Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : CH c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2025 TSS 1116

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : C. H.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (715 758) datée du 3 mars 2025 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Kristen Thompson
Mode d’audience : En personne
Date de l’audience : Le 30 avril 2025
Personne présente à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 4 juin 2025
Numéro de dossier : GE-25-886

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté avec modification.

[2] L’appelante n’a pas reçu de rémunération sous forme d’indemnité tenant lieu de préavis.

[3] L’appelante peut recevoir jusqu’à 36 semaines de prestations d’assurance-emploi, mais elle en a reçu 39. Son taux de prestations est de 661 $, mais elle a reçu 668 $ certaines semaines.

[4] La période de prestations de l’appelante commence le 3 mars 2024. La Commission de l’assurance-emploi du Canada n’aurait pas dû accorder une antidatation.

Aperçu

[5] L’appelante a perdu son emploi et a demandé des prestations. La Commission a établi une période de prestations le 3 mars 2024 et a versé des prestations à l’appelante à un taux de 668 $ pendant 31 semaines.

[6] L’ancien employeur de l’appelante a envoyé à la Commission un relevé d’emploi modifié, qui comprenait un montant de 3 909 $ sous forme d’indemnité tenant lieu de préavis. Par conséquent, la Commission a réexaminé la demande de l’appelante, décidant que celle-ci avait reçu une rémunération de 3 909 $ qui devait être répartie.

[7] L’appelante a nié avoir reçu la rémunération. Un nouveau relevé d’emploi modifié a été envoyé à la Commission, supprimant la rémunération et augmentant le nombre total d’heures d’emploi assurable. La Commission a effectué d’autres nouveaux calculs et plusieurs avis de dette ont été envoyés à l’appelante.

[8] En fin de compte, la Commission a décidé d’antidater la demande de l’appelante au 25 février 2024, de lui accorder un maximum de 36 semaines de prestations d’assurance-emploi et de fixer le taux de prestations à 661 $.

[9] L’appelante n’est pas d’accord. Elle affirme qu’elle devrait recevoir 37 semaines de prestations d’assurance-emploi. Elle dit avoir régulièrement communiqué avec la Commission et avoir suivi ses instructions. Elle n’a pas les moyens de rembourser le trop-payé.

Questions que je dois examiner en premier

La Commission a-t-elle agi de façon judiciaire lorsqu’elle a décidé de réexaminer la demande?

[10] Lorsque la Commission décide de réexaminer une demande, elle doit exercer son pouvoir discrétionnaire de façon judiciaire. Le Tribunal peut annuler une décision discrétionnaire si, par exemple, une partie appelante peut établir que la Commission aNote de bas de page 1 :

  • agi de mauvaise foi;
  • agi dans un but ou pour un motif irrégulier;
  • tenu compte d’un facteur non pertinent;
  • ignoré un facteur pertinent;
  • agi de façon discriminatoire.

[11] La Commission dispose habituellement d’un délai de 36 mois après le versement ou la date à laquelle des prestations auraient été payables pour réexaminer sa décision et calculer un trop-payéNote de bas de page 2.

[12] La Commission a une politique de réexamen. La politique prévoit qu’on ne procédera au réexamen d’une demande de prestations que dans les situations suivantesNote de bas de page 3 :

  • il y a un moins-payé de prestations;
  • des prestations ont été versées contrairement à la structure de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi);
  • des prestations ont été versées à la suite d’une déclaration fausse ou trompeuse;
  • la partie appelante aurait dû savoir qu’elle recevait des prestations auxquelles elle n’avait pas droit.

[13] La Commission a établi la période de prestations d’assurance-emploi de l’appelante à compter du 3 mars 2024. La Commission a décidé que l’appelante avait droit à 31 semaines de prestations à un taux de 668 $ du 10 mars 2024 au 12 octobre 2024, en fonction d’un relevé d’emploi daté du 11 mars 2024, qui indiquait 1 631 heures d’emploi assurableNote de bas de page 4.

[14] L’appelante a téléphoné à la Commission le 22 octobre 2024, car elle n’était pas d’accord avec les heures figurant sur le relevé d’emploiNote de bas de page 5.

[15] L’employeur a modifié le relevé d’emploi le 24 octobre 2024. Il a indiqué une somme de 3 909 $ à titre d’indemnité de préavis et 1 631 heures d’emploi assurableNote de bas de page 6.

