Citation : AN c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2025 TSS 766
Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi
Décision
Partie appelante : | A. N. |
Partie intimée : | Commission de l’assurance-emploi du Canada |
Décision portée en appel : | Décision découlant de la révision (738638) datée du 29 mai 2025 rendue par la Commission de l’assurance-emploi du Canada (communiquée par Service Canada) |
Membre du Tribunal : | Jean Yves Bastien |
Mode d’audience : | Téléconférence |
Date de l’audience : | Le 24 juillet 2025 |
Personnes présentes à l’audience : | L’appelant |
Date de la décision : | Le 25 juillet 2025 |
Numéro de dossier : | GE-25-1953 |
Sur cette page
Décision
[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec le prestataire.
[2] Le prestataire n’a pas prouvé qu’il avait été disponible pour travailler. Il ne peut donc pas recevoir de prestations d’assurance-emploi.
Aperçu
[3] Le prestataire travaillait pour un fabricant québécois de produits de plastique sur mesure. Il a été mis à pied le 31 mai 2024, en raison d’un manque de travail. Pour la période allant du 4 novembre 2024 au 11 janvier 2025, le prestataire a dit à la Commission de l’assurance-emploi du Canada qu’il n’était pas disponible pour travailler. Des obligations familiales l’empêchaient alors d’accepter un emploi.
[4] La Commission a jugé le prestataire inadmissible aux prestations régulières d’assurance‑emploi à partir du 4 novembre 2024, du fait qu’il n’était pas disponible pour travailler. Un prestataire doit effectivement être disponible pour travailler afin de recevoir de telles prestations. La disponibilité est une exigence continue. Le prestataire doit donc toujours être à la recherche d’un emploi.
[5] Je dois décider si le prestataire a prouvé qu’il était disponible pour travailler. Le prestataire doit prouver sa disponibilité selon la prépondérance des probabilités. Autrement dit, il doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’il était disponible pour travailler.
[6] Selon la Commission, il est évident que le prestataire ne répond pas aux critères de disponibilité prévus par la Loi sur l’assurance-emploi, comme il a lui-même admis qu’il n’était pas disponible pour travailler ou était dans une situation qui l’empêchait d’accepter un emploi.
[7] Le prestataire n’est pas d’accord avec la Commission. Il soutient que sa sœur était alors gravement malade et que cette situation l’empêchait de reprendre le travail. Il estime que cette explication devrait lui donner droit aux prestations. Normalement, une personne dans une telle situation pourrait avoir droit aux prestations pour proches aidants de l’assurance-emploi. Le prestataire dit cependant ne pas avoir les attestations médicales nécessaires pour y être admissible.
Pouvoirs du Tribunal
[8] Les pouvoirs du Tribunal sont dictés par la Loi sur l’assurance-emploi. Je peux seulement examiner des questions relevant de cette loi. Je ne peux aucunement modifier ou réécrire la loi.
[9] En vertu de l’article 112 de la Loi sur l’assurance-emploi, un prestataire peut demander à la Commission de réviser sa décision. En vertu de l’article 113, le prestataire peut ensuite contester cette décision de révision devant le Tribunal, s’il en est mécontent.
[10] Ainsi, mes pouvoirs me permettent uniquement d’examiner la décision de révision de la Commission, qui est la suivante : « Nous ne pouvons pas vous payer de prestations d’assurance-emploi du 3 novembre 2024 au 11 janvier 2025, car vous n’avez pas démontré être disponible pour travailler parce que vos obligations familiales vous empêchaient d’accepter un emploi. »
[11] Par conséquent, la seule question que je peux examiner dans cet appel est de savoir si le prestataire était disponible pour travailler du 4 novembre 2024 au 11 janvier 2025.
Question en litige
[12] Le prestataire était-il disponible pour travailler?
Analyse
[13] La disponibilité pour travailler est encadrée par deux articles de la Loi sur l’assurance-emploi. La Commission a décidé que le prestataire était inadmissible aux prestations sur la base de ces deux articles. Le prestataire doit donc montrer qu’il répond aux critères des deux articles pour recevoir des prestations.
