Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : SK c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2025 TSS 700

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : S. K.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (699465) datée du 15 janvier 2025 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Michael Medeiros
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 27 février 2025
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 11 mars 2025
Numéro de dossier : GE-25-463

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec l’appelant.

[2] L’appelant n’a pas démontré qu’il avait un motif valable justifiant le retard de sa demande de prestations. Autrement dit, il n’a pas fourni une explication acceptable selon la loi. Par conséquent, sa demande ne peut pas être traitée comme si elle avait été présentée plus tôtNote de bas de page 1.

Aperçu

[3] L’appelant a demandé des prestations d’assurance-emploi le 11 septembre 2024. Il souhaite maintenant que sa demande soit traitée comme si elle avait été présentée plus tôt, soit le 9 juin 2024. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a déjà rejeté cette demande.

[4] Je dois décider si l’appelant a prouvé qu’il avait un motif valable de ne pas demander des prestations plus tôt.

[5] L’appelant affirme qu’il avait un motif valable justifiant son retard parce qu’il a agi comme une personne raisonnable l’aurait fait dans sa situation, ce qui comprenait des circonstances personnelles difficiles. Il a également eu de la difficulté à accéder à son relevé d’emploi en raison d’un problème avec son numéro d’assurance sociale. Après avoir obtenu son relevé d’emploi, il a essayé de corriger une information inexacte dans le relevé d’emploi avec son employeur, ce qui a pris plus de temps.

[6] La Commission n’est pas d’accord et affirme que l’appelant n’a pas prouvé qu’il avait un motif valable justifiant son retard. La Commission reconnaît la situation personnelle de l’appelant. Toutefois, l’appelant ne s’est pas inquiété de sa demande de prestations d’assurance-emploi, et il ne s’est pas non plus informé de ses droits et de ses responsabilités à l’égard de sa demande de prestations pendant la période de retard. Ses problèmes liés à son numéro d’assurance sociale ont été résolus en juillet 2024, mais il a seulement demandé des prestations d’assurance-emploi en septembre 2024. Par conséquent, le problème lié à son numéro d’assurance sociale n’explique pas toute la période du retard.

Question en litige

[7] La demande de prestations de l’appelant peut-elle être traitée comme si elle avait été présentée le 9 juin 2024? C’est ce qu’on appelle « antidater » la demande.

Analyse

[8] Pour que la demande de prestations d’une personne soit antidatée, celle-ci doit prouver les deux choses suivantesNote de bas de page 2 :

  1. a) Elle avait un motif valable justifiant son retard pendant toute la période écoulée. Autrement dit, elle a une explication que la loi accepte.
  2. b) Elle remplissait les conditions requises à la date antérieure (c’est-à-dire, la date à laquelle elle veut que sa demande soit antidatée).

[9] Dans la présente affaire, les principaux arguments portent sur la question de savoir si l’appelant avait un motif valable. Je vais donc commencer par cela.

[10] Pour démontrer l’existence d’un motif valable, l’appelant doit prouver qu’il a agi comme une personne raisonnable et prudente l’aurait fait dans des circonstances semblablesNote de bas de page 3. Autrement dit, il doit démontrer qu’il a agi de façon raisonnable et prudente, comme n’importe quelle autre personne l’aurait fait si elle s’était trouvée dans une situation semblable.

[11] L’appelant doit démontrer qu’il a agi de cette façon pendant toute la période du retardNote de bas de page 4. Cette période s’étend du jour où il veut que sa demande soit antidatée au jour où il a présenté sa demande. Par conséquent, pour l’appelant, la période de retard s’étend du 9 juin 2024 au 11 septembre 2024.

[12] L’appelant doit également démontrer qu’il s’est informé assez rapidement de son droit aux prestations et des obligations que lui imposait la loiNote de bas de page 5. Cela signifie que l’appelant doit démontrer qu’il a essayé de s’informer de ses droits et de ses responsabilités dès que possible et du mieux qu’il pouvait. Si l’appelant ne l’a pas fait, il doit démontrer qu’il y avait des circonstances exceptionnelles qui l’en ont empêchéNote de bas de page 6.

[13] L’appelant doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’il doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’il avait un motif valable justifiant son retard.

