Citation : GS c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2025 TSS 831
Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi
Décision
Partie appelante : | G. S. |
Partie intimée : | Commission de l’assurance-emploi du Canada |
Décision portée en appel : | Décision découlant de la révision (740328) datée du 6 juin 2025 rendue par la Commission de l’assurance-emploi du Canada (communiquée par Service Canada) |
Membre du Tribunal : | Jean Yves Bastien |
Mode d’audience : | En personne |
Date de l’audience : | Le 7 août 2025 |
Personnes présentes à l’audience : | L’appelant |
Date de la décision : | Le 12 août 2025 |
Numéro de dossier : | GE-25-2053 |
Sur cette page
Décision
[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec l’appelant.
[2] L’appelant n’a pas démontré qu’un motif valable justifiait le retard de sa demande de prestations d’assurance-emploi. Autrement dit, il n’a pas fourni une explication acceptable selon la loi. Par conséquent, on ne peut pas traiter sa demande comme s’il l’avait présentée plus tôtNote de bas de page 1.
Aperçu
[3] L’appelant est infirmier. Il vit dans la région du X. Il a quitté son emploi quand son contrat a pris fin, le 20 août 2024.
[4] Il a demandé des prestations d’assurance-emploi le 15 février 2025. Il veut maintenant que sa demande soit traitée comme s’il l’avait présentée plus tôt, soit le 25 août 2024. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a déjà rejeté cette requête.
[5] Je dois décider si l’appelant a prouvé qu’il avait un motif valable de retarder sa demande de prestations.
[6] Selon la Commission, l’appelant n’avait pas de motif valable parce qu’il a attendu six mois avant de demander des prestations. Elle soutient qu’il n’a pas agi comme une personne raisonnable l’aurait fait quand il a décidé de ne pas présenter sa demande tout de suiteNote de bas de page 2.
[7] L’appelant n’est pas d’accord. Il affirme ne pas avoir demandé de prestations d’assurance-emploi tout de suite parce qu’il voulait s’en sortir lui-même et qu’il avait un peu d’argent de côtéNote de bas de page 3.
Question en litige
[8] Peut-on traiter la demande de prestations comme si l’appelant l’avait présentée le 25 août 2024? C’est ce qu’on appelle « antidater » la demande (y inscrire une date passée).
Analyse
[9] Pour faire inscrire une date passée sur sa demande de prestations, il faut prouver les deux choses suivantesNote de bas de page 4 :
- a) Un motif valable justifiait le retard durant toute la période du retard. Autrement dit, il y a une explication qui est acceptable selon la loi.
- b) À la date passée (c’est-à-dire le jour auquel on veut faire antidater la demande), on remplissait les conditions requises pour recevoir des prestations.
[10] Pour démontrer l’existence d’un motif valable, l’appelant doit prouver qu’il a agi comme une personne prudente et raisonnable l’aurait fait dans des circonstances semblablesNote de bas de page 5. En d’autres termes, il doit démontrer qu’il s’est comporté de façon prudente et raisonnable, comme n’importe qui d’autre l’aurait fait dans pareille situation.
[11] L’appelant doit démontrer qu’il a agi de la sorte pendant toute la période du retardNote de bas de page 6. Le retard commence le jour auquel il veut faire antidater sa demande et se termine le jour où il l’a présentée. Ainsi, le retard de l’appelant s’étend du 25 août 2024 au 15 février 2025, soit une période d'environ six mois.
[12] L’appelant doit aussi démontrer qu’il a vérifié assez rapidement son droit aux prestations et ses obligations aux termes de la loiNote de bas de page 7. En d’autres mots, il doit démontrer qu’il a fait de son mieux pour essayer de s’informer dès que possible de ses droits et de ses responsabilités. Si l’appelant n’a pas fait de telles démarches, il doit démontrer que c’est en raison de circonstances exceptionnellesNote de bas de page 8.
[13] L’appelant doit en faire la preuve selon la prépondérance des probabilités. Cela veut dire qu’il doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable (il y a plus de chances) qu’un motif valable justifiait son retard.
[14] L’appelant n’est pas d’accord avec la Commission. Il admet avoir fait sa demande de prestations en retard. Mais durant son témoignage, il a expliqué qu’il croit avoir agi comme une personne raisonnable parce que l’assurance-emploi est là pour aider les personnes qui en ont besoin. Il fait valoir qu’il a fait sa demande seulement après avoir atteint le point où, financièrement, il ne pouvait plus subvenir à ses besoins pendant qu’il cherchait un emploi. Il trouve que c’est injuste qu’on lui ait refusé les prestations alors qu’il remplissait les conditions requises pour les recevoir et qu’il en avait besoin.
[15] Selon la Commission, le prestataire n’a pas fait la preuve qu’un motif valable justifiait son retard. Spécifiquement, il a cessé de travailler le 20 août 2024 et il a déposé sa demande de prestations seulement le 17 février 2025, soit six mois plus tard. Il indique qu’il ne savait pas qu’il y avait un délai pour déposer une demande de prestations. De plus, il n’a jamais communiqué avec la Commission afin de s’informer puisqu’il préférait se débrouiller par lui-mêmeNote de bas de page 9.
[16] La Commission ajoute que, même si l’appelant doit composer avec des problèmes de santé depuis son accident en 2013, cela ne l’empêchait pas de présenter une demande de prestations dès qu’il a cessé de travailler le 20 août 2024.
[17] La Commission soutient que l’ignorance de la loi ne constitue pas un motif valable à moins qu’une personne ne démontre qu’elle a agi de manière raisonnable dans les circonstancesNote de bas de page 10. Le fait que l’ignorance de la loi et la bonne foi ne sont pas des motifs valables est bien établiNote de bas de page 11.
[18] J’ai jugé que l’appelant était très crédible. Sa philosophie voulant qu’il vaille mieux ne pas demander d’aide avant d’en avoir vraiment besoin est louable, mais la Loi sur l’assurance-emploi ne tient malheureusement pas compte de telles choses. Comme la Commission l’a souligné, l’ignorance de la loi, même combinée à la bonne foi — comme celle dont l’appelant a fait preuve en refusant de recourir aux prestations avant d’en avoir vraiment besoin — ne constitue pas un motif valable.
[19] Les cours ont dit qu’il faut évaluer ce que les prestataires font, et non leur intention, pour voir si un motif valable justifie effectivement le retard de leur demande de prestationsNote de bas de page 12. Dans ce cas-ci, ce que l’appelant a fait était d’attendre six mois avant de demander des prestations.
[20] Je conclus donc que l’appelant n’a pas prouvé qu’un motif valable justifiait le retard de sa demande de prestations.
Conclusion
[21] L’appelant n’a pas prouvé qu’un motif valable justifiait le retard de sa demande de prestations pendant toute la durée du retard.
[22] L’appel est rejeté.