[TRADUCTION]
Citation : DR c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2025 TSS 459
Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi
Décision
Partie appelante : | D. R. |
Partie intimée : | Commission de l’assurance-emploi du Canada |
Décision portée en appel : | Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (699677) datée du 16 janvier 2025 (communiquée par Service Canada) |
Membre du Tribunal : | Paul Dusome |
Mode d’audience : | Téléconférence |
Date de l’audience : | Le 7 mars 2025 |
Personne présente à l’audience : | Appelant |
Date de la décision : | Le 18 mars 2025 |
Numéro de dossier : | GE-25-315 |
Sur cette page
Décision
[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec l’appelant.
[2] L’appelant a effectivement démissionné. Il n’a pas démontré qu’il était fondé (c’est-à-dire qu’il avait une raison acceptable selon la loi) à quitter son emploi quand il l’a fait. L’appelant n’était pas fondé à quitter son emploi parce que d’autres solutions raisonnables s’offraient à lui. Par conséquent, il est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.
Aperçu
L’employeur de l’appelant l’a mis à pied du 22 avril 2024 jusqu’à ce qu’il le rappelle au travail le 7 août 2024. Le personnel n’était pas syndiqué. L’appelant a considéré sa mise à pied comme un congédiement déguisé. Il a fait une demande de prestations d’assurance-emploi le 5 mai 2024. Il a refusé de retourner travailler chez l’employeur lorsqu’il a été rappelé le 7 août dernier. Il voulait que l’employeur lui verse son salaire pour toute la période de mise à pied. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a examiné les raisons pour lesquelles l’appelant n’a pas repris son emploi. Elle a décidé qu’il avait quitté volontairement son emploi (c’est-à-dire qu’il avait choisi de quitter son emploi) à compter du 7 août 2024, en refusant de reprendre son emploi à la fin de la mise à pied. Elle a aussi décidé qu’il n’était pas fondé à démissionner, et qu’elle ne pouvait donc pas lui verser de prestations.
[3] Je dois décider si la Commission a prouvé que l’appelant a effectivement démissionné et s’il a prouvé qu’il s’agissait de la seule solution raisonnable dans son cas.
[4] La Commission affirme que l’appelant a bel et bien démissionné, mais qu’une autre solution raisonnable s’offrait à lui. Celle-ci consistait à retourner travailler, et à trouver un autre emploi avant de démissionner.
[5] L’appelant n’est pas d’accord et affirme que sa mise à pied était en fait un congédiement sans motif. Il n’a pas démissionné. L’employeur l’a traité injustement en le mettant à pied. L’employeur n’a pas voulu lui verser d’indemnité de départ en raison du court préavis de la mise à pied. L’environnement de travail était si malsain et injuste qu’il ne devrait pas avoir à retourner travailler à cet endroit.
Question que je dois examiner en premier
J’accepte les documents envoyés après l’audience
[6] L’appelant a déclaré à la Commission et a témoigné qu’il avait cherché un autre emploi pendant sa mise à pied. Il a affirmé qu’il a continué de chercher à la fin de la mise à pied le 7 août et qu’il a obtenu un autre emploi à la fin de septembre 2024. À l’audience, j’ai demandé à l’appelant de fournir une copie de sa recherche d’emploi. Il s’agit du document GD9 au dossier d’appel.
Question en litige
[7] L’appelant est-il exclu du bénéfice des prestations parce qu’il a quitté volontairement son emploi sans justification?
[8] Pour répondre à cette question, je dois d’abord me pencher sur la question du départ volontaire de l’appelant. Je dois ensuite décider si l’appelant était fondé à quitter son emploi.
Analyse
Les parties ne sont pas d’accord sur le fait que l’appelant a quitté volontairement son emploi
[9] J’estime que l’appelant a quitté volontairement son emploi le 7 août 2024 pour les raisons qui suivent.
[10] L’expression « quitter volontairement un emploi » comprend le refus « de reprendre son emploi, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment où il est censé le reprendreNote de bas de page 1 ».
[11] La question de savoir si une personne a quitté volontairement son emploi est simple : la personne avait-elle le choix de rester ou de partir? La question de savoir si une personne a le droit de traiter la relation d’emploi comme ayant pris fin parce qu’elle a fait l’objet d’un congédiement déguisé est une question différente de celle de savoir si une personne a quitté volontairement son emploi au titre de l’article 30(1) de la Loi sur l’assurance-emploi, de sorte qu’elle ne peut pas être admissible aux prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 2. La Commission et le Tribunal de la sécurité sociale n’ont pas compétence pour décider s’il y a eu congédiement déguisé. C’est une question qui relève de la compétence des tribunaux.
