[TRADUCTION]
Citation : DG c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2025 TSS 482
Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi
Décision
Partie appelante : | D. G. |
Partie intimée : | Commission de l’assurance-emploi du Canada |
Décision portée en appel : | Décision de révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (702372) datée du 17 février 2025 (communiquée par Service Canada) |
Membre du Tribunal : | Paula Turtle |
Mode d’audience : | Téléconférence |
Date de l’audience : | Le 10 avril 2025 |
Personnes présentes à l’audience : | Appelante Époux de l’appelante |
Date de la décision : | Le 14 avril 2025 |
Numéro de dossier : | GE-25-791 |
Sur cette page
Décision
[1] L’appel est rejeté.
Aperçu
[2] L’appelante travaillait pour un organisme de bienfaisance. Elle a arrêté de travailler et s’est rendue en Inde le 28 janvier 2024 pour avoir un traitement de fécondation in vitro (FIV).
[3] La FIV a fonctionné. L’appelante est restée en Inde même après la naissance de son bébé en décembre 2024. Elle est revenue au Canada avec son bébé le 22 janvier 2025.
[4] L’appelante a demandé des prestations de maladie à compter du 25 août 2024. La Commission a refusé de les lui verser. Elle affirme que l’appelante n’est pas admissible aux prestations parce qu’elle était à l’étranger. De plus, l’appelante n’a pas prouvé qu’elle pouvait bénéficier de l’exception qui permet aux prestataires de recevoir des prestations de maladie à l’étranger. La Commission affirme également que le certificat médical présenté était inacceptable.
[5] La Commission a aussi refusé les prestations à l’appelante parce que celle-ci n’avait pas accumulé assez d’heures pour remplir les conditions requises. Cependant, la Commission a laissé tomber cet argument dans ses observations au Tribunal de la sécurité sociale. Autrement dit, la Commission a changé d’avis. Maintenant, elle convient que l’appelante avait accumulé assez d’heures pour remplir les conditions. Je n’ai donc pas besoin de me pencher sur cette question.
[6] L’appelante affirme être admissible à des prestations de maladie même si elle était à l’étranger. Elle me demande d’approuver sa demande de prestations.
Question en litige
[7] L’appelante est-elle admissible à des prestations de maladie même si elle était à l’étranger?
Analyse
[8] La loi est claire : une personne à l’étranger n’est pas admissible aux prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 1 à moins qu’elle démontre qu’elle est visée par l’une des exceptions prévues par règlementNote de bas de page 2.
[9] Une des exceptions permet de recevoir des prestations même à l’étranger. La personne doit alors démontrer qu’elle a dû quitter le Canada pour subir un traitement médical qui n’est pas immédiatement ou promptement disponible au CanadaNote de bas de page 3.
[10] L’appelante veut bénéficier de cette exception. Elle doit donc prouver qu’elle s’est rendue en Inde pour subir un traitement médical qui n’était pas immédiatement ou promptement disponible au Canada.
[11] Si sa situation correspond à l’exception relative aux traitements médicaux, l’appelante doit aussi démontrer qu’en l’absence de son problème de santé, elle aurait été disponible pour travailler.
Question no 1 : l’appelante peut-elle bénéficier de l’exception relative aux traitements médicaux?
[12] Non, l’appelante ne peut pas tirer parti de l’exception. Elle n’a pas démontré que la FIV n’était pas immédiatement ou promptement disponible au Canada.
[13] Pour décider si le traitement de FIV était immédiatement ou promptement disponible au Canada, je dois tenir compte des réalités actuelles du réseau de la santé canadien. Je vais donc examiner toutes les circonstances entourant la situation de l’appelante, y compris ce qu’elle a fait pour chercher un traitement plus tôt au Canada et les recommandations du personnel médical sur le traitement à l’étranger.
[14] Il arrive qu’un traitement médical ne soit pas disponible dès qu’on le demande. Il y a de l’attente. Mais cela ne veut pas dire que le traitement n’est pas immédiatement ou promptement disponible au Canada.
[15] L’appelante et son époux ont fait valoir que le traitement de FIV n’était pas immédiatement et promptement disponible au Canada.
[16] L’appelante et son époux expliquent que celle-ci est allée en Inde pour deux raisons : parce qu’il fallait trop attendre pour avoir une FIV au Canada et parce que la mère de l’appelante se trouvait en Inde et qu’elle pouvait s’occuper de celle-ci pendant son traitement. Voici ce que l’appelante et son époux m’ont dit :
- L’appelante avait malheureusement fait quelques fausses couches.
