[TRADUCTION]
Citation : SR c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2024 TSS 1745
Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi
Décision
| Partie appelante : | S. R. |
| Partie intimée : | Commission de l’assurance-emploi du Canada |
| Décision portée en appel : | Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (623489) datée du 23 octobre 2023 (communiquée par Service Canada) |
| Membre du Tribunal : | Paul Dusome |
| Mode d’audience : | Téléconférence |
| Date de l’audience : | Le 11 janvier 2024 |
| Personne présente à l’audience : | Appelante |
| Date de la décision : | Le 17 janvier 2024 |
| Numéro de dossier : | GE-23-3340 |
Sur cette page
Décision
[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec l’appelante.
[2] La Commission a démontré que l’appelante a quitté volontairement son emploi. L’appelante n’a pas démontré qu’elle était fondée à quitter son emploi (c’est-à-dire qu’elle avait une raison acceptable selon la loi) au moment où elle l’a fait. L’appelante n’était pas fondée à quitter son emploi parce qu’elle disposait d’autres solutions raisonnables que son départ. Par conséquent, elle est exclue du bénéfice des prestations d’assurance‑emploi.
Aperçu
[3] L’appelante a obtenu des congés annuels de son emploi. Cela devait lui permettre de se rendre à l’étranger pour recevoir des soins médicaux. L’appelante et la Commission de l’assurance-emploi du Canada ne s’entendent pas sur le moment où elle devait revenir au travail. Elle est revenue après la date à laquelle l’employeur a dit qu’elle devait rentrer, mais à la date à laquelle l’appelante a dit qu’elle devait reprendre le travail. Elle a demandé des prestations d’assurance-emploi. L’employeur a traité l’appelante comme si elle avait démissionné par abandon de son emploi. La Commission a examiné les motifs du retour de l’appelante à la date ultérieure. Elle a décidé qu’elle a quitté volontairement son emploi (ou a choisi de démissionner) sans justification, de sorte qu’elle n’était pas en mesure de lui verser des prestations.
[4] Je dois décider si la Commission a prouvé que l’appelante a quitté volontairement son emploi. Si elle l’a fait, je dois décider si la prestataire a prouvé que son départ constituait la seule solution raisonnable.
[5] La Commission affirme que l’appelante a démissionné. Cette conclusion repose sur plusieurs raisons. L’employeur lui avait accordé quatre semaines de vacances, mais l’appelante n’est revenue que deux semaines plus tard. Selon la politique de l’employeur, une personne en vacances qui n’est pas revenue à la date prévue avait démissionné et devait présenter une nouvelle demande d’emploi. L’appelante a perdu son emploi en raison de sa décision personnelle de prolonger unilatéralement sa période de congé et de revenir à une date ultérieure. Elle savait avant de quitter le Canada qu’elle pourrait s’absenter pendant six semaines et non quatre semaines. L’appelante n’était pas fondée à démissionner. Les solutions de rechange raisonnables au départ comprenaient le respect de la date de retour de l’employeur ou l’attente de quelques mois supplémentaires pour pouvoir subir les traitements dont elle devait besoin au Canada.
[6] L’appelante n’est pas d’accord et affirme qu’elle n’a pas démissionné. Ses six semaines d’absence du travail avaient été approuvées verbalement par son gestionnaire environ un mois avant son départ. Elle dit aussi que son retour à la fin des six semaines a été causé par des problèmes de santé imprévus. Le traitement à l’étranger devait prendre fin après quatre semaines. À la fin des quatre semaines, elle avait besoin d’autres traitements. Son médecin lui a conseillé de s’abstenir de tout plan de voyage pendant les traitements supplémentaires afin qu’elle bénéficie de soins ininterrompus et de soins médicaux en temps opportun. Le retour au Canada à la fin de six semaines a été causé par une nécessité médicale et non par un choix personnel.
Question en litige
[7] L’appelante est-elle exclue du bénéfice des prestations parce qu’elle a quitté volontairement son emploi sans justification?
