[TRADUCTION]
Citation : JG c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2024 TSS 1730
Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi
Décision
Partie appelante : | J. G. |
Partie intimée : | Commission de l’assurance-emploi du Canada |
Décision portée en appel : | Décision de révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (628178) datée du 16 novembre 2023 (communiquée par Service Canada) |
Membre du Tribunal : | Gary Conrad |
Mode d’audience : | Téléconférence |
Dates de l’audience : | Le 22 janvier 2024 |
Personne présente à l’audience : | Appelante |
Date de la décision : | Le 2 février 2024 |
Numéro de dossier : | GE-23-3518 |
Sur cette page
Décision
[1] L’appel est rejeté.
[2] L’appelante n’a pas démontré qu’elle était fondée à quitter son emploi (c’est-à-dire qu’elle n’avait pas une raison acceptable selon la loi) quand elle l’a fait. L’appelante n’était pas fondée à quitter son emploi parce que le départ n’était pas la seule solution raisonnable dans son cas. Par conséquent, elle est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.
Aperçu
[3] L’appelante a quitté son emploi.
[4] Elle explique qu’elle a quitté son emploi parce qu’on lui confiait constamment des tâches qui ne relevaient pas de ses responsabilités, mais qu’on la laissait entendre que ces tâches l’aideraient à obtenir une promotion.
[5] Deux promotions se sont présentées. L’appelante n’a pas obtenu la première. Elle a donc essayé de prendre de l’avance en parlant à son gestionnaire et au patron de son gestionnaire de la possibilité d’effectuer ces tâches supplémentaires et d’obtenir la prochaine promotion qui se présentait.
[6] Cependant, le patron de son gestionnaire ne s’est pas présenté à la rencontre prévue entre eux trois, et son gestionnaire lui a dit qu’elle n’obtiendrait aucune promotion parce qu’elle ne socialisait pas avec les membres de l’équipe en dehors du travail. Après avoir entendu cela, l’appelante a démissionné.
[7] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a examiné les raisons de l’appelante pour quitter son emploi. Elle a conclu que cette dernière a quitté volontairement son emploi (c’est-à-dire qu’elle a choisi de quitter son emploi) sans justification prévue par la loi. Par conséquent, la Commission ne pouvait pas lui verser de prestations. De plus, elle affirme que le départ n’était pas la seule solution raisonnable dans son cas.
[8] Je dois décider si l’appelante a prouvé que quitter son emploi était la seule solution raisonnable dans son cas.
Question que je dois examiner en premier
Documents présentés après l’audience
[9] L’appelante a envoyé des documents après l’audienceNote de bas de page 1. Je les ai acceptés et j’en ai tenu compte pour rendre ma décision. En effet, il s’agissait de documents que l’appelante a mentionnés à l’audience et que je lui ai expressément demandé d’envoyer.
Question en litige
[10] L’appelante est-elle exclue du bénéfice des prestations pour avoir quitté volontairement son emploi sans justification?
[11] Pour répondre à cette question, je dois d’abord aborder la question du départ volontaire de l’appelante. Je dois ensuite décider si elle était fondée à quitter son emploi.
Analyse
Les parties conviennent que l’appelante a quitté volontairement son emploi
[12] J’accepte que l’appelante a quitté volontairement son emploi. L’appelante convient qu’elle a quitté son emploi. Je n’ai aucune preuve du contraire.
Les parties ne sont pas d’accord sur le fait que l’appelante était fondée à quitter volontairement son emploi
[13] Les parties ne sont pas d’accord sur le fait que l’appelante était fondée à quitter volontairement son emploi quand elle l’a fait.
[14] La loi prévoit que l’appelante est exclue du bénéfice des prestations si elle a quitté volontairement son emploi sans justificationNote de bas de page 2. Il ne suffit pas d’avoir une bonne raison de quitter un emploi pour prouver que le départ était fondé.
[15] La loi explique ce que veut dire « être fondée à ». Elle dit qu’une personne est fondée à quitter son emploi si son départ est la seule solution raisonnable, compte tenu de toutes les circonstances.
[16] L’appelante est responsable de prouver que son départ était fondéNote de bas de page 3. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que quitter son emploi était la seule solution raisonnable. Pour trancher la question, je dois examiner toutes les circonstances présentes quand l’appelante a quitté son emploi.
Ce que l’appelante dit
[17] L’appelante travaillait pour une compagnie aérienne. Elle affirme que la COVID-19 a décimé l’industrie du transport aérien. Une fois que la pandémie a commencé à s’estomper, son employeur a commencé à se préparer en vue du retour des voyages aériens réguliers.
[18] Son employeur travaillait encore à recruter du personnel au moment où elle a quitté son emploi. L’appelante affirme qu’en raison du manque de personnel, on lui confiait constamment des tâches qui ne relevaient pas des fonctions de son poste.
