Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : RM c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2024 TSS 1751

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance‑emploi

Décision

Partie appelante : R. M.
Partie intimée : Commission de l’assurance‑emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance‑emploi du Canada (674147) datée du 26 juillet 2024 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Rena Ramkay
Mode d’audience : En personne
Date de l’audience : Le 6 septembre 2024
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 24 septembre 2024
Numéro de dossier : GE-24-2882

Sur cette page

Décision

[1] La loi m’oblige à rejeter le présent appel. C’est dire que je ne suis pas d’accord avec l’appelantNote de bas de page 1.

[2] L’appelant n’a pas démontré qu’il avait un motif valable de retarder le dépôt de ses déclarations pour demander des prestations régulières d’assurance-emploi. Il n’a pas donné d’explication que la loi accepte. Par conséquent, les déclarations de l’appelant ne peuvent pas être traitées comme si elles avaient été présentées plus tôt.

Aperçu

[3] En général, pour recevoir des prestations d’assurance-emploi, la partie prestataire doit présenter une demande pour chaque semaine durant laquelle elle n’a pas travaillé et pour laquelle elle souhaite recevoir des prestationsNote de bas de page 2. Ainsi, elle présente des déclarations à la Commission de l’assurance-emploi du Canada toutes les deux semaines. Habituellement, les demandes sont faites en ligne.

[4] Il y a des délais précis à respecter pour présenter une demandeNote de bas de page 3. Si vous ne soumettez pas votre déclaration à temps pour demander des prestations pour une semaine de chômage donnée, vous pourriez être inadmissible aux prestations d’assurance-emploi pour cette semaine.

[5] L’appelant, R. M., conduit un autobus pour un conseil scolaire. Lorsque l’école a fermé ses portes pour les congés de décembre, il a demandé des prestations d’assurance-emploi le 31 décembre 2023. Il a indiqué que son dernier jour de travail était le 20 décembre 2023 et qu’il reprendrait le travail le 9 janvier 2024Note de bas de page 4.

[6] Comme le début de la demande de l’appelant était établi au 25 décembre 2022, il avait encore des semaines d’admissibilité au titre de cette période de prestations. La dernière semaine renouvelable de sa demande d’admissibilité était la semaine du 17 décembre 2023. Comme son dernier jour de travail était le mercredi 20 décembre 2023, la rémunération de cette semaine n’a pas empêché le versement de prestations pour la semaine complète. La Commission a donc renouvelé sa demande le 17 décembre 2023Note de bas de page 5.

[7] L’appelant n’a pas produit sa déclaration pour cette semaine et il n’a tenté de produire aucune déclaration avant de se rendre compte que sa demande du 11 mars 2024 était une nouvelle demande. C’est donc dire que sa période de prestations a commencé le 3 mars 2024 au lieu du 24 décembre 2023, date à laquelle il croyait que sa nouvelle demande avait commencé. L’appelant a demandé d’antidater ses déclarations au 25 avril 2024Note de bas de page 6.

[8] L’appelant a demandé que ses déclarations dans sa demande de renouvellement soient traitées comme si elles avaient été présentées pour la semaine du 17 décembre 2023 et qu’une nouvelle demande soit amorcée la semaine du 24 décembre 2023, et que ses déclarations du 24 décembre 2023 au 6 janvier 2024 soient traitées comme si elles avaient été présentées à temps.

[9] Pour cela, l’appelant doit prouver qu’il avait un motif valable justifiant le retard.

[10] La Commission a décidé que l’appelant n’avait pas de motif valable et a refusé sa demande. La Commission affirme que l’appelant n’a pas agi comme une personne raisonnable l’aurait fait dans sa situation pour valider et confirmer que ses déclarations ont été traitées. Comme l’appelant a de l’expérience en matière d’assurance-emploi, la Commission affirme qu’il aurait dû communiquer avec elle lorsque ses déclarations n’ont pas été traitées. Elle indique qu’aucune preuve n’établit que l’appelant a agi rapidement pour s’assurer que ses déclarations étaient traitées.

[11] L’appelant affirme qu’il a simplement fait une erreur et qu’il a oublié de remplir ses déclarations pour la période du 17 décembre 2023 au 6 janvier 2024. Il affirme avoir agi rapidement une fois qu’il a découvert son erreur. L’appelant affirme que le site Web de l’assurance-emploi indique que sa demande est raisonnable et que la Commission reconnaît que les gens font des erreurs. Il estime que la Commission devrait appliquer le principe de clémence.

