[TRADUCTION]
Citation : MS c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2025 TSS 705
Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi
Décision
| Partie appelante : | M. S. |
| Partie intimée : | Commission de l’assurance-emploi du Canada |
| Décision portée en appel : | Décision de révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (694544) datée du 4 décembre 2024 (communiquée par Service Canada) |
| Membre du Tribunal : | Suzanne Graves |
| Mode d’audience : | Vidéoconférence |
| Date de l’audience : | Le 10 mars 2025 |
| Personne présente à l’audience : | Appelant |
| Date de la décision : | Le 24 mars 2025 |
| Numéro de dossier : | GE-25-487 |
Sur cette page
Décision
[1] L’appel est accueilli en partie.
[2] L’appelant n’a pas démontré qu’il était fondé à quitter son emploi (c’est-à-dire qu’il avait une raison acceptable selon la loi pour le faire) quand il l’a fait. Par conséquent, il est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi à compter du 20 juin 2024.
[3] L’appelant a démontré qu’il était disponible pour travailler du 25 août 2024 au 2 novembre 2024. Cependant, malgré sa disponibilité, il ne peut tout de même pas demander des prestations d’assurance-emploi pour cette période, car il est exclu du bénéfice des prestations.
Aperçu
[4] L’appelant travaillait comme assistant chirurgical clinique. Il a quitté son emploi le 20 juin 2024 pour suivre une formation rémunérée de trois mois afin d’obtenir les qualifications nécessaires pour occuper un meilleur poste de médecin dans une autre province. Après avoir terminé la formation, il a demandé des prestations régulières de l’assurance-emploi. La Commission a décidé qu’elle ne pouvait pas lui verser de prestations parce qu’il avait quitté volontairement son emploi sans justification et parce qu’il n’était pas disponible pour travailler.
[5] La Commission soutient que l’appelant n’était pas fondé à quitter son emploi pour suivre une formation, car il avait d’autres solutions raisonnables à sa disposition. Elle ajoute que l’appelant est inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi à compter du 25 août 2024, car il n’a pas démontré qu’il était disponible pour travailler.
[6] Pour recevoir des prestations régulières de l’assurance-emploi, une personne doit être disponible pour travailler. La disponibilité est une exigence continue. Cela signifie que la personne doit être à la recherche d’un emploi.
[7] L’appelant fait valoir qu’il a quitté son emploi pour occuper un poste de niveau supérieur. Il devait suivre une formation pour obtenir le titre de médecin généraliste dans une autre province. Il dit qu’il a cherché activement du travail après la fin de sa formation, du 25 août 2024 jusqu’à son entrée en fonction en tant que médecin de famille, le 2 novembre 2024.
Questions en litige
[8] L’appelant est-il exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi à compter du 20 juin 2024 pour avoir quitté volontairement son emploi sans justification? Pour répondre à cette question, je dois d’abord traiter de la question du départ volontaire de l’appelant. Je dois ensuite décider s’il était fondé à quitter son emploi.
[9] L’appelant était-il disponible pour travailler du 25 août 2024 jusqu’à ce qu’il commence un nouvel emploi le 2 novembre 2024?
Analyse
Question en litige no 1 — L’appelant a-t-il quitté volontairement son emploi sans justification?
L’appelant a-t-il quitté volontairement son emploi?
[10] L’appelant ne conteste avoir quitté son emploi. Aucun élément de preuve ne contredit cela. Ainsi, je conclus que l’appelant a quitté volontairement son emploi.
Ce que veut dire « être fondé à » et « justification »
[11] La loi prévoit qu’une personne est exclue du bénéfice des prestations si elle quitte volontairement son emploi sans justificationNote de bas de page 1. Il ne suffit pas d’avoir une bonne raison de quitter un emploi pour prouver que le départ était fondé.
[12] La loi explique ce que veut dire « être fondé à ». Elle dit qu’une personne est fondée à quitter son emploi si son départ est la seule solution raisonnable au moment de sa démission. Selon la loi, je dois tenir compte de toutes les circonstances entourant le moment du départ de l’appelantNote de bas de page 2.
[13] L’appelant est responsable de prouver que son départ était fondéNote de bas de page 3. Il doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’il doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que quitter son emploi était la seule solution raisonnable dans son cas.