[16] La Commission a réexaminé la demande de l’appelante en fonction du relevé d’emploi modifié. Dans sa lettre de décision datée du 28 octobre 2024, la Commission a décidé que la prestataire avait reçu une rémunération qui devait être répartie et un avis de dette a été émisNote de bas de page 7. La Commission a réparti cette rémunération du 10 mars 2024 au 6 avril 2024, selon la rémunération hebdomadaire normale de l’appelante. De plus, la Commission a accordé une prolongation de la période de prestations de l’appelante, soit du 13 octobre 2024 au 9 novembre 2024Note de bas de page 8.

[17] Je considère que la Commission a démontré avoir agi de façon judiciaire lorsqu’elle a réexaminé la demande de l’appelante. La Commission a réexaminé la demande en fonction des nouveaux renseignements figurant dans le relevé d’emploi modifié et de sa politique de réexamen. Des prestations ont été versées contrairement à la structure de la Loi sur l’assurance-emploi, car les erreurs dans le relevé d’emploi ont directement influé sur la prolongation de sa période de prestations. Il n’existe aucune preuve démontrant que la décision de la Commission de réexaminer la demande de l’appelante a été prise de mauvaise foi, dans un but ou pour un motif irrégulier, en tenant compte d’un facteur non pertinent, en ignorant un facteur pertinent ou en agissant de façon discriminatoire.

La capacité du Tribunal d’examiner d’autres questions

[18] La décision initiale et la décision de réexamen de la Commission sont fondées uniquement sur la rémunération. Cependant, elle a également rendu des décisions concernant les semaines d’admissibilité et le taux de prestations de l’appelante.

[19] L’appelante a téléphoné à la Commission le 6 novembre 2024, car elle n’était pas d’accord avec la décision de celle-ci concernant sa rémunération. Elle a dit à la Commission qu’elle n’avait pas reçu d’indemnité tenant lieu de préavisNote de bas de page 9.

[20] L’employeur a produit un autre relevé d’emploi modifié le 7 novembre 2024. Le document indiquait que les heures d’emploi assurable de l’appelante étaient de 1 841 et l’indemnité tenant lieu de préavis était suppriméeNote de bas de page 10.

[21] L’appelante a demandé une révision du trop-payé le 28 janvier 2025Note de bas de page 11.

[22] La Commission a maintenu sa décision sur le trop-payé relatif à la rémunération. Cependant, dans ses observations, elle a confirmé que la décision relative à la rémunération avait été annulée et qu’il restait un trop-payé, selon les nouveaux calculs effectués quant au nombre de semaines d’admissibilité et au taux de prestations de l’appelanteNote de bas de page 12.

[23] Le Tribunal a demandé à la Commission de présenter ses observations sur le nombre de semaines d’admissibilité et le taux de prestations de l’appelante le 7 avril 2025Note de bas de page 13. La Commission a présenté ses observations sur ces questionsNote de bas de page 14. De plus, l’appelante a eu l’occasion de répondre aux observations de la Commission lors de l’audience.

[24] Je considère que j’ai compétence pour statuer sur les décisions rendues concernant les semaines d’admissibilité et le taux de prestations de l’appelante, car le Tribunal peut adopter une approche large dans sa capacité à gérer les appels de manière équitable et efficaceNote de bas de page 15. Les parties ont toutes deux eu l’occasion de présenter des arguments sur ces questions. Le Tribunal établira donc également le nombre de semaines auxquelles l’appelante a droit et le taux de prestations.

Questions en litige

[25] L’appelante a-t-elle reçu une rémunération? Dans l’affirmative, la Commission a-t-elle réparti cette rémunération correctement?

[26] À combien de semaines de prestations l’appelante a-t-elle droit?

[27] Quel est le taux de prestations hebdomadaires de l’appelante?

Analyse

L’appelante a-t-elle reçu une rémunération?

[28] Non, l’appelante n’a pas reçu une rémunération sous forme d’indemnité tenant lieu de préavis.

[29] La loi établit que la rémunération est le revenu intégral qu’une personne reçoit de tout emploiNote de bas de page 16. La loi définit à la fois le « revenu » et l’« emploi ».

[30] Le revenu peut être tout ce qu’une personne a reçu ou recevra d’un employeur ou d’une autre personne. Ce n’est pas nécessairement de l’argent, mais ça l’est souventNote de bas de page 17. L’emploi est tout travail qu’une personne a fait ou fera dans le cadre d’un contrat de travail ou de servicesNote de bas de page 18.