[19] L’appelante affirme que son gestionnaire l’a laissée entendre que deux postes s’ouvriraient et qu’ils constitueraient une promotion pour elle, de sorte qu’il serait dans son intérêt de continuer à effectuer ces tâches supplémentaires, puisqu’elles font partie intégrante des tâches des deux postes en question.
[20] Malheureusement, l’appelante n’a pas obtenu le premier poste. Elle dit avoir accepté ce fait, mais lorsque le poste suivant s’est ouvert, elle a envoyé un courriel à son gestionnaire et au patron de son gestionnaire pour essayer de prendre de l’avance sur la situation.
[21] Elle raconte qu’elle a eu une rencontre avec son gestionnaire (son patron a refusé d’y assister) et qu’à cette rencontre, elle a appris une très mauvaise nouvelle. Elle affirme que son gestionnaire lui a dit que, comme elle ne socialisait pas avec les autres membres de l’équipe en dehors du travail, elle n’obtiendrait pas l’autre promotion.
[22] L’appelante dit que cela l’a extrêmement contrariée, qu’on lui a demandé de faire tout ce travail supplémentaire, qu’on lui a fait croire que cela mènerait à une promotion, et qu’on l’a ensuite discriminée pour la façon dont elle choisissait de passer son temps après le travail. L’appelante a déclaré que la raison pour laquelle elle ne se rendait pas à ces événements sociaux après le travail était qu’ils impliquaient la consommation d’alcool et des comportements inappropriés auxquels elle ne voulait pas participer.
[23] L’appelante affirme avoir quitté son emploi après cette rencontre.
Ce que la Commission dit
[24] La Commission affirme que l’appelante n’était pas fondée à quitter son emploi parce que le départ n’était pas la seule solution raisonnable dans son cas. La Commission affirme qu’au lieu de quitter son emploi quand elle l’a fait, l’appelante aurait pu continuer à travailler pour son employeur de cinq ans tout en cherchant un autre emploi convenable.
Mes conclusions sur la justification
[25] Je conclus que l’appelante n’était pas fondée à quitter son emploi, car le départ n’était pas la seule solution raisonnable dans son cas.
Promotion
[26] Je conclus que l’appelante ne s’est pas vu promettre ou garantir une promotion.
[27] Je peux comprendre la frustration de l’appelante lorsque ses gestionnaires l’ont laissée entendre que des tâches supplémentaires pourraient l’aider à obtenir une promotion, mais il n’y a pas suffisamment d’éléments de preuve pour soutenir que son employeur lui a promis explicitement qu’elle obtiendrait l’un ou l’autre des promotions.
Modification de son salaire
[28] Je conclus que l’appelante n’a pas réussi à prouver, selon la prépondérance des probabilités, que son salaire a été modifié de façon importante ou qu’elle n’a pas été payée adéquatement.
[29] L’appelante soutient qu’elle n’a pas été payée conformément au dernier contrat qu’elle a signé avec son employeurNote de bas de page 4, mais je constate, et l’appelante a témoigné en ce sens, que son dernier contrat portait sur un poste différent de celui qu’elle occupait quand elle a quitté son emploi.
[30] Je constate que son dernier contrat portait sur un poste de coordinatrice de la sécurité de l’entrepriseNote de bas de page 5 et que, selon l’appelante, elle a été transférée de ce poste à un poste de spécialiste I, qui est le poste qu’elle occupait quand elle a quitté son emploi.
[31] J’estime que le fait que l’appelante ait pu percevoir un certain salaire dans son rôle de coordinatrice ne signifie pas qu’elle aurait dû percevoir exactement le même montant dans son poste de spécialiste I.
[32] Je comprends que l’appelante n’avait pas de contrat de travail, étant donné que son employeur ne cessait de répéter qu’il finirait par lui en donner un. Cependant, cela ne change rien à mes conclusions. Bien qu’elle n’avait pas de contrat précisant explicitement son salaire pour le poste qu’elle occupait, cela ne prouve toujours pas qu’elle aurait dû recevoir le salaire de son poste précédent, dont je note à nouveau que l’appelante a déclaré qu’il était totalement différent du poste qu’elle occupait lorsqu’elle a démissionné.
Changements dans ses tâches
[33] Comme je l’ai déjà mentionné, l’appelante affirme qu’elle n’avait pas de contrat de travail. Cependant, je trouve crédible son témoignage selon lequel on lui a assigné des tâches qui ne relevaient pas de son poste.
[34] Je juge son témoignage crédible pour deux raisons.
[35] La première raison est qu’elle a occupé le poste de spécialiste I dans le passé, de sorte qu’elle connaît l’étendue normale des tâches de ce posteNote de bas de page 6. Bien qu’elle n’ait travaillé qu’à temps partiel dans son ancien poste de spécialiste I et qu’elle dise qu’elle travaillait à temps plein lorsqu’elle a démissionné, je considère que les tâches sont relativement les mêmes.
