Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : SR c Commission de l’assurance ‑emploi du Canada, 2025 TSS 989

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance‑emploi

Décision

Partie appelante : S. R.
Partie intimée : Commission de l’assurance‑emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (623489) datée du 23 octobre 2023 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Gary Conrad
Mode d’audience : Par écrit
Date de la décision : Le 18 septembre 2025
Numéro de dossier : GE-25-1765

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli.

[2] L’appelante n’a pas quitté volontairement son emploi. Elle a été congédiée et ses actes ne constituent pas une inconduite parce qu’elle n’a pas commis intentionnellement la conduite qui a entraîné son congédiement.

[3] C’est donc dire que l’appelante n’a pas perdu son emploi en raison d’une inconduite, de sorte qu’elle n’est pas exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Aperçu

[4] L’appelante a pris congé de son emploi pour se rendre en Inde afin de subir des interventions médicales.

[5] Son employeur affirme que l’appelante devait retourner au travail le 27 juin 2023, mais qu’elle ne l’a pas fait, de sorte qu’ils ont décidé qu’elle avait abandonné son emploi.

[6] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a décidé que l’appelante avait quitté volontairement son emploi, car son licenciement découlait de sa propre décision de ne pas retourner au travail, de sorte qu’elle ne pouvait pas lui verser de prestations d’assurance-emploi.

[7] L’appelante affirme qu’elle n’a pas démissionné, qu’elle a été congédiée et qu’elle ne pouvait pas revenir lorsque son employeur le voulait, car son médecin en Inde a dit qu’il n’était pas sécuritaire pour elle de revenir au Canada par avion.

Question que je dois examiner en premier

Mode d’audience

[8] L’appelante a demandé que son audience soit tenue par écrit, et les audiences se tiennent normalement sous la forme choisie par l’appelante.

[9] Par conséquent, compte tenu du choix de l’appelante et des décisions (non contraignantes) de la division d’appel qui énoncent l’importance de suivre le choix d’audience de l’appelante Note de bas de page 1 et du fait qu’une audience par écrit est équitable sur le plan procédural pour un appelant Note de bas de page 2, raisonnement que j’estime convaincant, j’ai procédé par écrit.

Questions en litige

[10] Pourquoi l’appelante a-t-elle perdu son emploi?

[11] L’appelante est-elle exclue du bénéfice des prestations?

Analyse

Pourquoi l’appelante a-t-elle perdu son emploi?

Ce que dit la Commission

[12] La Commission soutient que l’appelante a quitté volontairement son emploi.

[13] La Commission soutient que le « départ volontaire » signifie que l’appelante et non l’employeur a pris l’initiative de mettre fin à la relation employeur-employée.

[14] Elle affirme que l’employeur de l’appelante n’a pas pris l’initiative de mettre fin à son emploi. La lettre de licenciement produite par l’employeur découle du fait que l’appelante a pris l’initiative de prolonger unilatéralement le congé approuvé par l’employeur lorsqu’elle n’est pas retournée au travail à la date convenue.

[15] La Commission soutient que la Cour d’appel fédérale (CAF) a statué que lorsqu’une demande de congé annuel pour une période donnée est refusée à un employé, mais qu’il prend un congé quand même, il s’agit d’un cas de départ volontaireNote de bas de page 3.

Ce que dit l’appelante

[16] L’appelante affirme qu’elle n’a pas démissionné; elle a été congédiéeNote de bas de page 4.

[17] Elle affirme qu’elle ne pouvait pas revenir lorsque son employeur voulait qu’elle le fasse, car elle a été hospitalisée en raison d’une réaction médicale imprévue. Elle était devenue inapte à voyagerNote de bas de page 5.

Mes conclusions

[18] Lorsque le motif de la cessation d’emploi de l’appelante n’est pas clair, car le départ volontaire (c.-à-d. la démission) ou l’inconduite (c.-à-d. le congédiement) constituent tous deux des motifs proposés de perte d’emploi, j’ai compétence pour trancher l’un ou l’autre des deux motifs. Peu importe qui a pris l’initiative de rompre la relation d’emploi, car les deux situations peuvent entraîner une exclusion en vertu du même article de la loiNote de bas de page 6.

[19] Je conclus que l’appelante n’a pas démissionné et qu’elle a été congédiée.

[20] Je ne vois aucune preuve de la démission de l’appelante. Je ne vois aucune déclaration ni aucun acte démontrant que l’appelante a démissionné de son emploi. En fait, la preuve démontre qu’elle tentait de conserver son emploi. Elle a parlé à son employeur avant la date prévue de son retour. Elle a tenté de régler avec son employeur l’enjeu de ses problèmes médicaux ne lui permettant pas de revenir comme prévuNote de bas de page 7, mais son employeur lui a simplement dit que si elle ne reprenait pas le travail le 27 juin, son emploi prendrait finNote de bas de page 8.

[21] Je ne considère pas non plus, compte tenu de toutes les circonstances, que l’appelante a abandonné son emploi.

[22] Il y a abandon lorsque l’employé, sans équivoque, par ses paroles ou ses actes et en considérant objectivement toutes les circonstances, abandonne le contrat de travail. J’estime que les paroles et les gestes de l’appelante appuient le contraire; elle n’a pas abandonné son emploi.

