[TRADUCTION]
Citation : BG c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2025 TSS 734
Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi
Décision
Partie appelante : | B. G. |
Partie intimée : | Commission de l’assurance-emploi du Canada |
Décision portée en appel : | Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (402189) datée du 26 mai 2020 (communiquée par Service Canada) |
Membre du Tribunal : | Angela Ryan Bourgeois |
Mode d’audience : | Par écrit |
Date de la décision : | Le 11 juillet 2025 |
Numéro de dossier : | GE-23-3474 |
Sur cette page
Décision
[1] L’appel est rejeté. La division générale n’est pas d’accord avec l’appelant.
[2] L’appelant n’a pas démontré qu’il avait un motif valable pour avoir soumis sa demande de prestations en retard. Par conséquent, sa demande ne peut pas être traitée comme si elle avait été faite plus tôtNote de bas de page 1.
Aperçu
[3] L’appelant a demandé des prestations de maladie de l’assurance-emploi le 27 février 2020Note de bas de page 2. Il veut maintenant que sa demande soit traitée comme si elle avait été présentée plus tôt, soit le 26 avril 2011Note de bas de page 3.
[4] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a rejeté sa demande.
[5] Je dois décider si l’appelant a prouvé qu’il avait un motif valable pour ne pas avoir demandé des prestations plus tôtNote de bas de page 4.
[6] La Commission affirme que l’appelant n’avait pas de motif valable. Elle dit faire preuve d’une certaine indulgence lorsqu’elle examine les demandes de prestations de maladie qui ont été présentées en retard. Cependant, la véritable raison pour laquelle l’appelant n’a pas présenté sa demande plus tôt était qu’il croyait ne pas être admissible, ce qui, selon les tribunaux, n’est pas un motif valable pour justifier un retardNote de bas de page 5.
[7] L’appelant affirme qu’il avait un motif valable pour justifier son retard. Il a d’abord attendu avant de faire une demande parce qu’il essayait d’obtenir d’autres prestations, puis il avait un motif raisonnable de croire qu’il n’était pas admissible. Malgré son expérience avec l’assurance-emploi, il ne savait pas qu’il y avait des dispositions peu connues sur l’antidatation ou qu’il pouvait faire prolonger sa période de référence. Et la majorité du temps, sa capacité à prendre des décisions était diminuée par ses problèmes de santé mentale et son invalidité.
Question que je dois examiner en premier
Mode d’audience
[8] L’audience s’est déroulée par écrit parce que c’est ce qu’avait demandé l’appelantNote de bas de page 6.
[9] Dans ses observations écrites, il a dit que je pouvais lui envoyer des questions par écrit et, si cela était absolument nécessaire, que je pouvais organiser une vidéoconférence ou une téléconférence. Il a laissé entendre que la possibilité de clarifier les choses devrait être la même, peu importe si l’on procède à une audience par écrit ou à une audience oraleNote de bas de page 7.
[10] Cependant, une audience par écrit est différente d’une audience orale. Dans le premier cas, la décision est fondée sur la preuve au dossier.
[11] Quoi qu’il en soit, les faits du présent dossier ne sont pas complexes et l’appelant a eu l’occasion d’expliquer sa position. Après avoir examiné le dossier, je n’avais aucune question à clarifier.
Question en litige
[12] La demande de prestations de l’appelant peut-elle être traitée comme si elle avait été présentée le 26 avril 2011? C’est ce qu’on appelle « antidater » une demande.
Date de l’antidatation
[13] L’appelant a demandé à la Commission d’antidater sa demande au 26 avril 2011Note de bas de page 8. Il veut que je vérifie si sa demande peut être antidatée à [traduction] « 2011, ou au plus tard au milieu de l’année 2013Note de bas de page 9 ».
[14] J’ai le pouvoir d’examiner les décisions de révisionNote de bas de page 10.
[15] La décision initiale de la Commission était que sa période de prestations ne pouvait pas commencer le 24 avril 2011 parce qu’il n’avait pas prouvé qu’entre le 24 avril 2011 et le 2 mars 2020, il avait un motif valable de présenter sa demande de prestations en retardNote de bas de page 11.
[16] La Commission fait référence au 24 avril 2011, car il s’agit du dimanche de la semaine du 26 avril 2011, et toutes les périodes de prestations commencent le dimanche.
[17] Après révision, la Commission a maintenu sa décision initiale. Il s’agit de la décision de révision dont l’appelant a fait appel à la division générale.
[18] Comme la décision de la Commission concernait la question de savoir si la demande pouvait être antidatée au 24 avril 2011, c’est la seule décision que je peux examiner.
[19] Pourtant, pour gérer les appels de façon équitable et efficace, je dois exercer ma compétence en adoptant une approche généraleNote de bas de page 12.
[20] Ainsi, pour trancher la question en litige, j’ai également examiné si l’appelant avait démontré qu’il avait un motif valable pour son retard à compter d’une autre date durant la période du 26 avril 2011 au milieu de l’année 2013.
[21] Si j’avais conclu qu’il avait un motif valable à partir d’une autre date, j’aurais demandé des soumissions démontrant son admissibilité à cette autre date. Compte tenu de ma décision, je n’ai pas eu à le faire.
Analyse
[22] Pour faire antidater une demande de prestations, une personne doit prouver les deux choses suivantesNote de bas de page 13 :
- a) Elle avait un motif valable justifiant son retard pendant toute la période du retard. Autrement dit, elle avait une explication que la loi accepte.
- b) Elle remplissait les conditions requises à la date antérieure (c’est-à-dire, à la date à laquelle elle souhaite que sa demande soit antidatée).
[23] Dans la présente affaire, les principaux arguments portent sur la question de savoir si l’appelant avait un motif valable. Je vais donc commencer par cela.
[24] Pour démontrer l’existence d’un motif valable, l’appelant doit prouver qu’il a agi comme une personne raisonnable et prudente l’aurait fait dans des circonstances semblablesNote de bas de page 14. Autrement dit, il doit démontrer qu’il a agi de façon raisonnable et prudente, comme n’importe quelle autre personne l’aurait fait si elle se trouvait dans une situation semblable.
[25] L’appelant doit démontrer qu’il a agi ainsi pendant toute la période du retardNote de bas de page 15. Cette période s’étend du jour où il veut que sa demande soit antidatée au jour où il a présenté sa demande. Ainsi, pour l’appelant, la période de retard s’étend du 26 avril 2011 au 27 février 2020.
[26] L’appelant doit également démontrer qu’il a fait des démarches assez rapidement pour s’informer de son droit aux prestations et des obligations que lui impose la loiNote de bas de page 16. Cela signifie qu’il doit démontrer qu’il a essayé de s’informer de ses droits et de ses responsabilités dès que possible et du mieux qu’il pouvait. Si l’appelant ne l’a pas fait, il doit démontrer qu’il y avait des circonstances exceptionnelles qui l’en ont empêchéNote de bas de page 17.
