Citation : SC c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2025 TSS 537
Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi
Décision
Partie appelante : | S. C. |
Représentant : | D. C. |
Partie intimée : | Commission de l’assurance-emploi du Canada |
Représentante : | Érélégna Bernard |
Décision portée en appel : | Décision découlant de la révision (443793) datée du 6 juin 2022 rendue par la Commission de l’assurance-emploi du Canada (communiquée par Service Canada) |
Membre du Tribunal : | Normand Morin |
Mode d’audience : | Téléconférence |
Date de l’audience : | Le 17 janvier 2025 |
Personnes présentes à l’audience : | L’appelant Le représentant de l’appelant La représentante de l’intimée |
Date de la décision : | Le 24 février 2025 |
Numéro de dossier : | GE-22-2356 |
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Décision
[1] L’appel est rejeté.
[2] Je conclus que la demande d’arrêt des procédures présentée par l’appelant n’est pas justifiée.
[3] Je conclus que la Commission de l’assurance-emploi du Canada (la Commission) est justifiée de réclamer à l’appelant la somme d’argent qui lui a été versée en trop à titre de versement anticipé de prestations de la Prestation d’assurance-emploi d’urgence (PAEU) (trop-payé)Note de bas de page 1. L’appelant doit rembourser la somme d’argent qui lui a été versée en trop.
Aperçu
[4] Le 19 mars 2020, après avoir travaillé du 3 mai 2010 au 16 mars 2020 comme cuisinier pour l’établissement de restauration X (X ou l’employeur), l’appelant présente une demande initiale de prestations d’assurance-emploi (prestations régulières)Note de bas de page 2. Une période de prestations est établie à compter du 15 mars 2020 afin que l’appelant puisse recevoir des prestations de la PAEUNote de bas de page 3.
[5] Le 8 octobre 2021, un avis de dette est envoyé à l’appelant par Emploi et Développement social Canada (EDSC)Note de bas de page 4. Cet avis lui indique qu’il n’a plus droit au paiement anticipé de la Prestation canadienne d’urgence (PCU) qu’il a reçu, ce qui a donné lieu à un trop-payé de 2 000,00 $Note de bas de page 5.
[6] Le 21 octobre 2021, la Commission l’informe qu’au printemps 2020, il a reçu un paiement initial de la Prestation canadienne d’urgence (PCU) de 2 000,00 $ et qu’il s’agissait d’une avance de quatre semaines afin de lui verser de l’argent le plus rapidement possible. Elle lui précise que le montant maximal qu’il devrait avoir reçu est de 500,00 $ par semaine pendant sa période complète d’admissibilité à la PCU. La Commission lui explique que selon des renseignements à ses dossiers, y compris ceux à propos de ses déclarations, il a reçu plus de prestations que le montant auquel il était admissible. Elle lui indique qu’un avis de dette fournit le montant qu’il doit et les directives pour prendre des mesures de remboursement, au besoinNote de bas de page 6.
[7] Le 6 juin 2022, à la suite d’une demande de révision, la Commission l’informe qu’elle maintient la décision rendue à son endroit, en date du 8 octobre 2021 (sic) [21 octobre 2021]Note de bas de page 7, concernant le trop-payé en prestations qui lui est réclamé (versement anticipé – recouvrement du paiement forfaitaire)Note de bas de page 8.
[8] Le 15 juillet 2022, l’appelant conteste la décision en révision de la Commission auprès de la Division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (le Tribunal)Note de bas de page 9.
[9] Dans son avis d’appel, l’appelant indique que le 17 novembre 2021, en plus d’avoir présenté une demande de révision de la décision de la Commission, il a présenté une demande d’accès à l’information de son dossier auprès d’EDSC concernant l’avis de dette que cette instance lui a envoyé le 8 octobre 2021Note de bas de page 10.
[10] Le 18 avril 2024Note de bas de page 11, l’appelant demande un arrêt des procédures de son dossier d’appel et l’annulation de la réclamation d’une somme de 2 000,00 $ que lui a adressée la Commission pour des prestations versées en trop (trop-payé), étant donné le délai de traitement de sa demande d’accès à l’information. L’appelant fait valoir que ce délai est déraisonnable et lui cause des préjudicesNote de bas de page 12.
[11] Concernant la demande que lui a adressée la Commission de rembourser la somme de 2 000,00 $ pour des prestations versées en trop, l’appelant fait valoir que celle-ci l’a induit en erreur en indiquant qu’il avait le droit de recevoir des prestations de la PAEU lorsqu’il s’est renseigné auprès d’elle à ce sujet. Il fait également valoir qu’il n’a pas à payer pour l’erreur administrative commise par la Commission à son endroit et le manque de professionnalisme de ses représentants lorsqu’il s’est renseigné auprès d’eux pour savoir s’il était admissible au bénéfice des prestations de la PAEU.
Questions préliminaires
[12] Lors de l’audience, le représentant de l’appelant (le représentant) a confirmé sa demande d’un arrêt des procédures dans le dossier de l’appelant, une demande qu’il avait signifiée dans un courriel adressé au Tribunal en date du 18 avril 2024Note de bas de page 13 et réitérée lors des conférences de cas tenues les 31 mai 2024 et 1er novembre 2024.
[13] Lors de la conférence de cas du 1er novembre 2024, le représentant a également indiqué qu’il allait présenter au Tribunal une argumentation écrite sur sa demande d’un arrêt des procédures au plus tard à la fin du mois de décembre 2024.
[14] Le représentant explique que même s’il n’a pas présenté d’argumentation écrite sur cette question, il maintient la demande d’arrêt des procédures dans le dossier de l’appelant.
[15] Dans ce contexte, je vais d’abord rendre une décision sur la demande d’arrêt des procédures présentée par l’appelant avant de déterminer si la Commission est justifiée de lui réclamer une somme d’argent pour des prestations versées en trop (trop-payé).
Questions en litige
[16] Je dois déterminer si l’appelant démontre que sa demande d’arrêt des procédures dans son dossier est justifiée.
[17] Je dois également déterminer si les prestations versées en trop à l’appelant doivent être rembourséesNote de bas de page 14.
Analyse
Demande d’arrêt des procédures
[18] Je considère que l’appelant ne démontre pas que sa demande d’arrêt des procédures dans son dossier est justifiée.
[19] Dans l’arrêt Abrametz, la Cour suprême du Canada a établi trois étapes spécifiques pour déterminer si un délai dans un processus administratif constitue un abus de procédureNote de bas de page 15.