[31] Je considère que l’appelante n’a pas reçu de rémunération sous forme d’indemnité tenant lieu de préavis. Comme je l’ai mentionné plus haut, l’appelante et la Commission conviennent que l’appelante n’a pas reçu de rémunération tenant lieu de préavis. Le relevé d’emploi le plus récent ne fait pas état d’une indemnité tenant lieu de préavis.

À combien de semaines de prestations l’appelante a-t-elle droit?

Période de prestations de l’appelante

[32] La période de prestations est la période durant laquelle la personne peut recevoir des prestations d’assurance-emploi. Une fois que la Commission établit la période de prestations, la personne peut demander des prestations pour une semaine de chômage pendant cette périodeNote de bas de page 19. En général, les périodes de prestations sont d’un an.

[33] La période de prestations commence le dimanche de l’une des semaines suivantes : a) celle au cours de laquelle la personne a subi l’arrêt de rémunération ou b) celle au cours de laquelle elle a présenté sa demande initiale de prestations, si cette date est postérieureNote de bas de page 20.

[34] Un arrêt de rémunération se produit lorsque, selon le cas : a) la personne assurée est licenciée ou cesse d’être au service de son employeur; b) elle se trouve à ne pas travailler pour cet employeur durant une période d’au moins sept jours consécutifs; c) aucune rémunération provenant de cet emploi, autre que celle qui est permise, ne lui est payable ni attribuéeNote de bas de page 21.

[35] Si la demande de prestations est présentée en retard, elle peut être antidatée. Cela signifie qu’elle peut être traitée comme si elle avait été présentée plus tôt. Pour faire antidater sa demande, la personne doit démontrer qu’elle avait un motif valable justifiant le retard pendant toute la période écoulée et qu’elle était admissible au bénéfice des prestations à la date antérieureNote de bas de page 22.

[36] La Commission a décidé d’antidater la demande de l’appelante et de faire commencer sa période de prestations le 25 février 2024.

[37] L’appelante a présenté une demande de prestations le vendredi 1er mars 2024Note de bas de page 23.

[38] Le dernier jour de travail de l’appelante était le 29 février 2024Note de bas de page 24. Elle n’a pas travaillé pendant au moins sept jours consécutifs après cette date. Elle a donc subi un arrêt de rémunération le dimanche 3 mars 2024.

[39] Je considère que la période de prestations de l’appelante commence le 3 mars 2024, car il s’agit de la date la plus tardive entre la semaine au cours de laquelle l’arrêt de rémunération est survenu et la semaine au cours de laquelle la demande initiale de prestations a été présentée. L’appelante n’a pas présenté sa demande de prestations en retard. Cela signifie que je n’ai pas antidaté la demande.

Période de référence de l’appelante

[40] La période de référence correspond en général aux 52 semaines qui précèdent le début de la période de prestations de la partie prestataireNote de bas de page 25. La Commission a décidé que la période de référence de l’appelante correspondait à la période habituelle de 52 semaines précédant la période de prestations, ce que l’appelante ne conteste pas.

[41] Je considère que la période de référence de l’appelante s’étend du 5 mars 2023 au 2 mars 2024. Il s’agit des 52 semaines précédant le début de la période de prestations, le 3 mars 2024.

Heures d’emploi assurable

[42] Pour être admissible aux prestations d’assurance-emploi, il faut avoir travaillé assez d’heures au cours de la période de référenceNote de bas de page 26.

[43] L’appelante affirme avoir travaillé 35 heures par semaine, mais elle a travaillé seulement quatre jours lors de sa dernière semaine au travail. Selon cette méthode, elle a accumulé 1 813 heures d’emploi assurableNote de bas de page 27.

[44] Cependant, le relevé d’emploi montre qu’elle a travaillé seulement 34, 09 heures par semaineNote de bas de page 28. En utilisant cette méthode, elle a accumulé 1 766 heures d’emploi assurableNote de bas de page 29.

[45] La Commission a utilisé un coefficient multiplicateur qui montre que l’appelante a travaillé en moyenne 4, 88 heures par jour. En utilisant cette méthode, elle a accumulé 1 777 heures d’emploi assurableNote de bas de page 30.

[46] Je conclus que l’appelante et la Commission s’entendent sur le fait qu’elle a travaillé entre 1 766 et 1 777 heures au cours de sa période de référence. Je me fonde sur le nombre d’heures d’emploi assurable indiqué dans le relevé d’emploi.

