[TRADUCTION]
Citation : AC c Commission de l’assurance ‑emploi du Canada, 2025 TSS 807
Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance‑emploi
Décision
| Partie appelante : | A. C. |
| Partie intimée : | Commission de l’assurance‑emploi du Canada |
| Décision portée en appel : | Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (672891) datée du 17 octobre 2024 (communiquée par Service Canada) |
| Membre du Tribunal : | Ambrosia Varaschin |
| Mode d’audience : | En personne |
| Date de l’audience : | Le 25 mars 2025 |
| Personnes présentes à l’audience : | Appelante Interprète |
| Date de la décision : | Le 2 avril 2025 |
| Numéro de dossier : | GE-24-3744 |
Sur cette page
Décision
[1] L’appel est accueilli.
[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire lorsqu’elle a décidé de réexaminer la demande de l’appelante. Elle ne peut donc pas revenir en arrière et revenir sur sa décision.
Aperçu
[3] L’appelante a reçu (X) $ de son ancien employeur. La Commission a décidé que l’argent constitue une « rémunération » en vertu de la loi parce qu’il s’agit d’une indemnité de départ/indemnité de congé annuel/d’une indemnité de départ et d’une indemnité de congé annuel.
[4] Selon la loi, toute la rémunération doit être répartie sur certaines semaines. Les semaines sur lesquelles la rémunération est répartie dépendent de la raison pour laquelle la personne a reçu la rémunérationNote de bas de page 1.
[5] La Commission a réparti la rémunération à compter de la semaine du (date) à un montant de (X) $ par semaine. Au dire de la Commission, l’appelante a été mise à pied ou a quitté son emploi au cours de cette semaine-là. La Commission a déclaré que le fait d’être mise à pied ou de faire l’objet d’une cessation de son emploi est la raison pour laquelle l’appelante a reçu la rémunération.
[6] L’appelante n’est pas d’accord avec la Commission. L’appelante affirme que l’argent n’est pas une rémunération/que la totalité de l’argent n’est pas une rémunération parce que… (expliquez cela en une ou deux phrases au maximum).
[7] L’appelante affirme également que la Commission n’a pas correctement réparti la rémunération parce que… (expliquez cela en une ou deux phrases au maximum).
Question que je dois examiner en premier
La Commission peut-elle réexaminer la demande?
[8] Je conclus que la Commission n’a pas exercé de façon judicieuse son pouvoir discrétionnaire de réexaminer la demande de l’appelante parce qu’elle a enfreint sa propre politique de réexamen. Cela signifie que j’ai le pouvoir de décider si la Commission peut réexaminer ou non la demande de prestations de l’appelante.
[9] L’appelante soutient qu’il est injuste que la Commission ait modifié à plusieurs reprises ses décisions concernant sa demande lorsqu’elle a fait tout son possible pour se conformer à la loi. Elle affirme que ce n’est pas sa faute si son employeur a soumis plusieurs relevés d’emploi erronés ou si la Commission a mal administré ses prestations. Elle soutient que la Commission l’a traitée de façon terrible parce qu’elle a peu de compétences linguistiques en anglais, allant jusqu’à lui raccrocher au nez lorsqu’elle est devenue confuse parce qu’on lui disait beaucoup de choses différentes et qu’elle recevait des avis de dette très différents.
[10] L’appelante a également déclaré que même si sa demande a été rapidement réexaminée et qu’elle a ensuite fait l’objet d’un appel, la Commission n’a pas gelé son versement excédentaire comme elle est censée le faire pendant que le versement excédentaire fait l’objet d’un examen. Par conséquent, l’Agence du revenu du Canada (l’ARC) a retenu ses prestations et ses remboursements d’impôt. C’est donc dire également que les intérêts courent depuis l’établissement de l’avis de dette.
[11] La Loi sur l’assurance-emploi prescrit que la Commission peut réexaminer toute demande de prestations dans les 36 mois suivant le versement de prestations ou dans les 72 mois si elle est d’avis que des déclarations fausses ou trompeuses ont été faitesNote de bas de page 2. Il s’agit d’un pouvoir discrétionnaire. La Commission doit exercer ce pouvoir équitablement. En termes juridiques, cela signifie que la Commission doit exercer son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaireNote de bas de page 3.
[12] Je dois respecter le pouvoir discrétionnaire de la Commission. Habituellement, cela signifie que je ne peux pas modifier la décision de la Commission même si je ne suis pas d’accord avec elle. Toutefois, si la Commission n’a pas « exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire » (c’est-à-dire qu’elle a pris sa décision de façon équitable), je peux décider que la Commission ne peut réexaminer sa décision initiale.
[13] J’ai donc demandé à la Commission d’expliquer pourquoi elle avait réexaminé sa décision initiale et les décisions subséquentes et comment cette décision avait été rendue de façon judiciaire. Je lui ai également demandé d’expliquer pourquoi la dette de l’appelante n’était pas geléeNote de bas de page 4.
