[TRADUCTION]
Citation : XW c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2025 TSS 682
Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi
Décision
Partie appelante : | X. W. |
Partie intimée : | Commission de l’assurance-emploi du Canada |
Décision portée en appel : | Décision de révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (708869) datée du 23 janvier 2025 (communiquée par Service Canada) |
Membre du Tribunal : | Nathalie Léger |
Mode d’audience : | Par écrit |
Date de la décision : | Le 17 mars 2025 |
Numéro de dossier : | GE-25-323 |
Sur cette page
- Décision
- Aperçu
- Question que je dois examiner en premier
- Question en litige
- Analyse
- Conclusion
- Annexe A
Décision
[1] L’appel est rejeté avec des modifications.
[2] L’appelante n’a pas démontré qu’elle a travaillé assez d’heures pour être admissible aux prestations de maternité et aux prestations parentales de l’assurance-emploi. Elle n’a travaillé que 322 heures pendant sa période de référence prolongée, mais elle avait besoin de 600 heures.
[3] Le Tribunal de la sécurité sociale ne peut pas prolonger la période de référence de l’appelante d’un nombre suffisant de semaines pour qu’elle soit admissible aux prestations. Après avoir examiné les observations, la Commission soutient que la période de référence prolongée de l’appelante est de 85 semaines. J’ai conclu qu’elle est en fait de 86 semaines. Toutefois, même dans ce cas, l’appelante n’a pas accumulé assez d’heures.
Aperçu
[4] Cette affaire est complexe sur le plan des faits. Il faut distinguer de nombreuses périodes différentes pour bien comprendre cette décision. En effet, l’appelante prétend que sa période de référence doit être prolongée à plusieurs reprises en raison d’événements différents. La Commission est d’accord pour certains d’entre eux et en désaccord pour d’autres. Pour une meilleure compréhension des faits, j’ai préparé une chronologie qui se trouve à l’annexe A de la présente décision.
[5] Le 6 novembre 2024, l’appelante a demandé des prestations de maternité et des parentales de l’assurance-emploiNote de bas de page 1. La Commission a décidé qu’elle n’avait pas travaillé assez d’heures pendant sa période de référence pour y être admissibleNote de bas de page 2. L’appelante n’a pas travaillé du tout pendant sa période de référence normale de 52 semaines parce qu’elle était en congé sans solde cette année-là. Elle avait décidé de prendre congé pour accompagner son mari aux Pays-Bas où il faisait une maîtrise.
[6] La Commission affirme que l’appelante n’a pas accumulé assez d’heures parce qu’elle a besoin d’au moins 600 heures, mais qu’elle n’en a accumulé aucune pendant sa période de référence.
[7] Au cours du processus de révision, la Commission a convenu que les 26 semaines de la période de référence de l’appelante pendant lesquelles elle était enceinte permettaient de prolonger sa période de référenceNote de bas de page 3.
[8] Je dois décider si la période de référence de l’appelante peut être prolongée davantage et combien d’heures elle a accumulées au cours de celle-ci.
Question que je dois examiner en premier
L’appelante a demandé une audience par écrit
[9] L’appelante a demandé une audience par écrit puisqu’elle se trouve à l’étranger pour l’avenir prévisible. J’ai accueilli sa demande parce que les faits ne sont pas contestés et qu’elle pouvait facilement être jointe par courriel.
[10] Avant de rédiger cette décision, j’ai donné à l’appelante le temps d’envoyer d’autres observations si elle le jugeait nécessaire. Elle en a envoyées le 25 février 2025Note de bas de page 4. J’ai pris ces observations en considération pour rendre cette décision.
J’ai demandé à la Commission de présenter d’autres observations
[11] En lisant les observations supplémentaires de l’appelante, j’ai été convaincue que sa période de référence pouvait être prolongée, peut-être jusqu’à 10 semaines de plus. J’ai demandé à la Commission de me faire part de ses observations à ce sujetNote de bas de page 5.
[12] La Commission a envoyé d’autres observations dans lesquelles elle a accepté de prolonger la période de référence de 7 semainesNote de bas de page 6. Elle affirme que l’appelante avait accumulé 284 heures au cours de cette nouvelle période de référence prolongée, ce qui n’était toujours pas suffisant pour être admissible aux prestations spéciales.
