, l’appelant (l’employeur) n’est pas d’accord. Il a dit que le prestataire a démissionné sans justification.

[16] La loi prévoit qu’une partie prestataire est exclue du bénéfice des prestations si elle quitte volontairement son emploi sans justificationNote de bas de page 2. Il ne suffit pas d’avoir une bonne raison de quitter un emploi pour prouver que le départ était fondé.

[17] La loi explique ce que veut dire « être fondé à ». Elle dit qu’une personne est fondée à quitter son emploi si son départ était la seule solution raisonnable, compte tenu de toutes les circonstancesNote de bas de page 3.

[18] Le prestataire est responsable de prouver que son départ était fondé. Il doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’il doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que quitter son emploi était la seule solution raisonnableNote de bas de page 4.

[19] Pour trancher la question, je dois examiner toutes les circonstances présentes quand le prestataire a quitté son emploi. La loi énonce des circonstances que je dois prendre en considérationNote de bas de page 5.

[20] Une fois que j’aurai déterminé les circonstances qui s’appliquent au prestataire, celui-ci devra démontrer qu’il n’avait pas d’autre solution raisonnable que de quitter son emploi à ce moment-làNote de bas de page 6.

Les circonstances présentes quand le prestataire a quitté son emploi

[21] Le prestataire affirme que l’une des circonstances énoncées dans la loi s’applique à son cas. Plus précisément, il était victime de harcèlement de la part de son superviseur et son milieu de travail était toxique. Si ces circonstances s’avèrent exactes, elles seraient considérées comme une justification au sens de l’article 29(c)(i) de la Loi sur l’assurance-emploi.

[22] Le prestataire a fourni des messages textes échangés avec son superviseur qui contenaient des commentaires inappropriés et dégradants sur la conjointe du prestataire. Il a également fourni des messages envoyés par son superviseur qui étaient dégoûtants et misogynes. Il a dit qu’il n’en avait jamais parlé à personne parce qu’il voulait être la meilleure personne et ne pas garder de rancune.

[23] L’appelant a également fourni de nombreux documents montrant que la conduite, l’attitude et les intentions du prestataire au travail étaient tout aussi dégoûtantes et troublantes. Les messages que le prestataire a envoyés à son superviseur comprenaient des commentaires racistes, misogynes et antisémites. Cependant, le prestataire a affirmé qu’il avait changé et que ces messages étaient anciens et ne représentaient pas la personne qu’il était au moment de sa démission. L’appelant a dit que la véritable raison du prestataire pour quitter son emploi était qu’il cherchait à obtenir une meilleure sécurité d’emploi et un meilleur salaire.

[24] La Commission avait d’abord refusé de verser des prestations au prestataire parce qu’elle a décidé que son départ n’était pas fondé. Cependant, elle a changé d’avis après avoir entendu davantage le prestataire à l’étape de la révision. Toutefois, la Commission ne disposait pas de toutes les preuves fournies par l’employeur lorsqu’elle a révisé sa décision initiale.

[25] Le prestataire a été cohérent quant à la raison pour laquelle il a dit avoir quitté son emploi chez X jusqu’à ce qu’on refuse de lui verser des prestations. Par la suite, sa version des faits a changé.

  • Le prestataire a d’abord dit dans son courriel de démission adressé à son superviseur que la principale raison de son départ concernait sa sécurité d’emploi. Il a dit qu’il démissionnait le [traduction] « cœur gros »Note de bas de page 7. Bien qu’il se soit dit contrarié par la menace de son superviseur de lui retirer son travail pour le reste de la semaine ou de l’année, il a dit qu’il n’avait pas de rancune ou de mauvaise volonté. Il a déclaré qu’il ne pouvait pas rester en étant constamment menacé de perdre son emploi. Il a donc décidé de trouver un autre emploi, ce qui était une alternative raisonnable.
  • Le prestataire a déclaré dans sa demande initiale de prestations, quatre mois plus tard, qu’il avait quitté son emploi chez X pour obtenir un meilleur salaire et occuper un emploi différentNote de bas de page 8. J’accepte cette déclaration comme étant la véritable raison pour laquelle il a quitté son emploi chez X.
  • Le prestataire a signé une attestation sur sa demande initiale de prestations selon laquelle il comprenait que les renseignements qu’il avait fournis pouvaient être vérifiés et que le fait de sciemment faire une déclaration fausse ou trompeuse pouvait entraîner une pénalité administrative ou une poursuite pénaleNote de bas de page 9.
  • Le prestataire a déclaré à la Commission, lors de la conversation qu’il a eue avec elle le 18 janvier 2023, qu’il avait quitté son emploi chez X pour obtenir un emploi mieux rémunéré. Il a dit qu’il avait postulé pour un emploi chez Y le 22 juillet 2022 et que sa première entrevue avait eu lieu le 27 juillet 2022. Lorsqu’on lui a demandé pourquoi il n’avait pas attendu d’avoir une offre d’emploi avant de démissionner, il a répondu que X ne lui permettait pas de prendre congé pour ses rendez-vous personnels. Il n’a pas mentionné de harcèlement lors de cette conversation.
  • Le 19 janvier 2023, la Commission a avisé verbalement le prestataire qu’il ne serait pas admissible aux prestations parce que la Commission avait conclu qu’il avait quitté son emploi chez X sans justificationNote de bas de page 10.
  • Après que la Commission l’a informé de sa décision négative lors de son appel du 19 janvier 2023, le prestataire a déclaré pour la première fois qu’il avait quitté son emploi pour une autre raison. Il a dit qu’il avait quitté son emploi en raison de l’environnement toxique.