[20] Ces trois étapes sont les suivantes :
- Le délai doit être excessif ;
- Le délai doit lui-même avoir causé un préjudice important ;
- Le Tribunal doit procéder à une évaluation finale pour déterminer si le délai constitue un abus de procédureNote de bas de page 16.
[21] Dans mon analyse, je tiens compte des étapes établies par la Cour suprême du Canada dans la décision Abrametz pour déterminer si une demande en arrêt des procédures est justifiéeNote de bas de page 17.
[22] J’estime qu’en fonction de ces étapes, la demande d’arrêt des procédures présentée par l’appelant ne l’est pas.
[23] Le représentant de l’appelant fait valoir les arguments suivants :
- a) En novembre 2021, l’appelant a présenté une demande d’accès à l’information auprès d’EDSC au même moment où il recevait un avis de réclamation (avis de dette) au montant de 2 000,00 $Note de bas de page 18 ;
- b) L’appelant n’a jamais reçu de réponses à ses questions initiales au cours de la période de novembre 2021 à octobre 2024 ;
- c) Le 8 avril 2024, la Commission a transmis au Tribunal un document de plus de 500 pagesNote de bas de page 19 et un autre de plus de 10 000 pages, le 28 octobre 2024Note de bas de page 20 ;
- d) Le représentant dit ne pas comprendre pourquoi le traitement d’une simple demande d’accès à l’information a été si long. Il souligne que tout citoyen devrait pouvoir obtenir une réponse concernant sa demande d’accès à l’information dans un délai raisonnable afin de s’assurer que ses droits ont été respectésNote de bas de page 21 ;
- e) Concernant l’argument de la Commission selon lequel le Tribunal ne peut pas se prononcer sur la question de la demande d’arrêt des procédures, le représentant fait valoir que tous les tribunaux canadiens sont liés aux enseignements de la Cour suprême du Canada. Il souligne qu’en matière administrative, la Cour suprême du Canada a déterminé les principes de base devant être établis et des balises devant être respectées. Le dossier de l’appelant s’inscrit dans ces balises ;
- f) Sur son site web, le Tribunal indique qu’il est un organisme indépendant qui rend des décisions sur des appels liés à la sécurité sociale ;
- g) Le représentant dit être en accord avec l’argument de la Commission selon lequel la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans l’affaire Jordan ne s’applique pas au cas de l’appelantNote de bas de page 22 ;
- h) Le représentant fait valoir que d’autres décisions rendues par la Cour fédérale s’appliquent au cas de l’appelant et démontrent que sa demande d’arrêt des procédures est justifiéeNote de bas de page 23 ;
- i) Dans l’affaire Dragan, les critères établis pour déterminer ce qu’est un délai déraisonnable réfèrent à une longue durée et à une absence d’explications suffisantes du ministère pour répondre aux demandes d’accès à l’information ou fournir des informationsNote de bas de page 24 ;
- j) Dans l’affaire Conille (Conille c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1re inst.), 1998 CanLII 9097 (CF), [1999], 2 CF 33), la Cour fédérale définit trois critères pour déterminer ce qu’est un délai déraisonnable : « le délai en question a été plus long que ce que la nature du processus exige de façon prima facie ; […] le demandeur et son conseiller juridique n’en sont pas responsables ; et […] l’autorité responsable du délai ne l’a pas justifié de façon satisfaisante »Note de bas de page 25 ;
- k) Le représentant fait valoir que l’appelant n’est pas responsable du délai de traitement de sa demande d’accès à l’information. Il souligne que l’appelant et lui-même ont démontré leur bonne foi. Ils ont été présents à toutes les étapes du processus de cette demande (ex. : suivi à réception de la réclamation faite à l’appelant, processus de révision devant la Commission, appel auprès du Tribunal). L’appelant ou son représentant a toujours participé à chacune des démarches de ce processus et se sont montrés disposés à répondre aux questions afin d’obtenir les informations demandées. L’appelant et son représentant ont fait preuve de patience concernant le traitement de la demande d’accès à l’informationNote de bas de page 26 ;
- l) Le 5 avril 2024, après 28 mois d’attente, des informations ont été reçues de la part d’EDSC, mais non de la part de l’Agence du revenu du Canada (ARC)Note de bas de page 27 ;
- m) Bien que la Commission fasse valoir que pour justifier un arrêt des procédures, un critère élevé doit s’appliquer, ce critère doit tenir compte de la situation spécifique de l’appelant ;
- n) Dans le cas présent, l’appelant est un jeune dans la vingtaine avec son expérience de vie. Il n’est pas familier avec les mécanismes gouvernementaux. Il en était à sa première expérience avec des programmes sociaux en place (ex. : demande de prestations). L’appelant avait subi une diminution de ses heures de travail. Il avait des obligations financières à respecter. Il a reçu une première réclamation de 500,00 $ (prestations versées en trop pour la semaine du 22 au 28 mars 2020). Cette situation lui a amené du stress. Un montant de 500,00 $, pour un jeune qui commence dans la vie, cela peut paraître immense. Durant la période de la pandémie de COVID-19Note de bas de page 28, l’appelant a rencontré des difficultés à s’adapter à cette situation. Il a eu recours à un programme du gouvernement du Québec offrant un service de consultation pour obtenir de l’aide ou du support psychologique. La réclamation dont l’appelant faisait l’objet pour des prestations versées en trop était un élément supplémentaire qui le stressait énormémentNote de bas de page 29.
- o) Compte tenu du contexte dans lequel se trouvait l’appelant, il n’était pas outillé pour faire face à l’appareil gouvernemental étant donné son expérience de vie. Sur le plan financier, il n’était pas non plus outillé pour le faire en consultant des ressources (ex. : avocats)Note de bas de page 30.