Les raisons du retard de l’appelant

[14] L’appelant affirme qu’il avait un motif valable justifiant son retard parce qu’il a agi comme une personne raisonnable l’aurait fait dans sa situation particulière. Voici les circonstances du prestataire :

  • Il a déménagé avec sa famille dans une nouvelle province.
  • Ils ont dû s’établir dans une nouvelle communauté (trouver un médecin de famille et une nouvelle école pour sa fille, obtenir des cartes d’identité, faire des réparations dans la nouvelle maison).
  • Il devait prendre soin de sa fille de 11 ans et de son épouse invalide, ce qui comprenait amener son épouse à des rendez-vous médicaux.
  • Il n’avait jamais présenté de demande d’assurance-emploi et il ne connaissait pas le processus.
  • Il a eu des problèmes avec son numéro d’assurance sociale et son relevé d’emploi (dont je discuterai en détail ci-dessous).

[15] L’appelant affirme qu’il cherchait du travail depuis qu’il avait cessé de travailler le 5 juin 2024. Il a postulé pour environ 10 emplois en juin 2024. Il était déterminé à trouver un emploi et ne voulait pas [traduction] « exploiter le régime ». Cependant, il a commencé à penser à l’assurance-emploi puisqu’il ne trouvait pas de travail. À la fin de juin, il a commencé à consulter le site Web Canada.ca sur l’assurance-emploi. Sa belle-famille lui a dit qu’il avait besoin d’un relevé d’emploi de son ancien employeur pour demander des prestations.

[16] Le 28 juin 2024, l’appelant a donc communiqué avec son employeur pour s’informer de son relevé d’emploi, parce qu’il ne l’avait pas reçu. Le 2 juillet, son employeur a répondu que son relevé d’emploi était disponible en ligne. L’appelant a donc tenté d’accéder à son relevé d’emploi à partir de son compte en ligne de Service Canada, mais il n’a pas été capable parce que son numéro d’assurance sociale avait étrangement expiré, ou il devait être renouvelé. L’appelant a téléphoné à Service Canada et a réussi à faire réactiver son numéro d’assurance sociale. Lors de cet échange, l’appelant a mentionné qu’il essayait d’accéder à son relevé d’emploi parce qu’il aimerait demander des prestations d’assurance-emploi. La personne de Service Canada n’a rien dit au sujet de la possibilité de présenter une demande sans fournir un relevé d’emploi ou de la nécessité de présenter une demande immédiatement.

[17] L’appelant a agi avec diligence pour faire réactiver son numéro d’assurance sociale. Il a présenté une nouvelle demande le 4 juillet. Il a ensuite dû présenter de nouveau sa demande le 12 juillet, après que Service Canada l’a informé le 10 juillet qu’ils n’arrivaient pas à consulter ou lire tous ses documents à l’appui. Peu de temps après, il a reçu la confirmation que son numéro d’assurance sociale avait été activé. L’appelant a immédiatement consulté son relevé d’emploi en ligne et a vu que l’employeur avait noté qu’il avait démissionné, ce qui, selon lui, ne reflétait pas fidèlement la façon dont son emploi avait pris fin. Il a dû quitter son emploi parce que son employeur a refusé sa demande de mesures d’adaptation, qui consistait à travailler à l’extérieur de l’Ontario pour s’occuper de son épouse malade. Il dit qu’il pensait que ce que son employeur avait écrit dans son relevé d’emploi pourrait nuir à sa capacité d’obtenir des prestations.

[18] Le 22 juillet 2024, l’appelant a envoyé un courriel à son employeur pour lui demander de corriger son relevé d’emploi afin qu’il reflète la vraie raison pour laquelle il avait quitté son emploi. Le 23 juillet, le service des ressources humaines de son employeur lui a répondu que le problème pouvait être corrigé avec l’aide d’une agente ou d’un agent de l’assurance-emploi. L’appelant a de nouveau envoyé un courriel à son employeur le 4 août pour faire la même demande. L’employeur n’a pas répondu et l’appelant n’a pas fait de suivi par la suite.

[19] L’appelant a choisi de ne pas communiquer avec l’assurance-emploi. Il dit qu’il s’attendait à ce que son employeur de plus de 18 ans lui fournisse une explication et qu’il ait une conversation avec lui, plutôt que de se faire [traduction] « ignorer » et de se faire dire de [traduction] « régler ça avec l’assurance-emploi ».