- L’appelante et son époux ont vu des spécialistes en gynécologie et en fertilité dans leur ville au Canada. Le premier rendez-vous en gynécologie a eu lieu en 2020, suivi d’un rendez-vous en fertilité en juin 2023. Pendant ce rendez‑vous, l’appelante et son époux se sont fait recommander la FIV.
- La spécialiste en fertilité a accepté l’appelante comme patiente et lui a expliqué le traitement de FIV. Elle lui a dit qu’il faudrait de 12 à 15 mois avant de commencer le traitement. L’appelante avait 33 ans.
- L’appelante et son époux n’ont pas interrogé la spécialiste en fertilité sur l’incidence de l’attente et ne lui ont pas demandé s’il était possible de commencer la FIV plus tôt. La spécialiste n’a pas dit que l’attente nuirait au succès du traitement.
- L’appelante et son époux craignaient qu’une attente de 12 à 15 mois avant de commencer la FIV au Canada fasse échouer le traitement.
- L’appelante et son époux ont décidé que celle-ci se rendrait en Inde pour commencer le traitement là-bas. L’appelante est alors allée en Inde en septembre 2023. Elle a été acceptée comme patiente en fertilité. Le traitement a commencé immédiatement. Elle est revenue au Canada au courant de l’automne 2023. Elle est ensuite retournée en Inde le 28 janvier 2024 pour poursuivre le traitement de FIV. Elle est restée là-bas jusqu’au 22 janvier 2025.
- Le traitement de FIV est difficile et douloureux. L’appelante a eu le soutien et l’aide de sa mère en Inde pendant le processus.
[17] Il y a un rapport médical et un certificat médical aux fins de l’assurance-emploi au dossierNote de bas de page 4. Le rapport indique que l’appelante est tombée enceinte à la mi-mars 2024. Sa date d’accouchement prévue était le 16 septembre 2024. Le formulaire indique que l’appelante a une grossesse à haut risque. Le rapport indique aussi qu’elle doit rester allongée et qu’elle est incapable de travailler pendant sa grossesse.
[18] Les deux documents sont signés par un médecin. Dans les deux cas, la signature du médecin est accompagnée d’un timbre comprenant son nom et son numéro de permis. Le rapport porte l’en-tête de l’hôpital. Cet en-tête indique que l’établissement est spécialisé en fertilité.
[19] Je suis sensible à la situation de l’appelante. Elle avait des antécédents difficiles en obstétrique. Elle désirait avoir un enfant. Elle craignait que sa fertilité diminue avec l’âge. Elle ne voulait donc pas attendre de 12 à 15 mois avant de commencer un traitement au Canada.
[20] Je reconnais que la fertilité d’une femme diminue avec l’âge. Cependant, la spécialiste en fertilité au Canada n’a pas laissé entendre que l’attente de 12 à 15 mois aurait une incidence sur le succès du traitement. Et l’appelante ne lui a pas demandé si le traitement pouvait commencer plus tôt.
[21] Le rapport et le certificat médical n’indiquent pas que l’appelante devait commencer son traitement de FIV en Inde de toute urgence.
[22] À l’audience, l’appelante m’a dit qu’elle était allée en Inde pour son traitement parce qu’elle craignait que sa fertilité diminue pendant l’attente au Canada. Elle a exprimé cette inquiétude pour la première fois pendant l’audience.
[23] Selon les notes au dossier, l’appelante a dit à Service Canada qu’elle s’était rendue en Inde parce que sa mère y était et qu’elle allait pouvoir s’occuper d’elle. De plus, la FIV était moins chère en Inde qu’au CanadaNote de bas de page 5. L’appelante et son époux ont convenu qu’ils n’ont pas dit avant l’audience que le voyage en Inde permettait d’avoir la FIV plus rapidement. Ils ont dit avoir oublié de le mentionner. Ils n’ont pas réalisé qu’ils devaient le dire.
[24] L’époux affirme que l’hôpital où l’appelante a reçu son traitement est accrédité en matière de FIV. Il a offert de fournir une preuve. Je lui ai dit que ce n’était pas nécessaire. Je n’avais aucune raison de contester son affirmation.