[24] De son côté, la Commission fait valoir les arguments suivants :
- a) La Commission explique s’opposer à la demande d’arrêt des procéduresNote de bas de page 31 ;
- b) Elle soutient que le Tribunal n’a pas autorité pour accueillir des demandes d’arrêt de procédureNote de bas de page 32 ;
- c) La Commission explique que le Tribunal est une créature de la loi, et les recours qu’il peut accorder sont limités par sa loi habilitante, c’est-à-dire la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (la Loi sur le MEDS). En vertu du paragraphe 54(1) de la Loi sur le MEDS, la Division générale du Tribunal (la Division générale) peut rejeter l’appel, confirmer, infirmer ou modifier une décision de la Commission, en tout ou en partie, ou rendre la décision que la Commission aurait dû rendreNote de bas de page 33 ;
- d) La Division générale ne peut refuser d’appliquer la loi, que ce soit pour des motifs d’équité ou compte tenu de circonstances atténuantesNote de bas de page 34 ;
- e) Certains tribunaux administratifs peuvent ordonner l’arrêt des procédures dans des situations de délai extrême dans le cadre de dossiers devant tribunaux des droits de la personneNote de bas de page 35 et des audiences disciplinaires quasi criminellesNote de bas de page 36 ;
- f) Toutefois, ce recours n’est pas approprié dans le contexte du Tribunal, qui s’occupe de questions juridiques reliées à des programmes de prestations sociales spécifiques (c.-à-d. le versement de certaines sommes d’argent dans un contexte de programme social fédéral)Note de bas de page 37 ;
- g) Dans l’arrêt Norman, la Cour d’appel fédérale a exprimé de fortes réserves quant à la possibilité d’ordonner un arrêt des procédures dans le contexte d’un délai devant le conseil arbitral, le décideur administratif qui a précédé la Division d’appel du Tribunal (la Division d’appel)Note de bas de page 38. L’arrêt Norman lie la Division générale et appuie la proposition selon laquelle le Tribunal ne possède pas le pouvoir d’accorder un arrêt des procédures pour cause de délai. C’est l’approche adoptée par la Division d’appel dans l’affaire S. W. c Commission de l’assurance-emploi du Canada et Santé Canada, où le membre a conclu qu’en l’absence d’une autorité légale claire permettant à la section d’appel d’accorder une telle réparation, il n’était pas nécessaire qu’elle examine si le seuil élevé d’arrêt des procédures avait été atteintNote de bas de page 39. La Division générale devrait suivre l’analyse de l’arrêt S. W. c Commission de l’assurance-emploi du Canada et Santé Canada et rejeter ce moyen d'appel au motif qu’il n’existe aucun pouvoir légal permettant au Tribunal d'accorder un arrêt de procédureNote de bas de page 40 ;
- h) Selon la Commission, l’arrêt Jordan de la Cour suprême du Canada ne s’applique pas au présent appelNote de bas de page 41. La Commission indique que le représentant fait une concession en expliquant pourquoi la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans l’affaire JordanNote de bas de page 42 ne s’applique pas au cas de l’appelant. Pour ce qui est des autres décisions auxquelles l’appelant réfère, la Commission dit ne pouvoir les commenter. Selon la Commission, il n’est pas clair si les décisions en question s’appliquent au cas de l’appelant puisqu’il n’est pas possible de déterminer le contexte à partir duquel elles ont été rendues ;
- i) La Commission explique que bien que le représentant fasse valoir que le délai est déraisonnable, il est important de comprendre que la source du délai est la demande d’accès à l’information ;
- j) Elle fait valoir que dans le présent dossier, c’est l’appelant qui a fait appel et c’est aussi lui qui a demandé d’avoir accès à des documents dans le cadre d’une demande d’accès à l’information et de la protection des renseignements personnels (demande d’AIPRP)Note de bas de page 43 ;
- k) Lors d’une conférence de cas, et après avoir reçu un document de plus de 10 000 pagesNote de bas de page 44, le représentant s’est dit d’accord avec la poursuite des procédures entreprises (ex. : transmettre des arguments au Tribunal et tenir l’audience en janvier 2025 plutôt qu’à la fin de 2024) pour qu’il ait plus de temps pour se préparer en vue de l’audience ;
- l) Le représentant semble confondre la Commission et le processus d’accès à l’information du ministère de l’Emploi et du Développement social (MEDS). Le processus d’accès à l’information de la branche du MEDS se distingue des fonctions de la Commission. Il peut y avoir des communications et des échanges d’informations entre le MEDS et la Commission, mais ça s’arrête-là ;
- m) La Commission n’a aucun contrôle sur la façon d’obtenir les informations dans le cadre d’une demande d’accès à l’information et le délai encouru pour les obtenir. La seule chose que la Commission a pu faire dans le cas de l’appelant fut de faire des suivis pour obtenir des informations et accepter les extensions de temps que cela pouvait impliquer ;
- n) En l’absence de la demande d’accès à l’information de l’appelant, la procédure devant le Tribunal n’aurait pas été suspendue aussi longtemps. Cela a été fait à l’insistance du représentant qui voulait obtenir les documents pour préparer son appel ;
- o) Le délai de traitement de la demande d’accès à l’information (demande d’AIPRP) de l’appelant n’est pas imputable à la Commission ni au Tribunal. Ce délai n’est pas spécifiquement relié à la décision initiale de la Commission et à l’appel devant le Tribunal, mais plutôt à des informations entourant le dossier de l’appelant ;
- p) La Commission indique qu’il existe un processus spécifique de plaintes concernant des demandes d’accès à l’information. Ce processus relève du Commissariat de l’information du Canada. Cet organisme détient une autorité en cette matière. Elle peut enquêter sur les plaintes concernant des demandes d’accès à l’information pour les institutions fédérales en vertu de la Loi sur l’accès à l’information. La Commission souligne que si le représentant a des doléances et est insatisfait de ce qui s’est passé avec la demande d’accès à l’information de l’appelant, c’est auprès de cet organisme qu’il doit communiquer ;
- q) L’appelant n’a pas satisfait au critère élevé à rencontrer pour l’arrêt des procéduresNote de bas de page 45 ;
- r) La Commission soutient que même si le Tribunal avait le pouvoir d’accorder un arrêt des procédures, celui-ci ne serait pas justifié dans les circonstances. L’appelant est loin d’avoir satisfait au seuil élevé à rencontrer pour démontrer que cette réparation « ultime » est appropriée dans les circonstancesNote de bas de page 46 ;
- s) Comme l’a affirmé la Cour suprême du Canada dans la décision Abrametz, « l’arrêt des procédures ne devrait être accordé que dans les "cas les plus manifestes", soit lorsque l’abus se situe à l’extrémité supérieure de l’échelle de gravité »Note de bas de page 47 ;
- t) Selon la Commission, même un délai causant du stress et de l’angoisse à l'appelant ne serait pas suffisant pour satisfaire au seuil d’un arrêt des procédures. Dans l’arrêt Norman, la Cour d’appel fédérale a souligné que, même si l’arrêt des procédures avait été possible, il n’aurait pas été justifié de l’ordonnerNote de bas de page 48 ;
