Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : SK c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2025 TSS 418

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : S. K.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (697220) datée du 24 décembre 2024 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Gary Conrad
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 25 mars 2025
Personne présente à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 28 mars 2025
Numéro de dossier : GE-25-609

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Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que l’appelante a perdu son emploi en raison d’une inconduite (autrement dit, parce qu’elle a fait quelque chose qui lui a fait perdre son emploi). Par conséquent, l’appelante est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 1.

Aperçu

[3] L’appelante a perdu son emploi d’agente de sécurité. Son employeur affirme qu’elle a dormi pendant son quart de travail.

[4] L’appelante affirme qu’elle ne dormait pas pendant son quart de travail. Elle dit qu’elle [traduction] « somnolait » parce qu’elle était très malade, mais même si ses yeux étaient fermés, son troisième œil (autrement dit, son âme) était ouvert, de sorte qu’elle pouvait voir ce qui se passait autour d’elle. Par conséquent, la sécurité du lieu n’était pas compromise.

[5] La Commission a décidé qu’elle ne pouvait pas verser de prestations à l’appelante parce qu’elle avait perdu son emploi en raison de son inconduite.

Question en litige

[6] L’appelante a-t-elle perdu son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[7] Pour répondre à la question de savoir si l’appelante a perdu son emploi en raison d’une inconduite, je dois décider deux choses. D’abord, je dois décider pourquoi l’appelante a perdu son emploi. Ensuite, je dois décider si la loi considère ce motif comme une inconduite.

Pourquoi l’appelante a-t-elle perdu son emploi?

[8] Je conclus que l’appelante a été congédiée parce qu’elle a dormi pendant son quart de travail.

[9] Je comprends que l’appelante préfère le terme [traduction] « somnoler » à celui de « dormir ». Toutefois, son terme préféré signifie dormir légèrement ou brièvementNote de bas de page 2. J’estime donc que le terme utilisé importe peu; on peut dire que l’appelante a été congédiée parce qu’elle a dormi pendant son quart de travail. Voici mes motifs :

  • L’appelante a déclaré qu’elle s’est assoupie pendant qu’elle méditait et que ses yeux se sont fermés.
  • Elle l’a également souligné dans ses arguments écritsNote de bas de page 3.
  • La lettre de congédiement indique qu’elle a été congédiée parce qu’elle a dormi au travailNote de bas de page 4.
  • Son employeur a dit à la Commission qu’elle avait été parce qu’elle a dormi au travailNote de bas de page 5.
  • Je ne vois aucune preuve à l’appui du fait qu’elle a été congédiée pour une autre raison.

La raison du congédiement de l’appelante est-elle une inconduite au sens de la loi?

[10] La raison du congédiement de l’appelante est une inconduite au sens de la loi.

[11] Pour être considérée comme une inconduite au sens de la loi, la conduite de l’appelante doit être délibérée. Cela signifie que la conduite était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 6. L’inconduite comprend également une conduite qui est si insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 7. Pour qu’il y ait inconduite au sens de la loi, il n’est pas nécessaire que l’appelante ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’elle ait voulu faire quelque chose de mal)Note de bas de page 8.

[12] Il y a inconduite si l’appelante savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il y avait une réelle possibilité qu’elle soit congédiée pour cette raisonNote de bas de page 9.

[13] La Commission doit prouver que l’appelante a perdu son emploi en raison d’une inconduite. La Commission doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que l’appelante a perdu son emploi en raison de son inconduiteNote de bas de page 10.

[14] En bref, pour établir qu’il y a eu inconduite, la Commission doit prouver les trois points suivants :

  • L’appelante a-t-elle posé les gestes pour lesquels elle a été congédiée?
  • A-t-elle agi délibérément?
  • Savait-elle, ou aurait-elle dû savoir, qu’elle pouvait être congédiée pour ce qu’elle a fait?

A-t-elle posé les gestes pour lesquels elle a été congédiée?

[15] Oui, elle l’a fait. L’appelante a déclaré qu’elle méditait, mais parce qu’elle était malade et fatiguée, elle s’est endormie – alors ses yeux étaient bel et bien fermés. Comme une personne qui somnole dort un peu, on peut dire qu’elle dormait pendant son quart de travail.

[16] L’appelante fait valoir que son troisième œil (autrement dit, son âme) était ouvert, ce qui lui permettait de voir ce qui se passait autour d’elle, alors le lieu était toujours sécuritaire. Elle soutient donc qu’elle s’est acquittée de ses fonctions d’agente de sécurité. Je ne suis pas d’accord.

[17] Peu importe si son troisième œil était ouvert, l’appelante a quand même commis le geste pour lequel son employeur l’a congédiée. Elle n’était pas éveillée parce qu’elle somnolait (donc elle dormait).