[14] Premièrement, la Loi sur l’assurance-emploi dit que le prestataire doit prouver qu’il a fait des « démarches habituelles et raisonnables » pour trouver un emploi convenableNote de bas de page 1. Le Règlement sur l’assurance-emploi présente des critères qui aident à préciser ce que sont des « démarches habituelles et raisonnablesNote de bas de page 2 ». Je vais examiner ces critères plus loin.
[15] Deuxièmement, la Loi sur l’assurance-emploi dit que le prestataire doit prouver qu’il était « capable de travailler et disponible à cette fin », mais incapable d’obtenir un emploi convenableNote de bas de page 3. La jurisprudence énonce trois éléments à considérer pour savoir si la personne peut être jugée « disponible » en ce sensNote de bas de page 4. Je vais examiner ces éléments plus loin.
[16] La Commission a jugé le prestataire inadmissible aux prestations comme ni l’un ni l’autre des articles ne confirmait qu’il était disponible pour travailler.
[17] Je vais maintenant examiner moi-même ces deux articles pour décider si le prestataire était, oui ou non, disponible pour travailler.
Démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi
[18] Le droit énonce les critères que je dois prendre en considération pour décider si les démarches du prestataire étaient habituelles et raisonnablesNote de bas de page 5. Je dois décider s’il a fait ces démarches de façon soutenue et si elles visaient à trouver un emploi convenable. Autrement dit, le prestataire doit toujours avoir continué à chercher un emploi convenable.
[19] Je dois aussi évaluer les démarches que le prestataire a faites pour trouver un emploi. Le Règlement sur l’assurance-emploi présente une liste de neuf activités de recherche d’emploi dont je dois tenir compte, commeNote de bas de page 6 :
- communiquer avec des employeurs éventuels;
- présenter des demandes d’emploi;
- participer à des entrevues.
[20] La Commission affirme que le prestataire n’a fait aucune démarche pour trouver un emploi. Il l’a simplement informée qu’il n’était pas disponible pour travailler du 3 novembre 2024 au 11 janvier 2025, en raison d’obligations familiales. Il lui avait dit qu’il devait s’occuper de sa sœur qui était gravement malade.
[21] Le prestataire n’est pas d’accord. Il dit que de novembre 2024 à janvier 2025, il avait été l’unique proche aidant de sa sœur et que celle-ci dépendait entièrement de ses soins. Le prestataire soutient que ses efforts suffisent à prouver qu’il avait été disponible pour travailler.
[22] Je préfère la preuve de la Commission à celle du prestataire. Je suis d’accord que le prestataire n’a fait aucune démarche qui soit pour trouver du travail, et encore moins des démarches qu’on puisse qualifier d’habituelles et raisonnables. J’ai néanmoins de la sympathie pour lui. Son dévouement et son sens profond du devoir envers sa sœur sont compréhensibles. Malheureusement, pour recevoir des prestations, le prestataire demeure obligé de répondre aux exigences strictes de la loi.
[23] Ainsi, je n’ai d’autre choix que de conclure que le prestataire est inadmissible aux prestations en application de l’article 50(8) de la Loi sur l’assurance-emploi.
[24] Le prestataire n’a pas démontré qu’il avait fait des démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi.
Capable de travailler et disponible pour le faire
[25] La jurisprudence établit trois éléments que je dois examiner pour décider si le prestataire était capable de travailler et disponible pour le faire, mais incapable de trouver un emploi convenable. Le prestataire doit prouver les trois éléments suivantsNote de bas de page 7 :
- a) montrer qu’il veut retourner travailler aussitôt qu’un emploi convenable lui est offert;
- b) faire des démarches pour trouver un emploi convenable;
- c) éviter d’établir des conditions personnelles qui limiteraient indûment (c’est-à-dire limiteraient trop) ses chances de retourner travailler.
[26] Je dois considérer l’attitude et la conduite du prestataire lorsque j’examine chacun de ces élémentsNote de bas de page 8.
Vouloir retourner travailler
[27] Le prestataire n’a pas montré qu’il voulait retourner travailler aussitôt qu’un emploi convenable lui serait offert.