Question que je dois examiner en premier

Le présent appel vise à établir si les déclarations de l’appelant peuvent être antidatées au 17 décembre 2023.

[12] L’appelant demande que ses déclarations à compter de la semaine du 17 décembre 2023 soient antidatées pour la demande renouvelée et que sa nouvelle demande de prestations commence immédiatement après, soit la semaine du 24 décembre 2023, plutôt que le 3 mars 2024.

[13] Si l’appelant avait rempli ses déclarations du prestataire pour la semaine du 17 décembre 2023, une nouvelle demande automatisée aurait été traitée pour la semaine suivante, en date du 24 décembre 2023. Comme il ne l’a pas fait, une nouvelle demande n’a pas été amorcée avant la présentation d’une telle demande en mars 2024.

[14] Je n’ai pas considéré cet appel comme une demande d’antidatation visant à amorcer une demande à une date antérieure. J’ai plutôt examiné si les déclarations de l’appelant du 17 décembre 2023 peuvent être antidatées. En effet, la demande de prestations présentée par l’appelant le 31 décembre 2023 n’était pas tardive. Toutefois, comme il n’a pas présenté ses déclarations à temps, la Commission a décidé qu’il n’avait pas droit à des prestations du 17 décembre 2023 au 3 mars 2024, date à laquelle il a établi une nouvelle période de prestations.

Question en litige

[15] L’appelant avait-il un motif valable justifiant le retard de sa demande de prestations d’assurance-emploi?

Analyse

[16] L’appelant souhaite que ses déclarations en vue d’obtenir des prestations d’assurance-emploi soient traitées comme si elles avaient été présentées plus tôt, soit le 17 décembre 2023. C’est ce que l’on appelle l’antidatation des demandes.

[17] Pour que sa demande soit antidatée, l’appelant doit prouver qu’il avait un motif valable justifiant le retard pendant toute la période du retardNote de bas de page 7. L’appelant doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. C’est donc dire qu’il doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’il avait un motif valable justifiant le retard.

[18] De plus, pour prouver qu’il avait un motif valable, l’appelant doit démontrer qu’il a agi comme l’aurait fait toute personne raisonnable et prudente dans des circonstances semblablesNote de bas de page 8. Autrement dit, il doit démontrer qu’il s’est conduit comme une personne raisonnable et prudente l’aurait fait dans une situation semblable.

[19] L’appelant doit aussi démontrer qu’il a vérifié assez rapidement s’il avait droit à des prestations et quelles obligations la loi lui imposaitNote de bas de page 9. C’est donc dire que l’appelant doit démontrer qu’il a tenté de connaître ses droits et ses responsabilités dès que possible et du mieux qu’il le pouvait. Si l’appelant n’a pas pris de telles mesures, il doit démontrer que des circonstances exceptionnelles l’en ont empêchéNote de bas de page 10.

[20] L’appelant doit démontrer qu’il a agi ainsi pour toute la période du retardNote de bas de page 11. Cette période s’étend de la date à laquelle il veut que sa demande soit antidatée jusqu’à la date à laquelle il a réellement fait sa demande. Donc, dans le cas de l’appelant, la période du retard s’étend du 17 décembre 2023 au 11 mars 2024.

Ce que dit l’appelant

[21] L’appelant affirme qu’il a agi comme une personne raisonnable l’aurait fait dans sa situation en commettant une erreur de bonne foi et en tentant de la corriger dès qu’il en a pris connaissance. Il affirme qu’il a demandé l’assurance-emploi tous les jours de Noël, de mars et de vacances d’été au cours des six dernières années et qu’il n’a jamais été en retard.

[22] L’appelant a déclaré qu’il n’a pas omis de produire plusieurs déclarations. Il dit qu’il en a omis une seule pour la période commençant le 17 décembre 2023. Il affirme qu’il a commis une erreur et qu’il croyait avoir rempli ses déclarations ou avoir oublié de les produire. Il n’a remarqué qu’en mars 2024 qu’il n’avait pas reçu de prestations à compter de décembre 2023. Il est catégorique : dès qu’il a appris qu’il n’avait pas déposé de déclaration toutes les deux semaines, il a tout de suite commencé à tenter de rectifier la situation.

