Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : GD c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2024 TSS 1732

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : G. D.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (681394) datée du 17 septembre 2024 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Susan Stapleton
Mode d’audience : En personne
Dates de l’audience : Le 12 décembre 2024
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 23 décembre 2024
Numéro de dossier : GE-24-3636

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli. Le Tribunal est d’accord avec l’appelant.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada ne s’est pas acquittée de son obligation de démontrer que l’appelant a quitté volontairement son emploi. L’appelant n’est donc pas exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Aperçu

[3] L’appelant a commencé à travailler pour l’employeur en avril 2023. Il a cessé de travailler le 8 février 2024.

[4] La Commission a examiné les raisons du départ de l’appelant. Elle a décidé qu’il avait quitté volontairement son emploi sans justification et qu’elle ne pouvait donc pas lui verser de prestations.

[5] Je dois décider si l’appelant a quitté volontairement son emploi et, dans l’affirmative, si son départ était la seule solution raisonnable dans son cas.

[6] La Commission affirme que l’appelant disposait d’autres solutions raisonnables que de quitter son emploi. Il aurait pu continuer à travailler et à faire appel au soutien qu’il avait dans sa collectivité pour sa femme et son père jusqu’à ce que son emploi prenne fin. Il aurait pu aussi discuter de sa situation avec son employeur et son syndicat, demander si les rumeurs de fin de contrat étaient exactes et négocier une fin de contrat plus rapide, rester en contact avec l’employeur et le tenir au courant de la date à laquelle il envisageait de revenir au travail ou communiquer avec son médecin pour discuter de sa santé mentale et de son épuisementNote de bas de page 1.

[7] L’appelant n’est pas d’accord. Il affirme qu’il n’a pas démissionné ou abandonné son emploi. Il est parti en congé pour une période indéterminée le 8 février 2024 pour s’occuper de son père qui était malade. Au cours d’un appel téléphonique avec les ressources humaines et son représentant syndical, on lui a dit de prendre autant de temps que nécessaire. Il a toujours eu l’intention de revenir au travail dès qu’il le pourrait. Il a été pris au dépourvu lorsque l’employeur a présenté un relevé d’emploi indiquant qu’il avait démissionné. L’employeur ne l’avait pas contacté pour convenir d’une date de retour au travail. L’appelant estime que l’employeur aurait dû communiquer avec lui avant d’envoyer le relevé d’emploi pour lui donner la possibilité de retourner au travail, car il avait la ferme intention d’y retournerNote de bas de page 2.

Question que je dois examiner en premier

L’appelant n’a pas reçu les documents d’appel avant l’audience

[8] L’appelant a indiqué à l’audience qu’il n’avait reçu ni le dossier de révision (document GD3) ni les observations de la Commission au Tribunal (document GD4).

[9] J’ai discuté avec l’appelant des options qui s’offraient à lui, notamment demander à une personne travaillant pour Service Canada où se tenait l’audience d’imprimer les documents et de lui donner le temps de les passer en revue. Je l’ai informé que l’audience pouvait être reportée à une date ultérieure pour que les documents puissent lui être envoyés et qu’il puisse les consulter. L’appelant a choisi de procéder à l’audience et de recevoir les documents après celle-ci. Les documents lui ont été envoyés par courriel après l’audience, et un délai lui a été accordé pour qu’il puisse présenter les commentaires et les observations supplémentaires qu’il avait en réponse à ceux-ciNote de bas de page 3.

[10] L’appelant a envoyé ses commentaires par courriel au Tribunal le 20 décembre 2024.

Question en litige

[11] L’appelant est-il exclu du bénéfice des prestations parce qu’il a quitté volontairement son emploi sans justification?

[12] Pour répondre à cette question, je dois d’abord vérifier si l’appelant a quitté volontairement son emploi. Dans l’affirmative, je dois ensuite évaluer s’il était fondé à le faire.

Analyse

[13] La loi prévoit qu’une personne est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi si elle quitte volontairement son emploi sans justificationNote de bas de page 4. Il ne suffit pas d’avoir une bonne raison de quitter un emploi pour prouver qu’on est fondé à le faire.

L’appelant n’a pas quitté volontairement son emploi

[14] La Commission doit prouver selon la prépondérance des probabilités que l’appelant a quitté volontairement son emploiNote de bas de page 5.

[15] Pour décider si l’appelant a quitté volontairement son emploi, je dois évaluer s’il avait le choix de resterNote de bas de page 6.

[16] Je conclus que l’appelant n’a pas quitté volontairement son emploi parce qu’il n’a pas démissionné ou abandonné son emploi. Il était en congé pour une durée indéterminée et avait l’intention de retourner au travail quand il le pourrait.