A-t-elle agi délibérément?

[18] L’appelante affirme qu’elle a été appelée pour un quart de travail à la dernière minute. Elle a patrouillé pendant plusieurs heures avant d’être assignée à la zone du quai de chargement. On lui a donné une chaise et on lui a dit qu’elle pouvait s’asseoir si elle se sentait fatiguée.

[19] L’appelante affirme avoir des problèmes de santé, de graves problèmes à la cheville qui lui causent beaucoup de douleurs si elle marche trop longtemps et des problèmes de santé mentale.

[20] La méditation lui permet de gérer ses problèmes de santé mentale.

[21] Elle se sentait fatiguée après sa patrouille. L’odeur des poubelles de l’immeuble lui donnait la nausée. Comme elle avait le droit de s’asseoir, elle a décidé de le faire, puis de méditer.

[22] Malheureusement, elle a fini par somnoler, car la nausée et la fatigue ont eu raison de ses sens.

[23] J’accepte que les gestes de l’appelante n’étaient pas intentionnels, car elle n’a pas décidé délibérément de dormir pendant son quart de travail. Cependant, je juge que sa conduite était tellement insouciante qu’elle était presque délibérée.

[24] Pour que je puisse conclure que la conduite de l’appelante n’était pas délibérée en raison d’un problème de santé, elle doit dans un premier temps prouver l’existence du problème de santé et elle doit prouver dans un second temps que sa conduite n’était pas délibérée étant donné ce problème de santéNote de bas de page 11.

[25] Autrement dit, il doit y avoir des éléments de preuve convaincants qui démontrent, selon la prépondérance des probabilités, qu’en raison de l’état de santé A ou B, l’appelante n’avait pas le contrôle de l’action C qui a mené à son congédiement.

[26] J’accepte le fait que l’appelante a des douleurs à la cheville et des problèmes de santé mentale, car il y a des documents médicaux à l’appuiNote de bas de page 12.

[27] Cependant, cela ne suffit pas à me convaincre qu’elle n’avait pas le contrôle de ses actions. Je juge qu’elle n’a pas réussi à prouver que ses problèmes de santé l’empêchaient de rester éveillée ou de prendre des mesures pour ne pas s’endormir.

[28] L’appelante, se sentant fatiguée et malade, aurait dû prendre des mesures pour ne pas s’endormir ou signaler à son employeur qu’elle ne pouvait plus travailler. Elle a décidé de s’asseoir et d’essayer de méditer, plutôt que de prendre des mesures raisonnables pour s’empêcher de s’endormir.

Savait-elle, ou aurait-elle dû savoir, qu’elle pouvait être congédiée pour ce qu’elle a fait?

[29] J’estime que l’appelante aurait dû savoir qu’elle pouvait être congédiée pour ce qu’elle a fait.

[30] L’appelante affirme qu’elle ne connaissait aucune politique de travail qui portait sur le fait de dormir au travail. Je ne trouve pas cela crédible.

[31] Dans la lettre de congédiement, l’employeur a fait référence à la section précise de sa politique qui porte sur le fait que dormir au travail; elle prévoit que cela entraîne la perte d’emploiNote de bas de page 13. Je conclus donc que l’employeur avait une politique sur le fait de dormir au travail.

[32] L’appelante a affirmé qu’elle travaillait depuis 10 ans pour l’employeur. Je juge peu crédible qu’elle n’a jamais été informée de cette politique.

[33] Cependant, même si je me trompe, l’appelante aurait dû savoir qu’elle serait congédiée si elle s’endormait pendant son quart de travail, car la tâche principale d’une agente de sécurité consiste à rester vigilante afin d’assurer la sécurité d’un lieu. Elle ne pouvait pas accomplir ses tâches principales une fois qu’elle s’était endormie. Elle aurait dû savoir que si elle ne faisait pas son travail, elle risquait d’être congédiée.

[34] Même si elle a soutenu que la zone était sécuritaire malgré le fait que ses yeux étaient fermés (parce que son troisième œil était ouvert), je juge qu’elle aurait dû savoir que cela ne respecterait pas ses obligations envers son employeur. En effet, la politique de l’employeur précise qu’il est interdit de dormir pendant un quart de travail. Il s’attendait clairement à ce qu’elle soit physiquement éveillée pendant ses heures de travail.

Alors, l’appelante a-t-elle perdu son emploi en raison d’une inconduite?

[35] À la lumière de mes conclusions précédentes, j’estime que l’appelante a perdu son emploi en raison d’une inconduite, ce qui signifie qu’elle ne peut pas recevoir de prestations d’assurance-emploi.

Conclusion

[36] La Commission a prouvé que l’appelante a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Pour cette raison, l’appelante est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[37] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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