Sécurité de la vieillesse (SV) et Supplément de revenu garanti (SRG)

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Décision

[1] Le Tribunal estime que l'appelant n'a pas résidé au Canada entre mai 2009 et juillet 2011.

Introduction

[2] L'intimé a estampillé la demande de pension de la sécurité de la vieillesse (« SV ») de l'appelant le 12 mai 2005. L'intimé a approuvé la demande initialement au taux de 40/40e et ensuite au taux de 21/40e. L'appelant a, par la suite, présenté des demandes de Supplément de revenu garanti (« SRG ») pour les années de revenu 2008 et 2009. Les demandes du 29 avril 2010 ont été rejetées par l'intimé le 20 juin 2011. L'appelant a demandé un ré-examen de cette décision. L'intimé a rejeté la demande de reconsidération le 23 mai 2012, et l'appelant a interjeté appel de cette décision devant le Bureau du Commissaire des tribunaux de révision (« BCTR ») le 12 juin 2012.

[3] Le 10 juin 2013, l'appelant a déposé son Avis de procéder (« Avis ») auprès du Tribunal de la sécurité sociale (« Tribunal »). L'intimé, pour sa part, a déposé son Avis le 16 août 2013.

Mode d'audience

[4] Cet appel a procédé par voie d'audience sous forme de questions et réponses écrites pour les raisons énoncées dans l'avis d'audience daté du 13 janvier 2014.

Droit applicable

[5] En l'espèce, les dispositions législatives et règlementaires pertinentes sont les suivantes.

[6] L'article 257 de la Loi sur l'emploi, la croissance et la prospérité économique de 2012 prévoit que tout appel déposé auprès du BCTR avant le 1er avril 2013 qui n'a pas été instruit par celui-ci est considéré comme ayant été déposé auprès de la Division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

[7] La Partie II de la Loi sur la sécurité de la vieillesse (« LSV ») porte sur le Supplément de revenu garanti (« SRG »). Le paragraphe 11(7) de la LSV énumère les restrictions quant au versement du SRG ainsi :

Restrictions

  1. Il n'est versé aucun supplément pour :
    1. tout mois antérieur de plus de onze mois à celui de la réception de la demande, de l'octroi de la dispense de demande ou de la présentation présumée de la demande;
    2. tout mois pour lequel le pensionné ne peut recevoir de pension;
    3. tout mois complet d'absence suivant six mois d'absence ininterrompue du Canada, le mois du départ n'étant pas compté et indépendamment du fait que celui-ci soit survenu avant ou après l'ouverture du droit à pension;
    4. tout mois complet de non-résidence au Canada suivant la période de six mois consécutive à la cessation de résidence, que celle-ci soit survenue avant ou après l'ouverture du droit à pension;
    5. tout mois pendant lequel le pensionné est, à la fois :
      1. un particulier déterminé,
      2. une personne à l'égard de laquelle un répondant est lié par un engagement en cours de validité sous le régime de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés.

[8] L'article 21 du Règlement sur la sécurité de la vieillesse (« RSV ») est important. Celui-ci distingue entre la « résidence » et « présence » ainsi :

  1. (1) Aux fins de la Loi et du présent règlement,
    1. une personne réside au Canada si elle établit sa demeure et vit ordinairement dans une région du Canada; et
    2. une personne est présente au Canada lorsqu'elle se trouve physiquement dans une région du Canada.

Question en litige

[9] En l'espèce, les parties conviennent et le Tribunal conclut que la question à trancher est la suivante : l'appelant était-il résident ou présent au Canada entre mai 2009 et juillet 2011, soit la période faisant l'objet des demandes de SRG du 29 avril 2010.

Preuve

[10] Le Tribunal a considéré l'ensemble du dossier. Ce qui suit est un résumé de la preuve pertinente en l'espèce.

[11] L'appelant est d'origine haïtienne. Il a résidé au Canada entre le 23 février 1977 et le 1er août 1998. Une pension de la SV au taux de 21/40e lui a donc été accordée. L'intimé a rejeté les demandes de SRG reçues le 29 avril 2010 au motif que l'appelant ne résidait pas au Canada depuis octobre 1998.