[27] L’appelant doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’il doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’il avait un motif valable justifiant son retard.
Ce que l’appelant soutient
[28] L’appelant affirme qu’il avait un motif valable justifiant son retard. Voici ses arguments :
- Il n’est pas nécessaire qu’une partie prestataire communique avec Service Canada ou la Commission, ou qu’elle consulte le site Web de Service Canada pour qu’une demande d’antidatation soit accordée. Il est possible d’agir de façon raisonnable et prudente sans faire ces choses.
- Une partie du retard était attribuable à ses problèmes de santé mentale et à son invalidité. Ces symptômes étaient graves du début de 2011 à 2013 et ils ont continué d’avoir des répercussions sur son comportement, sa mémoire et son raisonnement jusqu’en 2020, même s’il arrivait à mieux fonctionnerNote de bas de page 18.
- L’application du « critère de la personne raisonnable » est discriminatoire et contraire à la Déclaration des droits, à la Loi canadienne sur les droits de la personne et à la Charte canadienne des droits et libertésNote de bas de page 19.
- Il devrait y avoir une approche souple pour établir si une demande de prestations spéciales peut être antidatéeNote de bas de page 20.
- La Commission applique la Loi sur l’assurance-emploi de façon injuste et arbitraire. Sa politique administrative n’est pas fondée sur la Loi sur l’assurance-emploi, le Règlement sur l’assurance-emploi ou des politiques connexes. Sa politique permet à de nombreuses parties prestataires de recevoir des prestations pendant quatre semaines ou plus sans avoir à démontrer qu’elles avaient un motif valable. Les bureaucrates ne sont pas censés rédiger des lois, mais plutôt les appliquer et les gérerNote de bas de page 21.
- La Commission applique les précédents, y compris la décision Mauchel, de façon trop générale. Ces précédents sont probablement dépassés étant donné que l’Internet fait maintenant partie intégrante des programmes du gouvernement fédéral, des banques, et d’autres chosesNote de bas de page 22.
- La Commission et Service Canada sont négligents et de mauvaise foi parce qu’ils savent depuis l’affaire Mauchel en 2012 qu’il est probable que les gens se fient uniquement au site Web.
- Même s’il avait téléphoné à la Commission en 2012, en 2013 ou plus tard, il n’aurait probablement pas reçu les bons renseignements.
[29] L’appelant ajoute que :
- La Commission choisit arbitrairement quand imposer des normes strictes aux parties prestataires et quand se montrer permissive, en accordant des antidatations à des personnes qui n’ont aucun motif raisonnable ou dont le retard découle de la paresseNote de bas de page 23.
- Il connaissait suffisamment bien ses droits et ses obligations au titre de la Loi sur l’assurance-emploi, alors il aurait été inutile de communiquer avec la Commission avant que les circonstances ne le dictentNote de bas de page 24.
- Il a peut-être téléphoné à Service Canada en mai ou en juin 2011, mais il n’est pas certain de la date. Cela n’aurait pas changé grand-chose parce qu’il connaissait très bien ses obligations et ses droits généraux, et qu’il aurait attendu pour présenter sa demande après le 26 juillet 2011 (et même peut-être plus tard) parce qu’il essayait d’obtenir d’autres prestations qu’il aurait pu recevoir pendant plus que les 15 semaines de prestations de maladie de l’assurance-emploi qu’il pouvait recevoirNote de bas de page 25.
- Il a consulté le site Web pendant sa période d’indemnité en 2011 et de nouveau vers mars 2012Note de bas de page 26.
- Il savait qu’il ne toucherait aucune prestation avant la fin de son indemnité de départ à la fin de juillet 2011Note de bas de page 27.
- À ce moment-là, il croyait aussi avoir plus de revenus ou être réembauché par son ancien employeur, ce qui réduirait également le montant des prestations payables après juillet 2011Note de bas de page 28.
- La division générale a conclu qu’il avait agi comme une personne raisonnable et prudente lorsqu’elle a accepté d’antidater sa demande de prestations de maladie de l’assurance-emploi, dont la période de retard s’étendait de juillet 2019 à février 2020Note de bas de page 29. Pendant cette période, il n’a pas communiqué avec Service Canada et il n’a pas consulté le site Web.
[30] L’appelant affirme que ses graves problèmes de santé mentale, qui ont perduré jusqu’en 2013 et par la suite, ont nui à sa capacité de savoir jusqu’à quand il serait admissible aux prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 30. Il affirme que ses observations écrites (document RGD33 du dossier d’appel) démontrent que son état de santé mentale et sa personnalité ne répondent pas à la norme de la « personne raisonnable » et qu’elles montrent que son invalidité continue d’avoir une incidence sur luiNote de bas de page 31. Il laisse entendre qu’une personne [traduction] « normale » n’aurait pas rédigé ses observations.
[31] Il affirme qu’il connaissait ses droits généraux à l’assurance-emploi et qu’il bénéficierait d’une demande. La seule raison pour laquelle il n’a pas présenté de demande avant 2020 est que son invalidité l’a empêché de le faire de 2011 à 2013 (où il aurait dû présenter une demande) et qu’elle a continué d’avoir une incidence sur son comportement, sa mémoire et son raisonnement jusqu’en 2020, même s’il arrivait à mieux fonctionnerNote de bas de page 32.
[32] L’appelant affirme qu’étant donné la complexité des affaires juridiques qu’il devait gérer, faire une demande d’assurance-emploi n’était pas une priorité. En effet, selon ce qu’il avait vu sur le site Web et ce que la Commission lui avait dit lors d’échanges antérieurs, il n’était pas possible d’obtenir une exemption, alors il lui semblait évident qu’il n’était plus admissibleNote de bas de page 33.
Arguments de la Commission
[33] La Commission affirme que l’appelant n’a pas démontré qu’il avait un motif valable pour son retard.
[34] La Commission reconnaît que les problèmes de santé de l’appelant lui ont causé des difficultés dans sa vie quotidienne. Cependant, elle affirme qu’ils n’étaient pas assez exceptionnels pour l’empêcher de :
- s’informer de ses droits et de ses obligations;
- demander des prestations d’assurance-emploi;
- faire ce qu’une personne raisonnable et prudente aurait fait dans des circonstances semblablesNote de bas de page 34.
[35] À l’appui de sa position, la Commission souligne que l’appelantNote de bas de page 35 :
- a cherché un emploi, a postulé pour des emplois et a occupé des emplois en 2012, en 2018 et en 2019;
- a déclaré plus d’une fois qu’il aurait présenté sa demande plus tôt s’il avait su qu’il était admissible aux prestations.
