Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : NN c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2025 TSS 439

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : N. N.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (707038) datée du 15 janvier 2025 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Laura Hartslief
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 18 mars 2025
Personnes présentes à l’audience : Appelante
Sudhir Khakhria, interprète
Date de la appelante : Le 18 mars 2025
Numéro de dossier : GE-25-503

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Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] L’appelante a seulement droit à 5 semaines de prestations parentales standards. L’appelante a reçu 17 semaines supplémentaires de prestations parentales auxquelles elle n’avait pas droit. Cela a créé un trop-payé.

[3] La loi ne me permet pas d’annuler la décision de la Commission concernant les semaines de prestations parentales et le trop-payé.

[4] La Commission a agi de façon judiciaire lorsqu’elle a décidé d’exercer son pouvoir discrétionnaire. Elle n’a pas eu tort de réexaminer la demande de l’appelante parce que celle-ci avait reçu des prestations parentales en trop.

Aperçu

[5] L’appelante et son époux ont choisi les prestations parentales standards et ils ont reçu un total combiné de 57 semaines de prestations.

[6] Personne ne conteste le fait que l’appelante a reçu 17 semaines de plus que le nombre maximal de 40 semaines qui peut être partagé entre les époux. Cela a créé un trop-payé.

[7] La Commission a le pouvoir de réexaminer une demande de prestations au titre de l’article 52. Elle a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire lorsqu’elle l’a fait.

[8] L’appelante comprend qu’elle a reçu 17 semaines supplémentaires de prestations parentales auxquelles elle n’avait pas droit. Toutefois, elle affirme qu’elle ne savait pas qu’il y avait une limite de 40 semaines lorsqu’elle et son mari ont demandé des prestations. L’appelante affirme qu’elle ne devrait pas être tenue responsable du trop-payé qui en a résulté.

[9] Pour les raisons suivantes, je conclus que la Commission a agi de façon judiciaire lorsqu’elle a réexaminé la demande de prestations parentales de l’appelante. Je conclus également que l’appelante a reçu 17 semaines de prestations de plus que ce à quoi elle avait droit. Je n’ai pas le pouvoir discrétionnaire d’annuler le trop-payé qui en a résulté.

Questions en litige

[10] La Commission a-t-elle agi de façon judiciaire lorsqu’elle a réexaminé la demande de prestations parentales de l’appelante?

[11] L’appelante avait-elle droit aux 22 semaines de prestations parentales standards qu’elle a reçues?

[12] Si ce n’est pas le cas, est-elle responsable du remboursement des prestations qu’elle a reçues par erreur?

Analyse

La Commission a-t-elle agi de façon judiciaire lorsqu’elle a réexaminé la demande de prestations parentales de l’appelante?

[13] L’article 52 de la Loi sur l’assurance-emploi prévoit que la Commission « peut réexaminer une demande de prestations » même après que des prestations ont été versées à une personneNote de bas de page 1. Cela signifie que même après avoir versé des prestations, la Commission peut légalement examiner de nouveau une demande et voir si ces prestations auraient dû être versées. La Commission a le pouvoir de le faire pour toute demande pour laquelle des prestations ont été versées ou auraient dû l’êtreNote de bas de page 2. Toutefois, ce n’est pas parce que la Commission est autorisée à réexaminer une demande de prestations qu’elle doit le faire.

[14] Lorsque la Commission décide de réexaminer une demande, elle doit le faire dans les délais prescrits et de façon judiciaire (ou équitable). Autrement dit, la Commission ne peut pas agir de mauvaise foi, dans un but ou pour un motif irrégulier, de façon discriminatoire, et elle ne peut pas non plus prendre en compte un facteur non pertinent ou ignorer un facteur pertinentNote de bas de page 3. La loi ne dit pas à la Commission quels sont les facteurs à prendre en considération. La Cour fédérale a déclaré que la Commission devrait tenir compte des facteurs qui favorisent le caractère définitif (les prestataires devraient pouvoir se fier aux décisions de la Commission) et l’exactitude (les erreurs et les fausses déclarations devraient être corrigées). Cela comprend les facteurs mentionnés dans sa politique de réexamenNote de bas de page 4. La Commission ne devrait pas tenir compte de la situation d’une personne, comme sa capacité de payer ou son niveau de stressNote de bas de page 5.

