[TRADUCTION]
Citation : RM c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2025 TSS 444
Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi
Décision
Partie appelante : | R. M. |
Partie intimée : | Commission de l’assurance-emploi du Canada |
Décision portée en appel : | Décision de révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (691920) datée du 21 novembre 2024 (communiquée par Service Canada) |
Membre du Tribunal : | Harkamal Singh |
Mode d’audience : | Téléconférence |
Date de l’audience : | Le 5 mars 2025 |
Personne présente à l’audience : | Appelante |
Date de la décision : | Le 24 mars 2025 |
Numéro de dossier : | GE-25-299 |
Sur cette page
Décision
[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec l’appelant.
[2] L’appelant n’a pas démontré qu’il avait un motif valable justifiant le retard de sa demande de prestations. Autrement dit, l’appelant n’a pas fourni une explication acceptable selon la loi. Par conséquent, sa demande ne peut pas être traitée comme si elle avait été présentée plus tôtNote de bas de page 1.
Aperçu
[3] L’appelant a demandé des prestations d’assurance-emploi le 17 novembre 2023. Il souhaite maintenant que la demande soit traitée comme si elle avait été présentée plus tôt, soit le 30 avril 2017. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a déjà rejeté sa demande.
[4] Je dois décider si l’appelant a prouvé qu’il avait un motif valable justifiant le fait qu’il n’a pas présenté sa demande de prestations plus tôt.
[5] La Commission affirme que l’appelant n’avait pas de motif valable parce qu’il n’a pas agi comme une personne raisonnable; il aurait dû vérifier ses droits et ses obligations concernant les prestations d’assurance-emploi après avoir cessé de travailler. La Commission soutient qu’il a attendu des années avant de faire des démarches pour s’informer de son admissibilité.
[6] L’appelant n’est pas d’accord. Il affirme qu’il a mal compris les règles. Il pensait être inadmissible aux prestations de l’assurance-emploi parce qu’il recevait des prestations du Régime de pensions du Canada (RPC) et de la Sécurité de la vieillesse (SV). Ce n’est qu’en novembre 2020 qu’un ami lui a dit qu’il était peut-être admissible. Cela a été confirmé par Service Canada en juin 2023. Il soutient qu’il s’agissait d’une erreur de bonne foi compte tenu des circonstances.
Question en litige
[7] La demande de prestations de l’appelant peut-elle être traitée comme si elle a été présentée le 30 avril 2017? C’est ce qu’on appelle « antidater » la demande.
Analyse
[8] Pour qu’une demande de prestations soit antidatée, la partie prestataire doit prouver les deux choses suivantesNote de bas de page 2 :
- a) qu’elle avait un motif valable justifiant son retard pendant toute la période écoulée (autrement dit, qu’elle avait une explication acceptable selon la loi);
- b) qu’à la date antérieure (c’est-à-dire la date à laquelle elle veut que sa demande soit antidatée), elle remplissait les conditions requises pour recevoir des prestations.
[9] Les principaux arguments dans la présente affaire portent sur la question de savoir si l’appelant avait un motif valable. Je vais donc commencer par ce point.
[10] Pour démontrer qu’il avait un motif valable, l’appelant doit prouver qu’il a agi comme une personne raisonnable et prudente l’aurait fait dans des circonstances semblablesNote de bas de page 3. Autrement dit, il doit démontrer qu’il s’est comporté de façon prudente et raisonnable, comme n’importe qui d’autre l’aurait fait dans pareille situation.
[11] L’appelant doit démontrer qu’il a agi de cette façon pendant toute la période du retardNote de bas de page 4. Cette période s’étend du jour où il veut que sa demande soit antidatée au jour où il a présenté sa demande. Ainsi, pour l’appelant, la période de retard s’étend du 30 avril 2017 au 17 novembre 2023.
[12] L’appelant doit aussi démontrer qu’il a vérifié assez rapidement son droit aux prestations et ses obligations aux termes de la loiNote de bas de page 5. Autrement dit, il doit démontrer qu’il a essayé de s’informer de ses droits et responsabilités dès que possible et du mieux qu’il le pouvait. Si l’appelant n’a pas fait ces démarches, il doit démontrer que c’est en raison de circonstances exceptionnellesNote de bas de page 6.
[13] L’appelant doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’il doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’un motif valable justifiait son retard.
[14] L’appelant affirme qu’un motif valable justifiait son retard parce qu’il a vraiment mal compris les règles. Il croyait que le fait de recevoir des prestations du RPC et de la SV le rendait inadmissible à l’assurance-emploi. Un ami l’a détrompé en novembre 2020 et le personnel de Service Canada a confirmé les propos de son ami lors d’une conversation en juin 2023Note de bas de page 7.
[15] La Commission affirme que l’appelant n’a pas démontré qu’il avait un motif valable justifiant son retard parce qu’il n’a pas agi comme une personne raisonnable et prudente pour vérifier son admissibilité aux prestations d’assurance-emploi. Plus précisément, elle soutient que le fait de mal comprendre ou d’ignorer les règles d’admissibilité ne constitue pas un motif valable et que le prestataire n’a fait aucun effort pour s’informer auprès de Service Canada pendant plusieurs annéesNote de bas de page 8.
[16] Je conclus que l’appelant n’a pas prouvé qu’un motif valable justifiait son retard à présenter sa demande de prestations. Même si j’admets qu’il a vraiment mal compris les règles d’admissibilité et qu’il croyait que le fait de recevoir des prestations du RPC et de la SV le rendait inadmissible aux prestations, l’exigence juridique est claire : le fait d’ignorer la loi ne constitue pas en soi un motif valable. Une personne raisonnable et prudente dans la situation de l’appelant aurait vérifié rapidement son admissibilité aux prestations, surtout étant donné la durée importante du retard.
[17] La preuve de l’appelant montre qu’il n’a pas demandé des éclaircissements avant d’être détrompé par un ami en novembre 2020, soit plus de trois ans après le début de la période initiale du retardNote de bas de page 9. L’appelant n’a pas présenté sa demande immédiatement après avoir appris qu’il était peut-être admissible en novembre 2020. Il a attendu jusqu’en novembre 2023 pour le faire, soit environ trois années de plus.
[18] J’accorde beaucoup d’importance à la durée et à la continuité du retard de l’appelant. J’estime que le retard est excessif et n’est pas justifié par des circonstances exceptionnelles. L’appelant croyait sincèrement qu’il était inadmissible aux prestations d’assurance-emploi parce qu’il recevait des prestations du RPC et de la SV. Toujours est-il que cela ne satisfait pas à la norme raisonnable et prudente prévue par la loi. Il n’y a aucune preuve de circonstances exceptionnelles qui excuseraient un retard aussi long pour demander des renseignements ou des précisions sur ses droits et ses obligations.
[19] Je n’ai pas besoin d’examiner si l’appelant remplissait les conditions requises à la date antérieure pour recevoir des prestations. Si l’appelant n’a pas de motif valable, sa demande ne peut pas être traitée comme si elle avait été présentée plus tôt.
Conclusion
[20] L’appelant n’a pas prouvé qu’il avait un motif valable justifiant le retard de sa demande de prestations pendant toute la période écoulée.
[21] L’appel est rejeté.