[36] La Commission affirme que les multiples demandes qu’il a présentées à divers organismes judiciaires et semi-judiciaires montrent qu’il était capable de prendre des mesures raisonnablement rapides pour s’informer de ses droits et de ses obligationsNote de bas de page 36. Elle affirme que, compte tenu de sa capacité à fonctionner, sa situation n’était pas si exceptionnelle qu’elle l’aurait empêché de demander des prestations. Elle ajoute que ses problèmes de santé sont continus et qu’ils ne l’ont pas empêché de demander des prestations lorsqu’il a appris qu’il pourrait être admissibleNote de bas de page 37.
Mes conclusions
[37] Je conclus que l’appelant n’a pas prouvé qu’il avait un motif valable pour son retard à présenter sa demande de prestations. Voici les motifs de ma décision.
Explication du retard de la demande de l’appelant
[38] L’appelant a présenté sa demande en retard pour les raisons suivantes :
- Il a reçu une indemnité de départ d’environ trois mois et il essayait d’obtenir des prestations d’invaliditéNote de bas de page 38.
- Le retard initial était intentionnel. Ensuite, une fois les autres affaires réglées, il croyait ne pas avoir accumulé assez d’heures au cours de sa période de référence pour être admissible aux prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 39.
- Ses problèmes de santé mentale nuisaient à sa capacité de prendre des décisions.
- Il croyait bien connaître le régime d’assurance-emploi, mais il ne savait rien au sujet de l’antidatation d’une demande.
- Il n’a rien vu sur le site Web qui l’a amené à penser qu’il serait admissible aux prestations. Par exemple, il n’a rien vu au sujet de l’antidatation d’une demande ou de la prolongation d’une période de prestations.
- Compte tenu de sa connaissance du régime d’assurance-emploi et de ce qu’il a vu sur le site Web, il a cru qu’il n’avait aucune raison de téléphoner à Service Canada.
L’appelant n’a pas démontré qu’il avait un motif valable pour son retard
[39] L’appelant n’a pas fait ce qu’une personne raisonnable et prudente aurait fait dans les circonstances pour s’informer de ses droits et de ses obligations.
[40] Il ne s’est pas informé assez rapidement de ses droits et de ses obligations.
[41] Et il n’y avait aucune circonstance exceptionnelle qui l’aurait empêché de prendre des mesures rapidement.
[42] L’appelant écrit :
[traduction]
[…] la seule raison pour laquelle je n’ai pas présenté de demande avant 2020 était que mon invalidité m’a empêché de le faire de 2011 à 2013 (où j’aurais dû présenter une demande) et qu’elle a continué à avoir une incidence sur mon comportement, ma mémoire et mon raisonnement jusqu’en 2020, même si j’arrivais à mieux fonctionnerNote de bas de page 40.
[43] Je comprends qu’il avait (et qu’il continue d’avoir) des problèmes de santé mentale. Cependant, la preuve ne démontre pas qu’il s’agissait d’une circonstance si exceptionnelle qu’elle justifiait son retard de presque neuf ans à présenter sa demande de prestationsNote de bas de page 41.
[44] L’appelant a travaillé pendant environ un an vers 2018Note de bas de page 42. Je reconnais que travailler était un défi pour lui, mais comme il a pu faire une demande d’emploi, accepter un emploi et occuper un emploi en 2018, cela montre que rien ne l’empêchait de demander des prestations d’assurance-emploi à ce moment-là.
[45] Je comprends qu’il ne savait pas qu’il pouvait présenter une demande à ce moment-là parce qu’il ne savait pas que les demandes pouvaient être antidatéesNote de bas de page 43. Mais l’ignorance de la loi, même de bonne foi, ne constitue pas un motif valableNote de bas de page 44.
[46] J’explique mes conclusions plus en détail tout en traitant des arguments précis de l’appelant tout au long de la présente décision.
Retard intentionnel
[47] L’appelant cite la décision CUB 10737, dans laquelle le juge-arbitre a félicité la prestataire d’avoir cherché une autre source de revenu de remplacement, son assurance-automobile, avant de se tourner vers le programme d’assurance-emploi. Elle a ajouté que sa conduite était également raisonnable dans les circonstances, compte tenu de son état de santé.
[48] L’appelant s’appuie également sur la décision de la Cour d’appel fédérale Procureur général du Canada c Gauthier, cité dans la décision CUB 10737Note de bas de page 45. Dans cette décision, la Cour d’appel fédérale a déclaré que le motif valable comprend les circonstances dans lesquelles il est raisonnable qu’une partie prestataire retarde consciemment la présentation d’une demande.
[49] L’appelant affirme qu’il était raisonnable qu’il attende avant de faire sa demande parce qu’il se battait avec sa compagnie d’assurance, même si son intention initiale était de faire une demande avant de ne plus avoir assez d’heures pour que sa demande soit valideNote de bas de page 46.
[50] Je conviens qu’un motif valable comprend les circonstances où il est raisonnable pour une partie prestataire de retarder consciemment la présentation d’une demandeNote de bas de page 47. J’en ai tenu compte dans ma décision. Cependant, ces affaires n’aident pas l’appelant parce que sa situation est différente.
[51] Dans la décision CUB 10737, la prestataire a eu un accident de voiture le 31 juillet 1983 et a présenté sa demande le 3 octobre 1983. Elle a attendu seulement quelques mois avant de communiquer avec son assurance-automobile. Ces faits ne correspondent pas à ceux portés à ma connaissance dans la présente affaire, car le retard de l’appelant a duré des années, et non des mois.
[52] Dans la décision de la Cour d’appel fédérale, le retard a également été très court, du 27 juin au 5 août 1982Note de bas de page 48. De plus, pendant cette période, le prestataire avait un motif valable de croire qu’il était employé. Cela ne correspond pas à la situation dont je suis saisie, où le retard de l’appelant a duré des années et où il n’avait aucune raison de croire qu’il était encore employé.
[53] L’appelant cite également la décision CUB 14665Note de bas de page 49. Il semble utiliser cette affaire pour appuyer son argument selon lequel les prestations qu’il a reçues n’étaient pas comme des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 50. Le paragraphe qu’il cite a été pris hors contexte.