[8] Pour répondre à cette question, je dois d’abord traiter du départ volontaire de l’appelante. Je dois ensuite décider si l’appelante était fondée à quitter son emploi.
Analyse
Les parties ne conviennent pas que l’appelante a quitté volontairement son emploi
[9] L’appelante affirme qu’elle n’a pas quitté volontairement son emploi. Elle soutient qu’elle a obtenu l’approbation verbale de s’absenter du travail pendant six semaines, puis de reprendre son emploi à la fin des six semaines. Elle a conclu que l’employeur avait mis fin à son emploi après quatre semaines d’absence, mais le licenciement était attribuable à des problèmes de santé imprévus.
[10] La Commission affirme que l’appelante n’avait pas l’autorisation de prendre les six semaines de congé et de revenir après la fin de celles-ci. L’employeur n’avait autorisé qu’une absence de quatre semaines. L’employeur a expressément dit à l’appelante que, sans approbation préalable d’un congé supplémentaire, son défaut de revenir à la fin des quatre semaines serait considéré comme une cessation d’emploi pour abandon de poste. L’appelante avait démissionné unilatéralement.
[11] Je conclus que l’appelante a quitté volontairement son emploi chez l’employeur.
[12] L’objectif du régime d’assurance-emploi est d’indemniser les personnes qui sont sans travail indépendamment de leur volonté. Il n’est pas destiné à profiter aux personnes qui choisissent de ne pas travailler ou qui perdent leur emploi du fait de leurs propres gestes. Les prestataires ne peuvent pas risquer délibérément le chômage ou transformer ce qui n’était qu’un risque de chômage en certitude et s’attendre à recevoir des prestationsNote de bas de page 1.
[13] Le critère pour décider si un employé avait quitté volontairement un poste est le suivant : l’employé avait-il le choix de rester ou de partirNote de bas de page 2? Si l’employée a choisi de partir, c’est qu’elle a démissionné.
La preuve présentée par les parties
[14] L’appelante avait un jeune enfant âgé d’environ deux ans. Elle avait fait des fausses couches réparties sur une période de plus de 8 mois en 2022. En mai 2023, son médecin a remis 2 notes indiquant que l’appelante était à l’étranger pour subir un bilan médical complet et des examens médicaux à compter du 26 mai 2023 (pages GD3-42 et GD3-41; GD2-11 et GD2-10). Selon la première note, le processus devait prendre plusieurs semaines. La deuxième note indiquait que le processus devait prendre six semaines. Les deux notes mentionnaient que le traitement au Canada était prolongé et causait un stress mental important à l’appelante. L’appelante a déclaré qu’il lui faudrait attendre un an avant de pouvoir être traitée au Canada.
[15] La demande initiale écrite de congé de l’appelante a été faite par courriel envoyé à son gestionnaire le 19 avril 2023 (page GD3-38). Elle a demandé de travailler à distance pendant 18 jours, puis d’obtenir 3 semaines de vacances à compter du 26 mai. Le gestionnaire lui a envoyé un courriel ce jour-là pour lui demander de ventiler les dates. Il devait ensuite envoyer le tout aux Ressources humaines pour approbation (page GD3-38). Elle a répondu le jour même en indiquant sa ventilation (page GD3-36). L’appelante a déclaré que le gestionnaire avait approuvé son absence de six semaines. Après discussion avec d’autres gestionnaires, le gestionnaire principal a envoyé un courriel aux autres gestionnaires indiquant que l’employeur ne peut approuver la demande de l’appelante. Le travail à distance ne pouvait pas être autorisé à partir d’un autre pays. Les employés ne peuvent pas prendre plus de trois semaines de vacances consécutives. En cas de demande de congé de plus de 3 semaines, l’employée devait démissionner et présenter une nouvelle demande d’emploi à son retour (page GD3-34; voir pages GD3-30 ou GD3-26 pour une copie de cette politique tirée du manuel de l’employé).