[20] Vers la mi-août 2024, il cherchait des renseignements sur l’assurance-emploi sur le site Web Canada.ca. Il n’a rien trouvé au sujet de [traduction] « délais ». La Commission a présenté une capture d’écran d’une page Web avec le titre « Prestations régulières d’assurance-emploiNote de bas de page 7 ». L’appelant dit ne pas être tombé sur cette page Web avant la fin du mois d’août. Il dit qu’il a fallu beaucoup de clics pour y arriver et qu’il s’agissait simplement d’une [traduction] « page d’information à lire avant de faire une demande » plutôt que d’une page de demande. Elle ne précise pas non plus qu’il faut agir rapidement, mais seulement que l’on « risque » de perdre des prestations. Le deuxième paragraphe de la page Web dit ce qui suit :

Vous devez faire la demande des prestations le plus tôt possible à partir du moment où vous avez cessé de travailler. Vous pouvez faire une demande même si votre employeur n’a pas encore produit votre relevé d’emploi. Si vous attendez plus de 4 semaines après votre dernier jour de travail pour faire votre demande de prestations, vous risquez de perdre des semaines de prestations.

[21] L’appelant n’a pas présenté de demande à ce moment-là, car il avait beaucoup de choses à gérer. Sa fille allait fréquenter une nouvelle école. Dès qu’elle a commencé à aller à l’école, il a demandé de l’assurance-emploi. Il espérait aussi régler le problème concernant ce qui était écrit dans son relevé d’emploi comme raison pour laquelle il avait quitté son emploi. Il ne pensait pas qu’une personne de l’assurance-emploi pouvait changer quelque chose que son employeur avait écrit. Il a finalement dû présenter une demande avec ce relevé d’emploi parce que c’était tout ce qu’il avait, et il s’est dit que son employeur ne le modifierait pas.

[22] L’appelant affirme qu’il ne savait pas qu’il devait se dépêcher pour présenter sa demande de prestations d’assurance-emploi. C’était la première fois qu’il demandait des prestations. L’agente ou l’agent de Service Canada à qui il a parlé en juillet 2024 au sujet de son numéro d’assurance sociale ne lui a jamais dit qu’il devait faire une demande tout de suite. Le site Web Canada.ca ne faisait aucune mention de délais. Une personne raisonnable aurait agi de façon semblable dans sa situation. La Commission prévoit déjà une période de grâce de quatre semaines, et son retard n’est pas beaucoup plus long.

L’appelant n’a pas démontré qu’il avait un motif valable pour toute la durée du retard

[23] Je conclus que l’appelant n’a pas prouvé qu’il avait un motif valable pour toute la durée du retard de sa demande de prestations. Dans des circonstances semblables, une personne raisonnable et prudente se serait renseignée (ou aurait demandé des prestations) si son employeur lui avait dit de discuter de ses préoccupations au sujet de son relevé d’emploi avec une agente ou un agent de l’assurance-emploi. Même si les actions de l’appelant étaient sans doute raisonnables jusqu’à ce moment-là (la réponse par courriel de l’employeur était datée du 23 juillet 2024), je ne peux pas conclure que, de cette date au 11 septembre 2024, il avait un motif valable de retarder sa demande de prestations. Par conséquent, je ne peux pas conclure qu’il avait un motif valable pour toute la période du retard.

[24] Les démarches que l’appelant a prises après avoir cessé de travailler le 5 juin 2024 et jusqu’à ce qu’il reçoive sa réponse de son employeur au sujet de la modification du relevé d’emploi le 23 juillet 2024, pourraient être considérées comme raisonnables. Ces démarches et leurs circonstances comprenaient les suivantes :

  • Il venait de déménager dans une autre province le 6 juin 2024. Il a une fille de 11 ans et une épouse invalide dont il doit s’occuper. Pour que lui et sa famille s’établissent, il devait entre autres trouver des soins médicaux pour son épouse.
  • Il cherchait activement du travail et s’attendait à trouver un nouvel emploi facilement, comme il l’avait toujours faitNote de bas de page 8.
  • Il a commencé à se renseigner sur l’assurance-emploi à la fin de juin et il s’est informé sur son relevé d’emploi auprès de son employeur, ce qui aurait été dans les quatre semaines suivant la fin de son emploi (la période de grâce de la Commission pour les demandes tardives).
  • Il croyait avoir besoin d’un numéro d’assurance sociale valide pour demander des prestations d’assurance-emploi. Il était donc quelque peu logique qu’il veuille résoudre cette question en premier.
  • Il a agi avec diligence lorsqu’il a fait réactiver son numéro d’assurance sociale.
  • Il a communiqué avec son employeur le 22 juillet 2024, peu de temps après avoir consulté son relevé d’emploi, pour discuter de ses préoccupations concernant celui-ciNote de bas de page 9.