[54] La décision CUB 14665 est une affaire où le prestataire a été blessé le 7 janvier 1986. Il a reçu une assurance-invalidité de courte durée jusqu’en mai 1986, puis a demandé une assurance-invalidité de longue durée. Il a appris que sa demande avait été rejetée le 11 juillet 1986. Il est donc retourné au travail et a demandé une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada. On lui a dit qu’il n’avait pas à demander de prestations d’assurance-chômage (ancienne appellation). Sa pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada a diminué le 19 août 1986. Il a continué à travailler jusqu’en novembre 1986, date à laquelle il a été mis à pied. Il a demandé des prestations d’assurance-emploi le 3 décembre 1986. Il a ensuite demandé à la Commission d’antidater sa demande pour couvrir la période du 13 mai au 12 juillet 1986. Le juge-arbitre a décidé qu’il n’était pas raisonnable que l’appelant attende après le 11 juillet 1986 pour demander des renseignements et des conseils à un bureau d’assurance-chômage. Il a souligné qu’aucune circonstance inhabituelle ne démontrait que le prestataire n’avait pas accès à un bureau d’assurance-chômage, et qu’il n’avait qu’à téléphoner pour savoir ce qu’il devait faire pour ne pas être exclu du bénéfice des prestations à partir du moment où il est devenu capable de travailler et où il était au chômage. Le juge-arbitre a ajouté que, dans les circonstances, rien ne justifiait que le prestataire se fie simplement à des renseignements provenant de sources aléatoires. Le juge-arbitre a déclaré que même si le prestataire savait qu’il ne pouvait pas recevoir de prestations d’assurance-chômage avec une autre prestation, sa façon de procéder n’était pas raisonnable. Le juge-arbitre a déclaré que dans de telles circonstances, une personne prudente présenterait sûrement des demandes pour les deux prestations et verrait si l’une ou l’autre se concrétiserait.
[55] Je suis d’accord avec le juge-arbitre dans cette décision CUB. Une personne prudente dans la situation de l’appelant aurait présenté une demande de prestations d’assurance-emploi tout en explorant d’autres possibilités. Une personne raisonnable et prudente dans la situation de l’appelant ne se serait pas fiée à ses connaissances antérieures, elle se serait renseignée auprès de la Commission pour savoir ce qu’elle devait faire pour continuer d’avoir la possibilité de recevoir des prestations.
Connaître ses droits et ses obligations
[56] L’appelant soutient qu’en examinant s’il a agi comme une personne raisonnable l’aurait fait dans les [traduction] « mêmes circonstances », je dois tenir compte du fait que dans bon nombre de cas où l’antidatation est refusée, la personne n’était pas au courant de ses droits et de ses obligations parce qu’elle n’avait jamais demandé de prestations d’assurance-emploi auparavantNote de bas de page 51. Il affirme que de 1977 à 2023, il a demandé des prestations d’assurance-emploi au moins dix fois et il a eu de nombreux contacts directs avec la Commission. Il dit qu’il connaissait bien ses droits et ses obligations puisqu’il avait déjà fait dix demandes qui avaient été accueillies, et qu’il avait aussi fait d’autres demandes lorsqu’il n’avait pas assez d’heures pour être admissible aux prestationsNote de bas de page 52.
[57] Lors d’une conversation qu’il a eue avec Service Canada en 2020, qu’il a enregistrée et présentée comme preuve, il a déclaré qu’il était un prestataire expérimenté et qu’il croyait connaître les règles. Il a reconnu que personne n’est parfait et ne connaît tous les tenants et aboutissants, et que c’était l’une des raisons pour lesquelles il avait téléphoné à Service Canada à l’époqueNote de bas de page 53.
[58] J’ai tenu compte de son expérience avec le régime d’assurance-emploiNote de bas de page 54. Mais cela ne change rien à ma conclusion selon laquelle une personne raisonnable et prudente dans des circonstances semblables aurait demandé des prestations plus tôt, ou aurait communiqué avec Service Canada pour voir si elle comprenait bien les règles. Les règles de l’assurance-emploi sont complexes et la Loi sur l’assurance-emploi a été modifiée à maintes reprises depuis 1977. Une personne raisonnable et prudente, même si elle participait au régime, ne supposerait pas qu’elle connaît toutes les règles de ce régime complexe.
[59] L’appelant soutient également qu’il n’est pas raisonnable de s’attendre à ce que les parties prestataires aient une connaissance complète ou parfaite de chaque politique ou pratique pouvant leur être avantageuse. Il affirme qu’il est impossible d’acquérir une telle connaissance par téléphone ou lors de brèves réunions avec la Commission, parce que son personnel ne connaît pas toujours toutes les règles, ne les applique pas ou ne les communique pas aux parties prestataires. Il dit que s’il avait communiqué avec la Commission en juin 2011 pour s’informer de ses obligations et de ses droits généraux, il n’aurait rien appris concernant ses actions ou son inaction subséquentesNote de bas de page 55.
[60] Je conviens qu’il n’est pas raisonnable de s’attendre à ce que les parties prestataires aient une connaissance complète ou parfaite du régime d’assurance-emploi. C’est pourquoi une personne raisonnable et prudente communiquerait avec Service Canada pour obtenir de tels renseignements. Si l’appelant l’avait fait et il avait reçu des renseignements inexacts ou incomplets, cela aurait été une circonstance à prendre en considération.
[61] Je comprends que dans une décision rendue par un autre membre du Tribunal, le membre a conclu qu’il avait un motif valable justifiant son retard de sept mois, même s’il n’avait pas communiqué avec la Commission ou Service Canada, ou consulté le site WebNote de bas de page 56. Cependant, même si j’admets qu’il avait un motif valable pour ces sept mois, de juillet 2019 à février 2020, lorsque j’examine toutes les circonstances, je conclus tout de même qu’il n’avait pas de motif valable pour toute la période du retard.
Information communiquée par la Commission
[62] L’appelant affirme que chaque fois qu’il a demandé des prestations d’assurance-emploi, on lui a dit qu’il n’y avait aucune exception à la [traduction] « règle des 52 semainesNote de bas de page 57 ».
[63] L’appelant parle de la période de référence. Il s’agit de la période précédant le début d’une période de prestations durant laquelle le nombre d’heures requis doit être travaillé pour faire une demande. La période est habituellement de 52 semaines, mais elle peut parfois être plus courte ou être prolongée.
[64] L’appelant a fourni des éléments de preuve montrant que le personnel de première ligne de Service Canada donne parfois des conseils erronés ou contradictoiresNote de bas de page 58.
[65] Les tribunaux ont conclu que si le retard est dû à une erreur découlant d’observations de la Commission, il pourrait y avoir un motif valable justifiant le retardNote de bas de page 59.
[66] L’appelant a fourni l’enregistrement d’une conversation téléphonique qu’il a eue avec une agente de Service Canada en février 2025. Au cours de cette conversation, l’appelant a demandé s’il pouvait se fier uniquement au site Web. L’agente a dit que oui, les renseignements sur le site Web étaient complets et à jour. Elle a centré ses commentaires sur le taux maximal de prestations, mais elle a aussi dit qu’il s’agissait de renseignements généraux. Elle a ajouté que si l’appelant avait des questions sur ce qu’il lisait en ligne, il pouvait toujours leur téléphoner et on lui fournirait des renseignements plus détaillésNote de bas de page 60.