[16] Le 24 avril 2023, RW a envoyé un courriel à l’appelante énonçant les politiques sur le travail à distance et le nombre maximal de semaines de vacances consécutives (page GD3-26). Plus tard ce jour-là, RW a envoyé un courriel à l’appelante pour résumer sa discussion plus tôt dans la journée au sujet du travail à distance, des vacances et des congés pour raisons médicales (page GD3-29). Un congé sans solde pour raisons médicales pourrait être demandé comme solution de rechange à la démission si les vacances étaient plus longues que ce qui était permis (y compris une prolongation possible des vacances jusqu’à un maximum de quatre semaines). La demande doit être appuyée au préalable par des documents du médecin au Canada et du médecin en Inde concernant les tests nécessaires et leur calendrier. Le courriel a conclu ce qui suit : [traduction] « Si vous êtes en congé pour une période supplémentaire qui n’a pas été approuvée avant, cela est considéré comme une cessation d’emploi pour abandon de poste. »
[17] Le 11 mai 2023, l’appelante a envoyé un courriel à deux gestionnaires, mais n’a pas envoyé de copie à RW. Elle les a informés qu’elle partirait en vacances à partir du 26e jour pour 4 semaines. Elle a déclaré que pour des raisons médicales, elle devait prendre un congé prolongé sans solde et elle avait fourni des notes du médecin. Elle attendait de RW une réponse au sujet du congé pour raisons médicales. Une fois la réponse reçue, elle informerait les superviseurs du nombre exact de jours de son absence (page GD3-27).
[18] Le 15 mai 2023, RW a envoyé un courriel à l’appelante. Sa demande de quatre semaines de vacances est approuvée. Elle devait soumettre ses congés du 26 mai au 23 juin 2023. Sa demande de congé sans solde pour raisons médicales et de travail à distance n’est pas approuvée (page GD3-29). L’employeur a déclaré que l’appelante devait reprendre le travail le mardi 27 juin 2023 parce que le lundi 26 juin était un jour férié.
[19] Le 16 mai 2023, l’appelante a envoyé un courriel à RW pour lui demander de justifier le refus d’un congé sans solde pour raisons médicales. Elle avait demandé deux semaines supplémentaires, selon l’horaire, à son médecin de l’Université McGill, et une note médicale de son médecin de famille. Elle a déclaré : [traduction] « Ma demande de congé pour raisons médicales visait uniquement à couvrir toute prolongation éventuelle de mon séjour en Inde pour des tests diagnostiques et des traitements » (page GD3-28). La preuve ne comprend pas de réponse à ce courriel.
[20] Le 25 mai 2023, l’appelante a quitté le Canada pour obtenir le traitement médical.
[21] Le 20 juin 2023, à 14 h 1, l’appelante a envoyé un courriel à ses superviseurs et a envoyé une copie à RW. Elle a respectueusement demandé une prolongation de son séjour en raison des résultats des tests médicaux. Les résultats ont nécessité un traitement immédiat et des investigations plus poussées (page GD3-33).
[22] Le 23 juin 2023, à 13 h 34, l’appelante a envoyé un courriel à RW pour lui dire qu’elle était malade et qu’elle n’était pas en état de reprendre le travail le 27 juin. Elle doit être admise pour faire l’objet d’autres investigations la semaine suivante. Elle a joint des documents à l’appui de son médecin en Inde. Elle n’a pas expressément demandé de s’absenter de son emploi. Elle s’est excusée des inconvénients (page GD3-32).