[15] Plus précisément, la Commission peut réexaminer une demande dans les 36 mois suivant le versement des prestationsNote de bas de page 6 ou dans les 72 mois si elle croit qu’une déclaration fausse ou trompeuse a été faite relativement à une demandeNote de bas de page 7.

[16] Si la Commission a agi de façon judiciaire, le Tribunal ne peut pas modifier sa décision de réexaminer une demande. Si la Commission n’a pas agi de façon judiciaire, le Tribunal peut décider s’il y avait lieu de réexaminer la demande.

[17] Dans l’affaire dont je suis saisie, il n’est pas contesté que la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire dans les délais prescrits. La Commission a rendu sa décision de révision le 26 avril 2024Note de bas de page 8. La Commission a examiné les prestations parentales qui portaient sur la période du 20 juin au 20 novembre 2021Note de bas de page 9; elle a donc respecté le délai de 36 mois.

[18] La vraie question dont je suis saisie est de savoir si la Commission a agi de façon judiciaire lorsqu’elle a décidé de réexaminer la demande de prestations parentales de l’appelante. Comme je l’ai mentionné plus haut, afin d’agir de façon judiciaire, la Commission ne peut pas :

  • agir de mauvaise foi ou dans un but ou pour un motif irrégulier;
  • tenir compte d’un facteur non pertinent;
  • ignorer un facteur pertinent;
  • agir de façon discriminatoireNote de bas de page 10.

[19] Comme la Loi l’assurance-emploi ne précise pas quels facteurs sont pertinents pour l’exercice du pouvoir discrétionnaire de la Commission, cette dernière a élaboré un document de politique interne qui décrit les différents scénarios dans lesquels elle devrait réexaminer une demande. Cette politique vise à faire en sorte que ses décisions soient cohérentes et ne soient pas arbitrairesNote de bas de page 11.

[20] Dans l’affaire Molchan,la Cour fédérale note que même si la Commission a une politique de réexamen, celle-ci n’a pas force de loiNote de bas de page 12. Cependant, la Cour fédérale affirme qu’il s’agit de facteurs pertinents à prendre en compte pour décider si une demande doit être réexaminée. Le document de politique interne de la Commission précise qu’une demande de prestations doit être réexaminée seulement dans les cas suivants :

  • les prestations versées étaient insuffisantes;
  • des prestations ont été versées contrairement à la structure de la Loi sur l’assurance-emploi;
  • des prestations ont été versées à la suite d’une déclaration fausse ou trompeuse;
  • la partie prestataire aurait dû savoir qu’elle recevait des prestations auxquelles elle n’avait pas droitNote de bas de page 13.

[21] Pour les raisons suivantes, je ne suis pas convaincue que la Commission n’a pas agi de façon judiciaire lorsqu’elle a réexaminé la demande de prestations de l’appelante.

[22] À l’audience, j’ai demandé à l’appelante si elle pensait que la Commission n’avait pas agi de façon judiciaire lorsqu’elle a réexaminé sa demande de prestations parentales. L’appelante n’a fourni aucun renseignement qui laisserait croire que la Commission a fait preuve de discrimination à son égard, qu’elle a agi de mauvaise foi ou qu’elle a tenu compte de facteurs non pertinents lorsqu’elle a réexaminé sa demande. L’appelante soutient plutôt que sans même se pencher sur le réexamen de la Commission, je devrais [traduction] « annuler » le trop-payé parce qu’elle éprouve des difficultés financières.

[23] Selon la preuve dont je dispose, je ne suis pas convaincue que la Commission n’a pas agi de façon judiciaire lorsqu’elle a réexaminé la demande de l’appelante. Je comprends que l’appelante s’inquiète de l’incidence financière de la décision de la Commission. Je suis sensible à sa situation, mais il n’y a tout simplement pas assez d’éléments de preuve devant moi pour conclure que la Commission n’a pas agi de façon judiciaire.

