Assurance-emploi (AE)

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Citation : CM c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2024 TSS 1491

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : C. M.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision (641354) datée du 23 février 2024 rendue par la Commission de l’assurance-emploi du Canada (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Josée Langlois
Mode d’audience : En personne
Date de l’audience : Le 9 mai 2024
Personne présente à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 21 mai 2024
Numéro de dossier : GE-24-1233 et GE-24-1326

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Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] L’appelante n’était pas fondée de quitter volontairement son emploi le 7 mars 2023. Elle n’est pas admissible à recevoir des prestations du 7 mars 2023 au 17 mars 2023, date à laquelle elle aurait cessé d’occuper son emploi en raison d’un manque de travail.

Aperçu

[3] Le 10 janvier 2023, l’appelante a demandé des prestations régulières, elle a alors indiqué qu’elle avait cessé d’occuper son emploi le 2 décembre 2022 en raison d’un manque de travail.

[4] Le relevé d’emploi émis par l’employeur démontre que l’appelante a quitté volontairement son emploi au Relais Camping de la Montagne et que sa dernière journée de travail était le 24 février 2023.

[5] Le 23 février 2024, la Commission de l’assurance-emploi du Canada (la Commission) a examiné les raisons qu’avait l’appelante de quitter son emploi. Elle a conclu qu’elle a volontairement quitté son emploi (c’est-à-dire qu’elle a choisi de quitter son emploi) et que ce n’était pas la seule solution raisonnable à ce moment. Pour cette raison, elle n’a pas accepté de lui verser des prestations pour la période du 7 mars 2023 au 17 mars 2023. Après cette date, l’appelante aurait cessé d’occuper son emploi en raison d’un manque de travail.

[6] Bien qu’elle avait d’abord imposé une pénalité monétaire d’un montant de 682 $ en raison d’une déclaration fausse ou trompeuse, au moment de la révision, la Commission a annulé la pénalité monétaire et elle a imposé une pénalité non-monétaire, c’est-à-dire une lettre d’avertissement.

[7] Lors de l’audience, d’entrée de jeu, l’appelante a indiqué qu’elle ne contestait pas la lettre d’avertissement ni le départ volontaire au 7 mars 2023. Cependant, elle mentionne que les états de compte reçus de la Commission ne sont pas à jour et elle indique que la Commission a retenu ses prestations.

[8] Étant donné que l’appelante ne conteste pas l’imposition de la pénalité non-monétaire, il n’est pas nécessaire de faire l’analyse. Cependant, concernant le départ volontaire, elle a mentionné à la fin de l’audience qu’elle contestait « quand même un peu » disant que l’employeur avait affiché un message sur les réseaux sociaux modifiant les horaires de travail.

[9] Même si je comprends que l’essentiel pour l’appelante est que son état de compte soit mis à jour et que les prestations auxquelles elle a droit lui soient versées, je vais déterminer si elle a volontairement quitté son emploi et, dans l’affirmative, si elle a prouvé que quitter son emploi était la seule solution raisonnable dans son cas.

Questions en litige

[10] L’appelante est-elle exclue du bénéfice des prestations pour avoir quitté volontairement son emploi sans justification ?

[11] Pour répondre à cette question, je dois d’abord aborder la question du départ volontaire de l’appelante. Je déterminerai ensuite si elle était fondée à quitter son emploi. Pour ce faire, je répondrai à la question suivante :

[12] L’appelante disposait-elle d’autres solutions que de quitter son emploi le 7 mars 2023 ?

Analyse

Départ volontaire

Les parties sont d’accord sur le fait que l’appelante a quitté volontairement son emploi

[13] L’appelante a d’abord déclaré à la Commission qu’elle a cessé d’occuper son emploi en raison d’un manque de travail.

[14] De son côté, l’employeur a d’abord transmis un relevé d’emploi à la Commission indiquant que l’appelante avait quitté volontairement son emploi et que sa dernière journée de travail était le 24 février 2023.

[15] Lors de l’audience, l’appelante a admis qu’elle a volontairement quitté son emploi le 7 mars 2023.

[16] La Commission est également d’avis que l’appelante a quitté volontairement son emploi.

[17] J’accepte le fait que l’appelante a quitté volontairement son emploi. Je vais maintenant déterminer si elle était fondée à le faire.

Les parties ne sont pas d’accord sur le fait que l’appelante était fondée à quitter volontairement son emploi

[18] La Loi sur l’assurance-emploi prévoit qu’un prestataire est exclu du bénéfice des prestations s’il quitte volontairement son emploi sans justification.Note de bas de page 1 Il ne suffit pas d’avoir un motif valable (c’est-à-dire une bonne raison) de quitter un emploi pour prouver que le départ était fondé.

[19] Le droit explique ce que veut dire « être fondé à ». Il dit qu’une personne est fondée à quitter son emploi si son départ est la seule solution raisonnable, compte tenu de toutes les circonstances.Note de bas de page 2

[20] L’appelante est responsable de prouver que le départ était fondé.Note de bas de page 3 Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que quitter son emploi au moment où elle l’a fait était la seule solution raisonnable. Je vais donc examiner toutes les circonstances présentes au moment où l’appelante a quitté son emploi.