[12] L’appelant travaillait comme monteur-soudeur pour l’employeur. À compter du vendredi 19 avril 2024, l’employeur a mis à pied 13 personnes, dont l’appelant, en raison d’un ralentissement des activités. L’employeur a avisé l’appelant de la mise à pied par message texte le lundi 22 avril à 10 h 52. Il ne connaissait pas la date prévue du rappel. Le 24 avril, à 14 h 49, l’appelant a envoyé un message texte à l’employeur pour lui dire qu’il n’acceptait pas la mise à pied et il a demandé une indemnité de départ et la cessation de son emploi. L’employeur a répondu : [traduction] « Alors vous démissionnez ». L’appelant a répondu : [traduction] « Je ne démissionne pas, je n’accepte pas votre mise à pied temporaire sans date de retour. Je veux que vous me payiez une indemnité de départ. » L’employeur a déposé un relevé d’emploi modifié le 21 août 2024, disant que l’appelant ne revenait pas. La raison pour laquelle le relevé d’emploi a été produit était la même pour les deux relevés d’emploi que l’employeur a produits : [traduction] « Manque de travail/Fin de contrat/Fin de saison A ». L’employeur avait produit le relevé d’emploi modifié dans le cadre d’un règlement de la poursuite intentée par l’appelant contre l’employeur pour congédiement déguisé.
[13] L’appelant trouvait injuste d’avoir été mis à pied par l’employeur. Celui-ci ne lui a pas donné de préavis de deux semaines pour la mise à pied ni d’indemnité de départ. Aucun des deux n’était prévu dans le contrat de travail, mais il estimait que l’employeur aurait dû lui donner les deux. Étant donné que l’employeur l’a traité de cette façon, il ne voulait plus travailler pour lui. Lorsque l’employeur lui a donné l’avis de rappel, il le lui a retourné et lui a dit qu’il l’accepterait seulement s’il était payé pour toute la période de la mise à pied comme s’il avait travaillé. Il s’attendait à recevoir environ 15 000 $ de l’employeur avant de retourner au travail. L’employeur a refusé de le payer. L’appelant n’est donc pas retourné au travail.
[14] À la lumière de cet examen de la preuve, l’appelant a bel et bien quitté son emploi, malgré ses messages disant qu’il n’avait pas démissionné. Sa demande d’indemnité de départ et de cessation d’emploi montre clairement qu’il avait l’intention de mettre fin à son emploi s’il n’était pas payé. Cependant, il n’a pas démissionné immédiatement après la mise à pied. Même si la poursuite contre l’employeur a commencé pendant la mise à pied, la relation d’emploi s’est poursuivie. Ni l’appelant ni l’employeur n’ont fait de démarches pendant la mise à pied pour mettre fin à l’emploi. Ce n’est que le 7 août 2024, lorsque l’appelant a refusé de retourner au travail après avoir été avisé par l’employeur de la fin de la mise à pied, que l’emploi a pris fin. L’emploi de l’appelant a pris fin parce qu’il a décidé de ne pas reprendre son emploi. Au sens de la Loi sur l’assurance-emploi, il s’agit d’un départ volontaireNote de bas de page 3.
Les parties ne sont pas d’accord sur le fait que l’appelant était fondé à quitter volontairement son emploi
[15] Les parties ne sont pas d’accord sur le fait que l’appelant était fondé à quitter volontairement son emploi au moment où il l’a fait.
[16] La loi prévoit qu’une personne est exclue du bénéfice des prestations si elle quitte volontairement son emploi sans justificationNote de bas de page 4. Il ne suffit pas d’avoir une bonne raison de quitter un emploi pour prouver que l’on était fondé à le faire.
[17] La loi explique ce que signifie « être fondé à ». Une personne est fondée à quitter son emploi si son départ était la seule solution raisonnable dans son cas. La loi dit qu’il faut tenir compte de toutes les circonstancesNote de bas de page 5.
[18] C’est à l’appelant de prouver qu’il était fondé à quitter volontairement son emploiNote de bas de page 6. Il doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’il doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que quitter son emploi était la seule solution raisonnable dans son cas. Pour décider si l’appelant était fondé à quitter son emploi, je dois examiner toutes les circonstances entourant son départ.
Au lieu de prendre la décision unilatérale de quitter son emploi, conserver celui-ci jusqu’à ce qu’on en trouve un nouveau est, sans plus, généralement une solution raisonnableNote de bas de page 7.
[19] L’appelant affirme avoir quitté son emploi parce que l’employeur l’a traité injustement en le mettant à pied sans préavis et en ne le payant pas pour la période où il a été mis à pied. Il craignait que l’employeur le mette à pied de nouveau s’il retournait au travail. Cette préoccupation était amplifiée par le fait que l’appelant avait intenté une poursuite contre l’employeur pour congédiement déguisé. Le milieu de travail était tellement malsain. L’appelant affirme que son départ était la seule solution raisonnable à ce moment-là pour ces raisons.