[67] Cependant, l’appelant n’a pas tardé à présenter sa demande de prestations d’assurance-emploi à cause de cette conversation téléphonique. Il n’a pas non plus tardé à présenter sa demande en raison des observations précises que la Commission lui a faites au sujet de cette demande. Il a fondé sa décision de ne pas demander de prestations d’assurance-emploi sur des conversations antérieures. Bref, ce n’est pas parce qu’il ne connaissait pas la loi qu’il n’a pas présenté de demande.
[68] Comme je l’ai mentionné plus haut, compte tenu de la nature complexe du Régime d’assurance-emploi, lorsque l’appelant s’est appuyé sur son expérience sans se demander s’il remplissait les conditions requises pour recevoir des prestations de maladie dans ce cas particulier, il n’a pas agi comme une personne raisonnable et prudente l’aurait fait dans des circonstances semblables. Les tribunaux disent clairement que le fait d’ignorer la loi, même de bonne foi, n’est pas un motif valable justifiant un retard.
Les exigences en 2011
[69] L’appelant affirme qu’en 2011, il n’était pas tenu de communiquer avec la Commission dans les quatre semaines suivant son congédiement pour respecter la norme de la « personne raisonnableNote de bas de page 61 ». Il affirme que ce critère ne se trouve pas dans la Loi sur l’assurance-emploi ni dans le Règlement sur l’assurance-emploi, mais qu’il s’agit d’une politique arbitraire et permissive établie par la Commission qui est contraire à la Loi sur l’assurance-emploi elle-même, qui ne permet aucun retard.
[70] L’appelant a raison de dire qu’il n’est pas tenu de communiquer avec la Commission dans les quatre semaines suivant son congédiement pour être considéré comme une personne raisonnable.
[71] La Loi sur l’assurance-emploi prévoit que la demande d’une personne peut être antidatée seulement si celle-ci démontre qu’elle avait un motif valable justifiant son retardNote de bas de page 62.
[72] La Loi sur l’assurance-emploi ne précise pas ce qui constitue un motif valable, de sorte que les tribunaux ont élaboré un critère juridique que les décideurs doivent suivre pour décider si une partie prestataire a démontré qu’elle avait un motif valable.
[73] Le critère juridique relatif au motif valable est le même aujourd’hui qu’en 2011. Le critère a été établi par la Cour d’appel fédérale dès 1985, lorsque celle-ci a écrit ce qui suit dans la décision Albrecht :
À mon avis, lorsqu’un prestataire a omis de formuler sa demande dans le délai imparti et qu’en dernière analyse, l’ignorance de la loi est le motif de cette omission, on devrait considérer qu’il a prouvé l’existence d’un « motif valable » s’il réussit à démontrer qu’il a agi comme l’aurait fait une personne raisonnable dans la même situation pour s’assurer des droits et obligations que lui impose la LoiNote de bas de page 63. [c’est moi qui souligne]
[74] Le critère a été développé par la Cour d’appel fédérale dans la décision Caron, où elle a écrit :
…
c’est en principe uniquement en démontrant qu’il a fait ce qu’une personne raisonnable et prudente aurait fait dans les mêmes circonstances, soit pour faire clarifier sa situation par rapport à son emploi, soit pour s’enquérir de ses droits et obligations en vertu des dispositions de la Loi de 1971 sur l’assurance-chômage, qu’un réclamant, qui omet de faire sa réclamation au moment où il cesse d’exercer son emploi et ne touche plus de rémunération, pourra obtenir que son retard soit excusé et que sa demande soit considérée rétroactivement. Il peut arriver, je suppose, des cas où l’inaction et l’attente pourraient être compréhensibles malgré tout, mais il faudrait, je pense, des circonstances fort exceptionnelles et j’imagine mal, de toutes façons, qu’une telle passivité reste ainsi compréhensible même si elle s’étend sur une période de plus de 14 mois comme iciNote de bas de page 64. [c’est moi qui souligne]
[75] Et la Cour d’appel fédérale a réaffirmé ce critère à de nombreuses reprises depuisNote de bas de page 65. Elle dit maintenant qu’il s’agit d’une loi établieNote de bas de page 66.
[76] Pour ce qui est du moment où une partie prestataire doit présenter une demande, l’article 26(1) du Règlement sur l’assurance-emploi prévoit qu’une partie prestataire doit présenter une demande de prestations dans les trois semaines suivant celle pour laquelle elle souhaite recevoir des prestationsNote de bas de page 67. Une partie prestataire ne peut pas présenter une demande de prestations avant d’avoir présenté une demande initiale de prestations. Par conséquent, les demandes initiales doivent être présentées dans les trois semaines suivant la semaine pour laquelle la personne veut recevoir des prestations d’assurance-emploi. Il s’agit de la loi en vigueur depuis que cet article du Règlement sur l’assurance-emploi en entré en vigueur en 1996. C’était la loi en 2011, et ça demeure la loi aujourd’hui.
La politique de la Commission
[77] L’appelant affirme que la Commission applique sa politique de façon injuste et arbitraire, en s’en tenant aux interprétations strictes de la Loi sur l’assurance-emploi quand cela lui convient, mais en l’ignorant autrement, car la politique n’est pas fondée sur la Loi sur l’assurance-emploi ou son règlement. Il soutient que la Commission permet aux parties prestataires de recevoir des prestations pendant quatre semaines ou plus sans démontrer de motif valable pour toute la période du retardNote de bas de page 68. Il dit que les bureaucrates ne sont pas censés rédiger des lois, mais plutôt les appliquer et les mettre en œuvre. Il souligne qu’ils ne peuvent pas rédiger d’exemptions aux lois, aux politiques ou aux règlements que le législateur ou le ministre n’avait pas l’intention ou l’autorisation d’adopter. Il ajoute qu’il s’agit d’une mesure injuste et potentiellement discriminatoire qui enfreint la Déclaration des droits et la Charte canadienne des droits et libertésNote de bas de page 69.
[78] Premièrement, je n’ai pas le pouvoir d’examiner les politiques ou les processus internes de la Commission ni de prendre des décisions à leur sujet, y compris la façon dont la Commission forme son personnelNote de bas de page 70.
[79] Deuxièmement, en rendant ma décision, j’ai suivi la loi; la Loi sur l’assurance-emploi, son règlement et la jurisprudence contraignante. Je n’ai aucun pouvoir discrétionnaire quant à la façon dont j’applique la loi. Je ne suis pas les politiques de la Commission.