- u) Le délai en cause dans l’arrêt Norman était de plus de trois ansNote de bas de page 49. Dans l’arrêt Abrametz, le délai litigieux était de 71 mois (c’est-à-dire plus de cinq ans). Bien que la Cour suprême du Canada ait noté que ce délai était préoccupant, il n'a pas été considéré comme excessifNote de bas de page 50 ;
- v) Dans l’affaire K. S. c Commission de l’assurance-emploi du Canada, la Division d’appel a déclaré ce qui suit : « Un délai inacceptable peut également constituer un abus de procédure dans certaines circonstances, même lorsque l’équité de l’audience n’a pas été compromise. Par conséquent, pour constituer un abus de procédure dans les cas où l’équité de l’audience n’a pas été compromise, le délai doit être manifestement inacceptable et avoir directement causé un préjudice important. En plus de sa longue durée, le délai doit avoir causé un préjudice réel d’une telle ampleur qu’il heurte le sens de la justice et de la décence du public. »Note de bas de page 51 ;
- w) La Commission explique que l’appelant a déposé une demande d’accès à l’information (demande d’AIPRP) en novembre 2021Note de bas de page 52. Il a plus tard déposé un appel devant la Division générale le 15 juillet 2022Note de bas de page 53. La Commission a accepté à plusieurs reprises de proroger les délais jusqu’à ce que l’appelant puisse recevoir une réponse quant à sa demande de renseignements et a même accepté d’agir comme intermédiaire avec les services de l’accès à l’information et de la protection des renseignements personnels (AIPRP) d’EDSC pour obtenir ces documents. Le délai dans le traitement de la demande d’accès d’information ne peut pas être attribuable à la Commission qui n’a aucun contrôle sur le temps nécessaire pour traiter ces demandesNote de bas de page 54 ;
- x) Lorsque l’appelant a soutenu que le dossier devrait être suspendu, sa demande de renseignement avait été partiellement traitée. Une première partie de ces documents lui ont été partagés le 5 avril 2024Note de bas de page 55 et une dernière partie, le 24 octobre 2024Note de bas de page 56 ;
- y) Une conférence de cas a eu le 1er novembre 2024 au cours de laquelle l’appelant a été invité à déposer des observations additionnelles en décembre 2024 après avoir eu l’opportunité de consulter les documents reçus. L’appelant n’a déposé aucune observation. Il a de plus accepté de procéder à une audience fixée pour janvier 2025Note de bas de page 57 ;
- z) Selon la Commission, rien dans les faits du présent dossier ne permet de conclure que la durée du délai a causé un préjudice réel ou constituait un abus de procédure d’une telle ampleur qu’il heurtait le sens de la justice et de la décence du publicNote de bas de page 58 ;
- aa) La Commission fait valoir qu’un arrêt des procédures signifie que la Division générale n’accueille pas ou ne rejette pas l’appel de l’appelant. L’arrêt des procédures et l’annulation de l’appel devant le Tribunal qui en découlerait signifieraient que la décision en révision de la Commission dans laquelle elle réclame la somme de 2 000,00 $ à l’appelant continuerait d’exister ;
- bb) La Commission souligne que dans les exemples de cas auxquels le représentant réfère, il s’agit de gens contre lesquels il y a une poursuite ou une procédure. Dans le cas présent, c’est l’appelant qui veut faire annuler des procédures pour lesquelles il est lui-même l’appelant. Selon la Commission, ce serait contraire aux intentions réelles de ce dernier.
Autorité du Tribunal relativement à une requête en arrêt des procédures
[25] Concernant les arguments présentés par les parties sur le pouvoir du Tribunal de se prononcer sur une demande d’arrêt des procédures, je considère que celui-ci détient un tel pouvoir.
[26] J’estime qu’une telle demande d’arrêt des procédures représente un recours approprié devant le Tribunal.
[27] Je ne retiens pas l’argument de la Commission selon lequel le Tribunal n’a pas autorité pour accueillir des demandes d’arrêt de procédureNote de bas de page 59 ou qu’il n’existe aucun pouvoir légal lui permettant de le faireNote de bas de page 60.
[28] La Commission ne réfère à aucune disposition législative spécifique précisant que le Tribunal ne détient aucune autorité en la matière.
[29] Il n’y a pas d’autorité légale ni de dispositions législatives spécifiques qui indiquent que le Tribunal n’est pas habilité ou ne dispose pas de la compétence requise pour traiter des demandes d’arrêt de procédures.
[30] Le Tribunal est un tribunal administratif indépendantNote de bas de page 61.
[31] Il a, entre autres, pour rôle d’interpréter et d’appliquer les règles afin que le processus d’appel soit simple, rapide et équitable tout en tenant compte de la situation particulière des partiesNote de bas de page 62.
[32] Dans l’arrêt Abrametz, la Cour suprême du Canada réfère à un processus administratif pour établir les trois étapes servant à déterminer si, dans le cadre d’un tel processus, un délai constitue un abus de procédureNote de bas de page 63.
[33] J’estime que les étapes établies par la Cour suprême du Canada dans cette décision ne font pas en sorte de faire des distinctions entre les types de tribunaux pour lesquels ces étapes sont applicables ni d’exclure un tribunal administratif indépendant comme le Tribunal de la sécurité sociale du Canada.
[34] Je souligne également que plusieurs décisions rendues par la Division d’appel et la Division générale démontrent que le Tribunal a exercé sa compétence en se prononçant sur le bien-fondé de demandes d’arrêt des procéduresNote de bas de page 64.
[35] Ces décisions n’ont pas été portées en appel par la Commission.
[36] L’autorité du Tribunal à l’égard de demandes d’arrêt des procédures pour lesquelles il s’est prononcé n’a pas été remise en question.
[37] Je considère que le Tribunal détient la compétence requise pour se prononcer sur des requêtes en arrêt des procédures.
Longueur du délai
[38] Je considère que malgré les arguments présentés par le représentant pour demander un arrêt des procédures, il ne démontre pas que le délai écoulé entre le moment ou l’appelant a présenté une demande d’accès à l’information le 17 novembre 2021Note de bas de page 65 et celui où des documents lui ont été transmis par la Commission, en octobre 2024Note de bas de page 66, en suivi à cette demande, est excessif dans les circonstances, au point de justifier un arrêt des procédures en question.
[39] Bien qu’un délai de près de 36 mois se soit écoulé, entre novembre 2021 et octobre 2024, avant que l’appelant obtienne des renseignements de la part de la Commission dans le cadre de sa demande d’accès à l’information, ce délai ne peut toutefois être imputable à cette dernière ni au Tribunal d’ailleurs.
[40] Je considère que dans le cas présent ni la Commission ni le Tribunal ne sont responsables du délai occasionné dans le traitement du dossier de l’appelant suivant sa demande d’accès à l’information.