[12] L'intimé a enquêté la résidence de l'appelant au Canada. Son rapport daté du 1er octobre 2009 (GT-61 à 68) fournit les données et conclusions suivantes :

Le 30 septembre 2009 nous avons effectué une visite au X X, nous avons rencontré la bru du bénéficiaire qui nous dit que le bénéficiaire est en Haïti et il est là depuis octobre 2008 (1 an), …

Le bénéficiaire a plusieurs voyages de plus de 6 mois…

Nous n'avons aucune preuve qu'il vit au Canada. Selon la RRQ il a travaillé de 1977 à 1998, rien par la suite. À partir de 2001 avec la RAMQ il n'a que des visites les mois d'étés. De plus c'est un an qu'il n'est plus au Canada ce qui nous démontre qu'il vit en Haïti et ne vient que quelques mois par année faire de la présence…

D'après les faits le bénéficiaire ne fait que de la présence au Canada et non de la résidence. C'est depuis le mois d'octobre 2008 qu'il est en Haïti. Il n'a pas fait et ne peut pas faire la preuve documentaire à l'appuis [sic] qu'il vit en permanence au Canada depuis 1999.

[13] Dans le contexte de l'audience, selon la réponse écrite au nom de l'appelant, celui-ci est d'accord avec ce rapport (GT4-3). L'appelant est aussi d'accord avec le rapport d'enquête de l'intimé du 26 mai 2011 (GT-51 à 53), selon la réponse écrite (GT4-3). D'après ce rapport :

Au Canada, il n'a pas vraiment de biens personnels, car il n'a pas de chez soi…il déclare payer 300$ par mois pour sa chambre au sous-sol. Monsieur me fait visiter sa chambre qui possède un petit réfrigérateur. Il n'a pas de reçus pour démontrer qu'il paie bel et bien 300$ par mois… Ses dates de départs et d'arrivées devraient être sensiblement les mêmes qu'en 2010, année durant laquelle il a passé 168 jours hors Canada. Selon les informations reçues, il apparait que le prestataire a passé plus que 183 jours au Canada en 2010.

[14] L'avocat de l'appelant a indiqué que l'appelant n'a aucun bien de valeur ni au Canada ni en Haïti. Il n'a aucun bail, contrat de services publics, propriété ou compte bancaire en Haïti. Il a aussi expliqué qu'il ne possède pas de maison familiale en Haïti. Lorsqu'il est en Haïti, il demeure chez sa sœur. Il a ajouté que son adresse usuelle est à Montréal (GT4-4).

[15] L'appelant ne produit aucune déclaration de revenu en Haïti, tandis qu'au Canada il a fait ses déclarations pour les années 2005, 2006 et 2007 (GT-87 à 103). Dans ses déclarations canadiennes, il a identifié le Québec comme étant sa province de résidence.

[16] Le dossier ne contient aucun document au nom de l'appelant émanant des autorités haïtiennes. Par contre, il détient un permis de conduire canadien, qui était valide jusqu'au 26 mai 2011 (GT-33), ainsi qu'un passeport canadien renouvelé le 23 septembre 2009 à Port-au-Prince (GT-29 à 30). Ce passeport indique les sorties et entrées suivantes :

  1. Sortie Haïti 13 avril 2010, entrée 27 octobre 2010;
  2. Sortie Haïti 12 avril 2011.

[17] Le Tribunal a aussi pris note des entrées et sorties indiquées dans son passeport canadien renouvelé le 20 septembre 2004 à Montréal (GT-35 à 42).

[18] Le 26 septembre 2012, le docteur Hippolyte a noté qu'il a recommandé à l'appelant de passer du temps dans un pays chaud durant l'hiver pour des raisons médicales (GT-115).

Observations

[19] L'appelant soutient qu'il n'existe aucun motif sérieux pour déterminer qu'il ne faisait que de la présence au Canada plutôt que de la résidence pendant la période en question. Il était résident au Canada parce que ses liens au Canada sont plus forts que ses liens avec Haïti. D'ailleurs, il n'existe au dossier de l'intimé aucun document indiquant les dates auxquelles l'appelant était au Canada ou en Haïti entre mai 2009 et juillet 2011.

[20] L'intimé soutient que l'appelant ne réside pas au Canada depuis octobre 1998. Par contre, il y est présent. Ainsi, il n'a pas droit au SRG suite aux demandes de SRG reçues en avril 2010.

Analyse

[21] Il incombe à l'appelant de prouver selon la prépondérance des probabilités qu'il était résident au Canada entre mai 2009 et juillet 2011.

