[TRADUCTION]
Citation : IS c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2025 TSS 698
Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi
Décision
Partie appelante : | I. S. |
Partie intimée : | Commission de l’assurance-emploi du Canada |
Décision portée en appel : | Décision de révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (722480) datée du 24 mars 2025 (communiquée par Service Canada) |
Membre du Tribunal : | Edward Houlihan |
Mode d’audience : | Vidéoconférence |
Date de l’audience : | Le 12 mai 2025 |
Personne présente à l’audience : | Appelant |
Date de la décision : | Le 20 mai 2025 |
Numéro de dossier : | GE-25-1345 |
Sur cette page
Décision
[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec l’appelant.
[2] La Commission a démontré que l’appelant a reçu le bon nombre de semaines de prestations d’assurance-emploi au taux de prestations normal.
Aperçu
[3] L’appelant a perdu son emploi le 26 septembre 2024. Il a demandé des prestations le 4 octobre 2024. Sa période de prestations précédente a commencé le 22 octobre 2023.
[4] Sa période de prestations précédente a été renouvelée et il a reçu des prestations du 22 septembre 2024 au 19 octobre 2024.
[5] Une nouvelle période de prestations a ensuite été établie à compter du 20 octobre 2024.
[6] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a décidé que l’appelant avait droit à 15 semaines de prestations régulières en fonction du nombre d’heures assurables qu’il avait accumulées et de son taux d’emploi régional.
[7] L’appelant ne conteste pas le nombre d’heures assurables travaillées ni le taux d’emploi régional qui s’applique à son cas.
[8] L’appelant affirme que sa période de prestations devrait être plus longue. Il s’attendait à ce qu’elle s’étende sur 36 ou 48 semaines. Il dit vivre un grand stress financier. Il aimerait continuer à recevoir des prestations jusqu’en juillet 2025 pour des raisons humanitaires.
[9] Il affirme que le Tribunal devrait tenir compte du fait que l’intention du gouvernement est de soutenir les travailleuses et travailleurs du Canada touchés par l’incertitude économique actuelle. Il ajoute qu’il existe des précédents qui permettraient au Tribunal de prolonger sa période de prestations au motif qu’il vit un stress important.
[10] Je dois décider si l’appelant a prouvé, selon la prépondérance des probabilités, qu’il a droit de recevoir plus de 15 semaines de prestations régulières.
Question que je dois examiner en premier
L’appelant a déposé un document après l’audience
[11] L’appelant avait préparé une présentation détaillée pour son audience par vidéoconférence. Il a également fait référence à un certain nombre d’affaires qu’il croyait importantes pour sa cause.
[12] J’ai donné à l’appelant l’occasion de déposer les notes de sa présentation après l’audience. Ainsi, j’ai pu mieux comprendre ses arguments et tenir compte des affaires qu’il avait invoquées.
[13] Il avait jusqu’à la fin de la semaine pour présenter ses notes. Il a respecté l’échéance. Ses notes font partie du dossier d’appelNote de bas de page 1.
Question en litige
[14] L’appelant a-t-il droit à plus de 15 semaines de prestations?
Analyse
Comment remplir les conditions requises pour recevoir des prestations
[15] Chaque personne qui cesse de travailler ne reçoit pas nécessairement des prestations d’assurance-emploi. Il faut démontrer qu’on y est admissibleNote de bas de page 2. L’appelant doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’il doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’il est admissible aux prestations.
[16] Pour être admissible, la personne doit avoir travaillé assez d’heures au cours d’une période établie. Cette période s’appelle la « période de référenceNote de bas de page 3 ».
[17] En général, le nombre d’heures dépend du taux de chômage dans la région de la personneNote de bas de page 4.
Période de référence de l’appelant
[18] Comme je l’ai mentionné plus haut, les heures prises en compte sont celles que l’appelant a travaillées pendant sa période de référence. D’habitude, la période de référence est la période de 52 semaines précédant le début de la période de prestationsNote de bas de page 5.
[19] La période de prestations est différente de la période de référence. C’est la période durant laquelle une personne peut recevoir des prestations d’assurance-emploi.
[20] La Commission a décidé que la période de référence de l’appelant était les 52 semaines habituelles, même si la période de prestations précédente de l’appelant a commencé le 22 octobre 2023.
[21] La période de référence pour la demande courante ne peut pas chevaucher la période de référence précédente. Si la période de référence de l’appelant commençait avant le 22 octobre 2023, elle chevaucherait sa période de référence précédente.