[41] Le Tribunal, tout comme les parties aux dossiers (la Commission et l’appelant) étaient tributaires du résultat de la demande d’accès à l’information présentée par l’appelant.
[42] Je retiens que la Commission a fait en sorte de fournir le plus de renseignements possible à l’appelant relativement à sa demande d’accès à l’information.
[43] Il demeure que le Tribunal a retardé la tenue de l’audience à la demande de l’appelant, car il attendait d’obtenir des renseignements dans le cadre de sa demande d’accès à l’information. Je souligne que le Tribunal était prêt et disponible pour entendre l’appel en fonction des éléments de preuve déjà au dossier.
[44] Je souligne également que ce n’est que le 18 avril 2024Note de bas de page 67 que l’appelant a demandé un arrêt des procédures dans son dossier, plus d’une dizaine de jours après que la Commission lui ait transmis un document de plus de 500 pages pour donner une suite à sa demande d’accès à l’informationNote de bas de page 68.
[45] J’estime aussi que la Commission n’avait pas non plus l’obligation de faire le suivi du dossier de l’appelant lorsque les parties étaient en attente du résultat de cette demande.
[46] En ce qui concerne le Tribunal, je souligne que les Règles de procédure du Tribunal de la sécurité sociale ne prévoient pas de délai pour entendre ses dossiers, sauf de le faire dans le cadre d’un processus d’appel simple et rapide, tout en respectant les principes d’équitéNote de bas de page 69.
[47] J’estime que malgré l’écoulement de ce délai, l’appelant a eu la possibilité de défendre son cas dans le cadre de ce processusNote de bas de page 70.
[48] Je considère également que la question en litige, sur le fond, n’est pas des plus complexes. Il s’agit de déterminer si la Commission est justifiée de réclamer une somme d’argent à l’appelant pour des prestations versées en trop. Je suis d’avis que cette question pouvait être tranchée en s’appuyant sur les articles de Loi pertinents, sans qu’il soit nécessaire d’examiner de potentielles directives gouvernementales s’y rattachant. De telles directives ne représentent pas des articles de Loi.
[49] Dans l’arrêt Abrametz, la Cour suprême du Canada a déterminé que pour conclure à un abus de procédure le « délai doit être excessif »Note de bas de page 71. Dans cette décision, la Cour suprême du Canada précise aussi que l’écoulement du temps à lui seul ne suffit pas pour conclure à un délai déraisonnable en droit administratifNote de bas de page 72.
[50] Dans l’affaire Blencoe, la Cour suprême du Canada nous indique aussi que « […] le délai ne justifie pas, à lui seul, un arrêt des procédures comme l’abus de procédure en common law »Note de bas de page 73.
[51] Dans l’affaire Norman, la Cour d’appel fédérale nous informe également qu’un délai ne constitue pas en soi un abus de procédure justifiant un arrêt des procéduresNote de bas de page 74.
[52] J’estime que suivant sa demande d’accès à l’information, l’appelant ne démontre pas l’existence d’un délai inacceptable pouvant constituer un abus de procédure.
[53] Ce délai n’était ni excessif ni abusif dans les circonstances.
Préjudice causé par le délai
[54] J’estime également que le représentant ne démontre pas que le délai occasionné par sa demande d’accès à l’information a causé un préjudice important à l’appelantNote de bas de page 75.
[55] Le représentant ne présente pas d’éléments de preuve convaincants à cet égard.
[56] Tout en prenant en compte la situation particulière de l’appelant, un jeune dans la vingtaine, et son expérience de vie, j’estime que cet élément ne justifie pas sa demande d’arrêt des procédures.
[57] Bien que dans le contexte de la pandémie de COVID-19, l’appelant ait pu ressentir du stress en raison d’une diminution de ses heures de travail et compte tenu de ses obligations financières, il demeure que dans son cas, il n’a pas été privé de prestations d’assurance-emploi.
[58] La somme d’argent qui lui est réclamée par la Commission concerne des prestations lui ayant été versées en trop. À la suite de la présentation de son appel devant le Tribunal, l’appelant n’a pas eu à rembourser la somme d’argent qui lui est réclamée puisque la dette qui en découle est suspendue, et ce, sans que des intérêts s’accumulent sur cette somme. Dans ce contexte, l’appelant bénéficie du délai dans le traitement de son dossier plutôt que d’en être victime ou d’en subir un préjudice d’ordre pécuniaire.
[59] Dans l’arrêt Abrametz, la Cour suprême du Canada nous indique que le délai doit lui-même avoir causé un préjudice important pour justifier un arrêt des procéduresNote de bas de page 76. Dans cette décision, la Cour suprême du Canada précise que ce n’est que lorsque le délai est au détriment de la partie touchée qu’un tribunal conclura à un abus de procédureNote de bas de page 77.
[60] Dans l’affaire Blencoe, la Cour suprême du Canada indique aussi que pour constituer un abus de procédure dans les cas où il n’y a aucune atteinte à l’équité de l’audience, le délai doit être manifestement inacceptable et avoir directement causé un préjudice importantNote de bas de page 78.
[61] Dans l’affaire Norman, la Cour d’appel fédérale nous informe également qu’un délai ne constitue pas en soi un abus de procédure justifiant un arrêt des procédures et que pour justifier un tel arrêt dans le contexte du droit administratif, il faut prouver qu’un délai inacceptable a causé un préjudice importantNote de bas de page 79.
[62] J’estime que l’appelant ne démontre pas avoir subi un préjudice important découlant du délai occasionné par sa demande d’accès à l’information.
[63] Malgré ce délai, sa situation n’est pas devenue telle qu’elle peut justifier sa demande d’arrêt des procédures.
Abus de procédure
[64] Je considère également que le représentant ne démontre pas que le délai occasionné par la demande d’accès à l’information a pu compromettre l’équité de l’audience de l’appelantNote de bas de page 80.
[65] Je considère que ce délai n’a pas fait en sorte de créer une injustice envers l’appelant ni de vicier les procédures de son dossier d’appel ou de compromettre l’équité de l’audience ou encore, de déconsidérer l’administration de la justice.
[66] L’appelant a eu la possibilité de présenter son cas et de se faire entendre par le Tribunal lors d’une audience tenue dans le cadre d’un processus d’appel simple et rapide, qui respecte les principes d’équité et qui tient compte de la situation particulière des parties, comme prévu aux Règles de procédure du Tribunal de la sécurité socialeNote de bas de page 81.