[24] L’appelante a reçu 17 semaines de prestations parentales auxquelles elle n’avait pas droit. Aucun jugement ni pouvoir discrétionnaire n’est exercé pour déterminer le nombre total de semaines de prestations parentales payables. La Loi sur l’assurance-emploi établit les éléments essentiels à l’admissibilité. Cela signifie que l’appelante a reçu des prestations qui ont été versées « contrairement à la structure de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 14 ». La politique de la Commission permet à celle-ci de réexaminer la demande de prestations de l’appelante. De plus, le formulaire de demande rappelle précisément que [traduction] « si les parents partagent les prestations parentales [standards], ils peuvent recevoir jusqu’à un total combiné de 40 semainesNote de bas de page 15 ». Cela me porte à croire que l’appelante « aurait dû savoir qu’[elle] recevait des prestations auxquelles [elle] n’avait pas droitNote de bas de page 16 » et que la politique de la Commission lui permettait de faire un réexamen.

[25] Pour toutes ces raisons, je suis convaincue que la Commission n’a pas agi de mauvaise foi ou dans un but inapproprié, elle n’a pas fait preuve de discrimination, et n’a pas tenu compte de facteurs non pertinents ni omis de tenir compte de facteurs pertinents. Elle a respecté sa politique interne, car elle pouvait réexaminer la demande de l’appelante et elle a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire à cet égard.

L’appelante a-t-elle droit aux 22 semaines de prestations parentales standards qu’elle a reçues?

[26] Au moment de demander des prestations parentales de l’assurance-emploi, il faut choisir entre l’option standard et l’option prolongéeNote de bas de page 17. Lorsque les prestations parentales sont partagées, les deux parents doivent faire le même choix. Le premier parent qui remplit la demande d’assurance-emploi lie l’autre parent à la même optionNote de bas de page 18. Le nombre maximal de semaines de prestations parentales partagées pour le même enfant ne peut pas dépasser 40 semaines pour les prestations parentales standards ou 69 semaines pour les prestations parentales prolongéesNote de bas de page 19.

[27] Personne ne conteste le fait que l’époux de l’appelante a reçu 35 semaines de prestations parentales standardsNote de bas de page 20. L’appelante a reçu 22 semaines de prestations parentales standards du 20 juin au 20 novembre 2021Note de bas de page 21. L’appelante et son époux ont donc reçu un total combiné de 57 semaines de prestations parentales standards.

[28] La Loi sur l’assurance-emploi prévoit que lorsque deux prestataires de la première catégorie partagent les prestations parentales standards, le nombre combiné de semaines de prestations qu’ils reçoivent ne peut pas dépasser 40 semainesNote de bas de page 22. Cela signifie que l’appelante a reçu 17 semaines de prestations auxquelles elle n’avait pas droit. L’appelante avait seulement droit à 5 semaines de prestations parce que son époux avait reçu 35 semaines de prestations. Comme l’appelante a effectivement reçu 22 semaines de prestations parentales standards, cela signifie qu’elle a reçu 17 semaines de prestations auxquelles elle n’avait pas droit.

[29] L’appelante a confirmé à l’audience qu’elle comprend et ne conteste pas qu’elle a reçu 17 semaines de prestations parentales auxquelles elle n’avait pas droit. Cependant, elle affirme avoir commis une simple erreur parce qu’elle n’avait pas compris qu’elle et son mari pouvaient seulement recevoir un total combiné de 40 semaines.

[30] Selon la preuve dont je dispose, je ne suis pas convaincue que l’appelante avait droit aux 22 semaines de prestations parentales qu’elle a reçues. L’appelante avait seulement droit à 5 semaines de prestations, ce qui signifie qu’elle a reçu 17 semaines de prestations auxquelles elle n’avait pas droit.

L’appelante est-elle responsable du trop-payé?

