[TRADUCTION]
Citation : JK c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2025 TSS 781
Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel
Décision relative à une demande de
permission de faire appel
Partie demanderesse : | J. K. |
Partie défenderesse : | Commission de l’assurance-emploi du Canada |
Décision portée en appel : | Décision de la division générale datée du 2 juin 2025 (GE-25-1103) |
Membre du Tribunal : | Elsa Kelly-Rhéaume |
Date de la décision : | Le 29 juillet 2025 |
Numéro de dossier : | AD-25-462 |
Sur cette page
- Décision
- Aperçu
- Questions en litige
- Questions préliminaires
- Je ne donne pas à la prestataire la permission de faire appel
- Il est impossible de soutenir que la division générale a commis une erreur de fait importante en ignorant les difficultés financières de la prestataire
- Il est impossible de soutenir que la division générale n’a pas respecté l’équité procédurale en omettant de fournir des motifs adéquats
- Il est impossible de soutenir que la division générale a commis une erreur révisable en ne discutant pas des autres options de remboursement
- Il est impossible de soutenir que la division générale a commis une autre erreur révisable
- Conclusion
Décision
[1] La permission de faire appel est refusée. L’appel n’ira pas de l’avant.
Aperçu
[2] J. K. est la prestataire dans cette affaire. Elle a demandé des prestations d’assurance-emploi et en a reçu en 2021.
[3] Le 4 août 2023, la Commission de l’assurance-emploi du Canada a informé la prestataire qu’elle n’avait déclaré aucune rémunération entre le 28 mars 2021 et le 17 octobre 2021, mais qu’elle avait en réalité touché une rémunération pendant cette période. La Commission a avisé la prestataire qu’elle allait devoir rembourser les prestations qu’elle n’aurait pas dû recevoirNote de bas de page 1.
[4] Le 5 août 2023, la Commission a envoyé à la prestataire un avis de dette d’un montant de 16 485 $Note de bas de page 2. La prestataire a appelé la Commission et a déclaré qu’elle n’avait pas reçu la décision du 4 août 2023. La Commission lui a envoyé une copie de la décision le 20 octobre 2023, que la prestataire a confirmé avoir reçueNote de bas de page 3.
[5] Le 3 février 2025, la prestataire a demandé à la Commission de réviser sa décision.
[6] Comme la prestataire n’avait pas présenté sa demande de révision dans le délai de 30 jours, la Commission a rejeté sa demande puisqu’elle n’avait pas d’explication raisonnable pour son retard et qu’elle n’avait pas manifesté l’intention constante de demander une révisionNote de bas de page 4.
[7] La prestataire a ensuite fait appel du refus de la Commission de réviser sa décision auprès de la division générale. La division générale a rejeté son appel, estimant que la Commission avait agi de façon judiciaire en rendant sa décision.
[8] La prestataire veut maintenant faire appel de la décision de la division générale à la division d’appel.
Questions en litige
- a) Est-il possible de soutenir que la division générale a commis une erreur de fait importante en ignorant les difficultés financières de la prestataire?
- b) Est-il possible de soutenir que la division générale n’a pas respecté l’équité procédurale en omettant de fournir des motifs adéquats?
- c) Est-il possible de soutenir que la division générale a commis une erreur révisable en ne discutant pas des options de remboursement?
Questions préliminaires
[9] La prestataire a déposé sa demande auprès de la division d’appelNote de bas de page 5. Dans son formulaire, ses motifs d’appel semblaient incomplets.
[10] La division d’appel a écrit à la prestataire pour lui demander de fournir des précisions sur ses motifs d’appel.
[11] La prestataire a répondu en présentant une demande mise à jour à la division d’appel dans le délai impartiNote de bas de page 6. Je me suis appuyé sur cette deuxième demande pour trancher la demande de permission de faire appel.
Je ne donne pas à la prestataire la permission de faire appel
[12] La prestataire n’a pas démontré que son appel a une chance raisonnable de succès sur la base d’un des moyens d’appel qui me permettraient d’intervenir.
[13] La division d’appel peut seulement intervenir si la division générale :
- n’a pas assuré l’équité du processus;
- a agi au-delà de ses pouvoirs ou a refusé de les exercer;
- a commis une erreur de droit;
- a fondé sa décision sur une erreur de fait importanteNote de bas de page 7.
[14] La loi dit que je dois refuser la permission de faire appel si je suis convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succèsNote de bas de page 8. Une chance raisonnable de succès signifie que la prestataire a une cause défendableNote de bas de page 9.
Il est impossible de soutenir que la division générale a commis une erreur de fait importante en ignorant les difficultés financières de la prestataire
[15] La prestataire affirme que la division générale n’a pas dûment pris en considération son affirmation selon laquelle elle éprouvait des difficultés financières, malgré les graves conséquences que lui imposerait le remboursement intégral de sa dette. Elle affirme qu’il s’agit d’une erreur d’équité procédurale. Cependant, si la division générale a ignoré un fait pertinent, comme les difficultés financières de la prestataire, cela pourrait constituer une erreur de fait importante. Dans la présente affaire, il est impossible de soutenir que la division générale a commis une telle erreur de fait.