[23] L’appelant affirme que les ressources en ligne de la Commission indiquaient que sa demande était raisonnable et que la Commission reconnaît que des erreurs se produisent. Il ne pense pas qu’il devrait être pénalisé pour une erreur honnête et raisonnable. L’appelant dit qu’il apprécierait une certaine compréhension et un sentiment d’équité. Il estime que la Commission devrait tenir compte du fait qu’il cotise à l’assurance-emploi depuis plus de 40 ans.

[24] L’appelant souligne que la décision de la Commission de refuser une antidatation de ses demandes de décembre lui a valu une double pénalité, puisqu’il a perdu deux semaines de prestations, une pour décembre 2023, et sa semaine de délai de carence en mars 2024. Il dit qu’il était admissible aux prestations, de sorte qu’il ne comprend pas pourquoi la Commission ne peut pas être clémente. Si sa demande avait été accueillie, il aurait perdu seulement une semaine de prestations pour le délai de carence de la nouvelle demande commençant en décembre 2023.

[25] L’appelant affirme également que la Commission n’a pas réussi à communiquer avec lui pour obtenir des précisions sur sa demande de révision. Il reconnaît ne pas avoir répondu aux tentatives de la Commission de communiquer avec lui. Il affirme toutefois qu’il n’était pas certain que le courriel envoyé était légitime et que le numéro de téléphone d’origine a été bloqué lorsque la Commission a appelé, de sorte qu’il ne savait pas qui tentait de communiquer avec lui. Il croit qu’il aurait dû être en mesure de faire ses déclarations sur les raisons pour lesquelles il a demandé une révision.

Ce que dit la Commission

[26] La Commission affirme que l’appelant n’a pas démontré qu’il avait un motif valable justifiant le retard parce qu’il n’a pas démontré qu’il a agi de façon raisonnable et prudente comme l’aurait fait une personne dans une situation semblable. Il est indiqué que l’appelant a présenté des déclarations en temps opportun dans le passé, mais qu’il n’a pas tenté de vérifier que ses déclarations avaient été traitées cette fois-ci. S’il avait fait preuve de diligence raisonnable ou s’il s’était acquitté de son devoir de s’enquérir de ses prestations, la Commission affirme qu’il aurait été au courant de l’erreur beaucoup plus tôt et qu’il aurait corrigé la situation.

[27] La Commission soutient que l’appelant n’a fourni aucune preuve qu’il a tenté de communiquer avec elle avant la découverte de la déclaration tardive du prestataire. Elle estime qu’il est raisonnable de s’attendre à ce que l’appelant vérifie et valide que sa déclaration a été traitée correctement.

[28] De plus, la Commission affirme que le fait d’établir une période de prestations ne confère pas à l’appelant le droit de recevoir des prestations parce que d’autres conditions doivent être remplies. Le fait de verser des cotisations d’assurance-emploi ne confère pas en soi à l’appelant le droit de recevoir des prestations. Il s’agit plutôt d’une police d’assurance dans le cadre de laquelle l’admissibilité exige qu’il respecte les différentes conditions établies par la loi.

Mes conclusions

[29] Je conclus que l’appelant n’a pas démontré qu’il avait un motif valable justifiant son retard à demander des prestations pour les raisons que je donne ci-après.

[30] L’appelant est un prestataire expérimenté qui savait qu’il devait soumettre des déclarations bimensuelles pour recevoir des prestations. Au cours des six dernières années, il a utilisé le système de déclaration en ligne pour faire ses déclarations à la pause de Noël, de mars et du congé scolaire d’été. Il affirme qu’il n’avait pas remarqué qu’il n’avait pas reçu de prestations pour sa demande de décembre avant sa vérification en mars 2024.

[31] À mon avis, une personne raisonnable se trouvant dans la situation de l’appelant aurait pris des mesures pour vérifier que des prestations avaient été versées et que les déclarations avaient été traitées. D’autant plus que c’était sa pratique normale de demander des prestations d’assurance-emploi à chaque relâche scolaire. L’appelant a un compte Mon dossier Service Canada (MDSC) et il aurait pu vérifier l’état de sa demande à n’importe quel moment. Une personne raisonnable et prudente n’aurait pas simplement oublié de déposer ses déclarations pour recevoir des prestations d’assurance-emploi. Et je crois qu’une personne raisonnable et prudente aurait vérifié qu’elle a reçu le paiement des prestations de décembre 2023 plus tôt que l’appelant l’a fait.

