Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : Commission de l’assurance-emploi du Canada c NH, 2025 TSS 430

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Partie appelante : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Représentante ou représentant : Jonathan Dent
Partie intimée : N. H.
Représentante ou représentant : J. K.

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 10 février 2025 (corrigendum) (GE-25-141)

Membre du Tribunal : Glenn Betteridge
Mode d’audience : Téléconférence
Date d’audience : Le 22 avril 2025

Personnes présentes à l’audience :

Représentant de l’appelante
Intimé
Représentant de l’intimé

Date de la décision : Le 28 avril 2025
Numéro de dossier : AD-25-127

Sur cette page

Décision

[1] Je rejette l’appel de la Commission de l’assurance-emploi du Canada.

[2] La division générale a commis des erreurs de compétence. J’ai corrigé ses erreurs en rendant la décision qu’elle aurait dû rendre.

[3] N. H. était disponible pour travailler du 13 octobre au 30 novembre 2024. Par conséquent, il n’est pas inadmissible au bénéfice des prestations pendant cette période.

Aperçu

[4] N. H. est le prestataire dans cette affaire. Il était gérant dans une entreprise de restauration.

[5] En raison d’un incendie, le commerce où il travaillait a été gravement endommagé. Il a été fermé pour des travaux et devait rouvrir quelques mois plus tard. Par l’entremise de son employeur, le prestataire a touché des prestations de remplacement de revenu provenant d’un régime d’assurance privé pendant quelques mois. Lorsque ces prestations étaient sur le point de se terminer, le prestataire a renouvelé sa demande d’assurance-emploi.

[6] La Commission lui a refusé des prestations. Elle a expliqué qu’il n’était pas disponible pour travailler au titre de l’article 18(1)(a) de la Loi sur l’assurance-emploi. Cet article prévoit que, pour tout jour où une personne veut recevoir des prestations régulières, elle doit démontrer qu’elle est capable de travailler et disponible à cette fin, mais incapable de trouver un emploi convenable.

[7] La division générale a décidé que le prestataire était disponible pour travailler parce qu’il avait démontré que sa situation correspondait aux trois éléments de la décision FaucherNote de bas de page 1. Par conséquent, il n’était pas inadmissible au bénéfice des prestations.

[8] La Commission a demandé la permission de faire appel. Elle a fait valoir que la division générale avait commis des erreurs de droit et de compétence, ainsi que des erreurs de fait importantes. Je lui ai accordé la permission de faire appel parce qu’il était possible de soutenir que la division générale avait commis des erreurs de compétence.

[9] Les parties conviennent que la division générale a commis trois erreurs de compétence. J’ai corrigé la décision de la division générale en rendant la décision qu’elle aurait dû rendre. En me fondant sur une décision judiciaire récente et sur les circonstances exceptionnelles de la présente affaire, j’ai décidé que le prestataire était disponible.

Questions en litige

[10] Je vais trancher les trois questions en litige suivantes :

  • La division générale a-t-elle commis des erreurs de compétence lorsqu’elle a réparti les prestations provenant d’un régime d’assurance privé et lorsqu’elle a décidé de l’admissibilité du prestataire pour la mauvaise période?
  • S’il y a eu erreur de compétence, dois-je la corriger en rendant la décision appropriée ou en renvoyant l’affaire à la division générale pour réexamen?
  • Si je décide de rendre la décision appropriée, je dois vérifier si le prestataire était disponible pour travailler du 13 octobre au 30 novembre 2024.

Analyse

Ce que dit la loi

[11] Je peux intervenir et corriger une décision de la division générale si la Commission démontre que cette dernière a commis une erreurNote de bas de page 2. Je peux examiner quatre types d’erreurs : l’erreur de compétence, l’erreur de droit, l’erreur de fait importante et la question d’iniquité procéduraleNote de bas de page 3.

[12] Je vais aussi examiner l’exigence de disponibilité pour le travail prévue à l’article 18(1)(a) de la Loi sur l’assurance-emploi, que j’ai expliquée plus haut. Les tribunaux ont décidé qu’il faut utiliser les trois éléments de la décision Faucher pour vérifier si une personne est disponible pour travailler au titre de cet article.

