[TRADUCTION]
Citation : SM c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2025 TSS 847
Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel
Décision relative à une demande de
permission de faire appel
Partie demanderesse : | S. M. |
Partie défenderesse : | Commission de l’assurance-emploi du Canada |
Décision portée en appel : | Décision de la division générale datée du 14 juillet 2025 (GE-25-1936) |
Membre du Tribunal : | Elsa Kelly-Rhéaume |
Date de la décision : | Le 12 août 2025 |
Numéro de dossier : | AD-25-509 |
Sur cette page
Décision
[1] La permission de faire appel est refusée. L’appel n’ira donc pas de l’avant.
Aperçu
[2] S. M. est la prestaire. Elle a demandé des prestations de maladie à compter du 2 mars 2025. Elle avait été mise en congé préventif en raison de sa grossesse. Elle s’est ensuite rendue aux États-Unis pour passer le reste de sa grossesse avec son époux, afin qu’il puisse prendre soin d’elle.
[3] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a informé la prestataire qu’elle ne pouvait pas recevoir de prestations d’assurance-emploi à compter du 6 mars 2025, car elle se trouvait à l’étranger. La prestataire a demandé une révision de cette décision. La Commission a toutefois maintenu sa décision.
[4] La prestataire a fait appel devant la division générale, qui a rejeté son appel. Elle a conclu que la raison pour laquelle la prestataire se trouvait à l’étranger ne correspondait pas à l’une des exceptions prévues par la loi.
[5] La prestataire demande maintenant à la division d’appel la permission de faire appel de la décision de la division générale.
Questions en litige
[6] Je dois trancher les questions suivantes :
- a) Peut-on soutenir que la division générale a commis une erreur de droit en appliquant incorrectement les critères de l’article 55 du Règlement sur l’assurance-emploi?
- b) Peut-on soutenir que la division générale a commis une autre erreur susceptible de révision?
Je n’accorde pas la permission de faire appel
[7] La prestataire n’a pas démontré que son appel avait une chance raisonnable de succès grâce à l’un des moyens d’appel qui me permettraient d’intervenir.
[8] La division d’appel peut seulement intervenir si la division générale a fait l’une des choses suivantes :
- a agi de manière injuste;
- a agi au-delà de ses pouvoirs ou a refusé de les exercer;
- a commis une erreur de droit;
- elle a fondé sa décision sur une erreur de fait importanteNote de bas de page 1.
[9] La loi prévoit que je dois refuser la permission de faire appel si je suis convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succèsNote de bas de page 2. Une chance raisonnable de succès signifie qu’il existe une cause défendableNote de bas de page 3.
On ne peut pas soutenir que la division générale a commis une erreur de droit en appliquant incorrectement les critères de l’article 55 du Règlement sur l’assurance-emploi
La situation de la prestataire ne fait pas partie des exceptions
[10] Dans sa demande à la division d’appel, la prestataire soutient que la division générale n’a pas bien appliqué l’article 55 du Règlement sur l’assurance-emploi dans sa cause. Cet article énonce les règles qui s’appliquent aux personnes qui pourraient bénéficier de prestations d’assurance-emploi pendant un séjour à l’étranger. En règle générale, une personne ne peut pas recevoir de prestations d’assurance-emploi pendant qu’elle se trouve à l’étranger. Toutefois, certaines exceptions sont prévues à l’article 55(1) du Règlement sur l’assurance-emploi.
[11] La division générale a précisément énuméré ces exceptions dans sa décision. Elle a écrit qu’une partie prestataire peut recevoir des prestations pendant qu’elle est à l’étranger si son voyage vise l’une des fins suivantes :
- subir un traitement médical qui n’est pas promptement disponible au Canada;
- assister aux funérailles d’un proche parent;
- accompagner un proche parent à l’hôpital pour un traitement médical qui n’est pas disponible au Canada;
- visiter un proche parent qui est gravement malade ou blessé;
- faire une recherche d’emploi sérieuse;
- assister à une véritable entrevue d’emploiNote de bas de page 4.
[12] La prestataire ne conteste pas avoir quitté le Canada pour voyager aux États-Unis le 5 mars 2025Note de bas de page 5. Elle reconnaît également que sa situation ne fait pas partie des exceptions énumérées à l’article 55(1) du Règlement sur l’assurance-emploi, comme elle l’a déclaré lors de l’audienceNote de bas de page 6.
[13] À l’audience, la prestataire a affirmé qu’elle savait que sa situation ne correspondait à aucune des exceptions énumérées, mais qu’elle n’avait pas le choix de rejoindre son époux aux États-Unis. Elle a expliqué qu’en raison de sa grossesse, elle avait besoin de son époux pour faire l’épicerie, préparer les repas et conduire, car elle ne conduit pasNote de bas de page 7. Comme elle est tombée enceinte grâce à la fécondation in vitro, son médecin lui avait conseillé d’être plus prudente que pour une grossesse normaleNote de bas de page 8. La prestataire a précisé à la division générale qu’elle n’était pas alitée et qu’elle ne recevait pas de traitement médical aux États-UnisNote de bas de page 9. Elle a expliqué que sa famille habite en Iran et qu’elle n’avait donc personne pour s’occuper d’elle au Canada. C’est pour cette raison qu’elle a suivi son époux aux États-UnisNote de bas de page 10.