[32] Si l’appelant avait vérifié qu’il avait reçu des prestations et que les déclarations avaient été traitées, il aurait maintenu sa demande active la semaine du 17 décembre 2023. En outre, il aurait pu amorcer une nouvelle période de prestations à compter du 24 décembre 2023 et aurait reçu des prestations pour les semaines où il a été mis à pied pendant la semaine de relâche de mars 2024. Son défaut de le faire signifie qu’il n’a pas agi comme l’aurait fait une personne raisonnable dans sa situation pendant la période de son retard.

[33] Les tribunaux ont déclaré qu’une partie prestataire doit prendre des mesures raisonnablement rapides pour en apprendre davantage sur ses droits et obligations. Il s’agit d’une exigence de l’antidatationNote de bas de page 12. L’appelant affirme qu’il a commis une erreur de bonne foi et qu’il ne devrait pas être pénalisé pour une première erreur. Il ajoute qu’il a agi rapidement lorsqu’il a appris l’erreur. L’appelant mentionne qu’il était déjà admissible à des prestations, de sorte que l’examen de son retard devrait être fait avec clémence.

[34] Malheureusement, ces arguments ne dispensent pas l’appelant de prendre des mesures raisonnablement rapides pour s’informer de ses droits et responsabilités lorsqu’il présente des déclarations pour demander des prestations d’assurance-emploi. Ce n’est qu’après que l’appelant ait cru renouveler sa demande en mars 2024 qu’il s’est rendu compte qu’il n’avait reçu aucune prestation en décembre 2023 et que ses déclarations n’ont jamais été faites pour cette période. Je ne peux conclure que cela montre que l’appelant a tenté de se familiariser rapidement avec ses droits.

[35] L’appelant aurait facilement pu ouvrir une session dans MDSC pour s’assurer que ses déclarations de décembre étaient traitées beaucoup plus tôt qu’en mars 2024. Il aurait pu vérifier son compte bancaire pour voir s’il avait reçu ses prestations en janvier, date à laquelle son paiement aurait été effectué. S’il l’avait fait, il aurait appris qu’il n’avait pas été payé et que ses déclarations n’avaient pas été traitées. Et il aurait pu agir à ce moment-là pour soumettre ses déclarations pour décembre 2023.

[36] Il n’y a pas d’admissibilité automatique à l’assurance-emploi, peu importe le nombre d’années pendant lesquelles une personne y a cotisé. De plus, l’établissement d’une période de prestations ne donne pas automatiquement droit à des prestations non plus. Les prestations ne sont offertes qu’aux personnes admissibles en vertu de la loiNote de bas de page 13.

[37] Le manque de communication avec la Commission au sujet de la demande de révision présentée par l’appelant est regrettable. Je conclus toutefois que l’appelant doit assumer une part de cette responsabilité parce qu’il n’a pas vérifié si le courriel et les appels téléphoniques provenaient de la Commission. Un appel rapide à la Commission aurait pu régler ce problème. De plus, j’ai tenu compte des arguments de l’appelant tirés de sa demande de révision pour rendre cette décision, de sorte que j’estime que son processus d’appel s’est révélé équitable sur le plan procédural.

[38] Je suis sensible à l’argument de l’appelant selon lequel tout le monde commet des erreurs et je note que la Commission a commis une erreur dans sa lettre de décision initiale à l’appelantNote de bas de page 14. Toutefois, seule la Commission peut renoncer aux conditions et exigences relatives à la présentation des demandes ou peut les modifierNote de bas de page 15. Je n’ai pas le pouvoir de le faire moi-même. Je ne suis pas autorisée à réécrire la loi ou à l’interpréter d’une manière contraire à son sens ordinaireNote de bas de page 16.

[39] Je conclus que, selon la prépondérance des probabilités, les raisons fournies par l’appelant pour retarder ses déclarations visant à obtenir des prestations d’assurance-emploi ne démontrent pas qu’il existe un motif valable au sens de la loi. Il n’a pas agi de façon raisonnable, prudente et rapide pour remplir ses déclarations. L’appelant demande une antidatation au 17 décembre 2023. C’est donc dire que la période de retard dans le dépôt des déclarations s’étend du 17 décembre 2023 au 11 mars 2024 et que l’appelant n’a pas démontré qu’il y avait des circonstances exceptionnelles pendant cette période.

Conclusion

[40] L’appelant n’a pas démontré qu’il avait un motif valable justifiant le retard dans la présentation de sa demande de prestations pendant toute la période du retard. Par conséquent, ses demandes ne peuvent pas être traitées comme si elles avaient été présentées plus tôt.

[41] L’appel est rejeté.

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