[23] L’appelante a fourni deux rapports médicaux à l’appui de la demande. Le premier, daté du 2 juin 2023, consiste en deux pages de notes manuscrites difficiles à lire. Il fournit peu d’information compréhensible par un profane. Il ne fournit aucun diagnostic, plan de traitement ou délai (page GD3-43). Le deuxième, daté du 23 juin 2023, est un document dactylographié d’une page. Il y était déclaré que l’appelante subirait un cycle induit dans le cadre de son traitement et des investigations pendant la fin de semaine de la semaine suivante. L’appelante devrait s’abstenir de tout projet de voyage pendant toutes ces interventions. Cela était attribuable à des complications éventuelles et au besoin de soins ininterrompus et de soins médicaux en temps opportun (page GD3-55).
[24] RW a répondu au courriel de l’appelante plus tard le 23 juin 2023 pour lui exprimer son empathie. Elle a déclaré : l’employeur [traduction] « ne peut pas maintenir votre poste ouvert; par conséquent, votre emploi prendra fin ». RW a invité l’appelante à présenter une nouvelle demande pour occuper des postes vacants qui pourraient être disponibles une fois qu’elle serait revenue au Canada (page GD3-32).
[25] L’employeur a envoyé à l’appelante une lettre de licenciement datée du 28 juin 2023 (page GD3-17 en français, page GD3-18 en anglais). La lettre indiquait que son emploi a pris fin le 27 juin 2023 pour des raisons qui lui ont été expliquées. La lettre s’est poursuivie avec les questions administratives entourant la fin de l’emploi.
Évaluation de la preuve
[26] Il y a plusieurs incohérences ou contradictions dans le témoignage de l’appelante qui jettent un doute sur la fiabilité de son témoignage. La première concerne la question de savoir si l’employeur a approuvé une absence de quatre ou de six semaines. L’appelante soutenait au départ que sa superviseure avait approuvé sa demande de six semaines de congé annuel et de travail à distance lors de leur discussion du 19 avril 2023. Elle a confirmé cette position dans son témoignage à l’audience. Cette position n’est pas compatible avec l’échange de courriels entre l’appelante et la superviseure le 19 avril 2023. Le courriel de la superviseure indique : « Je l’enverrai aux Ressources humaines pour approbation » (page GD3-38). Il ne mentionne pas que la superviseure avait approuvé l’absence de six semaines. Il est indiqué que la demande devait être soumise aux Ressources humaines pour approbation. La position selon laquelle la période de congé de six semaines avait été approuvée n’est pas non plus conforme aux échanges de courriels du 24 avril au 16 mai 2023 entre RW et l’appelante (pages GD3-26, GD3-28 et GD3-29). Ces échanges indiquaient clairement que l’appelante avait obtenu l’approbation de seulement quatre semaines de vacances et qu’elle n’avait pas obtenu l’approbation d’un congé pour raisons médicales ou du travail à distance. L’appelante était au courant de ces courriels parce qu’elle a envoyé un courriel à RW pour lui demander de justifier le refus de sa demande de congé sans solde pour des raisons médicales (page GD3-28).
[27] L’appelante a fourni un témoignage incohérent sur la question de savoir si l’absence avait duré quatre ou six semaines. Dans sa demande de révision, elle déclare ce qui suit : [traduction] « J’avais planifié de façon réfléchie de revenir dans le délai de quatre semaines d’abord prévu, mais des complications de santé imprévues sont survenues au cours de mes investigations médicales et de mon traitement » (page GD3-49). Cette déclaration est incompatible avec les autres éléments de preuve de l’appelante selon lesquels son absence de six semaines avait été approuvée. Elle est également incompatible avec le fait que le médecin canadien ait déclaré dans sa deuxième note que le traitement devait durer six semaines (page GD3-41). Aucune des notes des médecins en Inde ne précise combien de temps le traitement devait durer (pages GD3-43 et GD3-55). L’appelante a dit à la Commission le 23 octobre 2023 qu’elle savait que le traitement irait au-delà du 27 juin et qu’il y avait de fortes chances qu’elle ne puisse pas revenir à temps (page GD3-67). Elle a confirmé que ces déclarations à la Commission étaient exactes dans son témoignage à l’audience.