[25] Cependant, après que son employeur lui a répondu le 23 juillet 2024, il n’avait manifestement pas de motif valable justifiant son retard à demander des prestations d’assurance-emploi. Il n’y avait pas non plus de circonstances exceptionnelles qui pouvaient justifier de ne pas faire d’autres démarchesNote de bas de page 10. À ce moment-là (ou peu de temps après), l’appelant aurait dû communiquer avec Service Canada pour discuter de ses préoccupations concernant son relevé d’emploi, ou simplement présenter sa demande. Comme l’appelant l’a déclaré, son employeur l’avait balayé d’un revers de main avec son courriel et lui avait dit de communiquer avec une agente ou un agent de l’assurance-emploi. Il est peu probable que son employeur ait répondu positivement à son courriel de suivi du 4 août 2024. De plus, l’appelant n’a pas fait de suivi par la suite. Dans ces circonstances, attendre au 11 septembre 2024 pour présenter une demande n’était pas ce qu’une personne raisonnable et prudente ferait.

[26] À compter du 23 juillet 2024, l’appelant avait tout ce dont il avait besoin pour demander des prestations d’assurance-emploi. Son numéro d’assurance sociale était actif et il avait accès à son relevé d’emploi. Il aurait dû communiquer directement avec Service Canada pour discuter de ses préoccupations au sujet de son relevé d’emploi, surtout lorsque son employeur lui a dit de le faire. À mon avis, c’est ce qu’une personne raisonnable et prudente aurait fait.

[27] Et même si j’admets que l’appelant croyait qu’il n’était pas obligé de se dépêcher pour présenter sa demande de prestations d’assurance-emploi, il était lui-même responsable de ce malentendu.

[28] Je n’accepte pas l’observation de l’appelant selon laquelle il était difficile d’obtenir de l’information en ligne sur les délais pour présenter une demande. La page Web présentée par la Commission (page GD-7-8 du dossier d’appel) ne pouvait pas être plus claire. Elle dit qu’il faut toujours demander des prestations d’assurance-emploi dès que l’on cesse de travailler. La page Web explique également que si une personne attend plus de quatre semaines, elle risque de perdre des prestations. À mon avis, cette page Web n’est pas difficile d’accès. Il s’agit de l’une des premières pages que l’on trouve sur le site Web Canada.ca lorsqu’on cherche de l’information sur les prestations régulières d’assurance-emploi. L’appelant a finalement trouvé cette page Web à la fin du mois d’août, mais il a tout de même retardé sa demande presque jusqu’à la mi-septembre. Il aurait aussi pu téléphoner à Service Canada, mais il ne l’a jamais fait après que son numéro d’assurance sociale a été réactivé.

[29] Je n’accepte pas non plus que l’agente ou l’agent de Service Canada qui l’aidait avec son numéro d’assurance sociale aurait dû l’informer qu’il devait se dépêcher à demander des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 11. L’agente ou l’agent s’occupait de son numéro d’assurance sociale et on ne devrait pas s’attendre à ce qu’elle ou il donne des conseils sur la façon de demander des prestations d’assurance-emploi.

[30] Je conclus que l’appelant n’a pas démontré qu’il avait un motif valable pendant toute la période du retard, compte tenu de sa situation particulière. Je n’ai pas besoin de vérifier si l’appelant remplissait les conditions requises à la date antérieure pour recevoir des prestations. Si l’appelant n’a pas de motif valable, sa demande ne peut pas être traitée comme si elle avait été présentée plus tôt.

Conclusion

[31] L’appelant n’a pas prouvé qu’il avait un motif valable justifiant le retard de sa demande de prestations pendant toute la période écoulée.

[32] L’appel est rejeté.

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