La division générale a commis des erreurs de compétence

[13] La compétence, c’est le pouvoir légal de trancher une question. La division générale commet une erreur de compétence dans un appel si elle fait l’une ou l’autre des choses suivantes :

  • elle tranche une question de droit qu’elle n’avait pas le pouvoir de trancher;
  • elle ne tranche pas une question qu’elle aurait dû trancher.

[14] Le prestataire a renouvelé une demande de prestations le 13 octobre 2024. Sa période de prestations se terminait le 30 novembre 2024.

[15] Selon la décision de révision de la Commission et l’appel du prestataire, la division générale devait trancher la question suivante : le prestataire était-il disponible pour travailler du 13 octobre au 30 novembre 2024?

[16] La division générale a bien énoncé la question sur la disponibilité, mais n’a pas mentionné de dates (voir le paragraphe 8 de sa décision). Elle a ensuite commis les trois erreurs de compétence suivantes :

  • Elle n’a pas vérifié si le prestataire était disponible du 13 octobre au 6 novembre 2024, même si la Commission a décidé qu’il ne l’était pas et qu’il a fait appel de cette décision précise.
  • Elle a décidé que le prestataire n’avait pas droit à des prestations du 6 août au 6 novembre 2024 en raison de ses prestations de remplacement de revenu, alors que la Commission n’avait pas tranché cette question et que la demande de renouvellement commençait seulement le 13 octobre 2024.
  • Elle a décidé que le prestataire avait droit à des prestations jusqu’au 15 décembre 2024, alors que la Commission ne pouvait pas lui en verser après la fin de sa période de prestations, le 30 novembre 2024.

[17] Dans ma décision relative à la permission de faire appel, j’ai cerné un argument défendable pour chaque erreur. Les parties conviennent que la division générale a commis ces erreursNote de bas de page 4. Je suis aussi d’accord.

[18] Dès que j’établis que la division générale a commis une erreur, je n’ai pas à examiner les arguments de la Commission concernant les autres erreurs. Et la loi me donne le pouvoir de corriger les erreurs.

Corriger les erreurs en rendant la décision que la division générale aurait dû rendre

[19] La Commission m’a demandé de rendre la décision que la division générale aurait dû rendre. Elle a affirmé que la division générale avait donné au prestataire l’occasion de présenter ses éléments de preuve et ses arguments. J’ai donc la preuve dont j’ai besoin pour décider si le prestataire était disponible. Le prestataire voulait aussi que je rende la décision appropriée.

[20] Je suis d’accord avec les parties pour les raisons que la Commission a données. Je vais trancher la question suivante : le prestataire était-il disponible pour travailler du 13 octobre au 30 novembre 2024?

[21] La Commission affirme que le prestataire n’a pas prouvé qu’il répondait au critère tiré de la décision Faucher. Il n’était donc pas disponible pour travailler et ne pouvait pas recevoir de prestations.

[22] Le prestataire affirme que la décision de la Commission n’a aucun sens. La Commission a versé des prestations régulières à environ 20 autres personnes de l’entreprise qui se trouvaient exactement dans la même situation que lui. De plus, la Commission donne habituellement trois semaines pour que les gens commencent à chercher du travail en attendant de retourner à leur emploi.

L’argument de la Commission ne tient pas compte d’une décision judiciaire récente

[23] La Commission interprète de façon rigide et restrictive l’énoncé « tout jour ouvrable d’une période de prestations » de l’article 18(1)(a)Note de bas de page 5. La Commission soutient que les décisions judiciaires prévoient qu’il ne suffit pas qu’une partie prestataire dise qu’elle est disponible. Les parties prestataires doivent démontrer clairement leur attitude et leur conduite à l’aide de preuves, et prouver qu’elles ont cherché un emploi convenable chaque jour ouvrable de leur période de prestations.

[24] Cependant, certaines décisions des cours fédérales m’indiquent qu’il y a une autre façon d’interpréter l’exigence de disponibilité dans des circonstances exceptionnelles. Cette interprétation est plus souple et fondée sur les faits. Les cours fédérales reconnaissent depuis longtemps que, dans certaines circonstances, une partie prestataire peut démontrer qu’elle est disponible sans avoir à chercher activement un emploi convenable dès le premier jour ouvrable de sa période de chômage.