Taux régional de chômage

[47] La Commission a affirmé que l’appelante réside à Kitchener. Le taux régional de chômage à l’époque était de 6, 8 %.

[48] L’appelante ne conteste pas la décision de la Commission sur sa région et le taux de chômage. Les décisions de la Commission sont étayées par les éléments de preuve au dossier; je reconnais donc que l’appelante vivait dans la région économique de Kitchener et que le taux de chômage dans cette région était de 6, 8 % au moment où elle a présenté sa demande.

Nombre maximal de semaines de prestations

[49] Une personne peut recevoir des prestations pendant un nombre maximal de semaines au cours de sa période de prestations. La loi énonce dans un tableau le nombre de semaines que l’on peut obtenir. Le taux de chômage et la région où la personne vit et le nombre d’heures d’emploi assurable qu’elle a travaillées au cours de sa période de référence déterminent le nombre de semaines de prestations qu’elle peut recevoirNote de bas de page 31.

[50] L’appelante affirme qu’elle devrait avoir droit à 37 semaines. Selon elle, la Commission lui a dit qu’elle devrait avoir droit à 37 semaines.

[51] Je conclus que l’appelante peut recevoir un maximum de 36 semaines de prestations d’assurance-emploi. Cette conclusion est fondée sur les 1 766 à 1 777 heures qu’elle a accumulées au cours de sa période de référence et sur le taux de chômage inférieur à 7 %.

[52] L’appelante doit observer un délai de carence d’une semaine à compter de la semaine du 3 mars 2024. Elle a droit à 36 semaines de prestations du 10 mars 2024 au 16 novembre 2024.

[53] Cependant, elle a également reçu des prestations pendant trois semaines supplémentaires, du 17 novembre 2024 au 7 décembre 2024Note de bas de page 32. Il faut donc calculer le trop-payé en conséquence.

Nombre maximal de semaines de prestations

[54] La Commission a décidé que le taux de prestations de l’appelante s’élevait à 661 $. L’appelante ne conteste pas cette conclusion; je l’accepte donc comme un fait. Elle a reçu 668 $ pendant 35 semaines, alors le trop-payé doit être calculé en conséquence.

Le Tribunal peut-il réduire le montant du trop-payé?

[55] Non, le Tribunal n’a pas compétence (le pouvoir de décider) pour réduire ou annuler le montant du trop-payé.

[56] La Commission a effectué plusieurs nouveaux calculs et a envoyé de nombreux avis de dette à l’appelante. La Commission n’a pas supprimé le trop-payé calculé en fonction de la rémunération, jusqu’à ce qu’elle se rende compte de son erreur le 9 décembre 2024 et émette un avis de detteNote de bas de page 33. La Commission n’a pas annulé la prolongation de la période de prestations, jusqu’à ce qu’elle se rende compte de son erreur le 6 janvier 2025 et émette un avis de detteNote de bas de page 34.

[57] L’appelante affirme avoir régulièrement communiqué avec la Commission et avoir suivi ses instructions pour continuer à remplir les déclarations de prestataire. De plus, la Commission reconnaît qu’on a dit à plusieurs reprises à l’appelante qu’elle devait simplement continuer à remplir ses déclarations de prestataire et que le problème serait résoluNote de bas de page 35.

[58] L’appelante affirme qu’elle n’a pas les moyens de rembourser le trop-payé.

[59] La Cour d’appel fédérale a déclaré qu’une partie appelante qui reçoit une somme sans y avoir droit, même à la suite d’une erreur de la Commission, n’est pas dispensée de rembourser cette sommeNote de bas de page 36.

[60] Le Tribunal n’a pas compétence pour réduire ou annuler le montant du trop-payé. Cependant, l’appelante a encore d’autres options, y compris demander directement à la Commission d’annuler le trop-payé ou négocier un plan de remboursement avec l’Agence du revenu du Canada.

Conclusion

[61] L’appelante n’a pas reçu de rémunération sous forme d’indemnité tenant lieu de préavis.

[62] L’appelante peut recevoir jusqu’à 36 semaines de prestations régulières de l’assurance-emploi, mais sa demande de prestations ne devrait pas être antidatée. Son taux de prestations est de 661 $.

[63] Par conséquent, l’appel est rejeté avec modifications.

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