[67] Dans l’affaire Norman, la Cour d’appel fédérale nous informe que dans le cas d’un abus de procédures en matière de droit administratif, l’arrêt des procédures n’est pas la seule réparation possible et que la personne qui présente une demande en ce sens doit s’acquitter d’un lourd fardeau de preuveNote de bas de page 82.
[68] L’appelant ne s’acquitte pas du fardeau qui lui incombe de démontrer qu’il y a eu un abus ou un vice de procédure pouvant justifier sa demande d’arrêt des procédures dans son dossier.
[69] Il ne démontre pas que le délai écoulé relativement à sa demande d’accès à l’information était excessif ou déraisonnable. Il ne démontre pas non plus avoir subi un préjudice important en raison de ce délai ni que l’équité de l’audience a été compromise.
[70] La demande en arrêt des procédures est rejetée.
Versement de prestations de la PAEU à l’appelant
[71] En raison de la COVID-19, la Loi sur l’assurance-emploi a été modifiée entre autres, avec la mise en place de la PAEUNote de bas de page 83. Différentes raisons permettent de devenir prestataire de la PAEU. Ce type de prestations n’est pas seulement destiné aux personnes qui ont cessé de travailler pour les raisons liées à la COVID-19.
[72] L’une des raisons qui permettent à un prestataire de recevoir des prestations de la PAEU est que sa période de prestations aurait pu être établie au cours de la période du 15 mars 2020 au 3 octobre 2020 inclusivement, pour bénéficier, entre autres, de prestations régulières ou spéciales d’assurance-emploi (prestations de maladie)Note de bas de page 84. Toutefois, au cours de ce laps de temps, aucune période de prestations ne pouvait être établie à l’égard de prestations régulières d’assurance-emploi ou de prestations spéciales (ex. : prestations de maladie)Note de bas de page 85.
[73] Le montant versé dans le cadre de la prestation de la PAEU était de 500,00 $ par semaineNote de bas de page 86. Cependant, la Commission a décidé de verser quatre semaines de prestations à l’avance (2 000,00 $) aux personnes demandant les prestations de la PAEU pour la première fois. La Loi autorisait la Commission à verser ces prestations avant la date où elles auraient normalement été verséesNote de bas de page 87.
[74] La Commission prévoyait récupérer cette avance ou ce versement anticipé en retenant quatre semaines de prestations plus tard, généralement aux 13e, 14e,18e et 19e semaines de prestations demandées.
[75] Dans le présent dossier, la Commission réfère à la fois aux prestations de la Prestation canadienne d’urgence (PCU) et à celles de la PAEU ou de la PU-AE (prestation d’urgence de l’assurance-emploi) ayant été versées à l’appelant. L’appelant et son représentant, quant à eux, réfèrent aux prestations de la Prestation canadienne d’urgence (PCU) pour désigner ces prestations.
[76] Bien que ces deux types de prestations puissent être considérées comme semblables, les prestations de la PAEU (PU-AE) et celles de la PCU sont deux types différents de prestations. Pendant la période au cours de laquelle ces types de prestations étaient disponibles, soit du 15 mars 2020 au 3 octobre 2020 inclusivement, les personnes normalement admissibles au bénéfice des prestations d’assurance-emploi (prestations régulières ou prestations spéciales) ont reçu des prestations de la PAEU et celles qui n’y étaient pas normalement admissibles ont reçu des prestations de la PCU, si elles remplissaient les conditions requises pour en recevoir. Le montant versé dans les deux cas était le même, soit 500,00 $ par semaine.
[77] Bien que dans le cas présent, le représentant et l’appelant réfèrent aux prestations de la PCU pour décrire le type de prestations qui ont été versées à ce dernier, il s’agit de prestations de la PAEU, étant donné les renseignements donnés par la Commission à cet effetNote de bas de page 88. La Commission précise que l’appelant était admissible au bénéfice des prestations de la PAEU (PU-AE)Note de bas de page 89.
[78] Je vais ainsi décrire les prestations reçues par l’appelant au cours de la période en cause comme des prestations de la PAEU.
[79] Il s’agit des prestations auxquelles ce dernier était admissible pour la période en cause, suivant la présentation de sa demande de prestations le 19 mars 2020Note de bas de page 90.
Obligation de rembourser les prestations versées en trop
[80] La somme d’argent représentant les prestations versées en trop à l’appelant doit être remboursée.
[81] La Loi prévoit que si une personne a reçu des prestations d’assurance-emploi, dont des prestations de la PAEU, auxquelles elle n’était pas admissible ou parce qu’elle était exclue du bénéfice de ces prestations, est tenue de les rembourser ou de rembourser le versement excédentaire qui en a découléNote de bas de page 91.
[82] La Commission dispose d’un délai de 36 mois pour examiner de nouveau toute demande au sujet de prestations payées ou payables à un prestataire, incluant les prestations de la PAEU, et ce délai est de 72 mois si elle estime qu’une déclaration ou affirmation fausse ou trompeuse a été faite relativement à une demande de prestationsNote de bas de page 92.
[83] Le Règlement sur l’assurance-emploi (le Règlement) prévoit que la Commission peut défalquer une somme due selon des conditions spécifiquesNote de bas de page 93. La défalcation d’une somme due signifie la radiation ou l’extinction de la somme due ou d’une dette (ex. : trop-payé).