[28] Dans son avis d’appel au Tribunal, l’appelante est revenue à sa position selon laquelle elle avait obtenu l’approbation d’une absence de six semaines pour les vacances et du travail à distance. Selon elle, un changement de politique contredisait l’approbation du travail à distance, de sorte qu’elle n’a obtenu que quatre semaines de vacances. Il n’y avait aucune autre preuve d’un changement de politique lié au travail à distance. Elle a ensuite mentionné qu’un congé sans solde de deux semaines initialement approuvé lui avait été refusé, malgré les notes de son médecin (page GD2-8). Les notes du médecin canadien ne fournissaient pas les renseignements demandés par l’employeur le 24 avril 2023 (pages GD3-42 et GD3-41). Les renseignements demandés étaient les suivants : de son médecin canadien, les tests qu’elle devait subir et les heures approximatives de ces rendez-vous; et de ses médecins en Inde, les tests qu’elle devait subir et le moment où les médecins les effectueront. Aucune des notes du médecin canadien n’indiquait que l’appelante devait être en congé pour raisons médicales. Aucune note d’un médecin en Inde n’a été soumise avant le 2 juin 2023. L’appelante a fourni d’autres documents médicaux avec son avis d’appel (pages GD2-19 à GD2-25). Tous ces documents provenaient d’établissements médicaux canadiens. Aucun de ces documents n’indique les dates auxquelles les tests énumérés devaient être effectués ni celles de la délivrance des documents. Aucun d’entre eux ne prouverait une recommandation de congé pour raisons médicales. Aucun des documents n’a fourni à l’employeur l’information dont il avait besoin pour appuyer la demande de congé pour raisons médicales de l’appelante.
[29] La preuve médicale la plus solide à l’appui du besoin de l’appelante d’un congé était la note du 23 juin 2023 du médecin recommandant de ne pas envisager de voyage (page GD3-55). La note ne donne pas de délai pour la conclusion du cycle induit ni pour tout autre diagnostic ou prise en charge après les tests prévus « au cours de la fin de semaine de la semaine suivante ». La note ne précise pas si ce cycle induit fait partie du plan de traitement initial ou s’il s’agit d’une prolongation de ce plan. La note ne précise pas si ce cycle induit est nécessaire en raison de considérations sanitaires imprévues. De plus, la note est trop tardive. Le congé devait être approuvé avant que l’appelante quitte le Canada.
[30] L’autre problème pour l’appelante en ce qui concerne la durée du congé était son itinéraire de vol pour se rendre en Inde et en revenir (page GD3-64). Le document n’indique aucunement la date à laquelle il a été délivré. L’appelante a déclaré qu’elle avait acheté les billets pour le voyage le 18 ou le 19 avril, après avoir obtenu l’approbation verbale de sa superviseure de 3 semaines de vacances et 18 jours de travail à distance. Elle a confirmé dans son témoignage les déclarations suivantes qu’elle a faites à la Commission (page GD3-67). Elle a dit que lorsqu’elle a réservé les billets, elle savait qu’elle devait être au travail le 27 juin. Elle a également mentionné à la Commission qu’elle savait que les traitements iraient au-delà du 27 juin. Elle savait qu’il y avait de fortes chances qu’elle ne puisse pas revenir à temps. Elle espérait avoir terminé à temps pour pouvoir changer son billet et revenir d’ici le 27 juin. Ces renseignements contredisent ses affirmations selon lesquelles elle avait obtenu l’approbation d’une absence de six semaines. L’appelante a également déclaré que le médecin en Inde lui avait dit que le traitement prendrait quatre semaines. C’est pourquoi elle a quitté le Canada le 25 mai. Il n’existe aucune preuve qu’un médecin en Inde a confirmé cette période de quatre semaines. La note du médecin canadien datée du 17 mai 2023 indiquait six semaines. Cela ne concorde pas avec les déclarations susmentionnées de l’appelante au sujet de la nécessité d’être de retour le 27 juin.