[13] Je vais examiner tous les événements mentionnés par l’appelante qui pourraient me permettre de prolonger sa période de référence, puis je déterminerai le nombre d’heures qu’elle a accumulées au cours de cette période.
Question en litige
[14] Je dois trancher deux questions connexes dans la présente décision :
- a) La période de référence de l’appelante peut-elle être prolongée?
- b) L’appelante a-t-elle travaillé assez d’heures pendant sa période de référence pour être admissible aux prestations de maternité et aux prestations parentales de l’assurance-emploi?
Analyse
Conditions d’admissibilité aux prestations
[15] Il ne suffit pas d’arrêter de travailler pour obtenir des prestations d’assurance-emploi. Il faut prouver qu’on y est admissibleNote de bas de page 7. L’appelante doit le prouver selon la prépondérance des probabilités, c’est-à-dire qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’elle est admissible aux prestations.
[16] Pour être admissible, une personne doit avoir travaillé assez d’heures pendant une certaine période. Cette période s’appelle la « période de référenceNote de bas de page 8 ». En général, la période de référence d’une personne est la période de 52 semaines qui précède sa période de prestationsNote de bas de page 9. J’appellerai cette période de 52 semaines la « période de référence normale ». Dans le cas de l’appelante, sa période de référence normale va du 5 novembre 2023 au 2 novembre 2024.
[17] En général, le nombre d’heures dont une personne a besoin pour être admissible dépend du taux de chômage dans sa régionNote de bas de page 10. Cependant, la loi prévoit une autre façon d’être admissible aux prestations spéciales, y compris aux prestations de maternité et aux prestations parentales.
[18] Une personne peut être admissible aux prestations spéciales si elle a accumulé au moins 600 heuresNote de bas de page 11. Cela s’applique uniquement si elle n’est pas admissible selon la règle générale, qui exige parfois moins de 600 heuresNote de bas de page 12.
[19] Les parties conviennent que l’appelante n’est pas admissible selon la règle générale et aucun élément de preuve ne me pousse à en douter. J’accepte donc ce fait.
Prolongation de la période de référence
[20] La Loi sur l’assurance-emploi permet la prolongation de la période de référence dans certaines circonstancesNote de bas de page 13. Seule la première d’entre elles s’applique à l’appelante. L’article pertinent se lit comme suit :
(2) Lorsqu’une personne prouve, de la manière que la Commission peut ordonner, qu’au cours d’une période de référence visée à l’alinéa (1)a) elle n’a pas exercé, pendant une ou plusieurs semaines, un emploi assurable pour l’une ou l’autre des raisons ci-après, cette période de référence est prolongée d’un nombre équivalent de semaines :
- a) elle était incapable de travailler par suite d’une maladie, d’une blessure, d’une mise en quarantaine ou d’une grossesse prévue par règlement;
[21] Cela signifie que la maladie, la blessure, la mise en quarantaine ou la grossesse doit avoir eu lieu pendant la période de référence de la personne. Sa période de référence normale de 52 semaines est alors prolongée du nombre total de semaines pendant lesquelles elle n’a pas pu travailler pour l’une ou plusieurs de ces raisons. Cela crée en fait une nouvelle période de référence composée de deux parties : la période de référence normale et la prolongation.
[22] Si l’un des événements mentionnés ci-dessus se produit pendant la prolongation, il doit également être pris en considérationNote de bas de page 14. La période de référence est à nouveau prolongée du nombre de semaines pendant lesquelles la personne était incapable de travailler, jusqu’à un maximum de 104 semainesNote de bas de page 15.
Période de référence de l’appelante
[23] Comme indiqué ci-dessus, les heures prises en considération sont celles que l’appelante a travaillées pendant sa période de référence. La Commission a d’abord décidé que cette période allait du 5 novembre 2023 au 2 novembre 2024Note de bas de page 16. Il s’agit de la période de 52 semaines qui précède immédiatement la période de prestations de l’appelante. Je suis d’accord qu’il s’agit de sa période de référence normale.