[84] Le représentant fait valoir les éléments suivants :
- a) Le représentant explique que l’appelant reconnaît avoir reçu le versement anticipé de 2 000,00 $, le 6 avril 2020, et des prestations pour une période de sept semaines, soit pour la période échelonnée du 15 mars 2020 au 9 mai 2020, en excluant la semaine du 22 au 28 mars 2020Note de bas de page 94 ;
- b) Lorsque l’appelant a reçu une réclamation de la CommissionNote de bas de page 95, il a été informé qu’il n’était plus admissible à une somme d’argent donnée. Les explications données à l’appelant dans cette lettre étaient très vaguesNote de bas de page 96 ;
- c) Dans la demande de prestations présentée par l’appelant, la Commission énonce les droits et responsabilités d’un prestataire. Ce document énonce aussi les droits et responsabilités de la Commission (ex. : donner un service courtois, donner des renseignements exacts au sujet d’une demande de prestationsNote de bas de page 97 ;
- d) Pour connaître les critères d’admissibilité au bénéfice des prestations, dont ceux relevant du programme de prestations de la PAEU, l’appelant s’est fié aux personnes responsables de l’application des critères en vigueur ou des programmes en placeNote de bas de page 98 ;
- e) Il a pris des mesures pour s’assurer qu’il était admissible au bénéfice des prestations de la PAEU ;
- f) À deux reprises, les 4 et 9 juin 2020, l’appelant a communiqué avec la Commission pour se renseigner sur son droit d’en recevoirNote de bas de page 99 ;
- g) Lors de ses appels, les représentants de la Commission lui ont dit qu’il y était admissible ;
- h) L’appelant a été induit en erreur par les deux représentants de la Commission auxquels il a parlé. Ces derniers devaient connaître les programmes de prestations en vigueur ;
- i) Le 4 juin 2020, un représentant de la Commission a dit à l’appelant qu’il avait droit aux prestations de la PAEU. Lors de cet appel, d’une durée de plus d’une heure et demie (91 minutes), le représentant lui a précisé qu’il faisait l’objet d’une réclamation de 500,00 $ (semaine du 22 au 28 mars 2020) parce que, dans ce cas, il n’avait pas le droit de recevoir des prestations de la PAEU. L’appelant a réglé cette réclamation. Le représentant souligne que lors de cet appel, il n’a toutefois pas été question du remboursement du versement anticipé de 2 000,00 $ que l’appelant avait reçuNote de bas de page 100 ;
- j) Le 9 juin 2020, l’appelant a communiqué avec la Commission dans le but de savoir pourquoi un dépôt d’une somme de 3 000,00 $ (prestations) avait été fait dans son compte bancaire (dépôt effectué le 8 ou le 9 juin 2020)Note de bas de page 101. Le résumé de cet appel téléphonique, d’une durée de plus de deux heures (121 minutes) ne se trouve pas au dossier de l’appelantNote de bas de page 102 ;
- k) Le représentant dit avoir raison d’avoir besoin du résumé de l’appel téléphonique du 9 juin 2020 pour démontrer que le représentant de la Commission a induit l’appelant en erreur. Lors de cet appel, le représentant de la Commission a confirmé à l’appelant qu’il avait droit à cet argent ;
- l) Il y a eu une erreur administrative de la part de représentants de la Commission dont le rôle est d’informer adéquatement les citoyens concernant les programmes en vigueur ;
- m) L’appelant n’a pas à payer pour le manque de professionnalisme des deux représentants de la Commission avec lesquels il a parlé les 4 et 9 juin 2020 concernant son droit de recevoir des prestations de la PAEU ;
- n) L’appelant a fait les démarches nécessaires afin d’éviter de se retrouver dans une situation où il aurait à rembourser une somme d’argent pour des prestations versées en trop ;
- o) Le représentant demande l’annulation de la réclamation de 2 000,00 $ que la Commission a présentée à l’appelantNote de bas de page 103.
[85] Pour sa part, la Commission fait valoir les éléments suivants :
- a) L’appelant doit rembourser la somme d’argent qui lui a été versée en trop en prestations de la PAEU. La décision de la Commission porte uniquement sur le paiement à l’appelant du versement anticipé de 2 000,00 $ et non sur son admissibilité au bénéfice des prestations de la PAEU pour la période du 15 mars 2020 jusqu’à son retour au travail le 11 mai 2020, en excluant la semaine du 22 au 28 mars 2020Note de bas de page 104 ;
- b) L’appelant a présenté une demande initiale de prestations (prestations régulières) le 19 mars 2020. Une période de prestations a été établie à compter du 15 mars 2020. La demande de prestations a été convertie en prestations de la PAEU. Toutes les demandes de prestations régulières ou spéciales étaient transformées en demande de prestations de la PAEU entre le 15 mars 2020 et le 26 septembre 2020Note de bas de page 105 ;
- c) La Commission a versé l’équivalent de quatre semaines de prestations, à 500,00 $ par semaine, en avance de prestations pour un total de 2 000,00 $Note de bas de page 106 ;
- d) L’appelant a reçu des prestations de la PAEU pour une période de sept semaines entre 15 mars 2020 et le 9 mai 2020, en excluant la semaine du 22 au 28 mars 2020 au cours de laquelle il a effectué 48 heures de travailNote de bas de page 107 ;
- e) Le 6 avril 2020, il a également reçu un versement anticipé de 2 000,00 $ représentant l’équivalent de quatre semaines de prestations à 500,00 $ par semaineNote de bas de page 108 ;
- f) L’appelant a ainsi reçu des prestations de la PAEU équivalant à une période totale de 11 semaines, mais avait droit à des prestations pour une période de sept semaines. Il a ainsi reçu une somme totale de 5 500,00 $, en incluant le versement anticipé de 2 000,00 $. Ce qui représente 785,71 $ par semaine en prestations. Ce qui est contraire aux dispositions prévues à l’article 153.10 (1) de la Loi selon lesquelles un prestataire a droit à 500,00 $ par semaineNote de bas de page 109 ;
- g) L’appelant a reçu une somme de 2 000,00 $ en tropNote de bas de page 110 ;
- h) Durant la réception de ses prestations, l’appelant a déclaré avoir été de retour au travail le 11 mai 2020. Ses versements de prestations de la PAEU ont alors cesséNote de bas de page 111 ;
- i) Puisque l’appelant est retourné au travail rapidement, la récupération (réconciliation) de la somme d’argent représentant le versement anticipé de 2 000,00 $ n’a pas pu avoir lieuNote de bas de page 112 ;
- j) La Commission explique que si l’appelant avait continué de remplir ses déclarations du prestataire et s’il se qualifiait pour recevoir des prestations de la PAEU, la récupération du versement anticipé de 2 000,00 $ se serait effectuée au cours des 13e et 14e semaines de prestations, pour une somme de 1 000,00 $, et ensuite, au cours des 18e et 19e semaines de prestations, pour la somme restante de 1 000,00 $Note de bas de page 113 ;
- k) Les articles prévus à la Loi doivent être appliqués, peu importe les échanges qu’il y aurait pu avoir entre l’appelant et les personnes auxquelles il aurait parlé (ex. : représentants de la Commission), et que la Commission ne peut ni infirmer ni confirmer ;
- l) Quant à l’affirmation du représentant selon laquelle l’appelant a été « induit en erreur » par les représentants de la Commission, il pourrait y avoir eu une confusion entre l’admissibilité aux prestations de la PAEU et le fait d’être spécifiquement admissible à recevoir un versement anticipé ;
- m) Le fait d’être admissible aux bénéfices des prestations de la PAEU ne veut pas dire automatiquement qu’on a le droit au versement anticipé de 2 000,00 $. Il n’est pas clair pour la Commission à quel moment on a parlé d’admissibilité au bénéfice des prestations à l’appelant ni comment cela a été compris ;
- n) Les prestations de la PAEU sont payées à un prestataire qui en fait la demande et qui répond aux critères d’admissibilité. Des vérifications sont faites à ce sujet à une date ultérieureNote de bas de page 114 ;
- o) La Commission ne remet pas en question le comportement ou la bonne foi de l’appelant. Il n’est pas question de déclarations mensongères de sa part. L’appelant a fait des déclarations pour obtenir des prestations. Lorsqu’il y a eu une erreur dans ses déclarations, celles-ci ont été modifiées et l’appelant a remboursé les prestations auxquelles il n’avait pas droit (ex. : semaine du 20 au 28 mars 2020) ;
- p) Le représentant parle de comportements inadmissibles de la part de représentants de la Commission et semble se plaindre du ministère, des délais ou du manque d’éclaircissements. Selon la Commission, ces aspects ne sont pas pertinents à la question spécifique, car cette question est encadrée par la Loi. Sans faire aucune admission sur ce que des représentants de la Commission auraient pu dire ou faire, n’ayant pas connaissance de ces informations auxquelles le représentant fait référence, la Loi est claire sur cette question ;
- q) La Commission souligne que l’article 56 du Règlement prévoit des dispositions lorsqu’il s’agit d’annuler un trop-payé en prestations, entre autres, lorsqu’il est question d’une erreur administrative ou de « mauvais conseils ». Toutefois le Tribunal n’a pas compétence pour se prononcer sur une question se rapportant à l’annulation d’une dette, en application de l’article 56 du Règlement ;
- r) Pour faire valoir son cas sur une telle question, l’appelant devrait plutôt présenter une demande à la Commission en vertu de cet article. Le cas échéant, la Commission rend une décision sur cette question spécifique et cette décision peut faire l’objet d’un contrôle judiciaire devant la Cour fédérale.