[16] Dans sa décision, la division générale a écrit que la prestataire « affirme avoir eu de graves difficultés financières pendant cette périodeNote de bas de page 10. » Elle a également écrit que la Commission avait reconnu dans ses observations à la division générale que la prestataire avait eu des difficultés financières et de santé d’octobre 2023 à novembre 2024, mais que celles-ci ne justifiaient pas un retard de plus de 400 joursNote de bas de page 11.
[17] Les tribunaux ont établi que le critère applicable pour que la division d’appel puisse intervenir dans les conclusions de fait de la division générale est très strictNote de bas de page 12. La division d’appel se limite à relever les conclusions de fait qui sont [traduction] « déraisonnablement détachées du dossier de preuveNote de bas de page 13 ».
[18] J’ai décrit comment la division générale a explicitement pris en compte les difficultés financières de la prestataire. Par conséquent, la prestataire n’a pas démontré que la division générale a commis une erreur de fait importante, car elle a bien pris en considération ses difficultés financières. Il n’appartient pas à la division d’appel de réévaluer la preuve que la division générale a dûment prise en compte.
Il est impossible de soutenir que la division générale n’a pas respecté l’équité procédurale en omettant de fournir des motifs adéquats
[19] Dans sa demande à la division d’appel, la prestataire soutient que la division générale n’a pas respecté l’équité procédurale. Elle fait valoir que la division générale n’a pas suivi les principes établis dans les décisions Baker, Cardinal et VavilovNote de bas de page 14. Elle dit que selon la jurisprudence, l’équité exige un examen approfondi des questions soulevées.
[20] La prestataire affirme aussi que la décision n’est pas suffisamment motivée par rapport à sa situation. Elle prétend que cette lacune constitue un préjudice injustifié et une atteinte à son droit à une audience équitable et juste.
[21] Dans les décisions Baker et Vavilov, la Cour suprême a souligné l’importance des motifs en déclarant ce qui suit : « Les motifs donnés par les décideurs administratifs servent à expliquer le processus décisionnel et la raison d’être de la décision en causeNote de bas de page 15. » Les motifs doivent être transparents, justifiés et intelligibles. Le lectorat doit comprendre quelle logique a guidé la personne qui a rendu la décision dans son analyse du droit et des faits et dans la manière dont elle les a reliés à l’issue de la décision.
[22] La décision de la division générale est rédigée de façon à me permettre de comprendre comment elle y est parvenue.
[23] Premièrement, la division générale a énoncé aux paragraphes 17 à 23 le critère juridique permettant d’examiner la décision de la Commission de ne pas accorder une prolongation de délai pour demander une révisionNote de bas de page 16.
[24] La division générale a expliqué que quatre exigences doivent être remplies pour que la Commission accorde une prolongation de délai lorsqu’une demande de révision a été présentée plus de 365 jours après la communication de la décision. Ces quatre exigences sont énoncées dans le Règlement sur les demandes révisionNote de bas de page 17. La Commission ayant conclu que les deux premières exigences n’étaient pas remplies (la prestataire n’avait pas fourni d’explication raisonnable justifiant sa demande de prolongation de délai et n’avait pas manifesté l’intention constante de demander une révision), elle n’a pas poursuivi son analyse au-delà de ces deux exigences.
[25] La division générale a non seulement examiné le droit applicable, mais elle a aussi énuméré en détail tous les facteurs que la Commission a pris en considération dans son processus décisionnel. La division générale a tenu compte des éléments suivants :
- La prestataire a communiqué avec son spécialiste en déclarations de revenus en octobre 2023 et a fait un suivi auprès de lui en mars 2024.
- La prestataire a rencontré des difficultés pour accéder à son dossier auprès de Service Canada en raison d’une erreur dans sa date de naissance, qui a été corrigée le 19 janvier 2023.
- La prestataire a eu de graves difficultés financières pendant cette période, notamment en contractant des dettes pour payer un condominium qu’elle a dû vendre en juillet 2024.
- La prestataire a également rencontré des difficultés personnelles. Elle a notamment rompu ses fiançailles, perdu son emploi en mars 2025, déménagé et fait une fausse couche traumatisanteNote de bas de page 18.
[26] La division générale a clairement démontré qu’elle a pris en considération la situation personnelle de la prestataire, en particulier ses difficultés financières.
[27] La loi précise que la décision de la Commission d’accorder une prolongation de délai est purement discrétionnaire et ne peut être réviséeNote de bas de page 19. La division générale peut seulement examiner si la Commission a agi de façon judiciaire en décidant qu’elle ne pouvait pas accorder une prolongation de délai à la prestataire pour demander une révision. Les tribunaux ont affirmé que la décision de la Commission ne peut pas être modifiée si elle a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaireNote de bas de page 20.