[31] Personne ne conteste le fait que l’appelante a reçu 17 semaines de prestations parentales standards auxquelles elle n’avait pas droit. Cela a entraîné un trop-payé d’environ 11 000 $Note de bas de page 23. L’appelante affirme que le remboursement de ce trop-payé aggravera la situation financière de sa famille qui est déjà très difficile.

[32] L’appelante a livré un témoignage détaillé sur sa situation financière actuelle. L’appelante affirme que son mari est le seul gagne-pain de leur famille, car elle n’a pas pu retourner au travail après la naissance de leur deuxième enfant. En effet, l’appelante n’a pas pu trouver de garderie qui s’occuperait de ses deux jeunes enfants avant et après l’école. L’appelante affirme que son mari et elle ont plusieurs dettes en souffrance, dont des prêts bancaires et des dettes contractées par carte de crédit. L’appelante affirme qu’elle aurait encore plus de difficultés financières si elle devait rembourser les 11 000 $ de prestations qu’elle a reçues par erreur. Elle a également décrit la souffrance émotionnelle extrême que cela entraînerait pour elle et sa famille si elle devait rembourser le trop-payé. L’appelante a déclaré que son mari et elle sont aux prises avec le stress et la dépression en raison de leurs difficultés financières.

[33] À l’appui de son témoignage, l’appelante a fourni plusieurs factures et documents bancaires qui confirment son témoignage selon lequel elle et son mari ont plusieurs prêts en souffranceNote de bas de page 24. Ces documents comprennent trois factures de carte de crédit, un document de prêt automobile et un relevé bancaire pour une marge de crédit. Tous ces documents appuient son témoignage selon lequel elle et sa famille éprouvent actuellement des difficultés financières.

[34] L’appelante a témoigné sur ces points de façon détaillée et cohérente et je n’ai aucune raison de mettre en doute ce qu’elle dit. Je ne doute pas que l’appelante et sa famille éprouvent présentement des difficultés financières, et que le remboursement de ces prestations créera du stress émotionnel et aggravera ses difficultés financières.

[35] Même si je suis sensible à la situation de l’appelante, je suis convaincue, pour les raisons déjà mentionnées, qu’elle a reçu 17 semaines de prestations parentales auxquelles elle n’avait pas droit. Par conséquent, l’appelante est tenue de rembourser ces prestations. Une personne qui reçoit des prestations de l’assurance-emploi auxquelles elle n’a pas droit doit rembourser la somme indûment verséeNote de bas de page 25.

[36] Je souligne également que le Tribunal n’a pas la compétence d’annuler un trop-payé. Autrement dit, la loi ne me permet pas d’annuler le trop-payé ou de rendre une décision qui a une incidence sur la responsabilité de l’appelante de veiller au remboursement.

[37] Toutefois, même si je n’ai pas la compétence nécessaire pour annuler un trop-payé, l’appelante peut avoir d’autres recours à cet égard. La Commission a le pouvoir discrétionnaire d’annuler les trop-payés dans des circonstances particulièresNote de bas de page 26. L’appelante peut demander l’annulation de son trop-payé en raison de difficultés financières. Pour ce faire, elle doit communiquer avec le Centre Service Canada de sa région pour demander [traduction] « l’annulation de son trop-payé en raison de difficultés financières ».

[38] L’appelante peut également communiquer avec l’Agence du revenu du Canada (ARC) pour s’entendre sur un plan de remboursement. L’ARC évaluera alors sa situation financière et formulera une recommandation à la direction générale du dirigeant principal des finances de la Commission.

[39] Quoi qu’il en soit, et pour toutes les raisons déjà mentionnées, je conclus que l’appelante a reçu 17 semaines de prestations parentales standards auxquelles elle n’avait pas droit. L’appelante est responsable du remboursement du trop-payé de prestations. L’appelante a reçu des prestations qui ont été versées « contrairement à la structure de la Loi sur l’assurance-emploi ». Et la Commission avait le droit de réexaminer sa demande aux termes de l’article 52. Pour ces raisons, je conclus que la Commission a agi de façon judiciaire. Par conséquent, l’appel de l’appelante est rejeté.

Conclusion

[40] L’appel de l’appelante est rejeté.

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