[22] La Commission a donc décidé que la période de référence de l’appelant s’étendait du 23 octobre 2023 au 19 octobre 2024.
[23] Lorsqu’il a présenté sa demande de prestations le 4 octobre 2024, sa période de prestations précédente a été renouvelée, puis il a reçu des prestations du 22 septembre 2024 au 19 octobre 2024.
[24] L’appelant a établi une nouvelle période de prestations à compter du 20 octobre 2024.
L’appelant est d’accord avec la Commission
[25] L’appelant est d’accord avec la décision de la Commission concernant sa période de référence.
[26] Aucun élément de preuve ne me fait douter de la décision de la Commission. J’accepte donc le fait que la période de référence de l’appelant s’étend du 23 octobre 2023 au 19 octobre 2024.
Les heures de travail de l’appelant
L’appelant est d’accord avec la Commission
[27] La Commission a décidé que l’appelant avait travaillé 698 heures au cours de sa période de référence.
[28] L’appelant a démontré dans ses observations qu’il a occupé un seul emploi pendant cette période, et ce du 21 mai 2024 au 10 septembre 2024Note de bas de page 6.
[29] L’appelant ne conteste pas le calcul de la Commission des heures qu’il a travaillées. Aucune preuve ne me fait douter de ces heures. Je l’accepte donc comme un fait.
L’appelant a-t-il travaillé assez d’heures pour être admissible aux prestations?
[30] L’appelant vivait dans la région d’Ottawa pendant la période de référence et au moment où il a établi sa période de prestations.
[31] Le taux régional de chômage pour la région d’Ottawa était de 6, 1 % lorsque la période de prestations a été établieNote de bas de page 7.
[32] La Commission a décidé que l’appelant avait droit à 15 semaines de prestations aux termes de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 8.
L’appelant veut faire prolonger sa période de prestations
[33] L’appelant a demandé que sa période de prestations soit prolongée jusqu’en juillet 2025. Il dit qu’on devrait le faire en raison de ses besoins financiers. L’appelant estime que lorsqu’il y a un ralentissement économique, le Tribunal devrait être plus flexible et prolonger les périodes de prestations.
[34] Il ajoute que la Commission n’a pas tenu compte des nouvelles modifications apportées à la politique de l’assurance-emploi par le gouvernement lorsqu’elle a décidé qu’il avait droit à 15 semaines de prestations.
[35] Je vais examiner ces questions séparément, en commençant par la question des besoins financiers et de la flexibilité.
Besoins financiers et prolongation des périodes de prestations
[36] L’appelant indique qu’il s’attendait à ce que sa période de prestations dure entre 36 et 48 semaines. Il a perdu un soutien financier important lorsqu’il a appris qu’il n’était admissible qu’à 15 semaines.
[37] Il affirme que le fait qu’il n’a droit qu’à un nombre limité de semaines de prestations a engendré des difficultés importantes. Il a dû demander des prêts personnels et se sert beaucoup de ses cartes de crédit pour subvenir à ses besoins.
[38] L’appelant demande que sa période de prestations soit prolongée jusqu’au 25 juillet pour des raisons humanitairesNote de bas de page 9.
[39] L’appelant affirme que lorsqu’il y a un ralentissement économique – comme c’est le cas actuellement – le Tribunal pourrait être plus flexible et prolonger les périodes de prestations.
[40] À l’appui de sa position, il a fait référence à deux décisions de la division générale du Tribunal de la sécurité sociale : SA c Commission de l’assurance-emploi du CanadaNote de bas de page 10 et RL c Commission de l’assurance-emploi du CanadaNote de bas de page 11.
[41] Je juge que sa période de prestations ne peut pas être prolongée en raison d’un besoin financier.
[42] Les décisions du Tribunal de la sécurité sociale peuvent m’aider à rendre ma décision si je les trouve convaincantes, mais elles ne sont pas contraignantes. Il faut souligner que les décisions invoquées par l’appelant n’appuient pas sa position.
[43] Dans l’affaire SA c Commission de l’assurance-emploi du Canada, une partie appelante s’est vue refuser des prestations parce que la Commission a décidé qu’elle avait perdu son emploi en raison d’une inconduite.
[44] L’appelante a tardé à porter en appel la décision de la division générale à la division d’appel. Elle a demandé une prolongation du délai pour déposer son appel. La division d’appel a accepté sa demande.
