Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : MS c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2025 TSS 491

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Partie appelante : M. S.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Représentante ou représentant : Erin Tzvetcoff

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 28 janvier 2025 (GE-24-4127)

Membre du Tribunal : Solange Losier
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 7 avril 2025
Personnes présentes à l’audience : M. S.
Représentante de l’intimée
Date de la décision : Le 8 mai 2025
Numéro de dossier : AD-25-70

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté. La division générale a commis une erreur de compétence lorsqu’elle a décidé que M. S. (le prestataire) faisait appel de la décision de révision du 28 mai 2024Note de bas de page 1. Il n’a pas fait appel de cette décision.

[2] Je vais substituer ma décision à celle de la division générale. Le prestataire faisait appel d’une décision initiale datée du 7 novembre 2024, mais il a fait appel prématurément au TribunalNote de bas de page 2. La Commission de l’assurance-emploi du Canada n’avait pas encore rendu de décision de révision. Comme il n’y a pas de décision de révision, je n’ai pas le pouvoir de trancher cette question. 

Aperçu

[3] Le prestataire a demandé des prestations régulières d’assurance-emploi après avoir cessé de travailler. La Commission a décidé qu’il était exclu du bénéfice des prestations parce qu’il avait perdu son emploi en raison de son inconduite (il s’agit de la « décision initiale » rendue le 4 avril 2024)Note de bas de page 3. Le prestataire a demandé à la Commission de réviser sa décision.

[4] La Commission a maintenu la décision relative à l’inconduite après révision (il s’agit de la « décision de révision » rendue le 28 mai 2024)Note de bas de page 4.

[5] Quelques mois plus tard, le prestataire a demandé à la Commission de réviser de nouveau sa décision parce qu’il a fini par régler un conflit de travail avec son employeurNote de bas de page 5.

[6] Le 7 novembre 2024, la Commission a communiqué par écrit avec le prestataire pour lui expliquer qu’elle avait déjà rendu une décision de révision le 28 mai 2024 et qu’il pouvait faire appel de celle-ci au Tribunal. La Commission a également refusé d’annuler ou de modifier sa décision parce que la demande du prestataire ne répondait pas aux critères établis par la loi (il s’agissait d’une « décision initiale »)Note de bas de page 6.

[7] Le prestataire a fait appel à la division générale du Tribunal. Il a écrit dans un courriel qu’il faisait appel de la décision datée du « 7 novembre 2024Note de bas de page 7 ».

[8] La division générale a décidé que le prestataire faisait appel d’une décision différente, soit la décision de révision du 28 mai 2024. Elle a conclu que son appel ne pouvait pas aller de l’avant parce qu’il avait plus de 30 jours de retard et qu’il n’avait pas fourni d’explication raisonnable pour justifier son appel tardifNote de bas de page 8.

[9] Le prestataire a demandé la permission de faire appel à la division d’appel; il soutient que la division générale a commis une erreur de compétenceNote de bas de page 9.

[10] Je conclus que la division générale a commis une erreur de compétence parce que le prestataire ne faisait pas appel de la décision de révision du 28 mai 2024, mais plutôt de la décision initiale du 7 novembre 2024.

Questions préliminaires

Le prestataire a présenté de nouveaux éléments de preuve

[11] Un élément de preuve est nouveau si la division générale n’en disposait pas lorsqu’elle a rendu sa décision. La division d’appel n’accepte généralement pas de nouveaux éléments de preuveNote de bas de page 10. En effet, la division d’appel n’a pas le rôle de juge des faits et ne peut pas entendre de nouveau l’affaire. Son rôle est d’examiner la décision de la division générale d’après les mêmes éléments de preuve dont elle disposaitNote de bas de page 11.

[12] Il y a quelques exceptions où de nouveaux éléments de preuve sont permisNote de bas de page 12. Par exemple, je peux accepter un nouvel élément de preuve s’il remplit l’une des fonctions suivantes :

  • Il donne des renseignements généraux seulement.
  • Il met en lumière des conclusions tirées sans preuve à l’appui.
  • Il montre que le Tribunal a agi de manière inéquitable.

[13] La Commission soutient que le prestataire a présenté de nouveaux éléments de preuve dont la division générale ne disposait pas.

[14] Le prestataire convient qu’il a déposé de nouveaux éléments de preuve, plus précisément l’entente de règlement à la suite d’une médiation qui a eu lieu avec son employeur en juillet 2024. Il a également indiqué dans ses formulaires d’appel qu’il ignorait l’existence du Tribunal jusqu’en novembre [2024] et qu’il aurait déposé son appel à temps s’il avait su qu’un tel recours était possibleNote de bas de page 13.