[14] Je comprends que la grossesse peut entrainer plusieurs difficultés, surtout lorsqu’une femme a été mise en congé préventif. Je comprends aussi la décision de la prestataire de voyager avec son époux pendant sa grossesse. C’est une décision logique de sa part.
[15] Cependant, je ne peux pas réécrire la loi. La division générale ne peut pas le faire non plus.
[16] Le Règlement sur l’assurance-emploi énonce clairement qu’une personne doit se trouver au Canada pour avoir droit aux prestations d’assurance-emploi, à moins que sa situation fasse partie des exceptions. La situation de la prestataire ne fait pas partie des exceptions. La loi prévoit seulement une exception pour voyager afin de recevoir un traitement médical dans un hôpital ou une cliniqueNote de bas de page 11. Cela ne comprend pas un séjour à l’étranger afin d’avoir du soutien d’un proche parent, notamment pour cuisiner ou conduire. Je ne veux pas minimiser l’importance de l’aide dont la prestataire a besoin et que son époux lui apporte. Cependant, ce type de soutien ne fait pas partie des exceptions permettant de recevoir des prestations d’assurance-emploi à l’étranger.
[17] Je comprends pourquoi la prestataire trouve le résultat injuste. Je comprends aussi pourquoi elle veut être avec son époux aux États-Unis. Toutefois, le Règlement sur l’assurance-emploi ne me donne pas le pouvoir discrétionnaire d’ajouter une exception à celles prévues à l’article 55(1) du Règlement sur l’assurance-emploi.
[18] Les tribunaux ont jugé que la liste des exceptions est complète. « Pour le meilleur ou pour le pire, il semble clair que le Parlement a adopté une approche très rigide quant à la question de l’admissibilité au bénéfice des prestations d’assurance-chômage dans le cas de personnes qui se trouvent à l’étranger […] Note de bas de page 12 ».
[19] La Cour d’appel fédérale a également mis en garde les arbitres contre toute tentative de réécrire la loi ou de l’interpréter d’une manière contraire à son sens ordinaireNote de bas de page 13. Il faut s’abstenir de le faire, même lorsque le résultat paraît sévère dans un cas particulier.
L’article 55(4) du Règlement sur l’assurance-emploi ne s’applique pas à la prestataire
[20] La prestataire soutient que la division générale a commis une erreur de droit. Elle affirme que l’article 55(4) du Règlement sur l’assurance-emploi énonce qu’une partie prestataire ne peut être privée de son droit à des prestations qui se rapportent à la grossesse pour le seul motif qu’elle se trouve à l’extérieur du Canada. Elle allègue que la division générale aurait dû tenir compte de l’article 55(4) du Règlement sur l’assurance-emploi et l’appliquer à son affaireNote de bas de page 14.
[21] La division générale n’avait pas à tenir compte de l’article 55(4) du Règlement sur l’assurance-emploi, car celui-ci ne s’applique pas à la prestataire, qui avait demandé des prestations de maladie et non des prestations de grossesse. La division générale aurait en fait commis une erreur de droit si elle avait appliqué l’article 55(4) du Règlement sur l’assurance-emploi à son affaire.
[22] Les prestations de grossesse sont différentes des prestations de maladie. Il s’agit dans les deux cas de prestations spéciales, mais elles sont définies dans des articles différents de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 15. De plus, les conditions d’admissibilité sont différentes pour chacune d’elles.
[23] Je comprends que la prestataire est enceinte et que sa grossesse est la raison de son congé de maladie. Toutefois, elle a demandé des prestations de maladie, lesquelles ne peuvent pas être versées à une personne qui se trouve à l’étranger, sauf si sa situation correspond à une des exceptions prévues à l’article 55(1) du Règlement sur l’assurance-emploi.
[24] Il est vrai que les femmes peuvent recevoir des prestations de grossesse pendant qu’elles se trouvent à l’étranger.
[25] C’est pourquoi la Commission a expliqué à la prestataire qu’elle pouvait demander des prestations de grossesse plus tôt qu’elle ne l’avait prévu pour recevoir certaines prestations pendant son séjour aux États-UnisNote de bas de page 16.
On ne peut pas soutenir que la division générale a commis d’autres erreurs révisables
[26] J’ai examiné les documents au dossier ainsi que la décision de la division générale, et j’ai écouté l’audience de la division générale. Je n’ai trouvé aucune autre erreur susceptible de révisionNote de bas de page 17.
Conclusion
[27] La permission de faire appel est refusée. L’appel n’ira donc pas de l’avant.