[25] Il arrive qu’une personne ait besoin d’un traitement médical de toute urgence et qu’elle ne puisse pas l’obtenir assez rapidement au Canada. Si la preuve montre qu’un traitement médical est nécessaire rapidement et qu’il est disponible à l’étranger plus vite qu’au Canada, la personne qui en a besoin pourrait alors bénéficier d’une exception. Autrement, on ne verse pas de prestations à quelqu’un qui est à l’étranger.
[26] L’appelante voulait avoir accès à la FIV le plus vite possible. Toutefois, les renseignements au dossier n’indiquent pas qu’un accès rapide à la FIV était nécessaire sur le plan médical dans son cas. Ils n’indiquent pas non plus que l’attente avant la FIV au Canada aurait nui au succès du traitement.
[27] Rien ne montre que l’appelante devait avoir un traitement de FIV avant le moment où elle aurait pu l’avoir au Canada. Par conséquent, j’estime qu’elle n’avait pas à commencer son traitement avant les 12 à 15 mois d’attente au Canada. Je ne peux donc pas conclure que le traitement de FIV n’était pas immédiatement ou promptement disponible pour l’appelante au Canada.
[28] Je comprends pourquoi l’appelante voulait avoir accès au traitement rapidement. Mais c’était son choix de quitter le pays. Ce n’était pas nécessaire sur le plan médical.
[29] Je conclus qu’il s’agissait d’une préférence et non d’une nécessité médicale. Et ma conclusion est appuyée par le fait que l’appelante et son époux ont dit qu’ils avaient besoin d’avoir accès au traitement plus tôt que les 12 à 15 mois nécessaires au Canada avant l’audience [sic]. Les raisons qu’ils ont données à Service Canada pour justifier le voyage de l’appelante pendant le traitement de sa demande sont plus crédibles que celles fournies à l’audienceNote de bas de page 6. Ils ont dit que l’appelante avait quitté le Canada parce que la FIV était moins chère en Inde et que sa mère se trouvait là-bas. Et aucun de ces facteurs n’est pertinent pour décider si le traitement était immédiatement ou promptement disponible au Canada.
[30] Je conclus donc que l’appelante n’a pas démontré qu’elle peut bénéficier de l’exception qui lui aurait permis de recevoir des prestations pendant qu’elle était à l’étranger. Par conséquent, elle ne peut pas recevoir de prestations de maladie pendant qu’elle était à l’étrangerNote de bas de page 7.
Question no 2 : le certificat médical de l’appelante était-il inacceptable?
[31] La Commission affirme que le rapport et le certificat médical ne sont pas acceptables parce qu’ils n’ont pas été signés au Canada ou aux États‑Unis.
[32] Je ne suis pas d’accord avec la Commission. La loi ne dit pas que les renseignements médicaux doivent provenir du personnel médical canadien ou états‑unien.
[33] Le rapport et le certificat médical fournis par l’appelante sont acceptables.
[34] La loi prévoit que si une personne est incapable de travailler par suite d’une maladie, et si elle avait été sans cela disponible pour travailler, elle pourrait être admissible à des prestations de maladieNote de bas de page 8. Une disposition réglementaire prévoit ce que la personne doit faire pour démontrer qu’elle est incapable de travailler par suite d’une maladie : elle doit fournir un certificat produit par une ou un médecin ou une ou un autre spécialiste de la santé qui atteste son incapacité de travailler et qui indique la durée de la maladieNote de bas de page 9. Rien ne dit que le personnel médical doit être canadien ou états‑unien.
[35] La Commission soutient que, comme le rapport et le certificat médical ont été signés par un [traduction] « médecin étranger », ils sont inacceptables. Elle n’explique pas ce qu’elle veut dire par là. Cependant, peu importe ce que la Commission voulait dire, ses préoccupations ne sont ni pertinentes ni appropriées. La Commission n’a pas le droit de refuser un rapport ou un certificat médical parce que la personne qui l’a signé pratique la médecine à ce moment-là à l’extérieur du Canada ou des États-Unis.
[36] Même si la Commission n’avait pas le droit de refuser le rapport ou le certificat médical en raison de l’identité (présumée) du médecin, l’issue de ma décision ne change pas. En effet, j’ai conclu que l’appelante n’a pas démontré que le traitement médical qu’elle a reçu n’était pas immédiatement ou promptement disponible au Canada.
Conclusion
[37] L’appel est rejeté.