Citation : LL c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2024 TSS 997
Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel
Décision relative à une demande de
permission de faire appel
Partie demanderesse : | L. L. |
Représentante : | F. L. |
Partie défenderesse : | Commission de l’assurance-emploi du Canada |
Décision portée en appel : | Décision de la division générale datée du 1er août 2024 (GE-24-1421) |
Membre du Tribunal : | Pierre Lafontaine |
Date de la décision : | Le 21 août 2024 |
Numéro de dossier : | AD-24-531 |
Sur cette page
- Décision
- Aperçu
- Question en litige
- Analyse
- Je n’accorde pas la permission de faire appel à la prestataire
- Conclusion
Décision
[1] La permission d’en appeler est refusée. L’appel n’ira pas de l’avant.
Aperçu
[2] La demanderesse (prestataire) a quitté son emploi et a demandé des prestations d’assurance-emploi. La défenderesse (Commission) a examiné les raisons de la prestataire pour quitter son emploi. Elle a conclu que cette dernière a quitté volontairement son emploi (c’est-à-dire qu’elle a choisi de quitter son emploi) sans justification prévue par la loi. Par conséquent, la Commission ne pouvait pas lui verser de prestations.
[3] La prestataire a demandé la révision de cette décision. La Commission a néanmoins maintenu sa décision initiale. La prestataire a interjeté appel de la décision découlant de la révision auprès de la division générale du Tribunal.
[4] La division générale a déterminé que la prestataire a volontairement quitté son emploi. Elle a déterminé que la prestataire avait d’autres solutions raisonnables que de quitter son emploi. Elle aurait pu recourir à son syndicat, chercher un autre emploi avant de quitter le sien ou consulter un médecin afin d’obtenir une note médicale justifiant son incapacité à travailler.
[5] La prestataire demande à la division d’appel la permission d’en appeler de la décision de la division générale. Elle fait valoir que la division générale n’a pas tenu compte de l’ensemble de la preuve et qu’elle avait un motif valable pour quitter son emploi.
[6] Je refuse la permission d’en appeler puisqu’aucun des moyens d’appel soulevés par la prestataire confère à l’appel une chance raisonnable de succès.
Question en litige
[7] Est-ce que la prestataire soulève, dans ses moyens d’appel, une erreur révisable qu’aurait commise la division générale et qui confère à l’appel une chance raisonnable de succès?
Analyse
[8] La loi spécifie les seuls moyens d’appel d’une décision de la division générale.Note de bas de page 1 Ces erreurs révisables sont que :
- 1. Le processus d’audience de la division générale n’était pas équitable d’une certaine façon.
- 2. La division générale n’a pas tranché une question qu’elle aurait dû trancher. Ou encore, elle s’est prononcée sur une question sans pouvoir de le faire.
- 3. La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.
- 4. La division générale a commis une erreur de droit dans sa décision.
[9] La demande de permission d’en appeler est une étape préliminaire à une audience sur le fond de l'affaire. C'est une première étape que la prestataire doit franchir, mais le fardeau est ici inférieur à celui auquel elle devra rencontrer à l'audience de l'appel sur le fond. À l’étape de la demande de permission d’en appeler, la prestataire n’a pas à prouver sa thèse mais elle doit établir que son appel a une chance raisonnable de succès. En d’autres mots, elle doit établir que l’on peut soutenir qu’il y a eu erreur révisable sur laquelle l’appel peut réussir.
[10] La demande de permission d’en appeler sera en effet accordée si je suis convaincu qu’au moins l’un des moyens d’appel soulevé par la prestataire confère à l’appel une chance raisonnable de succès.
Je n’accorde pas la permission de faire appel à la prestataire
[11] La prestataire fait valoir qu’elle n’a jamais refusé de porter un masque N-95, et que l’employeur lui a manqué de respect compte tenu de son ancienneté. Elle a toujours été une excellente employée et était appréciée par les familles. La prestataire fait valoir avoir été transférée sans avertissement à l’étage 3000 où la moitié des résidents avaient la covid, augmentant ainsi les risques pour sa santé.
[12] La prestataire fait valoir que l’employeur l’avait assigné exclusivement aux travaux ménagers de l’étage 3000 le 13 mars 2023, pendant sa période de préavis se terminant le 18 mars 2023. Le travail était dur et difficile, ce qui lui a valu une entorse lombaire. Après avoir passé la journée à faire du ménage, elle a décidé que le 13 mars 2023, était sa dernière journée de travail.