[80] Je dois suivre les impératifs de la Cour d’appel fédérale et appliquer le critère de façon stricte et prudente. La jurisprudence de la Cour d’appel fédérale dit que l’obligation de déposer une demande rapidement est très exigeante et stricte. C’est pourquoi l’exception relative au « motif valable justifiant le retard » est appliquée avec prudenceNote de bas de page 71.
Le site Web, négligence et mauvaise foi
[81] L’appelant soutient que la Commission est négligente et qu’elle pourrait même agir de mauvaise foi parce que depuis la décision Mauchel de 2012, elle sait que les gens sont susceptibles de se fier uniquement au site Web et, même aujourd’hui, il n’y a rien sur le site qui dit que si une personne ne parle pas à la Commission (au téléphone ou en personne), cela pourrait l’empêcher de recevoir des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 72.
[82] Dans l’affaire Mauchel, le prestataire, M. Mauchel, voulait que sa demande soit antidatée de deux ans. La Cour d’appel fédérale a conclu ce qui suitNote de bas de page 73 :
Une personne raisonnable qui se fie au site Web pour obtenir des renseignements doit faire une recherche plus approfondie que celle à laquelle M. Mauchel semble s’être livré. Une personne raisonnable ne se serait pas laissée induire en erreur par les premières informations générales apparaissant sur le site au sujet de l’admissibilité aux prestations au point d’être dissuadée de chercher des renseignements plus précis concernant sa situation.
…
À mon avis, le site Web contenait suffisamment de renseignements pour amener une personne raisonnable placée dans une situation semblable à celle de M. Mauchel à se demander si elle pouvait être admissible à des prestations et à communiquer avec la Commission pour obtenir une réponse ou présenter une demande. La question n’est pas de savoir si un prestataire en particulier a trouvé les renseignements clairs et non équivoques et décidé qu’il était inutile de fouiller davantage sur le site Web, mais bien de savoir si une personne raisonnable aurait pensé ainsi. Nul ne prétend que le site Web contenait des renseignements erronés.
Puisque le site Web n’est pas censé répondre à tous les cas particuliers, les prestataires ne peuvent pas raisonnablement considérer les renseignements qui y figurent comme des renseignements personnalisés offerts par un agent en réponse à leurs demandes d’information quant à leur admissibilité. Que plusieurs jours s’écoulent avant que l’on réussisse à parler à un agent de la Commission par téléphone ne saurait justifier le retard de M. Mauchel.
[83] L’appelant soutient que la Commission et le Tribunal interprètent les précédents comme celui de Mauchel de façon trop large. Il affirme que ces précédents sont probablement désuets parce que l’Internet fait maintenant partie intégrante des programmes du gouvernement fédéral, des banques et d’autres choses, et que cela n’était pas le cas en 2013, lorsque la Cour a établi ces précédentsNote de bas de page 74.
[84] L’appelant affirme que Mauchel ne dit pas que les gens ne devraient jamais se fier au site Web. Il dit que le site Web contenait suffisamment de renseignements pour que M. Mauchel puisse remettre en question ses suppositions. Cependant, dans son cas, le site Web ne contenait pas assez d’information pour qu’une « personne raisonnable » qui demande des prestations de maladie sache qu’il y avait des exceptions à la règle des 52 semaines ou qu’il ne devrait pas seulement se fier au site Web pour de telles questionsNote de bas de page 75.
[85] L’appelant affirme que pour se fier à Mauchel, la Commission doit démontrer que le site Web de 2011 et 2012 contenait suffisamment d’information pour qu’une personne raisonnable sache qu’il y avait des exceptions à la règle des 52 semaines ou qu’elle ne devrait pas s’y fier.
[86] L’argument de l’appelant ne peut pas être retenu.
[87] Premièrement, il incombe à l’appelant de prouver qu’il avait un motif valable justifiant son retard. Ce n’est pas à la Commission de démontrer que son site Web contenait suffisamment d’information pour appliquer l’affaire Mauchel.
[88] Deuxièmement, tout comme dans l’affaire Mauchel, le site Web de l’époque contenait suffisamment d’information pour qu’une personne raisonnable dans la situation de l’appelant se demande si elle pourrait être admissible à des prestations, et pour qu’elle réalise qu’elle devrait communiquer avec la Commission pour en savoir plus ou faire une demande de prestations.
[89] Voici trois extraits du site Web de 2011 et des liens fournis par l’appelant :
Quand faire une demande
Faites une demande de prestations d’assurance-emploi dès que vous arrêtez de travailler. Vous n’avez pas besoin de vos relevés d’emploi pour remplir votre demande d’assurance-emploi. Si vous attendez plus de quatre semaines avant de faire votre demande, vous pourriez avoir droit à moins de prestationsNote de bas de page 76.
Comment, où et quand présenter une demande?
Pour savoir si vous avez droit à des prestations d’assurance-emploi, vous devez soumettre une demande d’assurance-emploi en direct ou en personne à votre Centre Service Canada. Présentez votre demande dès que vous cessez de travailler, même si vous avez reçu ou recevez des sommes d’argent au moment de votre cessation d’emploi.
Pour toute prestation, autre que les prestations de maternité ou prestations parentales, assurez-vous de présenter votre demande dès que vous arrêtez de travailler, même si vous n’avez pas reçu vos relevés d’emploi. Attendre plus de 4 semaines après votre dernier jour de travail pour présenter votre demande risque de vous faire perdre des prestationsNote de bas de page 77.
Assurance-emploi – Guide de la détermination de l’admissibilité
Qu’est-ce que le Guide de la détermination de l’admissibilité? Pour en savoir plus…
Supplément au Guide de la détermination de l’admissibilité – L’Indice de jurisprudence
Le contenu du Guide de la détermination de l’admissibilité :
Table des matières
Chapitre 1 – Notions de base
Chapitre 2 – Arrêt de rémunération
Chapitre 3 – Antidatation
Chapitre 4 – Semaine de chômage
Chapitre 5 – Rémunération
Chapitre 6 – Départ volontaire
Chapitre 7 – Inconduite
Chapitre 8 – Conflits collectifs
Chapitre 9 – Refus d’emploi
Chapitre 10 – Disponibilité
Chapitre 11 – Prestations de maladie
Chapitre 12 – Prestations de maternité
Chapitre 13 – Prestations parentales
Chapitre 14 – Les enseignants
Chapitre 15 – Prestations de pêcheur
Chapitre 16 – Procédure de présentation de demandes
Chapitre 17 – Nouvel examen d’une demande, modification
d’une décision et correction des erreurs
Chapitre 18 – Politique en matière de pénalités
Chapitre 19 – Prestations d’emploi et mesures de
soutien (Partie II de la Loi sur l’a.-e.)