[15] Les parties sont d’accord et j’admets que l’entente de règlement et la déclaration du prestataire selon laquelle il ignorait l’existence du Tribunal jusqu’en novembre [2024] constituent de nouveaux éléments de preuve. J’ai examiné le dossier de la division générale; aucun de ces éléments de preuve ne s’y trouve. La division générale ne disposait pas de ces éléments de preuve lorsqu’elle a rendu sa décision.

Je n’accepte pas les nouveaux éléments de preuve présentés par le prestataire

[16] Le prestataire a soutenu que les nouveaux éléments de preuve devraient être acceptés par la division d’appel. Il pense que cela pourrait correspondre à l’une des exceptions, mais il n’en est pas certain.  

[17] La Commission a soutenu que les nouveaux éléments de preuve ne devraient pas être acceptés parce qu’ils ne satisfont à aucune des exceptions prévues par la loiNote de bas de page 14.

[18] Je n’accepte pas les nouveaux éléments de preuve énoncés ci-dessus. J’ai examiné si les éléments de preuve du prestataire correspondent à l’une des trois exceptions prévues par la loi. Ils ne présentent pas des renseignements généraux, ne mettent pas en lumière des conclusions tirées sans preuve à l’appui et ne démontrent pas que le Tribunal a agi de façon inéquitable.

[19] Je reconnais que le prestataire veut fournir des renseignements supplémentaires pour appuyer son appel, mais il s’agit de nouveaux éléments de preuve qui ne correspondent à aucune des exceptions. Un appel à la division d’appel n’est pas une « reprise » fondée sur les éléments de preuve mis à jour après l’audience devant la division généraleNote de bas de page 15. Un appel à la division d’appel sert à faire examiner la décision de la division générale à partir des mêmes éléments de preuve.

Question en litige

[20] La division générale a-t-elle commis une erreur de compétence lorsqu’elle a décidé que le prestataire portait en appel la décision de révision rendue par la Commission le 28 mai 2024?

Analyse

[21] Une erreur de compétence signifie que la division générale n’a pas tranché une question qu’elle devait trancher ou a tranché une question qu’elle n’avait pas le pouvoir de trancher. Si la division générale a commis une erreur de compétence, je peux intervenirNote de bas de page 16.

La chronologie des événements

[22] La Commission a rendu une décision initiale selon laquelle le prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduiteNote de bas de page 17. Le prestataire a demandé à la Commission de réviser cette décisionNote de bas de page 18. À la suite de sa demande, la Commission a rendu une décision de révision le 28 mai 2024 : elle ne modifierait pas sa décision selon laquelle le prestataire avait perdu son emploi en raison de son inconduiteNote de bas de page 19.

[23] En juillet 2024, le prestataire et son employeur ont réglé leur conflit de travailNote de bas de page 20. Une partie de l’entente de règlement a entraîné la modification d’un relevé d’emploi, lequel portait maintenant la mention [traduction] « code K – Autres indemnités de départ ». Après avoir réglé son différend avec l’employeur, il a communiqué avec la Commission (le 29 août 2024) pour lui demander de réviser de nouveau la décision relative à l’inconduite. Il a précisé que son relevé d’emploi avait été modifiéNote de bas de page 21.

[24] La Commission a communiqué par écrit avec le prestataire le 7 novembre 2024 pour l’informer qu’elle ne pouvait pas faire la révision parce qu’une décision de révision avait déjà été rendue le 28 mai 2024. La lettre indiquait qu’il pouvait toujours faire appel de la décision de révision du 28 mai 2024 auprès du Tribunal.

[25] Dans cette même lettre, la Commission a également décidé qu’il ne satisfaisait pas aux critères énoncés à l’article 111 de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 22. Cet article permet à la Commission d’annuler ou de modifier une décision rendue dans une demande de prestations particulière si des faits nouveaux sont présentés ou si elle est convaincue que la décision a été rendue avant que soit connu un fait essentiel ou a été fondée sur une erreur relative à un tel fait. Parfois, on parle de [traduction] « demande fondée sur des faits nouveaux ».

[26] Le prestataire a ensuite déposé un appel à la division générale du Tribunal le 24 décembre 2024Note de bas de page 23.

[27] La division générale a remarqué que son appel était peut-être en retard. Elle lui a envoyé une lettre indiquant que la décision de révision qu’il portait en appel était datée du 28 mai 2024. Elle a expliqué que si son appel était en retard, il devait alors fournir une explication raisonnable pour le justifierNote de bas de page 24.