[20] La Commission affirme que l’appelant n’était pas fondé à quitter son emploi parce que d’autres solutions raisonnables s’offraient à lui au moment où il l’a fait. Plus précisément, elle affirme que l’appelant aurait pu retourner au travail lorsque la mise à pied a pris fin et chercher un autre emploi avant de démissionner.
[21] Je conclus que l’appelant n’a pas prouvé qu’il était fondé à démissionner. L’autre solution raisonnable qui s’offrait à lui était de retourner travailler, de poursuivre sa recherche d’emploi et de démissionner lorsqu’il aurait obtenu un nouvel emploi.
[22] Le fait que l’employeur a imposé une mise à pied temporaire sans préavis et qu’il n’a pas payé l’appelant pendant cette période ne constitue pas une justification. Les employeurs ont le droit d’adapter leur main-d’œuvre en fonction des conditions économiques. L’absence de préavis en l’absence d’une clause dans le contrat de travail pour un tel préavis ne constitue pas en soi une justification. Un employeur n’est pas tenu de payer le personnel pendant une période de mise à pied, à moins que le contrat de travail ne comprenne une clause qui l’exige. Il n’y a aucune preuve de l’existence de telles clauses dans la présente affaire. Le fait que l’appelant pense que l’employeur l’a traité de façon injuste lors de la mise à pied ne répond pas au critère de justification. Le fait que l’employeur a refusé de payer l’appelant pour toute la période de mise à pied comme il lui avait demandé ne constitue pas une justification. Il s’agit d’une question devant être abordée dans le cadre d’une poursuite pour congédiement injustifié ou déguisé comme celle que l’appelant a intentée. Ce n’est pas une question que la Commission ou le Tribunal ont la compétence de traiter dans le cadre des demandes d’assurance-emploi. Aucune de ces questions ne démontre que démissionner était la seule solution raisonnable qui s’offrait à l’appelant, car il a refusé de retourner au travail le 7 août.
[23] L’appelant a dit qu’il craignait que l’employeur le mette à pied une fois qu’il serait de retour au travail. Cette crainte était amplifiée par le fait que l’appelant avait intenté une poursuite contre l’employeur pendant la mise à pied pour congédiement déguisé. Dans la présente affaire, l’autre solution raisonnable pour l’appelant aurait été de retourner au travail lorsqu’il serait rappelé, de continuer à chercher un autre emploi, et d’agir en conséquence si jamais l’employeur faisait quelque chose. Il est possible que cela ait créé une situation malaisante pour l’appelant et l’employeur, mais ce n’est pas suffisant pour satisfaire au critère de justification selon lequel il n’existait aucune autre solution raisonnable que de démissionner.
[24] L’appelant a déclaré que l’environnement de travail était très malsain et que l’employeur l’avait traité injustement. Pour cette raison, il ne pensait pas qu’il devrait retourner travailler pour lui. La preuve de l’appelant concernant l’environnement malsain était mince et portait principalement sur un nouveau gestionnaire. Ce gestionnaire faisait de la microgestion, était impoli, se moquait de l’appelant et le surveillait constamment ainsi que les autres membres du personnel. L’appelant n’a pas discuté de ces problèmes avec le gestionnaire ou avec l’employeur. Autrement, l’appelant n’avait aucun problème avec l’employeur avant la mise à pied. Ces problèmes n’appuient pas le fait que le départ de l’appelant était la seule solution raisonnable dans son cas. Une solution raisonnable aurait été de discuter du problème avec le gestionnaire ou l’employeur pour essayer de trouver une solution. Si jamais il était impossible de régler le problème, l’appelant aurait pu être justifié à quitter son emploi s’il y avait d’autres preuves concernant l’environnement malsain et le fait que l’employeur n’avait pas corrigé la situation.
[25] L’appelant a témoigné des démarches qu’il avait faites pour trouver un autre emploi avant de démissionner. Il a fourni une liste des demandes d’emploi qu’il avait présentées sur Indeed du 2 mai au 1er septembre 2024. Il n’a reçu aucune réponse à ces demandes. Il a cependant trouvé un nouvel emploi à la fin de septembre 2024. La Commission a déclaré qu’il aurait dû retourner au travail et continuer à chercher un autre emploi avant de démissionner.
[26] Au lieu de quitter son emploi, l’appelant aurait pu retourner au travail le 7 août 2024 et continuer à chercher un autre emploi pendant qu’il continuait de travailler pour l’employeur. L’appelant n’a pas choisi cette solution raisonnable et n’était donc pas fondé à quitter son emploi quand il l’a fait.
Conclusion
[27] Je conclus que l’appelant est exclu du bénéfice des prestations à compter du 7 août 2024.
[28] Par conséquent, l’appel est rejeté.