[14] La Commission affirme qu’elle a commis une erreur lorsqu’elle n’a pas gelé la totalité du versement excédentaire à l’appelante et qu’elle a suspendu immédiatement la dette. Elle n’a toutefois pas déclaré qu’elle avait communiqué avec l’ARC pour verser à l’appelante ses remboursements d’impôt et ses prestations qui ont été indûment retenues. Elle n’a pas non plus dit qu’il avait fallu prendre les mesures nécessaires pour supprimer tous les intérêts qui avaient couru à tort pendant que la dette aurait dû être saisie. Si, pour une raison quelconque, ce versement excédentaire est rétabli, la Commission doit modifier les montants des intérêts pour tenir compte des périodes pendant lesquelles la dette aurait dû être bloquée, mais ne l’a pas été.
[15] Je comprends que cette erreur a causé des difficultés financières importantes à l’appelante, car elle compte sur ses prestations et ses remboursements d’impôt pour s’en sortir. Malheureusement, je n’ai pas le pouvoir d’accorder une réparation à l’appelante, si ce n’est de réprimander la Commission pour sa surveillance. Je lui recommande de communiquer avec le Bureau de la satisfaction du client pour déposer une plainte au sujet du traitement inexcusable qu’elle a reçu de Service Canada et de la Commission, qui n’a pas non plus gelé les paiements de la dette.
[16] Afin d’assurer une application uniforme et équitable de l’article 52 de la Loi sur l’assurance-emploi, la Commission a élaboré une Politique de réexamen. Celle-ci précise que la Commission ne réexaminera les demandes que dans les cas suivants :
- il y a un moins-payé de prestations;
- des prestations ont été versées contrairement à la structure de la Loi;
- des prestations ont été versées à la suite d’une déclaration fausse ou trompeuse;
- le prestataire aurait dû savoir qu’il recevait des prestations auxquelles il n’avait pas droitNote de bas de page 5.
[17] La Commission savait qu’elle n’avait pas exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire lorsqu’elle a réexaminé la demande de l’appelante en novembre 2023 :
[Traduction]
Dans cette affaire, il n’y a pas eu de moins-payé, la question de la rémunération ne s’inscrit pas dans la structure de la Loi, les prestations n’ont pas été versées en raison d’une déclaration fausse ou trompeuse et l’on ne savait pas qu’il n’y avait pas de droit aux prestations reçues. Par conséquent, la politique sur les réexamens n’a pas été appliquée correctement à ce cas.Conformément à la Politique, la rémunération révisée doit être répartie de façon à commencer la semaine où le nouveau calcul a été effectué, c’est-à-dire la semaine du 3 au 16 septembre 2023. La période de répartition initiale, soit du 26 mars 2023 au 22 juillet 2023, sera rétablieNote de bas de page 6.
Pourtant, la Commission a continué d’enfreindre sa politique lorsqu’elle a examiné la demande de l’appelante en décembre 2023, janvier 2024, février 2024, mars 2024 et avril 2024. La Commission a maintenu sa propre violation de la politique en juin, août, septembre et octobre 2024.
[18] La Commission admet [traduction] « que la politique de réexamen en vertu de l’article 52 a été appliquée incorrectement »Note de bas de page 7. Toutefois, elle soutient que la rémunération de l’appelante doit encore être répartie et que tout versement excédentaire doit être remboursé.
[19] Je ne suis pas d’accord.
[20] La Cour suprême du Canada a décidé que les politiques de la Commission sont pertinentes pour sa décision de réexaminer sa décision afin d’assurer l’équité et l’uniformité dans l’exercice judiciaire de son pouvoir discrétionnaireNote de bas de page 8. Et, bien que je ne sois pas lié par les décisions de la division d’appel, je souscris à l’application de la présente décision dans la décision MS c Commission de l’assurance-emploi du CanadaNote de bas de page 9.
[21] Je note également que dans la décision CJ c Commission de l’assurance-emploi du Canada, une affaire comportant des faits presque identiques au présent appel, la Commission a concédé que la division générale n’avait pas exercé sa compétence lorsqu’elle n’avait pas examiné si la Commission aurait dû réexaminer les prestations du prestataireNote de bas de page 10. La division d’appel a conclu que la Commission n’avait pas exercé son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire et qu’elle ne pouvait donc pas réexaminer la demande.
[22] Comme la Commission a enfreint sa propre politique de réexamen lorsqu’elle a étudié la demande de l’appelante, le résultat de multiples réexamens est nul et non avenu parce qu’elle n’avait pas le droit de réexaminer sa demande en premier lieu. Pour citer la Commission [traduction] « dans cette affaire, il n’y a pas eu de moins-payé, la question de la rémunération ne s’inscrit pas dans la structure de la Loi, les prestations n’ont pas été versées en raison d’une déclaration fausse ou trompeuse et l’on ne savait pas qu’il n’y avait pas de droit aux prestations reçues ». La Commission ne peut donc pas réexaminer la demande de l’appelante.
[23] Comme j’ai conclu que la Commission ne peut pas réexaminer la demande de l’appelante, je n’ai pas à me demander si elle a touché ou non une rémunération ou comment elle devrait être répartie.
Conclusion
[24] L’appel est accueilli.
[25] La Commission n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire de façon équitable, de sorte que j’ai pris sa place et décidé qu’elle ne peut pas réexaminer la demande de l’appelante.