[45] Les conclusions de cette affaire ne s’appliquent pas au cas de l’appelant; il n’était pas question de la prolongation d’une période de prestations.
[46] La deuxième affaire, RL c Commission de l’assurance-emploi du Canada, portait sur un cas où la division générale avait conclu qu’un article de la Loi sur l’assurance-emploi (l’article 153.17), adopté par le gouvernement pour faire face aux répercussions de la pandémie de COVID-19, était discriminatoire et contraire aux dispositions de la Charte canadienne des droits et libertés.
[47] La division générale a conclu que la disposition avait un effet discriminatoire sur les femmes qui avaient demandé des prestations régulières et des prestations spéciales pendant la pandémie. Elle a conclu que la disposition législative avait donc violé la Charte.
[48] Cette décision a été portée en appel à la division d’appel, qui a décidé que les prestations n’étaient pas payables à ce moment-làNote de bas de page 12.
[49] Cette décision ne s’applique pas non plus au cas de l’appelant. Elle ne démontre pas que le Tribunal peut prolonger une période de prestations pour des raisons financières ou humanitaires.
[50] La jurisprudence a établi que le régime de l’assurance-emploi est comme n’importe quel autre régime d’assurance, il faut remplir les conditions d’admissibilité pour toucher des prestationsNote de bas de page 13.
[51] Les besoins financiers ou le stress financier ne sont pas des facteurs dont il faut tenir compte pour décider de l’admissibilité.
[52] La jurisprudence a établi que même s’il est tentant de corriger ce qui semble être un résultat sévère, le Tribunal n’a pas le droit de modifier la loi ou d’interpréter son libellé d’une manière contraire à son sens ordinaireNote de bas de page 14.
Mesures gouvernementales
[53] L’appelant affirme que la Commission n’a pas tenu compte des modifications à la politique annoncées par le ministre de l’Emploi et des Familles le 7 mars 2025.
[54] Les mesures comprenaient l’augmentation artificielle des taux de chômage utilisés pour déterminer le droit aux prestations et la durée des versements; le fait de pouvoir toucher des prestations plus tôt, et l’annulation du délai de carence obligatoireNote de bas de page 15.
[55] L’appelant affirme que ces mesures temporaires prouvent que les règles qui sous-tendent les prestations d’assurance-emploi peuvent être modifiées. Les modifications annoncées appuient la prolongation des périodes de prestations et prouvent que la Commission ne devrait pas appliquer les règles de façon intransigeante.
[56] L’appelant soutient que la Commission aurait dû tenir compte de ces modifications ainsi que des graves conditions économiques auxquelles font face les parties prestataires. En bref, elle aurait dû prolonger sa période de prestationsNote de bas de page 16.
[57] Je conclus que les « Mesures temporaires de l’assurance-emploi pour faire face aux changements majeurs des conditions économiques » mises en œuvre le 1er avril 2025 ne s’appliquent pas au cas de l’appelant.
[58] Les mesures précisent les dates d’entrée en vigueur des changements. Le délai de carence est annulé pour les demandes qui commencent entre le 30 mars 2025 et le 11 octobre 2025Note de bas de page 17.
[59] Le changement à la répartition de la rémunération payée en raison d’une cessation d’emploi et l’ajustement des taux de chômage dans certaines régions s’appliquent aux demandes qui commencent entre le 6 avril 2025 et le 12 juillet 2025Note de bas de page 18.
[60] Comme je l’ai mentionné plus tôt, l’appelant a demandé des prestations régulières le 4 octobre 2024. Une période de prestations a été établie le 20 octobre 2024 et il a reçu 15 semaines de prestations.
[61] La période de prestations de l’appelant a commencé et ses prestations ont été versées avant la date d’entrée en vigueur des mesures.
D’autres affaires
[62] L’appelant soutient qu’à la lumière des mesures temporaires mises en œuvre par le gouvernement, la Commission aurait dû faire preuve de flexibilité dans son cas; elle aurait dû acquiescer à sa demande de prolonger sa période de prestations jusqu’en juillet 2025Note de bas de page 19.
[63] L’appelant fait également référence à des affaires qui, selon lui, démontrent que la Commission et le Tribunal peuvent s’aviser de prolonger une période de prestations si les motifs pour le faire sont adéquatsNote de bas de page 20.