Chapitre 20 – Défalcation
Chapitre 21 – Éléments de preuve ou preuve
Chapitre 22 – Vacant
Chapitre 23 – Prestations de compassion
Chapitre 24 – Prestations pour les travailleurs
indépendantsNote de bas de page 78[c’est moi qui souligne]
[90] Cette information du site Web de 2011 dit aux parties prestataires qu’elles doivent présenter une demande rapidement, mais que si elles ne le font pas, elles pourraient tout de même recevoir des prestations. Il y a aussi de l’information sur l’antidatation d’une demande de prestations et la prolongation d’une période de référence (au Chapitre 1 – Notions de base) sur le site Web (à partir du lien Guide de la détermination de l’admissibilité – Modifications au Guide de détermination de l’admissibilité).
[91] L’appelant a fait valoir que le Guide n’était pas disponible en 2011, mais l’information qu’il a fournie sur le site Web montre qu’il l’étaitNote de bas de page 79. De plus, le Guide contenait aussi des renseignements sur l’antidatation d’une demande et la prolongation d’une période de référence.
[92] Je conclus donc que si l’appelant avait cherché plus loin, il aurait vu qu’il aurait pu présenter sa demande en retard et que la période de référence pouvait être prolongée. C’est suffisant pour avoir incité une personne raisonnable et prudente dans la situation de l’appelant à communiquer avec la Commission pour obtenir plus de renseignements.
[93] Mon approche à l’égard de l’information sur le site Web de 2011 et mes conclusions sont conformes à l’approche adoptée par la Cour fédérale dans la décision de 2021 de Panariti. Dans cette affaire, la Cour a examiné le site Web et a conclu que, même si le prestataire avait agi de bonne foi en consultant le site Web et en s’y fiant, il appuyait la décision de la division d’appel. La division d’appel a déclaré que le prestataire n’avait pas fait les démarches qu’une personne raisonnable et prudente aurait dû faire pour s’informer de ses droits et de ses obligations. Plus précisément, elle a déclaré que le prestataire aurait dû communiquer avec la Commission pour vérifier son admissibilitéNote de bas de page 80.
[94] J’estime que, peu importe ce qui se trouve sur le site Web, une personne raisonnable et prudente comprendrait qu’il est impossible de fournir assez d’information pour aborder la situation de chaque partie prestataire. Une telle personne aurait présenté une demande de prestations à ce moment-là (si elle voulait en obtenir à ce moment-là), ou elle aurait communiqué avec la Commission pour voir si elle pouvait retarder sa demande.
[95] Aussi, même si l’appelant a répété plus d’une fois qu’il connaissait la loi et qu’il n’aurait pas été utile de communiquer avec la Commission, il ne connaissait manifestement pas la loi parce qu’il n’était pas au courant de la possibilité de faire antidater une demande ou de faire prolonger une période de référence.
Indulgence
[96] L’appelant ajoute qu’avec les prestations spéciales, il y a peu ou pas de préjudice pour la Commission, et c’est la partie prestataire qui subit les conséquences de son propre retard, alors elle est censée faire preuve d’indulgenceNote de bas de page 81.
[97] La Commission reconnaît qu’elle fait preuve d’une certaine indulgence lorsqu’elle examine les demandes de prestations de maladie en retardNote de bas de page 82. La position de la Commission semble être qu’il n’était pas approprié de faire preuve d’indulgence dans le cas de l’appelant, parce qu’il cherche à obtenir des prestations de maladie et des prestations régulières et qu’il a déclaré qu’il aurait présenté sa demande plus tôt s’il avait su qu’il pouvait être admissibleNote de bas de page 83. Elle soutient que l’ignorance de la loi, même en toute bonne foi, ne suffit pas à établir un motif valableNote de bas de page 84.
[98] L’appelant affirme que la Commission et le Tribunal n’ont pas fait preuve d’indulgence comme il est établi dans la décision De Jesus c Canada (Procureur général), 2013 CAF 264 ou mentionnée dans le Guide de la détermination de l’admissibilité de la CommissionNote de bas de page 85.
[99] L’affaire De Jesus portait sur l’antidatation d’une demande de prestations parentales. La Cour d’appel fédérale a décidé que le juge-arbitre dans cette affaire n’avait pas tenu compte du fait que, dans des circonstances exceptionnelles, l’inaction peut constituer un motif valable justifiant le retardNote de bas de page 86.
[100] La Cour a déclaré que la nature des prestations en question est pertinente pour décider si une partie prestataire a fait les démarches qu’une personne raisonnable dans sa situation aurait faites pour s’informer de son droit à l’assurance-emploiNote de bas de page 87.
[101] Je dois suivre les directives de la Cour. Cependant, dans le cas de l’appelant, même s’il peut y avoir eu des circonstances exceptionnelles pour une partie du retard, il n’a pas établi de circonstances exceptionnelles pour toute la période du retard.
[102] Dans De Jesus, le retard s’étendait du 22 septembre 2008 (date de naissance de son enfant) jusqu’au 7 juillet 2009, ce qui fait moins d’un an. Ce n’est pas la même chose que le retard de l’appelant, qui a duré près de 9 ans. L’application d’une approche un peu plus souple ne signifie pas qu’il faut ignorer l’exigence de démontrer un motif valable pour toute la durée du retard.
[103] Enfin, comme il n’est pas nécessaire que l’appelant prouve sa disponibilité à travailler pendant qu’il reçoit des prestations de maladie, les difficultés administratives liées à la preuve des demandes n’ont pas été prises en compte dans ma décision.
Raisons médicales
[104] L’appelant affirme que ses problèmes de santé mentale et son invalidité sont les principales raisons pour lesquelles il n’a pas demandé de prestations plus tôtNote de bas de page 88. Il était distrait, il avait une faible capacité décisionnelle, et il était rarement en bonne santé mentale. Il a fourni de l’information provenant de l’Internet sur l’incidence de la dépression sur la capacité à prendre des décisions et la mémoireNote de bas de page 89.
[105] Les tribunaux ont affirmé que des raisons médicales adéquatement appuyées peuvent constituer un motif valable justifiant le retard d’une demande de prestationsNote de bas de page 90.
[106] Je reconnais que l’état de santé de l’appelant a une incidence sur son comportement et ses capacités, y compris sa capacité à demander des prestationsNote de bas de page 91. L’incidence de ses problèmes de santé n’est jamais complètement disparueNote de bas de page 92.
[107] Et même si les problèmes de santé de l’appelant ont pu contribuer à son retard à présenter sa demande de prestations, il ne s’agit pas d’un motif valable pour toute la période du retardNote de bas de page 93.
[108] La preuve montre que ses problèmes de santé n’étaient pas tels qu’ils l’auraient empêché de demander des prestations pendant toute la période du retard. Malgré ses problèmes de santé, il a travaillé pendant la période en cause. Même si travailler était un défi, sa capacité à trouver un emploi et du travail montre qu’il avait également la capacité de demander des prestations plus tôt que la date à laquelle il l’a fait.