[31] Compte tenu de ces facteurs, j’aborde le témoignage de l’appelante avec prudence. Je préfère également le témoignage de la Commission en cas de conflit avec le témoignage de l’appelante.
Décision sur la question de savoir si l’appelante a quitté volontairement son emploi
[32] D’après la preuve examinée ci-dessus, il est clair que l’appelante a pris le risque de ne pas retourner au travail le 27 juin 2023 et de perdre son emploi pour abandon d’emploi. Elle savait le 24 avril, avant de quitter le Canada, qu’elle perdrait son emploi si le congé pour raisons médicales n’était pas approuvé à l’avance. Elle savait le 15 mai que le congé pour raisons médicales n’avait pas été approuvé. Elle est partie le 25 mai en espérant pouvoir revenir le 27 juin.
[33] Le critère pour décider si un employé avait quitté volontairement un poste est le suivant : l’employé a-t-il le choix de rester ou de partirNote de bas de page 3? Si l’employée a choisi de partir, c’est qu’elle a démissionné.
[34] L’appelante a fait valoir que la nécessité de rester après le 27 juin découlait de complications médicales imprévues qui l’ont empêchée de reprendre le travail. De telles complications n’étaient pas imprévues. Son médecin canadien lui avait annoncé à la mi-mai 2023 que le processus prendrait six semaines. Elle a confirmé à la Commission et dans son témoignage qu’elle savait qu’il y avait de fortes chances que le traitement se prolonge au-delà du 27 juin et que si elle ne revenait pas à cette date, ce serait considéré comme un abandon de poste. L’appelante savait que si elle ne reprenait pas le travail le 27 juin, l’employeur traiterait cela comme un abandon de poste, comme si elle avait démissionné.
[35] D’après l’examen du paragraphe précédent, l’employeur n’a pas déclenché la cessation d’emploi de l’appelante. C’est l’absence de retour au travail de l’appelante à la fin des quatre semaines de vacances que l’employeur lui avait accordées qui a déclenché la fin de l’emploi. Elle avait le choix de poursuivre son emploi en reprenant le travail le 27 juin 2023. Elle a choisi de ne pas revenir ce jour-là.
[36] Compte tenu des considérations susmentionnées, je conclus que l’appelante a quitté volontairement son emploi en ne reprenant pas le travail le 27 juin. Avant de quitter le Canada, elle savait que son traitement pourrait se prolonger au-delà du 27 juin et, que si c’était le cas, elle perdrait son emploi. Elle a choisi d’y aller quand même. Lorsqu’elle a demandé l’approbation de l’employeur le 23 juin 2023 pour une autre absence, elle ne l’a pas obtenue. Elle a choisi de rester, plutôt que d’y retourner, en fonction des conseils médicaux. C’était son choix. La question de savoir si l’avis médical lui a donné un motif valable de ne pas reprendre le travail le 27 juin est examinée dans la sous-rubrique suivante.
Les parties ne conviennent pas que l’appelante avait une justification
[37] Les parties ne conviennent pas que l’appelante était fondée à quitter volontairement son emploi lorsqu’elle l’a fait.
[38] La loi prévoit qu’une partie prestataire est exclue du bénéfice des prestations si elle quitte volontairement son emploi sans justificationNote de bas de page 4. Il ne suffit pas d’avoir une bonne raison de quitter un emploi pour prouver l’existence d’une justification.
[39] La loi explique ce qu’elle entend par « justification ». Elle prescrit qu’une personne est fondée à quitter son emploi si son départ constituait la seule solution raisonnable dans son cas. Elle précise qu’il faut tenir compte de toutes les circonstancesNote de bas de page 5.
[40] Seuls les faits qui existaient au moment où l’employée a quitté son emploi doivent être pris en considération pour déterminer si l’employée a prouvé qu’elle était fondée à quitter volontairement son emploiNote de bas de page 6.