Assurance raisonnable d’un nouvel emploi
[14] L’appelant soutient qu’il a démissionné pour accepter une promotion à un poste de niveau supérieur. J’ai d’abord examiné s’il avait l’assurance raisonnable d’obtenir un nouvel emploi dans un avenir immédiatNote de bas de page 4.
[15] Pour démontrer qu’il a l’assurance raisonnable de trouver un autre emploi dans un avenir immédiat, l’appelant doit prouver trois facteurs. Premièrement, il doit démontrer que lorsqu’il est devenu chômeur, il savait qu’il aurait un autre emploi. Deuxièmement, il doit savoir de quel emploi il s’agirait, et auprès de quel employeur. Troisièmement, il doit savoir à quel moment dans l’avenir il aura un emploiNote de bas de page 5.
[16] L’appelant fait valoir qu’il a quitté son emploi pour occuper un meilleur poste en tant que médecin de familleNote de bas de page 6. Son nouvel emploi serait mieux rémunéré que son poste d’assistant chirurgical. Il a toutefois déclaré que le nouveau poste n’était pas garanti. Il devait d’abord réussir une formation, puis satisfaire à toutes les autres exigences requises pour l’obtention d’un permis d’exercice avant d’être autorisé à occuper un poste de médecin de famille.
[17] L’appelant était optimiste quant à l’obtention d’un nouvel emploi, mais celui-ci n’était pas garanti au moment où il a quitté l’emploi qu’il occupait. Ainsi, l’appelant n’avait malheureusement pas d’assurance raisonnable d’obtenir un nouvel emploi lorsqu’il a démissionné.
L’appelant a quitté son emploi pour suivre une formation
[18] J’ai ensuite examiné si l’appelant était fondé à quitter son emploi pour suivre une formation lui permettant d’obtenir un meilleur poste de médecin de famille.
[19] La Commission soutient que l’appelant disposait de solutions raisonnables autres que celle de quitter son emploi. Elle affirme qu’il a décidé de quitter son emploi pour suivre une formation pour des raisons personnelles, afin de poursuivre sa carrièreNote de bas de page 7.
[20] L’appelant affirme qu’il a dû quitter son emploi pour suivre une formation afin d’être admissible à une promotion. Il a été accepté dans le programme d’évaluation Practice Ready Ontario [programme de préparation à la pratique médicale en Ontario], après quoi il serait admissible à un poste de niveau supérieur en tant que médecin. Il avait déménagé d’une autre province pour suivre cette formation et ne pouvait donc pas se rendre à son ancien travail en attendant l’obtention de son permis d’exerciceNote de bas de page 8.
[21] Parfois, la Commission (ou un programme que la Commission a approuvé) dirige les gens vers une formation. L’appelant affirme avoir été autorisé à participer au programme d’évaluation Practice Ready. Cependant, rien ne prouve qu’il ait été dirigé vers cette formation par la Commission ou l’autorité qu’elle peut désigner.
[22] L’appelant a déclaré qu’il n’avait pas appelé Service Canada avant de quitter son emploi pour demander s’il pouvait recevoir des prestations. Il s’est fié aux renseignements fournis par un ami qui avait suivi le même programme dans une autre province.
[23] La jurisprudence prévoit clairement qu’une personne qui quitte son emploi pour suivre un cours sans y avoir été dirigée n’est pas fondée à quitter son emploiNote de bas de page 9.
[24] Le cours était la principale raison qui a poussé l’appelant à démissionner. Cette partie de la jurisprudence s’applique donc à lui.
[25] Malheureusement, l’appelant n’a pas démontré qu’il était fondé à quitter son emploi. Je comprends qu’il ait pu avoir de très bonnes raisons de choisir de quitter son emploi pour suivre une formation lui permettant d’être admissible à un poste de niveau supérieur. Cependant il s’agit d’un choix personnel qui est contraire aux principes qui sont à la base du régime d’assurance-emploiNote de bas de page 10.
Question en litige no 2 — L’appelant était-il disponible pour travailler à compter du 25 août 2024?
[26] La Commission a également décidé que l’appelant n’était pas disponible pour travailler à compter du 25 août 2024.