[28] En effet, il a affirmé ne pas être disponible pour travailler du 3 novembre 2024 au 11 janvier 2025. Il avait des obligations familiales et devait veiller sur sa sœur gravement malade.
Faire des démarches pour trouver un emploi convenable
[29] Le prestataire n’a fait aucune démarche pour trouver un emploi convenable.
[30] Pour m’aider à tirer une conclusion sur ce deuxième élément, j’ai tenu compte des activités de recherche d’emploi nommées plus tôt dans cette décision. Ces activités me servent seulement de points de repère pour décider de cet élémentNote de bas de page 9.
[31] Comme il l’a dit à la Commission et confirmé dans son témoignage, le prestataire ne pouvait pas faire de démarches pour trouver un emploi convenable, car il se consacrait pleinement à sa sœur malade et à ses soins.
[32] Je juge que le prestataire ne satisfait pas à l’exigence du deuxième élément, comme il reconnait lui-même ne pas avoir fait de démarches pour trouver un emploi convenable durant cette période.
Limiter indûment ses chances de retourner travailler
[33] Le prestataire avait bel et bien des conditions personnelles pouvant limiter indûment ses chances de retourner travailler.
[34] Le prestataire a choisi de s’occuper de sa sœur gravement malade au lieu de chercher du travail. Il a décidé que cette responsabilité primait sur tout le reste, et ce choix personnel a limité indûment ses chances de retourner travailler.
Conduite et attitude du prestataire
[35] La conduite et l’attitude du prestataire sont cohérentes avec sa conviction de devoir agir comme proche aidant auprès de sa sœur gravement malade.
Alors, le prestataire était-il capable de travailler et disponible pour le faire?
[36] Il est parfaitement louable que le prestataire ait voulu fournir à sa sœur l’aide dont elle avait besoin. Cependant, conformément à la loi et aux conclusions que j’ai tirées au regard des trois éléments, force m’est de conclure que le prestataire n’a pas prouvé qu’il avait été capable de travailler et disponible pour le faire, mais incapable de trouver un emploi convenable.
[37] La question de la disponibilité est purement objective. Elle ne peut être influencée par des raisons particulières qui limitent la disponibilité. Le versement de prestations repose sur la disponibilité pour travailler, et non sur l’explication que le prestataire peut fournir pour ne pas avoir été ainsi disponible.
[38] Voici ce qu’explique la Cour d’appel fédérale à ce sujet :
La question de la disponibilité est une question objective, il s’agit de savoir si un prestataire est suffisamment disponible en vue d’un emploi convenable pour avoir droit aux prestations d’assurance-chômage. Elle ne peut être subordonnée aux raisons particulières, quelque compassion qu’elles puissent susciter, pour lesquelles un prestataire impose des restrictions à sa disponibilité. Car, si le contraire était vrai, la disponibilité serait une exigence très variable, tributaire qu’elle serait des raisons particulières qu’invoque l’intéressé pour expliquer son manque relatif de disponibilitéNote de bas de page 10.
[39] En conséquence, il me faut conclure que le prestataire n’a pas prouvé qu’il était capable de travailler et disponible pour le faire.
Conclusion
[40] J’ai de la compassion pour le prestataire. Je suis conscient de la situation difficile qu’il a vécue. Toutefois, et conformément aux décisions passées du Tribunal, les règles qui gouvernent la disponibilité sont strictes et inflexibles. Elles ne peuvent être modifiées pour accorder des prestations sociales, peu importe le mérite qui puisse autrement exister chez la personneNote de bas de page 11.
[41] Malheureusement, le prestataire n’a pas démontré qu’il était disponible pour travailler au sens de la loi. Selon la loi, les prestataires doivent être prêts à travailler et chercher un emploi de façon soutenue. Pour les raisons que j’ai déjà expliquées, le prestataire n’était pas dans cette position. Je suis donc forcé de conclure qu’il ne peut pas toucher de prestations d’assurance-emploi.
[42] Par conséquent, l’appel est rejeté.