[23] Même si elle était absente du travail en raison de problèmes médicaux, l’appelante a clairement exprimé son intention de retourner au travail lorsqu’elle ira mieux. Elle a également dit à son employeur qu’elle le tiendrait au courant de la date prévue de son retour au travail et lui a fourni les documents médicaux dont elle disposait à ce moment-làNote de bas de page 9.

[24] Je conclus plutôt que son employeur l’a licenciée. Il n’a pas demandé de renseignements supplémentaires pour tenter de confirmer une date de retour au travail, ni d’autres renseignements médicaux. Il lui a simplement dit qu’il ne pouvait pas maintenir son poste ouvert et qu’il mettrait donc fin à son emploiNote de bas de page 10. Son employeur lui a également envoyé une lettre de licenciement, intitulée comme telle.

[25] La situation de l’appelante se distingue également de l’affaire de la Cour d’appel fédérale mentionnée par la Commission. Dans l’affaire de la Cour d’appel fédérale, la personne a demandé un congé qui lui a été refusé, mais elle a quand même pris le congé parce qu’elle estimait y avoir droitNote de bas de page 11. Dans le cas de l’appelante, elle n’a pas simplement décidé de prendre plus de congé parce qu’elle le voulait; elle ne pouvait pas revenir pour des raisons médicales. Son médecin lui conseillait de ne pas voyager en raison d’un risque de complications importantesNote de bas de page 12, de sorte que le choix ne lui appartenait pas.

[26] Je conclus que ce n’est pas l’appelante qui a rompu la relation employeur-employée, mais bien l’employeur. Les actes de l’appelante montrent qu’elle tentait de préserver cette relation.

L’appelante est-elle exclue du bénéfice des prestations?

[27] Comme j’ai conclu que l’appelante n’a pas quitté volontairement son emploi, mais a plutôt été congédiée, je déciderai maintenant si les actes de l’appelante pour lesquels elle a été congédiée constituent une inconduite.

[28] Pour constituer une inconduite au sens de la loi, la conduite doit être délibérée. Cela signifie qu’elle est consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 13. Une inconduite comprend aussi une conduite qui est tellement insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 14. Pour qu’il y ait inconduite au sens de la loi, il n’est pas nécessaire que l’appelante ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’elle ait voulu faire quelque chose de mal)Note de bas de page 15.

[29] Il y a inconduite si l’appelante savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’elle soit congédiée pour cette raisonNote de bas de page 16.

[30] Voici donc un résumé de ce qui précède. Je dois examiner trois éléments pour décider si l’appelante a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Ce sont les suivants :

  • Si elle a fait le geste pour lequel elle a été congédiée.
  • Si elle a fait ce geste intentionnellement.
  • Si elle savait, ou aurait dû savoir, qu'elle pourrait être congédiée pour avoir posé ce geste.

[31] Les trois choses doivent être vraies pour que les actions de l’appelant constituent une inconduite.

Ce que dit l’appelante

[32] L’appelante affirme que son chômage était attribuable au fait que son employeur l’a congédiée et non à un acte volontaire qu’elle a commis, car elle a été licenciée pendant une urgence médicale.

Ce que dit la Commission

[33] La Commission a soutenu que l’appelante n’a pas été congédiée, car elle a quitté volontairement son emploi. Par conséquent, elle n’a présenté aucune observation concernant la solution de rechange, si elle était congédiée, à savoir si les actions de l’appelante constituent une inconduite.

Mes conclusions

Faire le geste pour lequel elle a été congédiée

[34] Je conclus que l’appelante a posé le geste pour lequel elle a été congédiée, car aucune partie ne conteste qu’elle n’a pas repris le travail le 27 juin 2023.

Le faire intentionnellement

[35] Je conclus, selon la prépondérance des probabilités, que l’appelante n’a pas intentionnellement fait le geste pour lequel elle a été congédiée parce qu’elle n’avait pas choisi de revenir ou non le 27 juin 2023.

[36] L’appelante a été informée par le personnel médical de ne pas voyager; ce n”était pas un choix pour elle. On ne peut pas dire qu’elle a le choix, c’est-à-dire qu’elle agit intentionnellement, lorsque son médecin lui conseille de ne pas voyager en raison d’un risque de complications importantes pour sa santéNote de bas de page 17.

[37] Pour plus de clarté, ce que je dis, c’est que l’appelante n’était pas dans une situation où elle pouvait retourner au travail comme elle l’avait demandé, mais qu’elle avait plutôt choisi de rester en Inde. En raison de ses problèmes médicaux, que l’appelante n’a pas choisi d’avoir, et qui, selon son médecin, l’ont mise dans une situation où elle ne devait pas prendre l’avion, elle n’a pas été en mesure de choisir de revenir ou non.

Savait ou aurait dû savoir

[38] Étant donné que les trois choses doivent être vraies pour prouver l’inconduite et que j’ai conclu, selon la prépondérance des probabilités, que l’action de l’appelante n’était pas intentionnelle, je n’ai pas besoin d’analyser le troisième facteur.

Alors, l’appelante a-t-elle perdu son emploi en raison d’une inconduite?

[39] Compte tenu des conclusions que j’ai tirées précédemment, je suis d’avis que l’appelante n’a pas perdu son emploi en raison d’une inconduite.

Conclusion

[40] L’appel est accueilli.

[41] L’appelante a été congédiée et ses actes ne constituent pas une inconduite. Cela signifie que l’appelante n’est pas exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

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