[27] La loi exige que les parties prestataires démontrent qu’elles sont disponibles pour travaillerNote de bas de page 11. La Loi sur l’assurance-emploi prévoit qu’une personne doit prouver qu’elle est « capable de travailler et disponible à cette fin », mais incapable de trouver un emploi convenableNote de bas de page 12.
Capable de travailler et disponible pour le faire
[27] Je dois décider si l’appelant était capable de travailler et disponible pour le faire, mais incapable de trouver un emploi convenable. La jurisprudence énonce trois éléments dont je dois tenir compte pour trancher cette question. Lorsque j’examine chacun de ces éléments, je dois prendre en considération l’attitude et la conduite de l’appelantNote de bas de page 13.
[28] L’appelant doit prouver les trois éléments suivantsNote de bas de page 14 :
- a) Il voulait retourner au travail aussitôt qu’un emploi convenable serait offert.
- b) Il a fait des démarches pour trouver un emploi convenable.
- c) Il n’a pas établi de conditions personnelles qui auraient pu limiter indûment (en d’autres termes, trop) ses chances de retourner au travail.
Désir de retourner sur le marché du travail
[29] L’appelant a déclaré qu’il souhaitait reprendre le travail dès que possible après avoir terminé sa formation. J’accepte son témoignage selon lequel il souhaitait travailler.
Faire des démarches pour trouver un emploi convenable
[30] L’appelant a fait des démarches suffisantes pour trouver un emploi convenable. J’ai examiné la liste d’activités de recherche d’emploi énoncées dans le Règlement sur l’assurance-emploi pour rendre ma décision sur ce deuxième élémentNote de bas de page 15.
[31] La Commission affirme que l’appelant a déclaré à une agente qu’il ne cherchait pas d’emploi, mais qu’il attendait plutôt le résultat du processus menant à l’obtention d’un permisNote de bas de page 16.
[32] L’appelant a déclaré avoir présenté des demandes auprès de plusieurs programmes de formation d’assistant clinique et avoir passé plusieurs entrevues en attendant l’autorisation du service qui délivre les permis. Il a témoigné de manière sincère et directe, et son témoignage concernant sa recherche d’emploi était détaillé et précis. J’ai accordé le plus de poids à son témoignage sous serment et j’estime que l’appelant n’a pas seulement attendu que son permis soit approuvé.
[33] L’appelant a démontré qu’il cherchait activement du travail. Il satisfait donc aux exigences de ce deuxième élément.
Limiter indûment ses chances de retourner au travail
[34] L’appelant a postulé des emplois convenables dans le domaine médical. Il n’a pas attendu l’approbation de son permis pour pouvoir accepter un poste de médecin de niveau supérieur. Je considère que l’appelant n’a pas établi de conditions personnelles qui auraient pu limiter indûment ses chances de retourner au travail.
Alors, l’appelant était-il capable de travailler et disponible pour le faire à compter du 25 août 2024?
[35] Selon mes conclusions sur les trois éléments, je suis d’avis que l’appelant a démontré qu’il était capable de travailler et disponible pour le faire du 25 août 2024 au 2 novembre 2024.
[36] Comme je l’ai mentionné plus tôt, même si l’appelant a démontré qu’il était disponible pour travailler, il ne peut pas demander de prestations, car il a quitté volontairement son emploi sans justification.
[37] L’appelant affirme connaître une autre personne qui a suivi la formation préparatoire à l’évaluation et dont la demande de prestations a été approuvée. J’ai seulement le pouvoir d’examiner les circonstances de la présente affaire et d’appliquer la loi à ces faits particuliers.
[38] Je suis sensible à la situation de l’appelant, mais je dois respecter les règles énoncées dans la Loi sur l’assurance-emploi, même si le résultat semble injusteNote de bas de page 17.
Conclusion
[39] Je conclus que l’appelant est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi parce qu’il a quitté volontairement son emploi sans justification. Pour cette raison, je considère qu’il ne peut pas recevoir de prestations d’assurance-emploi à compter du 20 juin 2024.
[40] L’appelant a démontré qu’il était disponible pour travailler du 25 août 2024 jusqu’à ce qu’il commence un nouvel emploi le 2 novembre 2024. Cependant, il ne peut tout de même pas toucher de prestations d’assurance-emploi, car il est exclu du bénéfice des prestations.
[41] Cela signifie que l’appel est accueilli en partie.