[13] La question en instance devant la division générale était de déterminer si le prestataire a quitté volontairement son emploi sans justification.Note de bas de page 2 Ceci doit être déterminé selon les circonstances qui prévalent au moment du départ.
[14] La division générale a déterminé que la prestataire a volontairement quitté son emploi. Elle a déterminé que la prestataire avait d’autres solutions raisonnables que de quitter son emploi. Elle aurait pu recourir à son syndicat, chercher un autre emploi avant de quitter le sien ou consulter un médecin afin d’obtenir une note médicale justifiant son incapacité à travailler.
[15] Au soutien de sa demande de prestations, la prestataire a déclaré avoir quitté son emploi après que son employeur lui a indiqué qu’elle devait porter le masque N-95. La prestataire n’a pas apprécié le ton et le manque de respect de son directeur et a décidé de quitter. Elle a remis sa lettre de démission le 8 mars 2023. Elle a cependant offert à son employeur de terminer le 18 mars 2023.
[16] Après son avis de démission, l’employeur l’a assigné à l’étage 3000 sans l’informer à l’avance de ce changement et sans lui donner d’explications. Elle devait faire l’entretien de l’étage 3000 alors que la moitié des résidents de cet étage avait la covid. Après sa journée du 13 mars 2023, la prestataire a décidé de partir avant la fin de son préavis puisque le travail demandé était trop difficile et impliquait une tâche énorme compte tenu du piètre état de l’étage 3000.Note de bas de page 3
[17] Je comprends la prestataire de ne pas avoir apprécié le ton et l’attitude de son directeur compte tenu de ses nombreuses années de travail pour son employeur. Cependant, tel que souligné par la division générale, la prestataire avait d’autres solutions que de démissionner le 8 mars 2023. La prestataire aurait pu discuter de la situation avec son syndicat, chercher un autre emploi plus convenable, ou discuter de sa santé avec un médecin ou son employeur.
[18] La prestataire a reconnu ne pas avoir eu recours à son syndicat. Elle n’a pas consulté un médecin ou discuté de sa situation médicale avec son employeur avant de décider de quitter son emploi. La prestataire n’a également pas cherché un emploi plus convenable pour elle avant de donner sa démission.
[19] Il est bien établi qu’un prestataire qui est insatisfait de ses conditions de travail doit chercher un autre emploi avant de démissionner.Note de bas de page 4 Il est également établi que lorsqu’une partie prestataire invoque des raisons de santé pour quitter son emploi, elle doit discuter avec son employeur pour accommoder ses problèmes de santé avant de quitter son emploi.Note de bas de page 5
[20] Je ne vois aucune erreur révisable commise par la division générale. La preuve prépondérante démontre que la prestataire a volontairement quitté son emploi et que d’autres choix raisonnables s’offraient à elle. Elle aurait pu recourir à son syndicat, discuter de sa santé avec son employeur ou avec un médecin, ou chercher un autre emploi plus convenable pour elle avant de quitter, ce qu’elle n’a pas fait.
[21] Je suis d’avis que la division générale a correctement énoncé le critère juridique applicable en matière de départ volontaire. Elle a appliqué ce critère aux faits en l’espèce et a cherché à savoir si la prestataire, après avoir considéré toutes les circonstances, n’avait d’autre solution raisonnable que de quitter son emploi.
[22] Comme il a souvent été dit, le régime d’assurance-emploi a été mis en place pour aider les travailleurs qui, pour des raisons indépendantes de leur volonté, se retrouvent au chômage et non pour verser des prestations à ceux qui créent leur propre condition de chômeur alors qu’ils avaient d’autres solutions raisonnables pour éviter cette situation.
[23] Je me dois également de réitérer qu’un appel devant la division d’appel n’est pas une occasion pour un prestataire de présenter à nouveau sa position et espérer un résultat différent. Je constate que la prestataire ne soulève aucune question de droit ou de fait ou de compétence concernant son départ volontaire dont la réponse pourrait mener à l’annulation de la décision contestée.
[24] Après examen du dossier d’appel, de la décision de la division générale et des arguments au soutien de la demande de permission d’en appeler, je n’ai d’autres choix que de conclure que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.
Conclusion
[25] La permission d’en appeler est refusée. L’appel n’ira pas de l’avant.