[64] Il invoque l’affaire PuigNote de bas de page 21. Dans cette affaire, une personne a été déclarée inadmissible après avoir reçu des prestations. La Cour a expliqué que la Commission a de vastes pouvoirs et qu’il lui revient de décider d’annuler des dettes aux termes de la loiNote de bas de page 22 en raison de difficultés financières.
[65] Cette affaire ne s’applique pas au cas de l’appelant. Il demande la prolongation de sa période de prestations en fonction de ses besoins financiers, et non l’annulation d’une dette.
[66] L’appelant soutient également que dans l’affaire Jove c Canada un prestataire s’est vu accorder une prolongation de sa période de prestationsNote de bas de page 23.
[67] Je crois que l’appelant fait référence à l’affaire Jove c Canada (Assurance-chômage)Note de bas de page 24. L’appelant dans cette affaire a demandé et a reçu des prestations. Il s’est ensuite blessé après son retour au travail. Lorsque le prestataire a pu retourner au travail, il n’y avait pas de travail pour lui, alors il a demandé que sa période initiale de prestations soit prolongée.
[68] Un article de la Loi sur l’assurance-chômageNote de bas de page 25 l’empêchait de recevoir des versements de prestations qui reposaient sur la disponibilité pour travailler pendant qu’il touchait des indemnités d’accident du travail.
[69] Dans cette affaire (ainsi qu’une deuxième), la Cour a conclu que l’article de la Loi sur l’assurance-chômage qui l’empêchait de recevoir des prestations avait été mal interprété et qu’il était en fait admissible aux prestationsNote de bas de page 26.
[70] Cette décision ne s’applique pas au cas de l’appelant. Ce dernier n’a pas interrompu sa période de prestations, ce qui aurait exigé la prolongation de sa période de prestations. De plus, l’affaire invoquée ne précise pas que la période de prestations peut être prolongée en fonction des besoins financiers d’une partie appelante.
[71] L’appelant fait référence à plusieurs affaires qui, selon lui, démontrent que les parties appelantes se sont vu accorder une prolongation de leur période de prestationsNote de bas de page 27.
[72] Dans l’affaire LC et alNote de bas de page 28, la question était de savoir si les parties appelantes avaient droit aux prestations après un congé parental et une perte d’emploi. La division d’appel du Tribunal de la sécurité sociale a conclu que les dispositions de la Loi sur l’assurance-emploi n’étaient pas contraires à celles de la Charte canadienne des droits et libertés.
[73] Cette décision ne s’applique clairement pas au cas de l’appelant.
[74] L’appelant affirme que l’affaire « TB c Commission de l’assurance-emploi du Canada » démontre qu’une période de prestations peut être prolongée si une indemnité de départ n’a pas été répartie adéquatementNote de bas de page 29.
[75] L’appelant n’a pas été en mesure de fournir la référence neutre de cette décision. En consultant l’outil de recherche de décisions du Tribunal de la sécurité sociale, je constate que les informations données par l’appelant correspondent à pas moins de 31 décisions.
[76] De toute façon, les conclusions de cette affaire ne s’appliquent pas à la situation de l’appelant. Ce dernier n’a pas reçu une indemnité de départ de son ancien employeur, donc la Commission n’a pas eu à en répartir une.
[77] Le dernier cas mentionné par l’appelant était T-GiorgisNote de bas de page 30. Il affirme que cette affaire démontre que les difficultés financières constituent une raison valable de réviser les décisions en matière d’assurance-emploiNote de bas de page 31.
[78] Dans l’affaire T-Georgis, une prestataire a fait appel d’une décision selon laquelle elle était inadmissible aux prestations pendant qu’elle étudiait à temps plein.
[79] Dans cette décision, la Cour n’a pas dit pas que les difficultés financières constituent une raison valable de réviser les décisions en matière d’assurance-emploi. Elle a précisé que la Commission a le pouvoir, en vertu de la Loi sur l’assurance-emploi, d’envisager l’annulation d’une dette si le remboursement devait causer un préjudice abusifNote de bas de page 32.
[80] L’appelant n’a fourni aucun argument qui appuie sa position selon laquelle la Commission ou le Tribunal de la sécurité sociale a le pouvoir de prolonger sa période de prestations jusqu’en juillet 2025.
[81] L’appelant n’a pas démontré qu’il est admissible à plus que les 15 semaines de prestations qu’il a reçues.
Conclusion
[82] L’appelant n’est pas admissible à plus que les 15 semaines de prestations qu’il a reçues.
[83] Par conséquent, l’appel est rejeté.