[41] Il appartient à l’appelante de démontrer que son départ était fondéNote de bas de page 7. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. C’est donc dire qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’elle n’avait pas d’autre solution raisonnable que de démissionner. Pour décider si l’appelante était fondée à quitter son emploi, je dois examiner toutes les circonstances qui existaient lorsqu’elle a démissionné.
[42] L’appelante a démissionné le 27 juin 2023 lorsqu’elle n’est pas retournée au travail. Je dois regarder les faits qui existaient ce jour-là. Je dois décider si elle n’avait pas d’autre solution raisonnable que de quitter son emploi.
[43] L’appelante affirme qu’elle n’avait pas d’autre solution raisonnable que de reprendre son emploi à ce moment‑là en raison du risque de complications découlant de problèmes de santé imprévus et du risque pour elle si elle voyageait.
[44] La Commission affirme que la prestataire n’était pas fondée à quitter son emploi parce qu’elle avait d’autres solutions raisonnables que de partir lorsqu’elle l’a fait. Plus précisément, il est indiqué que l’appelante s’était engagée à retourner au travail le 27 juin à la fin de ses 4 semaines de vacances. Une solution raisonnable aurait été de retourner au travail à cette date, plutôt que de prolonger unilatéralement son absence de deux semaines. Une autre solution raisonnable aurait été de subir les traitements médicaux et les investigations au Canada. L’appelante aurait pu attendre quelques mois supplémentaires requis au Canada. Cette solution de rechange aurait évité à l’appelante de risquer son emploi si elle n’avait été absente que quatre semaines pour des traitements et des investigations qui devaient durer six semaines.
[45] L’appelante avait soulevé la question de la discrimination (page GD3-20). À l’audience, elle a expliqué que la discrimination était liée à une distinction faite entre le personnel de bureau et le personnel d’entrepôt en ce qui concerne le travail à distance. J’ai examiné avec elle les motifs de distinction illicite énoncés dans la Loi canadienne sur les droits de la personneNote de bas de page 8. Elle confirme qu’aucun d’entre eux ne s’applique à la différence de traitement entre le personnel du bureau et celui de l’entrepôt. Elle n’avait pas d’autres questions de distinction à soulever. Par conséquent, la discrimination comme motif possible de justification ne s’applique pas dans cette décision.
[46] Je conclus que l’appelante n’était pas fondée à démissionner lorsqu’elle l’a fait.
[47] Les faits qui existaient le 27 juin 2023, date à laquelle l’appelante n’est pas retournée au travail, ont été décrits ci-dessus.
[48] Dans les jours précédant le 27 juin 2023, l’appelante s’est retrouvée dans une situation difficile. Son absence approuvée de quatre semaines prenait fin. Elle devait retourner au travail le 27 juin ou se retrouver sans emploi pour abandon d’emploi. Elle le savait avant de commencer ses quatre semaines de vacances. Elle a envoyé un courriel à RW le 23 juin pour informer l’employeur qu’elle n’était pas en état de se joindre au groupe le 27 juin. Elle a joint deux documents médicaux à l’appui. Selon un document, elle devrait s’abstenir de tout plan de voyage en raison de complications éventuelles et pour obtenir des soins ininterrompus et une attention en temps opportun. RW a répondu le jour même, disant que l’employeur ne pouvait pas maintenir son poste ouvert, de sorte que son emploi prendra fin. Donc, dans ces circonstances, l’appelante était-elle fondée à démissionner?
[49] Dans certaines circonstances, les problèmes médicaux peuvent fournir une justification. Elles comporteraient des blessures ou des conditions totalement imprévues, comme un accident de la route ou une chute, ou un problème de santé non diagnostiqué et insoupçonné qui est soudainement devenu aigu. Ces événements pourraient amener la partie prestataire à être hospitalisée et incapable de retourner au travail comme prévu.