[109] De plus, l’appelant a cherché à obtenir d’autres prestations pendant la période en question, comme des prestations d’invaliditéNote de bas de page 94. Cela montre que ses problèmes de santé ne l’ont pas empêché de demander des prestations.
[110] Je comprends qu’après la période initiale de retard, il ne savait pas qu’il pourrait encore être admissible aux prestations d’assurance-emploi. Cependant, comme je l’ai déjà dit, le fait de ne pas savoir que l’on pourrait être admissible aux prestations n’est pas un motif valable pour ne pas présenter de demande.
[111] L’appelant soutient que la Commission ne tient pas compte de toutes les répercussions des problèmes de santé mentale d’une personne. Par exemple, elles peuvent rendre une personne antisociale, pessimiste et l’amener à procrastinerNote de bas de page 95. Je ne vois aucun élément de preuve au dossier à l’appui de cette allégation.
[112] L’argument de l’appelant n’est pas fondé parce que le critère permettant d’établir si une personne avait un motif valable tient compte de ce que ferait une personne dans des circonstances semblables, ce qui comprend ses problèmes de santé et leur incidence sur la capacité de demander des prestations.
[113] De plus, je rends la décision maintenant, et j’ai tenu compte de toutes les répercussions des problèmes de santé de l’appelant telles qu’il les décrit et telles qu’elles sont énoncées dans la preuve médicale.
Constitutionnalité – La Loi sur l’assurance-emploi et son règlement
[114] Je n’ai pas examiné la constitutionnalité de la Loi sur l’assurance-emploi ou de son règlement. Pour contester la validité constitutionnelle, l’applicabilité ou l’effet d’une disposition de la Loi sur l’assurance-emploi, de ses règles ou de son règlement, la partie doit exposer la disposition qu’elle veut contester, les faits substantiels sur lesquels elle veut s’appuyer et un résumé du fondement juridiqueNote de bas de page 96.
[115] Un membre du Tribunal a discuté de ces exigences avec l’appelant lors de conférences de cas tenues en 2020Note de bas de page 97. L’appelant a eu l’occasion de présenter une contestation constitutionnelle. Il ne remplissait pas les conditions, et l’appel s’est déroulé de la manière habituelle pour les questions non constitutionnellesNote de bas de page 98.
[116] Depuis, dans ma décision interlocutoire datée du 28 août 2024, j’ai dit à l’appelant que pour présenter une contestation constitutionnelle, il devait déposer un avis précisNote de bas de page 99.
[117] L’appelant ne remplit pas les conditions pour présenter une contestation constitutionnelle. De plus, il a confirmé qu’il avait décidé de ne pas poursuivre une contestation fondée sur la CharteNote de bas de page 100. Par conséquent, je n’ai pas examiné la constitutionnalité de la Loi sur l’assurance-emploi ou de son règlement.
Constitutionnalité – Le critère de la personne raisonnable
[118] L’appelant fait valoir que :
[traduction]
Il est discriminatoire et contraire à la Déclaration des droits, à la Loi canadienne sur les droits de la personne (LCDP) et à la Charte des droits que la CAEC ou le TSS applique le « critère de la personne raisonnable » dans cette affaire, puisqu’il découle du droit criminel et du droit civil où la conclusion de culpabilité ou de responsabilité rejette l’ignorance de la loi et sépare également les pénalités de la conclusion initiale sans pénaliser automatiquement et intégralement la personne qui a agi « de façon déraisonnable », de sorte que toute pénalité est juste et correspond aux circonstancesNote de bas de page 101.
[119] Les tribunaux disent que pour établir l’existence d’un « motif valable », une partie prestataire doit démontrer qu’elle a agi « comme l’aurait fait une personne raisonnable dans la même situation pour s’assurer des droits et obligations que lui impose la LoiNote de bas de page 102 ». Il s’agit du critère établi par la Cour d’appel fédérale pour décider si le prestataire a prouvé qu’il avait un motif valable, et c’est le critère que je dois suivre.
[120] La Cour d’appel fédérale dit clairement que l’antidatation d’une demande continue d’être un mécanisme de nature exceptionnelleNote de bas de page 103. Et je dois suivre ses conseils. Je ne peux pas annuler ces précédents contraignants comme l’a demandé l’appelantNote de bas de page 104.
[121] L’appelant fait également référence à une [traduction] « personne normale et prudenteNote de bas de page 105 ». Cependant, j’ai énoncé le critère juridique ci-dessus, et ce n’est pas ce qu’une personne normale et prudente ferait.
Partialité
[122] L’appelant affirme que selon son expérience avec le Tribunal, celui-ci a un parti pris en faveur de la CommissionNote de bas de page 106.
[123] Il est présumé que les membres du Tribunal sont impartiaux et que la personne qui prétend qu’il y a eu partialité doit démontrer qu’une personne raisonnablement informée penserait que, dans les circonstances, le décideur ne rendrait pas une décision équitableNote de bas de page 107. Il s’agit d’un critère auquel il est difficile de satisfaireNote de bas de page 108.
[124] J’ai déjà tranché la question de la partialité. Dans ma décision interlocutoire du 19 août 2024, j’ai décidé que l’appelant n’avait pas établi la preuve d’un parti prisNote de bas de page 109.
[125] L’appelant n’a toujours pas présenté de preuve convaincante démontrant que j’ai un parti pris en faveur de la Commission ou que j’ai préjugé de son appel. J’ai pris mon temps pour examiner et soupeser tous les éléments de preuve portés à ma connaissance. Ce n’est pas parce que je ne suis pas d’accord avec l’appelant que j’ai un parti pris ou que j’ai des préjugés envers lui.
[126] Je conclus donc que l’appelant n’a pas démontré qu’une personne raisonnablement informée penserait que j’ai un parti pris en faveur de la Commission ou que j’ai préjugé de l’appel.
Admissibilité à la date antérieure
[127] Je n’ai pas besoin de vérifier si l’appelant remplissait les conditions requises à la date antérieure pour recevoir des prestations. Comme il n’a pas prouvé qu’il avait un motif valable justifiant son retard, sa demande ne peut pas être traitée comme si elle avait été présentée plus tôt.
Conclusion
[128] L’appelant n’a pas prouvé qu’il avait un motif valable justifiant le retard de sa demande de prestations pendant toute la période écoulée.
[129] Aucune des raisons pour lesquelles l’appelant a tardé à présenter sa demande de prestations, y compris les raisons médicales, sa connaissance du régime d’assurance-emploi et la recherche d’autres prestations, prises seules ou ensemble, ne constituent pas un motif valable pour toute la période du retard.
[130] L’appel est rejeté.