[28] Le prestataire a répondu à la lettre de la division générale en précisant qu’il ne faisait pas appel de la décision de révision du 28 mai 2024, mais plutôt de la décision datée du 7 novembre 2024. Il a également expliqué qu’il ne l’avait pas reçue à temps en raison de la grève de Postes Canada qui a eu lieu à peu près au même momentNote de bas de page 25.

Les parties conviennent que la division générale a commis une erreur de compétence, mais pour des raisons différentes

[29] Le prestataire soutient que la division générale a commis une erreur de compétence de deux façons. Il a expliqué que trois relevés d’emploi avaient été déposésNote de bas de page 26. Il ne sait pas pourquoi le dernier relevé d’emploi (produit le 14 octobre 2024) indiquait à tort que la raison de la cessation d’emploi était une inconduiteNote de bas de page 27. Il affirme également que la division générale a commis une erreur parce qu’elle ne lui a pas donné plus de temps pour déposer son appel.

[30] La Commission soutient que la division générale a commis une erreur de compétence, mais pour une raison différenteNote de bas de page 28. Elle soutient qu’elle a commis une erreur lorsqu’elle a décidé que le prestataire faisait appel de la décision de révision du 28 mai 2024.

[31] Pour appuyer sa position, la Commission affirme que le prestataire a clairement déclaré dans le courriel à la division générale qu’il faisait appel de la décision rendue le 7 novembre 2024Note de bas de page 29. De plus, elle a souligné que les formulaires d’appel qu’il a déposés à la division générale laissent également entendre qu’il faisait appel de la décision du 7 novembre 2024 parce qu’il a écrit qu’il fournissait de [traduction] « nouveaux renseignements ».

[32] Le prestataire n’a pas cerné une erreur de compétence à l’aide d’arguments. Je suis d’accord avec la Commission. La division générale a commis une erreur de compétence lorsqu’elle a décidé que le prestataire faisait appel de la décision de révision du 28 mai 2024. Le dossier montre que ce n’est pas la décision qu’il portait en appel.

La compétence de la division générale de rendre une décision découle d’une décision de révision qui a été portée en appel au Tribunal.

[33] L’article 112(1) de la Loi sur l’assurance-emploi prévoit qu’une personne peut demander à la Commission de réviser sa décision dans les 30 jours suivant la date à laquelle la décision lui a été communiquée ou avant la fin du délai supplémentaire accordé par la Commission, le cas échéant.

[34] L’article 113 de la Loi sur l’assurance-emploi prévoit qu’une personne qui n’est pas satisfaite d’une décision rendue par la Commission en vertu de l’article 112, y compris d’une décision relative au délai supplémentaire pour présenter une demande, peut faire appel de la décision auprès du Tribunal de la sécurité sociale, lequel est constitué par l’article 44 de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social.

[35] Cela signifie que la compétence de la division générale pour trancher une question découle d’une décision de révision qui a été portée en appel au Tribunal.

La division générale a commis une erreur de compétence lorsqu’elle a décidé que le prestataire faisait appel de la décision de révision du 28 mai 2024

[36] La division générale a décidé que le prestataire faisait appel de la décision de révision du 28 mai 2024. Elle a conclu que la lettre de la décision de révision lui avait été communiquée le 4 août 2024Note de bas de page 30.

[37] Elle a établi que la date limite pour déposer son appel à la division générale était le 3 septembre 2024, étant donné le délai de 30 jours. Le prestataire a déposé son appel le 24 décembre 2024Note de bas de page 31. La division générale a conclu que son appel était en retard et qu’il n’avait pas fourni d’explication raisonnable justifiant son retard, de sorte qu’il ne pouvait bénéficier de plus de temps pour faire appel.

[38] Le dossier montre que le prestataire a communiqué par écrit avec la division générale pour signaler qu’il faisait appel de la décision datée du 7 novembre 2024Note de bas de page 32.

[39] Dans sa décision écrite, la division générale a reconnu que le prestataire faisait appel de la décision du 7 novembre 2024, mais a indiqué qu’il n’y avait aucune façon de passer à la prochaine étapeNote de bas de page 33. Ainsi, la division générale a commis une erreur parce qu’elle a décidé qu’il faisait plutôt appel de la décision de révision du 28 mai 2024.