[25] Dans une décision intitulée Page, la Cour d’appel fédérale a déclaré qu’il était raisonnable pour le Tribunal de décider que le prestataire pouvait attendre quelques mois avant de commencer ses recherches d’emploi, étant donné la situation particulière créée par la fermeture des commerces pendant la pandémie de COVID-19Note de bas de page 6. La Cour a ensuite résumé la jurisprudence en faisant référence à des décisions du juge-arbitre du Canada sur les prestations et à une autre décision judiciaire :

Sur ce point, contrairement à ce qu’indique la division d’appel, il semblerait qu’il n’existe aucune règle absolue qui obligerait en toutes circonstances les prestataires à entreprendre sur-le-champ une recherche d’emploi. D’ailleurs, d’autres décisions reconnaissent qu’il y a lieu d’accorder aux prestataires un délai raisonnable avant le début de la recherche d’emplois pour voir s’ils seront rappelés au travail [...] [citations non comprises]Note de bas de page 7.

[26] La division générale a cité judicieusement la décision Page (voir le paragraphe 19 de sa décision).

Dans les circonstances, le prestataire avait droit à un délai raisonnable lui permettant d’être rappelé au travail avant de devoir chercher un autre emploi

[27] La disponibilité est une question de fait qui nécessite d’appliquer le droit établi à la preuve dans l’appelNote de bas de page 8. Voici les éléments de preuve que j’accepte et sur lesquels je m’appuie pour conclure que le prestataire avait droit à un délai raisonnable avant de commencer à chercher un emploi convenable de façon active et continue :

  • L’incendie et les travaux nécessaires de reconstruction constituaient des circonstances exceptionnelles.
  • Lorsque le prestataire a renouvelé sa demande, l’employeur (propriétaire) croyait que l’entreprise rouvrirait en janvier 2025Note de bas de page 9.
  • Pour l’employeur (propriétaire), le prestataire était un gérant précieux. Il voulait qu’il revienne lorsque l’entreprise allait rouvrir.
  • Le prestataire voulait retourner travailler pour son employeur dès la réouverture de l’entreprise (il s’agit du premier élément de la décision Faucher).
  • Pendant la deuxième moitié d’octobre 2024, le prestataire a présenté des demandes d’emploi dans trois commerces de détail de sa région (il s’agit du deuxième élément de la décision Faucher).
  • Le fait de compter sur un retour au travail chez son employeur pendant une période raisonnable n’a pas trop limité ses chances de retourner sur le marché du travail (il s’agit du troisième élément de la décision Faucher).

[28] Dans les circonstances, j’estime qu’un délai raisonnable est sept semaines, soit du 13 octobre au 30 novembre 2024. Le prestataire a démontré qu’il était disponible pour travailler pendant cette période. Par conséquent, il n’est pas inadmissible au bénéfice des prestations pendant ce temps.

[29] J’ai examiné les décisions des cours fédérales qui prévoient qu’une personne n’est pas disponible si elle attend d’être rappelée au travailNote de bas de page 10. Dans une décision intitulée Lamirande, on dit qu’affirmer le contraire irait à l’encontre de l’objectif du régime d’assurance-emploi, qui est d’indemniser les personnes qui se retrouvent sans emploi pour des raisons hors de leur contrôle. La décision Page et les décisions qui y sont citées reflètent mieux les circonstances exceptionnelles de la présente affaire. Dans sa situation et pendant la courte période qui m’intéresse, le prestataire était sans emploi pour des raisons hors de son contrôle. Et le meilleur moyen de ravoir un emploi convenable pour lui était de retourner travailler chez son employeur.

[30] Si le prestataire présente une nouvelle demande initiale après le 30 novembre 2024, il devra démontrer à la Commission qu’il était disponible pour travailler conformément à cette demande.

Conclusion

[31] Je rejette l’appel de la Commission.

[32] La division générale a commis des erreurs que j’ai corrigées en rendant la décision appropriée.

[33] Dans les circonstances exceptionnelles du prestataire, je conclus qu’il était disponible pour travailler et qu’il n’était pas inadmissible aux prestations du 13 octobre au 30 novembre 2024.

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