[21] Le 12 juin 2023, l’appelante a déclaré à la Commission qu’elle n’avait pas fait de démarches pour se trouver un emploi parce qu’elle s’attendait à recommencer à travailler au mois d’avril.

[22] Elle a expliqué qu’elle occupait un emploi comme serveuse dans un relais pour motoneige le mercredi et le jeudi. Elle dit aussi qu’elle a quitté volontairement son emploi parce que la fille de la propriétaire avait écrit sur le réseau social Facebook qu’elle prenait les heures, c’est-à-dire son horaire. Elle explique qu’elle a discuté avec l’employeur qui lui a dit qu’il devait « couper ses heures » parce qu’il n’avait pas suffisamment de travail à donner. Selon l’appelante, l’employeur recherchait toujours un employé pour travailler le soir. Elle dit que selon son horaire, il lui restait deux jours à travailler et qu’elle n’est pas rentré pour les faire.

[23] Le 15 août 2023, l’appelante déclare à un agent de la Commission qu’elle a découvert sur Facebook qu’elle perdait son emploi et qu’elle a trouvé ça « ben ordinaire ». Lorsqu’elle est questionnée par un agent de la Commission, l’appelante dit que le message ne la visait pas personnellement, mais que sur la page Facebook de l’entreprise, il était écrit que la saison allait se terminer plus tôt en raison de la température. L’appelante dit que l’employeur ne lui a pas donné de préavis alors que normalement elle aurait dû cesser d’occuper son emploi entre le 15 mars 2023 et le 1er avril 2023.

[24] Elle explique que lorsqu’elle a vu la publication sur Facebook, elle était en colère et elle a décidé de ne pas travailler les deux derniers quarts de travail qui étaient prévus.

[25] Lors de l’audience, l’appelante explique qu’elle était fâchée de cette situation, mais que l’employeur lui avait donné d’autres quarts à travailler.

[26] L’appelante conteste surtout le fait que la Commission a retenu des prestations pour payer la pénalité qu’elle avait d’abord imposée et elle fait valoir que cette situation n’est toujours pas réglée.

[27] Quant à la Commission, elle affirme que l’appelante n’a pas épuisé toutes les solutions raisonnables au moment de quitter son emploi parce qu’elle aurait pu discuter avec l’employeur dans le but de trouver une solution et elle aurait également pu trouver un autre emploi avant de quitter celui qu’elle occupait. La Commission dit que l’appelante a quitté hâtivement son emploi alors que l’employeur avait toujours du travail à lui donner.

[28] Je dois rendre cette décision en fonction de la balance des probabilités. Pour ce faire, je dois évaluer l’ensemble des circonstances ayant mené l’appelante à quitter son emploi.

[29] Au moment où elle a quitté son emploi, l’appelante avait lu un message destiné à tous les employés, indiquant une modification à son horaire et annonçant la fin de la saison prochaine. Je comprends de ces explications qu’elle n’a pas aimé la manière de l’employeur d’aviser les employés que la saison allait se terminer bientôt.

[30] Cependant, comme elle l’a admis lors de l’audience, l’employeur ne la mettait pas à pied immédiatement pour autant.

[31] Au sens de la Loi, je dirais qu’à ce moment, l’appelante a quitté prématurément son emploi. Afin de pouvoir recevoir des prestations après avoir quitté volontairement son emploi, l’appelante doit démontrer qu’elle a épuisé toutes les solutions à sa disposition et elle doit également démontrer que quitter volontairement son emploi était la seule solution raisonnable.

[32] Une de ces solutions était de discuter avec l’employeur de la situation. Les faits démontrent que l’employeur avait d’autres quarts de travail à lui offrir et que la saison n’était pas complètement terminée. Il était prévue que celle-ci prenne fin le 17 mars 2023.

[33] Même si l’appelante était mécontente que l’employeur ait pris les quarts de travail qu’elle avait habituellement, afin de démontrer qu’elle était fondée à quitter son emploi, elle devait épuiser les solutions qu’elle avait à sa portée.

[34] L’employeur a confirmé à un agent de la Commission que l’appelante a quitté son emploi après l’annonce à tous les employés que les heures seraient réduites. La responsable a expliqué que les activités de l’entreprise dépendent fortement de la neige puisque les usagers viennent essentiellement pour faire de la motoneige. Elle dit également que l’appelante travaillait généralement deux jours par semaine et qu’elle ne souhaitait pas travailler davantage.

[35] La responsable chez l’employeur dit aussi que l’appelante l’a contacté le 7 mars 2023 pour savoir si elle travaillait le lendemain et l’employeur lui aurait répondu qu’il était prévu qu’elle travaille le 8 et le 9 mars 2023. L’employeur dit que l’appelante a quitté volontairement son emploi et qu’elle n’est pas venu travailler. L’employeur dit qu’il était prévu que l’appelante travaille jusqu’à la fin du mois de mars, mais qu’en raison de la température, l’entreprise a fermé plus tôt.