[40] J’estime que la division générale a commis une erreur de compétence parce qu’elle n’a pas tranché une question qu’elle était censée trancher et qu’elle a excédé sa compétence en tranchant une question qui n’avait pas été portée en appelNote de bas de page 34. Le prestataire ne faisait pas appel de la décision de révision du 28 mai 2024, mais plutôt de la décision initiale du 7 novembre 2024. 

[41] Puisque j’ai conclu que la division générale a commis une erreur de compétence, il n’est pas nécessaire que j’examine d’autres erreurs potentielles. Puisque j’en ai trouvé une, j’ai le droit d’intervenir.

Réparation

Les parties conviennent que je devrais substituer ma décision à celle de la division générale, mais elles ne s’entendent pas sur l’issue de l’affaire

[42] Il y a deux options pour corriger une erreur de la division générale. Je peux soit renvoyer le dossier à la division générale pour réexamen, soit rendre la décision que la division générale aurait dû rendreNote de bas de page 35.

[43]  J’ai demandé aux parties comment je devrais corriger l’erreur.

[44] Le prestataire estime que le processus s’éternise et aimerait que je rende ma propre décision. Il aimerait que je conclue qu’il faisait appel de la décision du 7 novembre 2024 et que son appel n’était pas en retard.

[45] La Commission convient que je devrais rendre ma propre décision. Elle affirme que je devrais rejeter l’appel du prestataire parce qu’elle n’a pas encore rendu de décision de révision pour le 7 novembre 2024 – il s’agit seulement d’une décision initiale.

[46]  Je suis d’accord avec les parties. Je vais corriger l’erreur en rendant la décision que la division générale aurait dû rendre. Le dossier est complet. En rendant cette décision, je peux tirer les conclusions de fait nécessairesNote de bas de page 36.

[47] Le prestataire a communiqué clairement, il n’a pas fait appel de la décision de révision du 28 mai 2024 (même s’il aurait pu en faire appel au Tribunal).

[48] Je conclus que le prestataire a fait appel de la décision initiale du 7 novembre 2024. D’une part, cela concorde avec le courriel qu’il a envoyé à la division générale pour confirmer et d’autre part cela concorde avec les formulaires d’appel qu’il a déposés à la division générale. Il signale dans ces formulaires qu’il y avait de [traduction] « nouveaux renseignements ».

[49] Malheureusement, le prestataire a fait appel de la décision initiale du 7 novembre 2024 à la division générale de façon prématurée. Je n’ai pas la compétence nécessaire pour me prononcer sur cette décision parce que la Commission n’a pas encore rendu de décision de révision sur la question en litige.

Le prestataire a d’autres options

[50] Néanmoins, le prestataire a d’autres options. Je m’explique.

[51] À l’audience de la division d’appel, la Commission a eu l’obligeance de faire remarquer que si le prestataire veut faire appel de la décision initiale du 7 novembre 2024 (il s’agit de l’article 111 de la Loi sur l’assurance-emploi), il doit d’abord lui demander de réviser cette décision (il s’agit de l’article 112 de la Loi sur l’assurance-emploi). Si le prestataire n’est pas satisfait de la décision de révision de la Commission, il peut ensuite faire appel au Tribunal (il s’agit de l’article 113 de la Loi sur l’assurance-emploi).

[52] Autrement dit, le prestataire peut appeler, aller en ligne ou visiter un Centre Service Canada et lui demander de réviser la décision initiale du 7 novembre 2024 à la lumière des nouveaux renseignements. Il devra attendre que la Commission rende une décision de révision avant de porter cette décision en appel à la division générale.

[53] Le prestataire peut toujours faire appel de la décision de révision du 28 mai 2024 au Tribunal. Toutefois, il devra préciser quand la décision du 28 mai 2024 lui a été communiquée. Si l’appel est en retard, il devra aussi fournir une explication raisonnable pour justifier son retardNote de bas de page 37. Si la division générale l’accepte, il peut alors présenter des arguments qui portent sur la question sous-jacente (l’inconduite). La loi est très stricte : une personne ne peut en aucun cas déposer un appel plus d’un an après avoir reçu la décision de révisionNote de bas de page 38.  

Conclusion

[54] L’appel du prestataire est rejeté. La division générale a commis une erreur de compétence lorsqu’elle a décidé que le prestataire faisait appel de la décision de révision du 28 mai 2024.

[55] Je substitue ma propre décision à celle de la division générale. Le prestataire a porté en appel de façon prématurée la décision initiale du 7 novembre 2024 à la division générale. La Commission n’a pas encore rendu de décision de révision sur cette question. Pour cette raison, je n’ai pas la compétence nécessaire pour l’examiner en ce moment.

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