[26] Le prestataire demandait régulièrement une augmentation. Il a envoyé une lettre de démission dans laquelle il exprimait son affection pour son milieu de travail. Il y avait travaillé pendant neuf ans. Il a affirmé qu’il partait sans rancune et qu’il n’avait pas gardé ses messages textes. Il avait fait table rase du passé et n’avait pas l’intention de porter plainte pour harcèlement. Il avait d’ailleurs trouvé un autre emploi mieux rémunéré.

[27] Le prestataire n’a donc non seulement toléré les circonstances qui existaient lorsqu’il a quitté son emploi, mais il y a aussi contribué. Sa conduite, comme démontré par appelant, ne peut être décrite que comme misogyne, raciste et antisémite. Non seulement le superviseur et le propriétaire ont-ils toléré cette conduite, mais ils y ont également participé.

[28] Je considère que la preuve initialement fournie par le prestataire à l’employeur, à la Commission et dans sa demande initiale de prestations est la plus véridique. Le prestataire a indiqué avoir quitté son emploi pour obtenir un emploi mieux rémunéré, ce qu’il a obtenu. Pendant les mois suivants, il n’a pas mentionné qu’il avait quitté son emploi en raison du milieu de travail toxique, même s’il avait eu l’occasion de le faire. Je pense qu’il a décidé d’invoquer le harcèlement pour tenter d’obtenir des prestations.

Le prestataire avait d’autres solutions raisonnables

[29] Je dois maintenant examiner si le départ du prestataire était la seule solution raisonnable à ce moment-là.

[30] Le prestataire affirme que c’était le cas parce qu’il ne pouvait pas tolérer le harcèlement de son superviseur et qu’il n’avait personne auprès de qui se plaindre. Il croyait que le superviseur était le plus haut responsable et il ne savait pas qu’il aurait pu se plaindre au propriétaire.

[31] La Commission est d’accord avec le prestataire et affirme que celui-ci ne devrait pas être tenu de rester dans un environnement toxique.

[32] L’appelant n’est pas d’accord et affirme que le prestataire faisait partie du problème et qu’il avait l’intention de démissionner dès qu’il trouverait un emploi mieux rémunéré, ce qu’il a fait.

[33] Je conclus que le prestataire a démissionné parce qu’il voulait un meilleur salaire et une meilleure sécurité d’emploi.

  • Le prestataire a toujours dit qu’il était parti pour un emploi mieux rémunéré.
  • Il l’a attesté dans sa demande initiale de prestations environ quatre mois après avoir quitté son emploi chez X. Il a encore dit que la raison de son départ était pour un meilleur emploi.
  • La première fois qu’il s’est plaint au sujet du harcèlement dont il était victime, c’est après que la Commission a refusé de lui verser des prestations pour la première fois, environ six mois après son départ.
  • Il disposait d’une alternative raisonnable à cet environnement de travail, et il l’a choisie. Il a trouvé un emploi à temps plein quelques jours après avoir quitté son emploi chez X et n’a pas subi d’arrêt de rémunération.
  • Le prestataire a contribué au milieu de travail toxique chez X. Il a partagé des détails personnels et privés de sa relation amoureuse en sachant qu’il était possible que d’autres l’utilisent pour alimenter la communication toxique. De plus, il a régulièrement tenu des commentaires dégoûtants et offensants.

[34] Compte tenu des circonstances qui existaient quand le prestataire a quitté son emploi, le prestataire avait d’autres solutions raisonnables que de quitter son emploi, pour les raisons mentionnées précédemment. Même si le milieu de travail était toxique, il faisait partie du problème. Lorsque son superviseur a menacé sa sécurité d’emploi, il a trouvé un autre emploi et a évité le chômage. Il a dit qu’il avait quitté son emploi pour obtenir un meilleur salaire et n’a changé d’histoire qu’après s’être vu refuser les prestations.

[35] Par conséquent, le prestataire n’était pas fondé à quitter son emploi.

Conclusion

[36] Je conclus que le prestataire est exclu du bénéfice des prestations.

[37] Par conséquent, l’appel de l’employeur (l’appelant) est accueilli.

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