[24] Lorsque la Commission a examiné la demande de révision de l’appelante, elle a convenu qu’elle était effectivement incapable de travailler du 9 mai 2024 au 2 novembre 2024 en raison de sa grossesse. Comme ces 26 semaines faisaient partie de sa période de référence normale, elles permettaient de prolonger sa période de référence du même nombre de semainesNote de bas de page 17. La Commission a donc décidé que la période de référence de l’appelante commençait plus tôt et qu’elle allait du 7 mai 2023 au 2 novembre 2024Note de bas de page 18. Je suis d’accord avec la décision de la Commission sur ce point.
[25] À la demande du Tribunal, l’appelante a présenté d’autres observationsNote de bas de page 19. Elle y fait valoir que 3 autres événements justifient de prolonger à nouveau sa période de référence. Après avoir examiné ces observations, la Commission a seulement accepté de prolonger la période de référence de 7 semaines en raison d’une maladie.
[26] Je vais analyser chaque événement tour à tour pour voir s’il justifie une nouvelle prolongation de la période de référence de l’appelante.
a) Date de début de grossesse
[27] L’appelante affirme que la preuve médicale démontre que sa grossesse a commencé le 23 avril 2024 et non le 9 mai 2024, date initialement retenue par la Commission.
[28] Le certificat médical fourni par l’appelante montre que son médecin l’a examinée le 21 juin 2024. Il a établi qu’elle en était à [traduction] « 8 semaines et 3 jours de grossesseNote de bas de page 20 », ce qui ajouterait 2 semaines à sa période de référence.
[29] La Commission affirme que la prolongation de 2 semaines ne peut pas être accordée parce qu’il n’y a aucun élément de preuve montrant qu’elle était incapable de travailler pendant cette périodeNote de bas de page 21.
[30] Je suis d’accord avec la Commission. La preuve au dossier montre que la fécondation in vitro a été utilisée pour cette grossesse et que l’ovule a été transplanté dans son utérus le 9 mai 2024. Sa grossesse à haut risque a débuté à ce moment-là et elle n’était donc pas incapable de travailler avant cette date.
[31] Par conséquent, la période de référence de l’appelante ne peut pas être prolongée de 2 semaines.
b) Maladie – traitements de médecine traditionnelle chinoise
[32] L’appelante affirme qu’elle n’était pas en mesure de travailler pendant la période où elle recevait des traitements de médecine traditionnelle chinoise. Ces traitements étaient nécessaires parce qu’on lui a diagnostiqué [traduction] « une infertilité, une réserve ovarienne faible et une déficience du rein et de la rateNote de bas de page 22 ».
[33] Ces traitements ont commencé le 11 septembre 2023 et se sont terminés le 1er décembre 2023, soit 12 semaines au total. L’appelante affirme que son médecin lui a recommandé de prendre congé du travail pendant les traitements parce qu’elle devait éviter toute [traduction] « pression mentale ». Elle ne prétend pas que son médecin l’a déclarée incapable de travailler et n’a fourni aucun élément de preuve en ce sens.
[34] La Commission soutient que rien ne prouve que l’appelante était incapable de travailler pendant cette période et qu’elle ne remplit pas les critères d’une nouvelle prolongationNote de bas de page 23.
[35] J’estime que les éléments de preuve présentés par l’appelante ne démontrent pas qu’elle était incapable de travailler pendant qu’elle recevait ses traitementsNote de bas de page 24. Le fait que son médecin lui ait dit qu’il serait sage de prendre un congé n’équivaut pas à dire qu’elle ne pouvait pas travailler. De plus, dans tous les documents que l’appelante a fournis, rien n’indique qu’elle ne devait pas travailler.
[36] Étant donné qu’il n’y a pas de preuve que l’appelante était incapable de travailler pendant cette période, celle-ci ne peut pas être utilisée pour prolonger sa période de référence.
c) Maladie – perte auditive soudaine
[37] L’appelante dit avoir été en arrêt de travail pendant une période de 8 semaines, du 10 avril 2023 au 2 juin 2023, en raison d’une perte auditive soudaine. Elle n’a pas fourni de certificat médical comme preuve. Elle a plutôt présenté des copies d’une lettre envoyée par son régime collectif d’assurance-invalidité confirmant qu’elle répondait à la définition d’« invalidité totale » de la police d’assurance-invalidité de courte duréeNote de bas de page 25.