[28] La division générale a déterminé ce qui pourrait constituer un manquement à l’obligation d’agir de façon judiciaire. La Commission commet un tel manquement si :
- elle a agi de mauvaise foi;
- elle a agi dans un but ou pour un motif irrégulier;
- elle a pris en compte un facteur non pertinent ou a ignoré un facteur pertinent;
- elle a agi de façon discriminatoireNote de bas de page 21.
[29] La division générale a conclu que rien dans la preuve ne démontrait que la Commission avait tenu compte de renseignements non pertinents, qu’elle n’avait pas tenu compte de renseignements pertinents, qu’elle avait agi de façon discriminatoire, qu’elle avait agi de mauvaise foi ou qu’elle avait agi dans un but ou pour un motif irrégulierNote de bas de page 22.
[30] Étant donné les efforts déployés par la division générale pour expliquer sa décision et les raisons pour lesquelles elle a rejeté l’appel de la prestataire, je ne peux conclure que l’appel a une chance raisonnable de succès au motif que la division générale n’a pas fourni de motifs adéquats ou n’a pas examiné les questions soulevées.
Il est impossible de soutenir que la division générale a commis une erreur révisable en ne discutant pas des autres options de remboursement
[31] La prestataire fait également valoir qu’on ne lui a pas offert d’autres options de remboursement, comme un plan de paiement.
[32] Même s’il est vrai que la division générale n’a pas abordé les options de remboursement dans sa décision, cela ne constitue pas une erreur d’équité procédurale ou de compétence, de droit ou de fait.
[33] La prestataire ne conteste pas qu’elle doit rembourser les prestations d’assurance-emploi qu’elle a reçues. Elle l’a reconnu dans son appel à la division généraleNote de bas de page 23. Sa seule demande était que les intérêts dus sur le capital soient annulés ou considérablement réduits.
[34] La division générale n’a aucune compétence pour annuler les trop-payés (ce qu’on appelle une défalcation), pas plus que la division d’appel. La loi indique clairement qu’une décision concernant la défalcation de sommes dues ou d’intérêts courus ne peut pas être réviséeNote de bas de page 24.
[35] Seules la Commission ou l’Agence du revenu du Canada (en sa qualité d’organisme responsable du recouvrement pour le compte d’Emploi et Développement social Canada) peuvent utiliser leur pouvoir discrétionnaire pour décider si elles annuleront le trop-payé d’une personne. La prestataire peut communiquer avec l’Agence du revenu du Canada pour demander l’annulation de son trop-payé, car elle dit que son remboursement lui causerait un préjudice abusif. Il appartiendra à l’Agence du revenu du Canada de statuer sur cette demande.
[36] Comme la division générale n’avait pas le pouvoir d’envisager l’annulation du trop-payé ou des intérêts dus par la prestataire, je ne peux pas conclure qu’il est possible de soutenir qu’elle a commis une erreur d’équité procédurale en ne discutant pas des options de remboursements. Je ne peux pas demander à la division générale d’agir au-delà de sa compétence.
[37] De plus, je remarque que la prestataire a été informée de la possibilité de discuter d’une entente de paiement dès 2023 lorsque la Commission a écrit ce qui suit dans sa décision du 20 octobre 2023 :
[traduction]
Vous recevrez bientôt un avis de dette et des instructions de remboursement. Des intérêts sont imposés sur les dettes découlant de fausses déclarations. Si le remboursement du trop-payé vous cause des difficultés financières, communiquez avec l’Agence du revenu du Canada au numéro de téléphone indiqué dans l’avis de detteNote de bas de page 25.
[38] De plus, l’état de compte daté du 29 septembre 2023 indiquait qu’il était possible de conclure une entente de paiement avec l’Agence du revenu du Canada :
[traduction]
REMBOURSEMENTVotre dette est exigible et payable en totalité dès réception de cet avis. Les paiements assortis de conditions ne seront acceptés que comme des paiements partiels et ne seront pas considérés comme un remboursement intégral de la dette. Veuillez communiquer avec le numéro indiqué dans cet état de compte pour discuter d’une entente de paiement. Si vous recevez des prestations, elles peuvent être déduites pour recouvrer le montant total de vos dettes.
POUR PRENDRE UNE ENTENTE DE PAIEMENT
TO MAKE A PAYMENT ARRANGEMENT
Français/French : 1(866) 864-5824
English/Anglais : 1(866) 864-5823Note de bas de page 26.
Il est impossible de soutenir que la division générale a commis une autre erreur révisable
[39] J’ai examiné les documents au dossier et la décision de la division générale et écouté l’enregistrement audio de l’audience de la division générale. Je n’ai trouvé aucune autre erreur révisable que la division générale aurait commiseNote de bas de page 27.
Conclusion
[40] La permission de faire appel est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.