[17] La Commission affirme que l’appelant a quitté volontairement son emploi parce qu’il est à l’origine de sa cessation d’emploi. Elle dit qu’il savait qu’il avait démissionné et qu’il avait expliqué les raisons de son départ au cours de ses appels téléphoniques à la Commission le 14 mai 2024 et le 10 juin 2024Note de bas de page 7.

[18] Le dossier contient un compte rendu de l’appel téléphonique de l’appelant à la Commission du 14 mai 2024. Le compte rendu indique que l’appelant a déclaré qu’il n’avait pas repris son emploi parce que son père était malade et qu’il devait retourner en Nouvelle-Écosse le faire soigner. Il a affirmé qu’il avait expliqué cela à son employeur et que celui-ci avait dit que c’était correctNote de bas de page 8.

[19] Le dossier contient aussi un compte rendu de l’appel téléphonique de l’appelant à la Commission du 10 juin 2024. On y mentionne que l’appelant a déclaré qu’il devait amener son père à ses traitements contre le cancer. Il en avait informé l’employeur qui comprenait et lui avait dit de revenir quand il le pourraitNote de bas de page 9.

[20] L’employeur a produit un relevé d’emploi indiquant que l’appelant avait démissionnéNote de bas de page 10.

[21] L’employeur a dit à la Commission que l’appelant devait retourner au travail le 15 mars 2024, mais qu’il avait annulé son vol pour rester auprès de son père qui suivait des traitements contre le cancer. Au bout de 90 jours, l’appelant n’ayant pas signalé qu’il prolongeait son congé ou de date de retour, l’employeur avait produit un relevé indiquant qu’il avait démissionné et abandonné son emploi. L’employeur a déclaré que l’appelant pourrait être réembauché à un moment donné s’il choisissait de revenir, mais que pour l’instant, il considérait qu’il avait démissionnéNote de bas de page 11.

[22] Le 17 septembre 2024, l’appelant a déclaré à la Commission qu’il n’avait pas quitté son emploi. Il a dit qu’il était rentré chez lui en Nouvelle-Écosse en février 2024 et qu’il avait emmené son père à ses cinq ou six derniers traitements. Il avait ensuite eu des problèmes personnels. Il a affirmé qu’il n’avait jamais présenté de démission et qu’il n’avait jamais dit à l’employeur qu’il démissionnait. Il avait parlé à Marty des ressources humaines et à son représentant syndical, qui lui avaient accordé un congé, mais sans fixer de date de retour au travail. Il n’avait pas eu de communication avec l’employeur par la suite. Il ne l’avait pas tenu au courant de sa situation. L’employeur ne l’avait pas non plus contacté. Pour lui, il était en congé pour une période indéterminée. Sa femme lui avait dit que s’il retournait au travail, elle ne serait pas là quand rentrerait à la maison. Il n’allait pas mettre son mariage en péril pour un emploi. Même si l’employeur avait communiqué avec lui, il lui aurait dit qu’il devait démissionner de toute façonNote de bas de page 12.

[23] L’employeur a présenté un deuxième relevé d’emploi, dont la raison de production était « manque de travail, fin du contrat fin ou de la saison de travailNote de bas de page 13 ».

[24] L’appelant a déclaré ce qui suit :