[22] La question de savoir si quelqu'un a établi sa demeure et vit ordinairement dans une région du Canada est une question de fait et dépend des circonstances de chaque cas. Les facteurs suivants peuvent guider le Tribunal dans son analyse afin de déterminer si l'appelant a établi sa demeure et vit ordinairement dans une région du Canada. Cette liste n'est pas exhaustive :

  1. Liens prenant la forme de biens mobiliers, tels que les biens-fonds, les entreprises, les meubles, un automobile, compte de banque, et carte de crédit;
  2. Liens sociaux au Canada (par exemple la participation dans les organismes professionnels);
  3. Autres liens (tels que l'assurance-maladie, permis de conduire, loyer, bail, hypothèque, déclarations d'impôt résidentiels, polices d'assurance, contrats, déclarations de passeport, déclarations d'impôt provinciales ou fédérales);
  4. Liens avec un autre pays;
  5. Régularité et durée du séjour au Canada, ainsi que fréquence et durée des absences du Canada; et,
  6. Le mode de vie de l'intéressé, ou la question de savoir si l'intéressé vivant au Canada y est suffisamment enraciné et établit.

    (Canada (Ministre du Développement des Ressources Humaines) c. Ding, 2005 CF 76; Singer c. Canada (Procureur Général), 2010 CF 607, affirmée 2011 CAF 178)

[23] Le Tribunal a considéré l'ensemble du dossier avec diligence.

[24] En l'espèce, le dossier ne contient aucun document provenant des autorités haïtiennes au sujet de l'appelant. Cependant, les liens officiels au Canada durant la période en question, soit le permis de conduire et le passeport (renouvelé en Haïti), ne démontrent pas en soi un mode de vie très enraciné au Canada. L'appelant a transmis ses déclarations de revenu à l'Agence du revenu du Canada, mais elles concernaient les années précédant la période qui fait l'objet du présent appel. Selon les éléments de preuve présentés, il semble que l'appelant passe son temps au Canada et en Haïti, principalement pour des raisons familiales et sociales. Il n'y a aucun document à l'appui pour démontrer qu'il louait un appartement à Montréal. Bref, les liens officiels et le mode de vie de l'appelant au Canada vis-à-vis Haïti n'étaient pas concluants quant à la détermination de résidence au Canada entre mai 2009 et juillet 2011.

[25] Par conséquent, le Tribunal a dû examiner la régularité et durée des séjours au Canada, ainsi que la fréquence et durée des absences du Canada. La preuve à cet effet était plus fiable. Selon le rapport du 1er octobre 2009 (avec lequel l'appelant est d'accord), l'appelant était absent du Canada pendant un an, soit entre octobre 2008 et le 30 septembre 2009. Selon le rapport du 26 mai 2011, aussi incontesté par l'appelant, celui-ci est revenu au Canada le 13 avril 2010. Cette déclaration est appuyée par les estampilles dans son passeport valide à l'époque. Selon ce passeport, l'appelant est retourné en Haïti le 27 octobre 2010, puis il y est resté jusqu'au 12 avril 2011.

[26] En sommaire, la preuve démontre que l'appelant était absent du Canada pendant au moins six mois avant mai 2009 (novembre 2008 à avril 2009). Cette absence a continué sans interruption entre mai 2009 et le 13 avril 2010 (une période d'environ 11.5 mois). Il était au Canada du 13 avril 2010 au 27 octobre 2010 (environ 6.5 mois). Entre le 27 octobre 2010 et le 12 avril 2011 il a passé son temps en Haïti (environ 5.5 mois). Selon les renseignements inscrits dans les passeports, l'appelant partageait son temps entre le Canada et Haïti. Ainsi, le Tribunal présume qu'il était au Canada entre le 12 avril 2011 et juillet 2011 (pendant à peu près 3.5 mois).

[27] Une personne ne peut être résident que dans un pays à la fois. À la lumière de la preuve présentée, le Tribunal conclut que l'appelant ne résidait pas au Canada au sens de l'alinéa 21(1)a) du RSV entre mai 2009 et juillet 2011. Il n'a pas convaincu le Tribunal que son mode de vie était suffisamment enraciné et établit au Canada. Par contre, il a passé la plupart de son temps en Haïti durant cette période.

Conclusion

[28] L'appel est rejeté.

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