[86] Malgré le désaccord de l’appelant avec le fait qu’il doive rembourser la somme de 2 000,00 $ représentant le versement anticipé qu’il a reçu en prestations de la PAEU, il demeure qu’il doit rembourser cette somme. Celle-ci représente un versement excédentaire qui doit être remboursé.
[87] L’appelant a reçu un versement anticipé de 2 000,00 $, en plus de recevoir des prestations pour une période de sept semaines. La somme de 2 000,00 $ qu’il a reçue à titre de versement anticipé représente quatre semaines de prestations à 500,00 $ par semaine.
[88] Ce faisant, il a reçu des prestations pour une période équivalant à 11 semaines, alors qu’il pouvait en recevoir pour une période de sept semaines, soit pour la période échelonnée du 15 mars 2020 au 9 mai 2020, en excluant la semaine du 22 au 28 mars 2020.
[89] Le versement anticipé de 2 000,00 $ n’a pas pu être récupéré par la Commission durant la période pour laquelle des prestations de la PAEU ont été versées à l’appelant.
[90] Selon les explications de la Commission, la récupération de ce versement anticipé n’a pu être effectuée, car l’appelant a cessé de recevoir des prestations de la PAEU avant ce moment, étant donné qu’il a effectué un retour au travail le 11 mai 2020Note de bas de page 115.
[91] Si l’appelant n’était pas retourné au travail à ce moment et qu’il avait continué de recevoir des prestations, la récupération de ce versement aurait été faite après les 12e et 17e semaines de sa période de prestations (récupération de deux semaines de prestations durant les 13e et 14e semaines et de deux autres semaines durant les 18e et 19e semaines).
[92] Le versement anticipé de 2 000,00 $ que la Commission n’a pas été en mesure de récupérer lorsqu’elle a versé des prestations de la PAEU à l’appelant représente ainsi un versement excédentaire qui doit être remboursé.
[93] La Cour d’appel fédérale nous informe que le montant du versement excédentaire indiqué dans un avis de dette devient remboursable à la date de notification et que la personne qui reçoit un versement excédentaire de prestations est tenue d’en restituer immédiatement le montantNote de bas de page 116.
[94] Je considère que la Commission s’est prévalue du droit dont elle dispose pour demander à l’appelant de rembourser la somme d’argent qui lui a été versée en trop en prestations de la PAEUNote de bas de page 117.
[95] Sans présumer de la teneur des échanges entre des représentants de la Commission et l’appelant, les 4 et 9 juin 2020, au cours desquels celui-ci aurait été informé qu’il était admissible au bénéfice des prestations de la PAEU, cette situation ne change rien au fait qu’il a reçu des prestations en trop.
[96] La Cour d’appel fédérale nous informe aussi que même si un représentant de la Commission fournit des renseignements erronés à un prestataire, cette situation ne fait pas en sorte de soustraire ce dernier des exigences de la LoiNote de bas de page 118.
[97] Bien que le représentant demande l’annulation de la réclamation de 2 000,00 $ que la Commission a présentée à l’appelant et qu’il fasse également valoir que ce dernier n’a pas à payer pour une erreur administrative des représentants de cette instance, je précise que le Tribunal n’est pas habilité à se prononcer en matière de défalcation ou d’annulation d’un trop-payéNote de bas de page 119. Ce pouvoir appartient à la Commission.
[98] La situation de l’appelant ne peut avoir pour effet de l’exempter de son obligation de rembourser le montant du trop-payé réclamé pour des prestations qui lui ont été versées en trop.
[99] Bien que sympathique à la cause de l’appelant, la Cour d’appel fédérale nous informe qu’il n’est pas permis aux arbitres, ce qui inclut le Tribunal, de réécrire la Loi ou de l’interpréter d’une manière contraire à son sens ordinaireNote de bas de page 120.
[100] Je ne peux pas annuler le trop-payé de l’appelantNote de bas de page 121. Cependant, la Commission peut décider d’annuler un trop-payé dans différentes circonstances, par exemple, si son remboursement cause un préjudice abusif. L’appelant peut donc demander à la Commission d’annuler le trop-payé. Sinon, l’appelant peut communiquer avec l’ARC pour conclure une entente de paiement.
[101] Je considère que la Commission est justifiée de réclamer le montant du trop-payé à l’appelant. Il appartient à la Commission d’examiner les modalités de remboursement de la somme d’argent qu’elle lui réclame.
Conclusion
[102] Je conclus que la demande d’arrêt des procédures présentée par l’appelant n’est pas justifiée.
[103] Je conclus que la somme d’argent représentant les prestations versées en trop à l’appelant, et qui lui est réclamée par la Commission, doit être remboursée selon les modalités établies par cette dernière.
[104] Par conséquent, l’appel est rejeté.