[50] La difficulté pour l’appelante est qu’elle s’est mise dans une situation dans laquelle elle risque de ne pas pouvoir revenir au Canada au plus tard le 27 juin. Elle s’est mise à risque de chômage. Elle prévoyait s’absenter du travail pendant six semaines. Elle a cru à tort que la superviseure avait approuvé six semaines. Elle est allée de l’avant et a réservé son voyage pour être absente pendant six semaines. Lorsque l’employeur n’a autorisé que quatre semaines, elle n’a pas modifié ses plans. Elle n’a pas modifié son itinéraire de voyage pour revenir au Canada au plus tard le 27 juin (ou avant) plutôt que le 13 juillet. Elle savait que les traitements pourraient durer plus de quatre semaines. Elle a pris le risque que les traitements ne durent pas plus de quatre semaines. Elle savait que si elle ne revenait pas le 27 juin, elle perdrait son emploi. Elle espérait que l’employeur prolonge son absence. Comme il a été mentionné précédemment, l’objectif de l’assurance-emploi n’est pas de profiter aux personnes qui perdent leur emploi du fait de leurs propres gestes. Les prestataires, comme l’appelante, ne peuvent pas risquer délibérément le chômage ou transformer ce qui n’était qu’un risque de chômage en certitude et s’attendre à recevoir des prestations. Ces deux énoncés s’appliquent à la situation de l’appelante le 27 juin 2023. Elle a pris le risque de se retrouver sans emploi en ne retournant pas au travail le 27 juin si ses traitements n’avaient pas pris fin. Ce risque s’est concrétisé et elle n’est pas revenue le 27 juin parce que d’autres traitements étaient nécessaires. Il ne s’agissait pas d’une circonstance imprévue comme l’a prétendu l’appelante. Il serait contraire à l’objectif de l’assurance-emploi dans ces circonstances de conclure que l’appelante était fondée à quitter son emploi et qu’elle devrait recevoir des prestations d’assurance-emploi.
[51] Les solutions de rechange raisonnables au départ de l’employeur comprenaient le respect de la date de retour de l’employeur. La situation de l’appelante le 27 juin suscite beaucoup de sympathie pour sa situation. Toutefois, la loi est claire : les arbitres ne sont autorisés ni à réécrire la loi ni à l’interpréter d’une manière contraire à son sens ordinaireNote de bas de page 9. L’interprétation de la loi doit tenir compte de l’objet de celle-ci. Alors que l’appelante subissait encore des traitements et qu’elle avait un billet médical la mettant en garde contre les voyages à ce moment-là, je ne peux interpréter le terme « justification » dans la Loi sur l’assurance-emploi de manière à inclure les traitements et les conseils à l’appelante de ne pas voyager. Elle a décidé de prendre le risque que les traitements aient lieu après le 27 juin. Lorsqu’elle a pris cette décision, elle savait que le fait de ne pas retourner au travail à cette date signifierait la fin de son emploi pour abandon d’emploi. Elle a couru le risque et elle a perdu. Le fait d’accepter ce pari comme une justification contreviendrait à l’objet de la Loi sur l’assurance-emploi.
[52] Une autre solution raisonnable aurait été d’attendre que les traitements dont elle avait besoin soient disponibles au Canada, plutôt que de se rendre à l’étranger plus tôt. La Commission a qualifié l’attente de quelques mois de plus (page GD4-6). L’appelante a déclaré que l’attente au Canada était d’un an. Il n’y a aucune confirmation de l’un ou l’autre des temps d’attente dans d’autres éléments de preuve. Elle a témoigné que l’attente était de six mois pour obtenir un rendez-vous. Compte tenu des préoccupations concernant la fiabilité du témoignage de l’appelante et du peu d’éléments de preuve du médecin concernant l’incidence de l’attente sur l’appelante, je n’accepte pas un délai d’attente d’un an. L’attente était donc une solution de rechange raisonnable.
Conclusion
[53] Je conclus que l’appelante est exclue du bénéfice des prestations.
[54] Par conséquent, l’appel est rejeté.