[36] Un échange de textos, daté du 7 mars 2023, démontre que l’appelante a contacté son employeur pour lui demander si elle travaillait « demain et jeudi ». La personne responsable lui a répondu que « oui ». L’appelante lui écrit alors qu’elle ne « rentrera » pas cette semaine parce qu’elle s’est trouvé « autre chose ». La responsable lui fait alors part de sa déception et lui dit qu’elle pourrait travailler également la semaine suivante.

[37] Ainsi, j’estime que l’appelante n’a pas démontré qu’elle a épuisé toutes les solutions à sa portée puisqu’elle n’a pas contacté l’employeur le 24 février 2023 pour vérifier sa compréhension du message laissé sur Facebook et qu’elle a quitté volontairement son emploi le 7 mars 2023 sans avoir tenté les solutions qui se présentaient à sa portée.

[38] Bien sûr, l’appelante anticipait d’être mise à pied, mais les faits démontrent qu’au 7 mars 2023, elle avait encore la possibilité de travailler et qu’il n’était pas prévu que la saison se termine avant le 17 mars 2023.

[39] De plus, dans la plupart des cas, un prestataire doit démontrer qu’il a fait des efforts pour trouver un autre emploi avant de prendre la décision unilatérale de quitter celui qu’il occupe.Note de bas de page 4 Dans son cas, les faits démontrent que l’appelante était mécontente du message de l’employeur et qu’elle a quitté prématurément son emploi le 7 mars 2023, malgré que l’employeur avait encore du travail à lui offrir.

[40] L’appelante a aussi déclaré qu’elle n’avait pas fait de démarches pour se trouver un autre emploi avant de quitter celui qu’elle occupait parce qu’elle s’attendait à recommencer à travailler au mois d’avril.

[41] Je suis d’avis que l’appelante disposait d’autres solutions que de quitter volontairement son emploi le 7 mars 2023. Cette journée-là, l’appelante s’est informée si elle travaillait le lendemain et elle a quitté son emploi sans travailler les quarts de travail qui lui étaient dédiés et sans trouver une solution. L’appelante a décidé de ne plus se présenter pour travailler alors que la saison n’était pas encore terminée. En quittant unilatéralement son emploi le 7 mars 2023, l’appelante ne démontre pas qu’elle a épuisé toutes les solutions raisonnables au moment où elle a quitté son emploi.

[42] Pour cette raison, je conclus que l’appelante n’était pas fondée à quitter son emploi.

Quitter son emploi trois semaines avant sa fin

[43] Bien qu’elle s’attendait à cesser d’occuper son emploi en raison de la fin de la saison de motoneige, le 24 février 2023, lorsque l’appelante a décidé de ne plus se rendre au travail, elle n’avait pas été mise à pied. Même si elle avait vu un message sur la page de l’entreprise Facebook de l’employeur indiquant un changement d’horaire, l’employeur pouvait lui offrir d’autres quarts de travail.

[44] Ainsi, l’appelante était mécontente de cette annonce sur le réseau social et, bien que ce message ne lui disait pas qu’elle était mise à pied et qu’il ne s’adressait pas à elle personnellement, elle a décidé de ne plus se rendre au travail. Le 7 mars 2023, elle a transmis un texto à la responsable chez l’employeur lui disant qu’elle quittait son emploi et elle a demandé que sa cessation d’emploi lui soit remise.

[45] La Commission a cependant considéré que l’appelante aurait cessé d’occuper son emploi en raison d’un manque de travail le 17 mars 2023 et elle a imposé une inadmissibilité uniquement du 7 mars 2023 au 17 mars 2023.

[46] La Loi prévoit que les prestataires qui quittent volontairement leur emploi sans justification dans les trois semaines précédant la fin de leur période d’emploi ne sont pas admissibles au bénéfice des prestations d’assurance-emploi, mais seulement jusqu’à la fin prévue de leur emploi.Note de bas de page 5

[47] Cette situation s’applique à l’appelante puisqu’en raison de la température, l’employeur a décidé d’écourter la saison. Même si elle n’avait pas reçu un avis officiel lui indiquant qu’elle serait mise à pied, le message laissé par l’employeur sur la page Facebook de l’entreprise indiquait qu’en raison de la température, la saison allait se terminer bientôt.

[48] Ainsi, la Commission a correctement imposé une inadmissibilité du 7 mars 2023 au 17 mars 2023 permettant à l’appelante de recevoir des prestations à compter du 18 mars 2023.

[49] Comme elle l’a mentionné lors de l’audience, l’appelante a reçu de nombreux états de compte qui ne sont pas à jour et la Commission ne lui a pas indiqué de quelle manière elle lui rembourserait le montant de la pénalité qu’elle a annulé et qu’elle avait retenu de ses prestations. En ce sens, il serait judicieux qu’après avoir mis à jour le dossier, la Commission transmette à l’appelante un état de compte détaillé indiquant les prestations à jour et à venir.

Conclusion

[50] L’appelante n’était pas fondée de quitter volontairement son emploi le 7 mars 2023 pour cette raison, elle n’est pas admissible à recevoir des prestations du 7 mars 2023 au 17 mars 2023, conformément à l’article 33 de la Loi.

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