[38] La Commission convient que la preuve montre que l’appelante était incapable de travailler en raison d’une maladie du 11 avril 2023 au 2 juin 2023 (8 semaines au total). Elle convient également que sa période de référence doit être prolongée pour cette raison, mais seulement de 7 semaines parce que seules les semaines complètes peuvent être prises en compte. Pendant la première semaine de son congé de maladie, l’appelante a reçu une rémunération partielle de la part de son employeurNote de bas de page 26. La Commission affirme que cette semaine n’est donc pas une semaine complète et qu’elle ne peut pas être prise en compte.
[39] Je suis en désaccord avec la Commission. Être incapable de travailler en raison d’une maladie prévue par règlement et toucher une rémunération pendant une partie de la semaine sont deux choses différentes. Si le législateur avait voulu que l’absence de rémunération soit le principal facteur déterminant pour autoriser une prolongation, il l’aurait dit. Le législateur a plutôt décidé que c’était l’incapacité de travailler qui était importante. Dans cette affaire, il ressort clairement de la preuve que l’appelante était incapable de travailler du 10 avril 2023 au 2 juin 2023Note de bas de page 27.
[40] Les paragraphes suivants expliquent pourquoi cette maladie de 8 semaines permet de prolonger la période de référence jusqu’au 12 mars 2023.
[41] Je conclus que 4 de ces 8 semaines chevauchent la période de référence prolongée du 7 mai 2023 au 2 novembre 2024. Cela signifie que 4 semaines peuvent être ajoutées à la période de référence.
[42] Cela signifie également que la nouvelle période de référence prolongée devrait aller du 9 avril 2023 au 2 novembre 2024, soit 82 semaines. J’ai utilisé le mot « devrait » à dessein. Comme je l’ai expliqué plus haut, l’appelante était toujours incapable de travailler pour des raisons médicales pendant les 4 semaines de cette 2e prolongation.
[43] Pour cette raison, ces 4 semaines permettent également une 3e prolongation de la période de référence de l’appelante. Par conséquent, sa nouvelle période de référence prolongée est maintenant de 86 semaines, soit du 12 mars 2023 au 2 novembre 2024.
Conclusion sur la période de référence
[44] Je conclus que la période de référence de l’appelante peut être prolongée de 8 semaines. Par conséquent, elle commence le 12 mars 2023 et se termine le 2 novembre 2024, pour un total de 86 semaines.
Nombre d’heures que l’appelante a travaillé
[45] La Commission a décidé que l’appelante avait travaillé 284 heures au cours de la période de référence qu’elle avait établieNote de bas de page 28.
[46] L’appelante ne conteste pas cette conclusion et aucun élément de preuve ne m’amène à en douter.
[47] Cependant, comme j’estime qu’’une autre semaine de prolongation doit être accordée, je conclus qu’il faut ajouter 38 heures au total de la CommissionNote de bas de page 29. Par conséquent, j’estime que l’appelante a travaillé 322 heures au total au cours de sa période de référence.
L’appelante a-t-elle donc travaillé assez d’heures pour être admissible aux prestations?
[48] Je conclus que l’appelante n’a pas prouvé qu’elle a accumulé assez d’heures pour être admissible aux prestations de maternité et aux prestations parentales de l’assurance-emploi parce qu’elle a besoin d’au moins 600 heures, mais qu’elle n’en a accumulé que 322.
[49] L’assurance-emploi est un régime d’assurance et, comme pour les autres régimes d’assurance, il faut remplir certaines conditions pour recevoir des prestations.
[50] Dans cette affaire, l’appelante ne remplit pas les conditions requises et n’est donc pas admissible aux prestations. Bien que je sois sensible à sa situation, je ne peux pas changer la loiNote de bas de page 30.
Conclusion
[51] L’appelante n’a pas accumulé assez d’heures pour être admissible aux prestations de maternité et aux prestations parentales de l’assurance-emploi.
[52] Par conséquent, l’appel est rejeté avec des modifications.