  • Il vit en Nouvelle-Écosse et a travaillé pour l’employeur en Colombie-Britannique selon un horaire de rotation. Il travaillait 20 jours puis avait 8 jours de congé, et 2 de ces jours de congé étaient consacrés aux déplacements.
  • Il a été mis à pied en décembre 2023, puis est retourné au travail en janvier 2024.
  • Son père, qui avait 85 ans, avait reçu un diagnostic de cancer. Il était le seul à pouvoir l’emmener suivre ses traitements, qui se trouvaient à plus d’une heure de son domicile. Il est donc retourné en Nouvelle-Écosse le 8 février 2024.
  • Avant de quitter le chantier, il s’est entretenu avec son contremaître principal. Il a expliqué ce qui se passait avec son père et lui a dit qu’il aurait besoin d’un congé. Il a ajouté qu’il ne reviendrait probablement pas pour sa prochaine rotation et qu’il n’était pas certain quand il pourrait revenir. Son contremaître s’est montré très compréhensif et lui a dit de [traduction] « faire ce qu’il avait à faire ». Il lui a dit que l’employeur avait mis en place des programmes adaptés à ses besoins et que l’entreprise souhaitait qu’il revienne travailler. Le contremaître lui a donné le numéro de téléphone de son représentant syndical et lui a dit d’appeler les ressources humaines s’il ne pouvait pas revenir pour sa prochaine rotation.
  • Le 14 ou le 15 février 2024, il a téléphoné à son représentant syndical. Le représentant syndical a parlé aux ressources humaines sur haut-parleur. Le représentant des ressources humaines lui a demandé quand il pensait revenir et il lui a répondu qu’il ne pouvait pas lui donner de date de retour, parce qu’il ne savait pas quand les traitements de son père prendraient fin. Le représentant des ressources humaines lui a dit que ce n’était pas un problème et qu’il pouvait prendre tout le temps dont il avait besoin. Il ne lui a pas demandé de rester en contact avec lui ou de lui donner des nouvelles pendant son congé. Il s’attendait à ce que l’employeur communique avec lui si nécessaire. Il a dit aux ressources humaines que dès qu’il se libérerait, il retournerait travailler. Il n’a jamais été question de démission.
  • Il pensait qu’il serait mis à pied au début du printemps 2024 et que l’employeur communiquerait avec lui au moment où il mettrait tout le monde à pied pour lui dire la même chose.
  • L’employeur n’a jamais communiqué avec lui pour lui parler de son retour au travail pendant son congé. Il a donc été pris au dépourvu lorsque la Commission lui a dit que l’employeur avait présenté un relevé d’emploi indiquant qu’il avait démissionné. En 45 ans de travail dans la construction, il n’a jamais démissionné. Il pense que l’employeur aurait dû communiquer avec lui avant de dire qu’il avait démissionné.
  • Il ne savait pas que l’employeur avait une politique sur l’abandon d’emploi.
  • Il a rencontré plusieurs autres problèmes une fois rentré chez lui. Son médecin de famille a pris sa retraite et il n’a pas pu faire faire renouveler ses ordonnances. Il a dû passer un examen de la vue pour renouveler le permis qu’il détenait pour conduire les véhicules qu’il utilisait au travail. Il a dû se rendre à l’étranger de manière inattendue pour régler un problème lié à une propriété qu’il possède.
  • Il ne se souvient pas avoir dit à la Commission que même si l’employeur avait communiqué avec lui, il lui aurait dit qu’il devait démissionner, comme l’indiquait le compte rendu de l’appel téléphonique du 17 septembre 2024. Il n’a jamais eu l’intention de démissionner.
  • Il voulait retourner au travail dès qu’il le pouvait. Si l’employeur avait communiqué avec lui pendant son congé et lui avait dit qu’il devait retourner au travail, sans quoi il considérait qu’il avait démissionné, il aurait pris l’avion et y serait retourné.
  • Il a écrit à son représentant syndical, qui a ensuite envoyé une lettre à l’employeur, expliquant qu’il n’avait pas démissionné. Deux jours plus tard, l’employeur a produit un nouveau relevé d’emploi, dont la raison de production était « manque de travail, fin du contrat ou de la saison de travail ». Peu après, l’employeur a mis tout le monde à pied. Il n’est jamais retourné travailler pour l’employeur.

[25] La Commission affirme que l’appelant a quitté son emploi parce qu’il n’est pas revenu après avoir cessé de travailler en février 2024Note de bas de page 14. Je ne suis pas d’accord.

[26] L’appelant a déclaré à la Commission qu’il n’avait pas quitté son emploi. Il a également témoigné qu’il n’avait pas démissionné. J’ai trouvé son témoignage crédible à cet égard. En effet, il a témoigné sous affirmation solennelle et a répondu à mes questions d’une manière simple et cohérente tout au long de l’audience. J’ai pu l’interroger et mettre à l’épreuve son témoignage. J’accepte son témoignage selon lequel il était en congé pour une durée indéterminée et qu’il n’a pas démissionné ou abandonné son emploi. Je crois qu’il avait l’intention de reprendre son emploi une fois que les problèmes qu’il devait régler chez lui en Nouvelle-Écosse auraient été résolus.

[27] Cela signifie que l’appelant n’a pas quitté volontairement son emploi.

[28] La Commission ne s’est donc pas acquittée de son obligation de prouver qu’il est plus probable qu’improbable que l’appelant a quitté volontairement son emploi.

[29] Puisque j’ai conclu que l’appelant n’a pas quitté volontairement son emploi, je n’ai pas à évaluer s’il était fondé à le faire.

Conclusion

[30] La Commission ne s’est pas acquittée de son obligation de démontrer que l’appelant a quitté volontairement son emploi. L’appelant n’est donc pas exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[31] Par conséquent, l’appel est accueilli.

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