[36] La deuxième raison est qu’il est plausible que son employeur, une compagnie aérienne qui se remet de la grave récession causée par la COVID-19, manque de personnel et demande à ses employés de couvrir des tâches pour des postes qu’ils n’ont peut-être pas encore pourvus.
Discrimination
[37] L’appelante affirme avoir fait l’objet de discrimination de la part de son employeur, car la seule raison invoquée par ce dernier pour ne pas lui accorder l’un des deux postes de promotion était qu’elle ne socialisait pas avec les membres de l’équipe en dehors des heures de travail.
[38] L’appelante affirme qu’elle est libre d’utiliser son temps personnel comme elle l’entend et qu’elle ne devrait pas être punie par son employeur pour cela.
[39] J’ai de la difficulté à trouver crédible le témoignage de l’appelante sur cette question. Il semble étrange pour un employeur de dire que le manque de socialisation de l’appelante avec ses les membres de son équipe après les heures de travail est un obstacle à l’avancement de sa carrière. Cependant, c’est tellement bizarre que j’ai tendance à le croire. En effet, j’imagine que si l’appelante devait créer quelque chose de toutes pièces, ce serait plus plausible.
[40] Malgré cela, je conclus que l’appelante n’a pas fait l’objet de discrimination. En examinant les motifs de discrimination énoncés dans la Loi canadienne sur les droits de la personneNote de bas de page 7, dont la Loi sur l’assurance-emploi dit que je dois tenir compteNote de bas de page 8, je conclus que la situation de l’appelante ne relève d’aucun de ces motifs.
[41] Ainsi, même si les sentiments de l’employeur à l’égard du manque de socialisation après les heures de travail de l’appelante étaient peut-être bizarres et absurdes, ils n’étaient pas discriminatoires.
Solutions raisonnables
[42] Bien que j’aie conclu qu’il n’y avait pas suffisamment de preuves pour démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que l’appelante s’était vu promettre une promotion, que son salaire avait été modifié de façon importante ou qu’elle avait fait l’objet de discrimination, j’ai conclu qu’elle s’était vu confier des tâches qui ne relevaient pas de son poste.
[43] Toutefois, le fait que j’aie conclu que c’est ce qui précède ne signifie pas que l’appelante est automatiquement fondée à quitter son emploi. Ce que je dois décider maintenant, compte tenu de toutes les circonstances qui existaient quand elle a quitté son emploi, est si son départ était la seule solution raisonnable dans son cas.
[44] J’estime que l’appelante avait d’autres solutions raisonnables que de quitter son emploi. Par conséquent, elle n’est pas fondée à quitter volontairement son emploi.
[45] J’estime qu’il aurait été raisonnable pour l’appelante de continuer à travailler, tout en refusant d’effectuer les tâches qui, selon elle, ne relevaient pas de son poste. Je comprends l’argument de l’appelante selon lequel elle ne pouvait pas refuser d’effectuer ces tâches, car ses gestionnaires lui auraient fait vivre un enfer, mais elle ne le sait pas avec certitude puisqu’elle n’a jamais essayé de le faire.
[46] J’estime qu’il aurait également été raisonnable que l’appelante continue à travailler parce que, comme elle l’a déclaré, elle n’avait pas encore de contrat. Une fois la question du contrat réglée, cela lui aurait permis d’avoir une idée claire de son salaire et de l’aider à accepter ou à refuser certaines tâches.
[47] Il aurait également été raisonnable pour elle d’essayer de communiquer avec les ressources humaines au sujet de ses problèmes. Elle a déclaré qu’elle avait envoyé une lettre aux ressources humaines à ce sujet, mais qu’elle n’avait jamais eu de réponse.
[48] J’accepte qu’elle a bel et bien envoyé une lettre aux ressources humaines et qu’elle n’a jamais eu de réponse, mais selon son témoignage, elle a envoyé cette lettre en même temps qu’elle a donné sa démission. Je ne suis donc pas surpris que les ressources humaines n’aient pris aucune mesure pour régler les questions soulevées par une personne qui démissionnait.
[49] J’estime qu’il aurait été raisonnable qu’elle envoie cette lettre avant de démissionner, pour voir si les ressources humaines pouvaient l’aider à résoudre les problèmes qu’elle a pu rencontrer.
[50] Je peux comprendre que l’appelante n’ait pas aimé continuer à travailler pour son employeur. Cependant, ce sont les solutions raisonnables qui s’offraient à elle. Elle aurait également pu continuer à travailler tout en cherchant un nouvel emploi qui lui convenait mieux, si elle ne voulait plus rester chez son employeur à long terme.
Conclusion
[51] L’appel est rejeté.
[52] L’appelante n’était pas fondée à quitter son emploi parce que le départ n’était pas la seule solution raisonnable dans son cas. Par conséquent, elle est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.